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Critiques de Nicolas Mathieu (1597)
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Aux animaux la guerre

Sur fond de fermeture programmée d’une usine d’équipement automobile dans les Vosges, Nicolas MATHIEU brosse le portrait acerbe d’une classe ouvrière qui disparait dans une indifférence générale.

Ce roman raconte, à travers plusieurs personnages liés soit directement, soit par leur famille, à la fin inéluctable de Velocia, un équipementier automobile. A la suite de récurrentes pertes financières, l’usine va fermer parce que « c’est ce que les usines font » avec tout ce que cela entraîne comme désespoir et comme colère.

Les ouvriers qui ont été élevés par leurs parents, ouvriers avant eux, à une époque où l’on disait « c’est le travail qui fait le bonhomme », sont désemparés de se voir arrachés à « ce monde de peine et de réconfort qui n’a cessé de rapetisser ». Si leur passé fut solide, leur présent s’effrite et leur avenir est plus qu’incertain.

En parallèle de ce drame social, la jeunesse vit une adolescence désœuvrée, en marge des guerres que vont perdre leurs parents, dans un hiver vosgien qui n’en finit plus. Les conséquences ne sont pas encore là pour eux.

La construction de ce roman est très habile car on observe la vie de ces personnages, arrivés ou nés dans la région, sans se rendre compte tout de suite que leurs différentes histoires sont en fait une seule et même histoire. Car progressivement, on comprend qu’ils ont tous un lien entre eux et que ce lien tourne autour de cette usine qui va fermer.

Des personnages durs qui se débattent avec leur vie, faite de résistance et de débrouille, qui auraient voulu qu’elle se passe autrement, s’il en avait eu le choix et qui auront comme seule consolation celle de se dire qu’ « un jour, la classe ouvrière avait existé. Ils pourraient en témoigner. Si jamais quelqu’un le demandait ».

Un premier roman, saisissant et sombre, où Nicolas MATHIEU révèle une grande maîtrise littéraire qu’il confirmera quelques années plus tard, avec le très beau prix Goncourt Leurs enfants après eux, digne suite de ce premier opus social.
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Aux animaux la guerre

Un polar qui prend son temps pour brosser le portrait d'un coin des Vosges qui se meurt, d'un bout de Lorraine où les petites frappes se prennent pour des caïds et où la plupart des gens savent depuis toujours que la fin du monde n'est pas loin.



Des déclassés, des « plus bons à rien », des mômes sans avenir qui se croisent, tissent des bouts d'amitié au gré des combines, s'inventent des rêves pour quand le printemps reviendra et qu'ils pourront se tirer loin de là.



Portrait morose d'une société qui se perd, ce polar joue sur les flash-backs et cette cassure dans le rythme de cette dégringolade sociale inéluctable est bienvenue. Il multiplie les portraits avec intelligence en humanisant la descente aux enfers de ces recalés, en instillant une sorte de tendresse bienveillante pour ces « minables » même si l'amertume se faufile entre chaque ligne…



Un bon roman noir, addictif, dans lequel on retrouve l'univers et le style de Nicolas Mathieu et qui dose avec justesse roman social et polar.
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Aux animaux la guerre

La finesse de l'analyse sociale et l'écriture intelligente de l'auteur sont à l'opposé des personnages masculins de ce roman qui transpirent la testostérone ,la brutalité et la bêtise. Pourtant ils sont presque émouvants sous la plume de Nicolas Mathieu parce que " plus à plaindre qu'à blâmer" !

Ce Polar social se déroule dans les Vosges et je dois avouer que c'est ce qui m'a attiré. Un petit retour dans ma région natale me tentait bien. Cependant la balade n'a rien eu de bucolique. Si j'ai retrouvé avec plaisir les villages de mon enfance et même celui où je suis née , ainsi que les patronymes bien de chez nous, j'ai surtout redécouvert un département meurtri par les fermetures d'usines et en proie à une précarité économique mais aussi culturelle. La classe ouvrière se retrouve anéantie et si tout n'était pas rose dans les usines il existait une conscience de classe,des repères,des liens,une culture qui faisaient tenir debout. La disparition des OS et des ouvriers de secondes classes que représentaient par la suite les intérimaires laisse une partie de la population sans espoir,sans avenir. C'est dans ce no man's Land social que Bruce et Martel se retrouvent embringués dans l'enlèvement d'une jeune prostituée sans se rendre compte qu'ils n'ont pas l'envergure de vrais malfrats. On assiste au carnage prévisible. Rita est le personnage positif du roman. Inspectrice du travail elle se retrouve sans le savoir une pièce essentielle du drame qui se joue. Elle continue à défendre ses valeurs et ne mesure pas les risques qu'elle prend . Gravitent autour de ces trois personnages tout un petit monde dont j'ai mis un peu de temps à repérer et surtout à comprendre ce qui les reliait. Il faut dire que j'ai lu ce roman dans de mauvaises conditions ,ne pouvant lire que par bribes alors que c'est un roman qui nécessite de s'y plonger une bonne fois pour toute !
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Aux animaux la guerre

Cet extrait d’une interview de Nicolas Mathieu publiée en 2018 sur le site de Télérama résume très bien ce que l’auteur a souhaité construire avec ce polar. Il s’exprime dans cette interview sur l’adaptation du livre en série : « Dès le départ, j’avais un principe moral, qui explique la forme chorale du roman : je ne voulais pas raconter l’histoire du point de vue d’un seul personnage, parce que chacun a ses raisons de faire ce qu’il fait. »



La chronique d’un monde ouvrier, la chronique d’un monde qui se bat et que l’on entend peu mais aussi la chronique d’une jeunesse qui grandit à l’écart des villes et tente s’en sortir. « Aux animaux de la guerre » c’est un peut tout ça à la fois et c’est d’une justesse rare. Une claque en somme avec des personnages marquants et des dialogues qui sonnent. Une fois démarré difficile de décrocher.



extrait : « La voiture roulait vite, délicate et véloce, emmenant après elle le chagrin et la violence. »
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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Aux animaux la guerre

Lu dans le cadre du comité polar sur la lutte des classes organisé par une des librairies indépendante de Saint-Nazaire.

Ayant beaucoup apprécié Leurs enfants après eux, j’ai eu envie de découvrir un autre livre de Nicolas Mathieu. Encore plus noir que le souvenir que je conserve de ce dernier parce que plus violent. Imaginez l’ambiance. C’est l’hiver, la neige tombe dans les Vosges et l’usine Velocia qui embauche des famille de génération en génération est en passe de fermer. Alors même si travailler en usine ne fait rêver personne, c’est la catastrophe. Parce que les Vosges, c’est bien connu, c’est le trou. « A se demander si ces péteux de Nancy n'avaient pas raison : les Vosges c'était vraiment un trou de trois fois rien, fallait pas plus de deux coups de fil pour en faire le tour. » Les jeunes tuent l’ennui dans l’alcool, la cigarette, la drogue, le sexe, les boîtes, au volant de leur moto. A l’école, ils ne sont pas des flèches. L’avenir que leur prévoit Nicolas Mathieu est tellement sombre « En attendant, ils iraient stagner dans de piètres F2, mijotant aux zones périphériques. Ils seraient pauvres et leurs enfants plus pauvres encore. Ils deviendraient peut-être comme ces misérables qu'ils avaient tant méprisés, manouches, feignants, drogués, profiteurs, bicots, ratons, négros, ceux d'en bas, bariolés et faux français, hétéroclites et bidouilleurs, de tout en bas, sous-sol qui les appelait. »

J’ai beaucoup apprécié la construction du roman. Au fil de chaque chapitre, on suit un des personnages, ce qui permet de s’attacher à lui et de voir son évolution, enfin surtout la manière dont il s’enfonce davantage. Il y a Martel, délégué syndical endetté jusqu’au cou et tentant de renflouer les caisses par le biais de combines foireuses, Rita l’inspectrice du travail peu orthodoxe parce qu’elle picole et se prend pour Mère Térésa dans le but de sauver une jeune fille de la prostitution, Bruce dans le pétrin jusqu’au cou parce qu’il se mesure à beaucoup trop fort pour lui, Lydie qui attire les mecs comme des mouches… Vous l’avez compris, il s’agit d’une fresque sociale malheureusement très réaliste et extrêmement prenante.

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Aux animaux la guerre

En commençant "Aux animaux la guerre", j'ai pensé au roman "Les Vivants et les Morts" de Gérard Mordillat. Puis tout à coup, je me suis retrouvée dans l'atmosphère cinématographique de "Fargo" des frères Cohen. Mais surtout j'ai aimé découvrir le coin des Vosges que décrit Nicolas Mathieu, entre fermeture d'usine et désert social, et tous les personnages de cet excellent polar. Aucun, des plus centraux , comme Rita Kleber l'inspectrice du travail téméraire, ou Bruce Duruy, intérimaire bodybuildé mais surtout démoli par son histoire familiale, au plus "secondaire" comme Victor Tokarev, inquiétant caïd local de la prostitution, ou Nadia, lycéenne punk mais pas gothique, ne sont négligés. Chacun a une histoire, une épaisseur qui rend ce roman passionnant. J'ai parfois redouté le virage que pouvait prendre cette histoire trés sombre. Mais j'ai finalement été scotchée par l'histoire personnelle de chaque personnage. Du grand et bon polar social !
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Aux animaux la guerre

Putain (oui je sais un de ces quatre faudrait que je songe à changer mon entrée).



J'en ai des fourmis dans les doigts, les tympans qui cinglent, la bile qui s'active, la...



J'suis prêt à m'agenouiller pour que tu comprennes à quel point c'est IMPORTANT de lire ce roman noir (ROMAN NOIR ma gueule pas srilleur dac ?).



Parce que c'est pas parce t'as les mêmes couleurs que Millenium que tout de suite tu dois inventer des histoires avec un pédopornkiller ou des conspirations nazies qui sentent le réchauffé depuis 2008 nan !



Tu peux faire de la qualité en calant ton scénar' dans les Vosges, faire du bon gros polarpopulaire avec des gueules cassées, des victimes de la crise, des portraits tout droit sortis de ce fabuleux bouquin de Christophe Guilly, Fractures Françaises, et tout ça sans tomber dans la fange des stéréotypes de merde qu'on a l'habitude de lire dans les boutiques Relay entre deux trains.



T'as compris je te le fais pas en mille je suis absolument charmé par ce putain de livre.



C'est tellement respectueux, avec un ton qui tient en haleine t'as pas idée. Un genre de Thierry Jonquet qui se passerait pas à Paris et avec un côté moins identitaire facho non assumé.



L'histoire de français dont tout le monde se branle, qui votaient LCR dans les années 80, prêts à défroquer un patron mais qui oubliés aujourd'hui et laminés par la crise et en plein plan social se débrouillent de petites combines, lâchent des commentaires haineux tout en côtoyant des frangins rebeus et finalement se sentir dépassés par ces putains de gouvernebanques.



Et là où j'ai trouvé ça magistral c'est que pour UNE putain de fois, les portraits sont justes, on à affaire à des gens intelligents juste fatigués de mettre les mains dans la merde.



De l'ouvrier à l'inspectrice du travail, du conseiller d'orientation au chauffeur de taxi... A la lecture en fait tu te rends compte de ta propre connerie à cracher sur tout le monde, à favoriser la division plutôt que la communication et l'entraide humaine.



Un roman noir CLAQUE. A lire à relire au Roi Lear, à Marcos, à la joie etc.



Putain.

N-I-C-K-E-L.


Lien : https://www.instagram.com/lo..
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Aux animaux la guerre

Deuxième roman de Nicolas Mathieu que je découvre, le premier étant "Leurs enfants après eux" (Goncourt 2018, mais je l'avais déjà lu avant !). Et j'ai commis la même erreur que pour le précédent, comprendre : je l'ai lu dans une période où mon moral était un peu en berne. Et bien sûr, cette lecture n'a rien arrangé ! (Je vous rassure, si par hasard quelqu'un s'en inquiétait, depuis hier ça va beaucoup mieux.)

L'histoire se déroule dans les Vosges, département voisin du mien. Moi quand on me parle des Vosges, je vois les belles balades en montagne, les fermes-auberges avec le repas du marcaire (lourd, mais si bon !), les vaches noires et blanches avec leurs cloches, ou les lacs au bord desquels j'aime pique-niquer. Que du plaisir !

Rien de bucolique dans le roman de Nicolas Mathieu par contre, dès le titre on le comprend. Déjà ça commence à Oran, en pleine guerre d'Algérie, par des exécutions en pleine rue. J'avoue que je me demande encore pourquoi ce sinistre prologue, étant donné que ça n'a presque rien à voir avec la suite, excepté qu'on va retrouver un des protagonistes quelques décennies plus tard, installé à "La Ferme", une bâtisse délabrée où il vit en compagnie de sa fille alcoolique et de ses deux petits-enfants. Ensuite on fait la connaissance de Martel, secrétaire du comité d'entreprise de Velocia, une usine dont l'avenir est sombre, les jours sont comptés avant la fermeture. La centaine d'OS (ouvriers spécialisés) vont être licenciés, la grogne monte. Une inspectrice du travail, Rita, tente d'aider Martel à négocier de meilleures conditions de départ aux gars. Entre-temps Martel s'est mis dans de sales draps pour payer la facture de la maison de retraite de sa mère, il est entré dans des combines louches, influencé par son pote Bruce, connu à l'usine.

Bruce "marche" aux stéroïdes, qu'il n'hésite pas à mélanger avec d'autres substances plus ou moins légales, et le résultat n'est pas toujours brillant.

On va aussi croiser une jeune prostituée qui se fera enlever sur son bout de trottoir à Strasbourg, un lycéen amoureux et coincé, une jeune fille à la dérive et pas mal d'autres personnages dont la joie de vivre est bien planquée. Le pied quoi !

Ce n'est pas un polar à proprement parler, même s'il s'agit de retrouver la prostituée enlevée, il n'y a pas de flics dans l'histoire, mais c'est noir par contre, pas de doute, il n'y a que la neige pour mettre un peu de blancheur là-dedans. C'est une période où les entreprises du coin déclinent, les jeunes savent qu'ils n'ont que peu de perspectives d'avenir (on retrouvera ce thème encore plus développé dans "Leurs enfants après eux"), bref tout le monde a le moral en berne et cherche à s'en sortir comme il peut, y compris par des combines pas très catholiques. L'ambiance est superbement rendue, à tel point qu'on a presque envie de prendre sa vieille voiture et d'aller la jeter contre le premier mur venu, pour peu qu'on soit un peu "down" pendant la lecture...

Ce n'était pas le bon moment pour moi, je n'ai pas été en mesure d'apprécier complètement les qualités d'écriture et la finesse de la psychologie des personnages créés par l'auteur. Il n'y est pour rien, peut-être qu'à un autre moment j'aurais pris plus de distance et serais sortie moins plombée de ma lecture. Par contre, j'aurais certainement émis les mêmes réserves quant au premier chapitre, inutile selon moi.

Je ne déconseille pas du tout, c'est un bon premier roman, simplement mieux vaut le découvrir dans une période où tout va bien dans votre vie !

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Aux animaux la guerre

Je viens de découvrir Nicolas Mathieu dans « leurs enfants après eux ». J'ai adoré et je me suis précipitée sur son oeuvre précédente : « Aux animaux la guerre », un autre polar social de cet auteur.

L'histoire se situe dans les Vosges où une usine ferme ses portes. Un cadre tristounet, le RSA, le chômage, le petit qui ne part pas en colo, des petits clans, des dealers, des prostituées… C'est l'histoire d'un monde qui finit. Pourtant, envers et contre tout, une inspectrice du travail engagée, Rita, essaie de sauver quelques emplois. Elle croise la route de Martel, le syndicaliste, ancien militant de l'OAS, de Bruce le bodybuilder sous stéroïdes et de la mafia russe qui organise la prostitution.

Au début du roman, j'avoue avoir éprouvé quelques difficultés à « accrocher » et à assembler les morceaux de patchwork. Pourtant, une fois passé les premiers chapitres, je n'ai franchement pas regretté d'avoir poursuivi ma lecture que j'avais envie d'abandonner. Je me suis finalement prise au jeu et j'ai été captivée par ce roman très noir qui se révèle subtile en resserrant cette chronique sociale vers le suspense et l'angoisse. J'ai également beaucoup aimé l'intrigue, l'écriture, l'ambiance glauque et les personnages singuliers. Ce roman relate la réalité d'une France profonde. Je vais continuer à suivre cet auteur avec "Connemara."

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Aux animaux la guerre

Peut être que si je l'avais lu en premier je n'aurai pas été déçue mais j'ai lu Leurs enfants après eux avant et bien sûr c'est incomparable.

Au début je me suis dit que j'allais finir par retrouver ce qui m'avait totalement emballé.

Mais non, plus j'avançais dans la lecture plus je m'en désintéressais. Beaucoup de sujets sont abordés, beaucoup de personnages aussi mais en fait, à part le plan de licenciement, rien n'est terminé et il y a beaucoup de questions sans réponses. Quel est le passé de Martel? Quels sont ces tatouages qui pourraient le révéler ? Quand se passe ce chapitre du jogging de Rita? Quid de Jimmy? Bref j'en passe.

Ce qui est dommage c'est qu'il y avait tout ce qu'il faut au niveau scénario pour faire un excellent roman avec 200 pages de plus.
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Aux animaux la guerre

Nicolas Mathieu a suivi les plans sociaux au moment de la crise financière des subprimes en tant que rédacteur dans une agence de reporting. Si l'économie mondiale s'avère obscure pour vous, restez quand même, le roman noir " Aux animaux la guerre " ne traite l'événement que de l'intérieur, du côté des " dominés " (Annie Ernaux).



Ici, le naturalisme du XIXème siècle

( " reproduire la réalité avec une objectivité parfaite dans tous ses aspects, même les plus sordides " ) n'est pas mort, puisque nous plongeons dans une magnifique fresque sociale, au coeur de laquelle sont insérés des fragments d'analyse et de réflexion. L'auteur a fait en sorte qu'on ne lise pas seulement un récit, et fait attention à ne pas transformer, non plus, le texte en roman à thèse.



Ce livre - au-delà de sa puissance de révélation - construit avec efficacité un puzzle dramatique (n'oublions pas dans quelle collection il est publié !) nous offrant ainsi rapidement un suspense insoutenable.



J'ai découvert une plume franche et précise, loyale et fine, au service d'une tension et d'une mécanique stylistique formidables. le fond, la forme, le rythme, tout y est. Quel bonheur !!



Misères, salaires, violences, addictions, atteintes des besoins primaires, dissolution des liens sociaux... mon cher Zola des années de lycée n'est pas loin.



Nous pensions que ce temps social était révolu ; c'était sans compter une crise mondiale, les Vosges, une usine qui va fermer, quelques filles de l'est de l'Europe, une inspectrice du travail courageuse et dépassée, un syndicaliste aux abois, des ados bien paumés, et j'en passe, et surtout, surtout, un auteur incroyable que je ne suis pas prête de lâcher.

Il y a bien longtemps que je n'avais ressenti un tel bonheur de lire un roman construit aussi intelligemment : les personnages reviennent au fur et à mesure des chapitres, nous enchaînant au récit avec une malice émotionnelle ciselée au couteau.



Nicolas Mathieu a balisé les sentiers pour que son roman noir social ne nous quitte pas. C'est un coup de coeur absolu en ce qui me concerne. Pour info, la série du même titre et du même auteur (en partie) ne rend pas l'atmosphère et la sensibilité (ah !!! le pouvoir des mots face à l'image) du roman et a pris des chemins de récit bien différents.

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Aux animaux la guerre

Il est un peu facile de critiquer Aux animaux la guerre lorsqu'on connait la trajectoire de l'auteur depuis sa publication et de dire que ce roman est un peu moins ceci ou un peu plus cela par rapport aux deux suivants. Je vais essayer de ne pas tomber dans ce travers car je l'ai lu avec une position de lectrice et non pas d'analyste littéraire - que je ne suis pas.



Une usine qui va fermer dans les Vosges, des tensions sociales exacerbées par une génération désabusée : c'est dans ce théâtre de l'ordinaire provincial que Nicolas Mathieu construit un roman noir où le polar et l'analyse sociale se chevauchent sans cesse. On oublie volontiers la notion de gentils et de méchants tant l'auteur sait nuancer ses personnages et fait jouer avec tact l'engrenage de la misère financière et intellectuelle.



Ce n'est certes pas le meilleur guide touristique de la région mais l'écriture de Nicolas Mathieu nous engage à une réflexion profonde sur les dangers de l'entre-soi, quelque soit la e sociale. J'ai coutume de résumer son œuvre en disant que c'est un Zola de notre époque ou le pendant littéraire du cinéma social anglais : quand on connait mon intérêt pour l'un et l'autre, nul doute que je vous engage à le lire au plus vite.

Vous pouvez également le suivre sur Instagram où il publie quelques légendes de photos pleines de sensibilité.
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
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Aux animaux la guerre

Aux Animaux la Guerre, Nicolas Mathieu



Me voilà revenu vers un auteur que j’apprécie énormément, Nicolas Mathieu.

Nicolas M écrit Aux Animaux la Guerre juste avant, enfin trois ans avant son Goncourt, Leurs Enfants Après Eux. Ce livre m’avait laissé sans voix

C’est un roman noir sur fond de crise sociale aigüe...Le postulat est, ou aurait l’être de manière plus concrète, que le lent effondrement à perverti les esprits et les personnes et a conduit à l’abjection que l’on voit dans la partie “roman noir” de cet ouvrage.

On peut parler ici d’un grand écart, car faire cohabiter ces deux genres n’est pas une sinécure.. C’est plus complexe que ça dans ce bouquin. Les deux genres sont entrés dans l’enveloppe, mais au forceps.. et puis en fait non, il est resté deux histoires très différentes que Nicolas Mathieu n’a pas réussi à vraiment restituer en une seule histoire.

Est-ce grave? Non, pas vraiment, sauf qu’on aime toujours savoir dans quel univers on se retrouve lors d’une lecture. Moi oui en tout cas. Or, et c’est d’autant plus dommage, les deux composants sont très bien écrits. Il n’est pas question de mettre en doute la qualité d’écriture de Nicolas Mathieu. Encore une fois, son talent éclate plus tard, avec ses deux romans qui suivront...

La trame en deux mots. Une usine implantée dans les Vosges ferme ses portes. Après une floppée de plans sociaux, de refinancements, de fermetures/ réouvertures, cette fois, ça y est, c’est terminé, la direction met la clef sous le paillasson. Même la représentation du personnel se résigne et se contente de repousser les scellés de quelques mois. La DRH montre un visage humain et finalement, tout le monde se contente de la situation, bien conscients qu’il reste peu de marrons à retirer du feu. Estropiés, désoeuvrés, mais pas désespérés, ces hommes vont continuer leur vie comme ils peuvent, en se privant un peu davantage. C’est la facette du livre dans laquelle on sent clairement que l’auteur est le plus à l’aise. Encore une fois, la suite de son oeuvre le prouvera abondamment et avec brio.

Parallèlement, l’auteur nous conduit vers Strasbourg, la grande métropole de la région. Il nous plonge dans l’univers de la prostitution, un monde où il n’y pas d’amis, que des perdants. Surtout parmi les prostituées elles-mêmes, réduites à une vie miséreuse sur les bords des quais strasbourgeois, sans champagne mais avec beaucoup de sueur et de larmes. C’est noir de noir, mais un peu “déjà vu” aussi.

Nicolas Mathieu essaie donc de greffer ce drame à l’autre, via un des protagonistes de la faillite de l’usine et via une inspectrice du travail. Pour réunir ces deux histoires plutôt hétérogènes, l’auteur devait trouver des ponts très solides et surtout crédibles... Il n’y a pas réussi, les liens créés sont très tirés par les cheveux et cela a un tantinet altéré le plaisir de lecture.

Mais ... Heureusement, j’ai lu les deux livres suivants de Nicolas Mathieu. Son Goncourt et son récent Connemara donc. Ce sont deux grands bouquins et Aux Animaux la Guerre est selon moi le prototype de ces deux réussites. Tous les ingrédients s’y retrouvent déjà, surtout la partie sociologique du livre.

Livre un peu en de ça donc, mais tout est pardonné, cher Nicolas. Pas mal de choses sont rattrapées par un belle dynamique et quelques personnages bien amenés.



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Aux animaux la guerre

Nicolas Mathieu nous emmène dans les Vosges, dont l'industrie à été dévastée par les crises économiques et la mondialisation. C'est un monde ouvrier qui disparaît avec la fermeture programmée de la dernière grande usine.

Les (rares) plus vieux se souviennent d'avant, des luttes, de la solidarité. Les autres se sentent condamnés à végéter.

Martel, qui doit payer plus que ses moyens lui permettent pour L'EPHAD de sa mère, se retrouve coincé dans une sale affaire.

Nicolas Mathieu écrit avec force, sincérité, empathie mais sans misérabilisme, sur ce monde qui disparaît.

On vit les drames humains causés par un monde où seul l'actionnaire est roi.

L'intrigue autour de Martel n'est qu'une suite logique à la désespérance, à l'absence d'issue qui plombe les humbles.

C'est ma deuxième lecture de Nicolas Mathieu après "Leurs enfants après eux" et je lui trouve un bien grand et sincère talent.
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Aux animaux la guerre

Aux animaux la guerre : un titre choc pour un roman coup de poing dans lequel Nicolas Mathieu confirme son immense talent d'écrivain et de chroniqueur social.

Si j'ai parfois été déconcertée par la construction de ce roman, qui est une succession de scènes avec des personnages entre lesquels on a parfois du mal à se repérer au début, je crois que je l'ai autant si ce n'est plus aimé que Leurs enfants après eux.

D'ailleurs, la fin du livre préfigure le futur Prix Goncourt. Une fois n'est pas coutume, je vais donc me permettre d'introduire une citation dans ma critique, car elle est tellement forte qu'elle vous donnera une idée de ce que j'ai aimé dans ce roman qui parle si justement de la vie dans l'Est de la France:

"En attendant, ils iraient stagner dans de piètres F2, mijotant aux zones périphériques. Ils seraient pauvres et leurs enfants plus pauvres encore. Ils deviendraient peut-être comme ces misérables qu'ils avaient tant méprisés, manouches, feignants, drogués, profiteurs, bicots, ratons, négros, ceux d'en bas, bariolés et faux français, hétéroclites et bidouilleurs, de tout en bas, sous-sol qui les appelait.

Un jour, la classe ouvrière avait existé. Ils pourraient en témoigner. Si jamais quelqu'un demandait."

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Aux animaux la guerre

Alors ... il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis...



Vous vous en souvenez sûrement, ma relation à l'œuvre de Nicolas Mathieu était entachée d'une forme d'horripilation liée à Leurs enfants après eux. C'est vrai, je n'avais pas accroché avec ce name dropping constant. Adolescent des années 90, issu de la classe moyenne et banlieusarde de Bordeaux, j'avais l'étrange impression que Nicolas Mathieu me prenait par la main et cherchait à me séduire en citant tout ce que cette époque comptait de marques, de groupes de musique, d'événements historiques. Je crois aussi qu'au fond de moi, je n'aimais pas me retrouver dans le roman ...



Alors je n'ai pas lu Connemara.



Pourtant j'aime le type, son intelligence et son investissement dans la vie intellectuelle française.



Bref, en cherchant un livre audio, je suis tombé sur son premier roman. Aux animaux la guerre. Ce titre ... quel titre. Référence à De La Fontaine qui a baigné mon enfance. Je me suis dis " et pourquoi pas après tout."



Grand bien m'en a pris. J'ai plongé la tête la première dans cette histoire, ce roman très noir et très social comme j'aime. On sent poindre les prémisses du Goncourt et Nicolas Mathieu trace déjà le sillon qui est aujourd'hui le sien. C'est noir, il y a très peu d'espoir, ça finit mal. Bref, j'ai aimé. Beaucoup aimé même.
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Aux animaux la guerre

J'ai préféré Connemara et Leurs enfants après eux de mon cher Nicolas Mathieu.



Cependant à l'intérieur d'Aux animaux la guerre quelques passages sont géniaux.

J'ai croisé cette lecture avec le matage du premier épisode de la série du même nom sur Netflix.

Du coup les personnages et les scènes m'apparaissent différemment. Je ne suis plus seul à m'imaginer le visage et le corps de Rita l'inspectrice du travail de l'histoire.

Les personnages, justement, je m'y attache moins qu'avec Leurs enfants après eux. Mais c'est pas mal quand même.



Mon avis général :

Aux animaux la guerre est une littérature plaisante proche du réel mélangeant espoirs et désespoirs.



Vous découvrirez l'histoire vous même.



Je vous offre un zoom sur des passages, ainsi vous connaîtrez l'humeur du roman :



Arrivée à la page 380.

Une scène perverse, Rita, l'inspectrice du travail, est menacée et mise quasi nue par un tare bodybuilde. Elle se débat de lui, se débarrasse de cette mauvaise passe . . . mais comment ?



Juste après ça.

Une nuit deux adolescents sont dans sa chambre.

Lydie est en nuisette, lui est un peu la par effraction, elle va chercher du papier à rouler et dans le faux fond de sa boîte à bijoux une boulette de . . .

Ils se placent à la fenêtre ouverte, l'air frais de cette nuit aide à évacuer l'odeur du marocain cramé . . .

Lui imagine le stratagème pour voir un peu plus de son jeune corps . . .

Ils finissent par se rapprocher . . .



Je ne peux résister à vous offrir le passage qui à mes yeux synthétise ce que l'on peut ressentir lors d'une dépossession :



A la page 425, Nicolas l'exprime si bien :



"Une fois les machines volatilisées, le boulot evanoui, tout était à refaire, les rapports de force, les habitudes, les manières de se tenir. La nouveauté vous givrait des amitiés de vingt ans, vous neutralisait les haines transmises de père en fils.

Les gars se retrouvaient à poil. Comme des canards surpris par les premiers givres et qui trouvent leur étang couvert de glace, ils étaient d'une maladresse poignante".



Après la lassitude et la fatigue s'empare de vous et de tout votre être.



Passage bref, page 131, deux mecs se font tirer les bretelles pour branlettes devant des portails internet pas nets . . . et fumage de joints.



Je suis d'accord avec Nicolas quand il décrit à la page 196 nos camisoles, nos façons d'être possédés par nos projets et ce que nous possédons.



Le coup de la bite dessiné par Nadia pour sa copine Lydie quand elles regardent le nouveau venu dans la cour du lycée est bien vu.



Les moins



Nicolas emploi l'imparfait trop souvent cela donne l'impression d'une agaçante nostalgie.

Avec Leurs enfants après eux il y a plus de peps.



Les plus, l'ambiance



Nicolas Mathieu réussit une fois de plus à m'offrir un récit parlant d'intimité entre plusieurs personnages et de bordels économiques me dépassant totalement.



A la fin de cette lecture mon cœur voit et je vois Rita, l'inspectrice, elle continuera, elle ira dans cette papeterie pour un accident ou un employé a peut-être perdu sa vie.



Je vois tous les ouvriers de Velocia laissés à l'abandon de leur outil de travail, dans la cour où un feu sort d'un truc rond, ils ont une merguez entre deux tranches de baguette dans leurs mains.

Les bâtiments à côté d'eux seront détruits.



Eux pensent au lendemain, ils retrousser ont leurs manches pour aller travailler ailleurs, leurs visages sont ridés par la fatigue. L' air vif du printemps arrivant les aidera, les portera.



Un goût sec dans ma bouche, une envie de m'extraire de l' engourdissement, j'ai envie de me lever, je vous laisse, je tourne la page . . .



Je m'enfuis de tout cela, je vais courir.



@ plus les petits gars.

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Aux animaux la guerre

Récompensé par de nombreux prix, le premier roman (noir) de Nicolas Mathieu. La fermeture d’une usine dans les Vosges, une page qui se tourne pour toute une génération, des jeunes qui n’ont plus rien à perdre et consacrent leur vie à différents trafics plus ou moins risqués, des ados paumés. Et la forêt des Vosges, la neige, un no man’s land entre Épinal et Nancy (région dont est originaire l’auteur). Il décrit avec justesse la vie des derniers ouvriers, les rêves de révolte mais aussi la résignation des jeunes qui noient leur ennui dans l’alcool et la défonce, à défaut de sexe. Et le sexe qui se vend aussi, avec un personnage de jeune prostituée qui se fait kidnapper. Des personnages bien décrits à défaut d’être sympathiques (hormis l’inspectrice du travail, persévérante et forte), un engagement social, voire politique, et un sens de l’intrigue. La deuxième partie, façon thriller, est vraiment prenante, chaque chapitre adopte le point de vue d’un personnage. Seul bémol : le prologue (1961 en Algérie) n’apporte pas grand-chose, pas plus que d’inutiles ruptures chronologiques (chapitres en flash-back) qui à mon sens compliquent inutilement le récit. Très réussi sinon.
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Connemara

C’est le roman des quarantenaires, avec son lot de désillusions, de regrets que ramène cet âge du premier bilan. Et ce fichu temps qui passe, pour nous et les nôtres. Connemara, c’est la chanson de Sardou, on découvrira ses lointains échos dans la vie des deux personnages principaux, Hélène et Christophe, comme dans la nôtre. Alors, il est parfois tentant de se retourner sur le passé et d’espérer en faire surgir un nouveau départ… Nicolas Mathieu le raconte avec une simplicité et une douce nostalgie.
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Connemara

L’histoire a été detaillée par Benjamin et je ne vais donc rien ajouté

Juste que le temps qui passe est le même pour tous, et sur ce thème qui est au centre du livre, est- il besoin d'en faire des caisses autour d'un clivage de classes sociales qui perdurerait sans aucun espoir? Ce pessimisme m'a semblé artificiel et forcé, comme son style

C'est une succession de formules chocs, sans chair et à la fin, cela lasse, et en particulier, le style utilisé dans l'univers professionnel de consulting de la quarantenaire est tellement caricatural que cela en devient ridicule

Je me suis ennuyée
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