AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Nicolas Bouvier (737)


On ne voyage pas sans connaître ces instants où ce dont on s'était fait fort se défile et vous trahit comme dans un cauchemar. Derrière ce dénuement terrifiant, au-delà de ce point zéro de l'existence et du bout de la route il doit encore y avoir quelque chose.
Commenter  J’apprécie          140
Nicolas Bouvier
Ma jeunesse m’est revenue comme une gifle
Ma tête était devenue une ruche d’abeilles dorées
Suis resté là, longtemps, avec cette musique
Qui emportait mon temps perdu comme billes de bois flotté
Commenter  J’apprécie          140
Bibliothèques

Les hasards de la vie m'ont un peu marié aux bibliothèques. Mon père était bibliothécaire et parlait quatre langues, ma mère les parlait avec la même aisance et était sans doute la plus piètre cuisinière à l'ouest de Suez. C'est dire que, dans mon enfance, le coupe-papier l'emportait sur le couteau à pain et que cette constellation familiale a fait de moi un grand bouffeur de livres et un voyageur à l'épreuve de n'importe quelle tambouille. (p. 63)
Commenter  J’apprécie          142
Il faudrait boire un peu de saké chaud, mais je ne veux pas réveiller cette maison endormie, et je n'ai presque plus d'argent. J'allume une lampe de poche et relis pour me réconforter quelques pages de Jacques le Fataliste, mais on n'y cesse de s'y divertir en bonne compagnie et d'y boire de l'anjou à pichets renversés. Je m'allonge dans le noir en me persuadant, pour endiguer la déroute, que mes deux voisins sont des Bouddhas, et moi aussi. Les derniers sutra l'affirment.
Commenter  J’apprécie          143
L'an 557 avant notre ère, le Bouddha Çakya-Muni naît, fils de roi, dans une petite cour du Népal, et sidère les sages-femmes qui le délivrent en leur donnant déjà les conseils les plus pertinents.
Après des années de méditation, il s'aperçoit dans un éclair que ce monde n'est qu'une illusion à laquelle nos appétits nous enchaînent et enseigne "Huit Moyens" pour s'en détacher, échapper au cycle des renaissances, et aller reposer dans la paix du Nirvana (le lieu où rien ne souffle plus). Ayant prêché le respect de toute vie, laissés des sermons (sutra) et formé des disciples, il meurt, et toute la création, désolée, plantes, insectes, hommes et animaux, s'assemble pour veiller sa dépouille. Sauf le chat, qui a préféré ce jour-là "aller à ses affaires", et s'est ainsi taillé, dans toute l'Asie bouddhiste, une réputation de vaurien qui dure encore. Mille ans plus tard, ou presque, en l'année 552 de notre ère, l'empereur du Japon Kimeï déballe dans son palais d'Asuka (au sud de Nara) les présents de son voisin, le roi de Corée, vient de lui faire parvenir. Parmi les pièces de soie, il trouve plusieurs rouleaux des Écritures bouddhiques, puis il démaillote une statue de bronze doré qui est celle du Bouddha. Il l'examine, "bondit de joie (selon le Nihongi) et assure que l'expression de ce Bouddha... est d'une dignité grave telle que Nous n'en avons encore jamais vue."
Par cette seule remarque, qui va si candidement à l'essentiel, l'empereur Kimeï prouve que le Japon du VIe siècle mérite bien le cadeau qui lui est fait.
Entre ces deux évènements, le bouddhisme a fait du chemin. Chassé de l'Inde au bout de quelques siècles, il atteint l'Asie centrale par le Tibet ou par l'Afghanistan et s'enrichit au passage d'influences hellénistes, mazdéennes, tantriques, chinoises et - qui sait - chrétiennes nestoriennes.
En 64 de notre ère, l'empereur Han se convertit.
Au IVe siècle, c'est le tour de la Corée. Puis au bout du voyage, la "Bonne Loi" atteint le pays extrême, le Japon.
Enrichi de toutes les alluvions ramassées en cours de route, le bouddhisme est alors devenu une doctrine multiforme, d'une complexité et d'une richesse inconcevable, allant de la piété la plus frustre aux spéculations métaphysiques les plus vertigineuses. Tous les aspects de la spiritualité asiatique y sont, par un coin ou par un autre, représentés.
Commenter  J’apprécie          140
Ici, prendre son temps est le meilleur moyen de n’en pas perdre.
Commenter  J’apprécie          140
Pour traverser l'Indou-Kouch et gagner le Turkménistan afghan - l'ancienne Bactriane – il faut un passeport de la police de Kaboul et une place dans l'autobus de l'Afghan Mail ou sur un des camions qui montent vers le nord. Ce permis est souvent refusé ; mais lorsqu'on lui fournit une raison simple, évidente et qui lui parle – voir du pays, vagabonder – la police est bonne fille. Tout musulman, même flic, est un nomade potentiel. Dites djahan (le monde) ou shah rah (la grand-route) , il se voit déjà libre de tout, cherchant la Vérité et foulant la poussière sous un mince croissant de lune. En ajoutant que je n'étais pas pressé, j'ai obtenu mon permis tout de suite.

(pages 341-342)
Commenter  J’apprécie          141
Les mécaniques, le progrès : bon ! Mais on mesure mal sa dépendance, et quand il vous lâche, on est moins bien partagé que ceux qui croyaient à la Dame Blanche, au Moine Bourru, ou devaient compter, pour leurs récoltes, sur les Génies les plus rétifs. Au moins pouvaient-ils les morigéner, comme les Hittites ; leur décocher des flèches en visant le ciel, comme les Massagètes, ou punir leur fainéantise en retirant pour un temps de leurs autels les aliments rituels. Mais comment s'en prendre à l'électricité ?
Commenter  J’apprécie          140
Je déchirais et recommençais vingt fois la même page sans parvenir à dépasser le point critique. Tout de même, à force de me buter et de pousser j'obtenais parfois pour un petit moment le plaisir de dire sans trop de raideur comme j'avais pensé.
Commenter  J’apprécie          140
Nicolas Bouvier
En route, le mieux c'est de se perdre. Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises et c'est alors, mais alors seulement, que le voyage commence.
Commenter  J’apprécie          140
Voyageur, Nicolas Bouvier l'est bien-au-delà des canons du -travel writing- dont la vogue lui a néamoins permis d'accéder à la reconnaissance. Si ses observation sont des témoignages historiques (sur l'Allemagne de 1948, la France et l'Afrique du Nord de 1958, l'Indonésie de 1970, la Chine de 1986), elles renvoient surtout l'écho d'une succession de voyages initiatiques aux divers âges de la vie, et en cela elles forment une sorte d'autobiographie involontaire. - introduction de Mario Pasa
Commenter  J’apprécie          140
Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux: la lenteur.
Commenter  J’apprécie          140
Au XVIII éme, le voyageur Allemand Kaempfer (qui visite le Japon) conclut "que le système tout entier des Dieux du Shinto est un tissu si ridicule de fables monstrueuses et inacceptables que ceux-là même dont l'affaire est de les étudier ont vergogne de révéler ces inepties à leurs propres sectateurs et encore bien plus aux bouddhistes ou aux membres de quelques autre religion". Et je vous devine bien près de lui donner raison.

Question d'habitude et de latitude. Après tout, un Homme-Dieu né d'une vierge dans une étable, réchauffée par un âne et un bœuf, et cloué sur deux poutres entre deux voleurs par la volonté d'un père miséricordieux... Mettez-vous à la place du premier japonais qui a entendu cette histoire pour nous si familière!

(P 20)
Commenter  J’apprécie          140
En quinze ans de persécutions massives, la chrétienté japonaise est détruite. On renie Dieu ou on meurt sur la croix, dans l'huile bouillante, dans la lave des volcans du Kyushu... cela avec un empressement, un courage, un mépris de ce bas monde qui édifient et médusent l'Occident. C'est que, dans l'éthique japonaise, mourir pour son seigneur est dans l'ordre des choses : même un vaurien connaît cette règle-là. A plus forte raison quand le Seigneur est déjà mort pour vous. Aux yeux des convertis japonais, le Christ est devenu le daimyo suprême...
Commenter  J’apprécie          130
Le problème [...] arriverait jusqu'au contribuable américain. Nous savons que ce contribuable est le plus généreux du monde. Nous savons aussi qu'il est souvent mal informé, qu'il entend que les choses soient faites à sa manière, et qu'il apprécie les résultats qui flattent sa sentimentalité. On le persuadera sans peine qu'on tient le communisme en échec en construisant des école semblables à celle dont il garde un si plaisant souvenir. Il aura plus de mal à admettre que ce qui est bon chez lui peut ne pas l'être ailleurs ; que l'Iran, ce vieil aristocrate qui a tout connu de la vie... et beaucoup oublié, est allergique aux remèdes ordinaires et réclame un traitement spécial.
Les cadeaux ne sont pas toujours faciles à faire quand les « enfants » ont cinq mille ans de plus que Santa Klaus.
(P195)
Commenter  J’apprécie          130
En Perse où l’on s’autorise pourtant bien des choses, il est interdit de péter, fût-ce en plein désert. Quand Thierry qui somnole sur le bas-flanc, à demi gâteux de fatigue, enfreint cet usage, la patronne se retourne comme une vipère et le menace de l’index. C’est une vieille coquine osseuse et sale qui va et vient dans sa cambuse, deux énormes matous sur les talons, et chantonne d’une voix rauque en attisant le samovar. Le thé servi, elle s’étend sur le dos et se met à ronfler. Quant à son homme, il dort contre la porte sous un drap constellé de mouches, confit dans l’odeur de l’opium.
Commenter  J’apprécie          130
Cette même semaine, un Kurde mourut dans la ville sans que sa famille fût là pour l’emporter. Pas de chance ! Il serait « mal enterré ». Entre ces montagnards sunnites et ces citadins shi’ites, il existait une rogne vivace que mille incidents se chargeaient d’alimenter. Mais les Kurdes sont de dangereux bagarreurs et les Tabrizi les craignaient trop pour les attaquer vivants ; ils prenaient malicieusement leur revanche à l’heure de la mort. Les Kurdes trépassés dans la ville couraient grand risque d’être enterrés à plat et face contre terre, au lieu d’être installés dans la fosse, le visage tourné contre La Mecque, comme l’exige la coutume. Ainsi Azraël, l’Ange de la Mort, blessé par cette posture inconvenante, leur refuserait l’accès du Paradis. Aussi arrivait-il parfois qu’un Kurde, malade à l’hôpital du district, et sentant ses forces décroître, disparaisse, vole un cheval et rentre, bride abattue, mourir en Kurdistan.
Commenter  J’apprécie          130
On voyage pour que les choses surviennent et changent ; sans quoi on resterait chez soi.
Commenter  J’apprécie          130
On traduit ce qui vous tombe sous la main (...) Rousseau, qui dit que la nature est bonne, Tourgueniev, dont la mélancolie rend un son familier, enfin Jules Verne, parce que les japonais ne font pas les choses à moitié et que, s'il faut déjà penser "moderne", autant penser futuriste.
Commenter  J’apprécie          130
Le Cap Kyoga

Au bout du cap, au bout de tout
il y a ce temple shintô encadré par la pluie
lourdes solives de châtaignier
dont les veines épuisées
absorbent encore une fois l'averse
travail de charpente comme on n'en fait plus ?
si vous voulez !
beau, pour ceux qui l'ont fait, peut-être
le temps de s'essuyer le front
mais pour moi? brouillon, phraseur, touriste
et si affamé tout de même.

Vieillard à moitié nu
assis sur la dernière marche
qui m'adresse un regard vert
à travers ta tignasse d'étoile
spectacle intéressant sans doute
baisse les paupières, vieil homme!
toi et tes réponses
vous venez trop tard ou trop tôt
la saison des récoltes est passée
l'espace hivernal et sa peur m'occupent entièrement
c'est à la neige et à l'absence
que je mendie à présent ma chaleur

orties et poussière
cabanes usées par le vent et la mer
jusqu'où- je vous le demande-
fait-il traîner encore
ce moi qui voudrait tant grandir.

Tango-Hanto,
septembre 1964
Commenter  J’apprécie          120



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Nicolas Bouvier Voir plus

Quiz Voir plus

L'usage du monde - Nicolas Bouvier

En juin 1953 débute l’aventure. Nicolas et Thierry partent-ils à pied, en voiture ou à dos d’âne ?

à pied
en voiture
à dos d’âne

10 questions
155 lecteurs ont répondu
Thème : L'usage du monde de Nicolas BouvierCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..