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Citations de Olivier Rolin (348)


Et tous les autres dont les visages plus lointains sont là dans l'ombre. Le temps est venu où les répertoires sont pleins d'adresses dont on ne poussera plus jamais la porte, de numéros de téléphone qu'on ne composera plus jamais- mais les rayer parait une profanation. Ces inscriptions sont comme les fantômes qui marquent dans les bibliothèques la place des livres absents.
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Tenter de ressusciter ces grâces aperçues, ces émotions vite évanouies, trouver les quelques traits qui les feront émerger, vivantes de la vie des mots, de la grande cave d'ombre du passé, est une gageure qui n'est pas digne d'un écrivain. Décrire ce qui est délicat, nervures d'une feuille, galbe d'une plume, ce qui est fugace, goutte d'eau brillante, songes que la nuit a emportés...
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On pourrait, schématiquement, opposer deux images du roman : dans l'une la métaphore serait filmique, le roman conçu comme un ample scénario ; à la fin il est écrit "the end". Dans l'autre c'est une salle de musée où sont accrochés des tableaux. Il n'y a, à proprement parler, ni début ni fin, (sinon qu'en général on entre par une porte et on sort par une autre, mais c'est pure contingence), mais la proposition de multiples visions.
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J'écris ces lignes pour survivre, de quelque façon. J'imagine qu'il n'y a pas d'autre raison pour écrire. Je dis, j'écris cela, et je n'en sais rien: que sait-on?
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(en préambule)
Je pensais, je lisais
dans la Bible des vents.
Sergueï Essénine - L'homme noir-
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La Russie comme vertige de l'espace:

Pays au long cours. Dans mon tropisme russe il y une part géographique, une attirance pour cette réalité non substantielle, invisible,qu'est l'espace. Puissance insaisissable et qui cependant marque secrètement les choses, dont j'essayais de donner une notion, au début de ce livre, en évoquant les paysages de plaine infinie qui avaient été ceux de l'enfance de Vangenheim. C'est une sensation à laquelle nous sommes peu habitués, nous autres habitants de la petite péninsule européenne, une grande longueur d'onde du monde que nous sommes mal équipés pour capter.p.193/194

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Sibérie a été un nom du malheur.
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Sibérie, ça sonne, vaste, comme Sahara. J'y entends tinter le fer, j'y vois briller la fourrure des zibelines. J'y vois une étoile fondre tel du sel dans l'eau noire, comme dans un poème de Mandelstam: " Et pure la mort, plus âcre le malheur / Et la terre plus cruelle et plus vraie."
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C'était le moment où A. se sentait presque heureux, presque sur le point de renaître comme l'eau toujours courante, comme les arbres à l'intérieur desquels se préparait déjà l'éclosion des feuilles, comme le jour sans cesse tissant sa soie, sans cesse tirant la part claire du charroi d'ombre: heureux de cette joie primordiale qui est liée aux corps célestes, ne dépend de rien d'humain, qu'il suffit de laisser venir sans penser à rien, sans rien accueillir qui ne soit ce basculement immense et doux.
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Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, n’est pas la plus grande ville du monde ni la plus peuplée, avec son million d’habitants. Ce n’est pas la plus moderne, ce n’est pas celle de l’éclairage au gaz, ni des chemins de fer, ni des parcs urbains : tout ça, c’est Londres. Pour le Balzac de La Fille aux yeux d’or, c’est « la tête du globe, un cerveau qui crève de génie et conduit la civilisation humaine », « un sublime vaisseau chargé d’intelligence ». Si l’on en juge par les photos que Marville prit avant et pendant le grand ratiboisage haussmannien, c’est aussi, et plus prosaïquement, la ville des débits de boissons : incroyable le nombre d’écriteaux annonçant vins en bouteilles, commerce de vins, vins au litre, vins & liqueurs, vins en gros, vins en gros et en détail, et autres appels à la soif blasonnant en grandes lettres peintes les murs noirs de rues que creuse un caniveau central, où tombereaux brancards en l’air et fiacres attelés à de patients chevaux stationnent sur les pavés rebondis qui font au pied des maisons un maillage de lumière et d’ombre (quelquefois, sur une photo, une de la rue des Gravilliers par exemple, le temps de pose a fait d’un fiacre un fantôme, qui est comme le passé venant nous visiter en songe). Mais Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, c’est surtout la capitale des insurrections et des barricades. Les barricades sont vraiment une spécialité parisienne. Dans aucune autre capitale d’Europe on ne dépave la rue pour attendre stoïquement, derrière ce rempart de fortune, les fusils du gouvernement. « Les 4 054 barricades des “Trois Glorieuses” comptaient 8 125 000 pavés », selon un texte cité par Walter Benjamin. Combien de dizaines de millions de pavés déchaussés et entassés fiévreusement, joyeusement, en travers des rues parisiennes, depuis les trois journées de juillet 1830 et leurs 4 054 barricades qui en finirent avec la monarchie absolue ? Il y a eu (au moins) le soulèvement de juin 1832 à l’occasion des obsèques du général Lamarque, qui est celui où meurt Gavroche, celui d’avril 1834 qui finit par le massacre de la rue Transnonain que lithographia Daumier, la tentative d’insurrection blanquiste de mai 1839, la révolution de février 1848 qui bazarda une fois pour toutes la royauté, fût-elle bourgeoise, les journées de Juin de la même année, et enfin les trois jours de la résistance au coup d’État du prince-président Louis Napoléon Bonaparte, les 3, 4 et 5 décembre 1851, qu’illustre, notamment, l’hallucinante tournée nocturne dans le quartier des Halles racontée par Hugo dans Histoire d’un crime. (Lorsque nous dépavions les rues du Quartier latin en mai 1968, nous avions sans doute une vague conscience de cette histoire dont nous étions le dernier balbutiement, mais bien imprécise et ignorante – je parle pour moi. Les « autorités », comme on dit – quel mot ! – en avaient sans doute une connaissance plus exacte, ou au moins plus fonctionnelle, puisqu’elles firent bientôt disparaître sous le goudron les pavés qui rappelaient encore un peu les rues du dangereux Paris d’antan.)
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Je n’ai jamais écrit un livre sans me demander, tout au long, pourquoi je l’entreprenais, si mes raisons étaient bien sérieuses – tout en sachant aussi qu’on peut écrire sans raison, parce que c’est comme ça –, et je ne vois pas pourquoi tenir secrètes, comme choses honteuses, ces interrogations. Eh bien il me semble qu’il y a d’abord, tout simplement, le caractère très romanesque de leurs destins croisés – c’est ce que j’ai dit d’emblée. Il y a ensuite l’espèce de griserie, pour ainsi dire entomologique, qu’on éprouve à grossir cent fois, mille fois, comme sous un microscope, la première image qu’on a d’eux – contenue ici dans une page à peine des Misérables, qui en comptent tant –, à découvrir une foule de choses insoupçonnées, inattendues, contraires souvent à l’image première, et qui font d’eux des personnages, et même des personnes. Et il y a enfin, je crois, et c’est sans doute la raison la plus profonde, donc la moins apparente au début, qu’on a avec eux, l’ouvrier Barthélemy et l’ex-officier Cournet, deux types absolument différents, mais qu’on rencontre toujours dans les grands tumultes révolutionnaires, qu’on peut distinguer en termes de classe, bien sûr, – le prolétaire et le bourgeois – mais aussi de façon plus existentielle : celui que des causes sociales, matérielles, obligent à vouloir la fin de l’ordre établi, passionnément mais aussi logiquement, dirait Rimbaud, et celui que le combat attire pour lui-même, avec tout ce qu’il entraîne d’oubli de soi, de fraternité rêvée, de vie dangereuse, de mépris et en même temps d’idéalisation de la mort – figures du militant et de l’aventurier, pour reprendre les mots de Sartre dans sa préface au Portrait de l’aventurier de Roger Stéphane, « qui s’affrontent, se connaissent et se reconnaissent, quelquefois s’allient et se combattent quelquefois ». Je crois que lorsque les jeunes gens de ma génération, la plupart, pas tous mais moi en tout cas, nous faisions nôtres les mots et souvent les actes de la révolution, c’est ce second modèle que nous poursuivions, sans nous l’avouer ni même le savoir.)
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Haussmann, devenu préfet de la Seine, ne va pas tarder à mettre de l’ordre impérial et militaire dans tout ce dangereux fouillis. […] Des quartiers entiers vont être rasés, des buttes aplanies, des milliers de maisons transformées en tas de gravats. Mais pas seulement des maisons : des labyrinthes, des tours et des détours, des contrastes, des passages secrets, des culs-de-sac, cette nuée dense d’imprévus et d’équivoques, d’hésitations, de coq-à-l’âne qui fait le charme d’une ville. Le Beau urbain tel que le conçoit le baron, et la bourgeoisie dont il est le grand exécutant, qui rêve de fastes aristocratiques, c’est la perspective, c’est-à-dire l’ennui majestueux. […] Et ce n’est pas seulement ce dédale matériel portant à la rêverie qui va être détruit, mais tout un poème de noms étranges, hirsutes, venus de très loin, du treizième siècle au moins où un certain Guillot composait le Dit des rues de Paris. Dans ses Mémoires, Haussmann se flatte d’avoir fait disparaître quantité de rues « puantes et malsaine » qui s’appelaient Froid-Manteau, Chilpéric, Tirechappe, Jean-Pain-Mollet, Perrin-Gasselin, ou bien rues du Chantre, des Poulies, des Orties, de l’Arche-Marion, du Chevalier-du-Guet, des Mauvaises-Paroles (où habite l’employeur de l’abominable cousine Bette de Balzac), de la Limace, de la Friperie, de la Tixanderie, de la Vieille-Place-aux-Veaux, de la Tuerie, de la Vieille-Lanterne qu’auraient voulu connaître tous ceux qui aiment Nerval. Et sans doute n’étaient-ce pas seulement les rues qui semblaient « puantes et malsaines » à Haussmann, mais aussi leurs noms : une rue haussmannienne, ça porte un nom de préfet, ou de victoire, ça ne s’appelle pas rue du Grand-Hurleur, que fit disparaître le boulevard de Sébastopol, ou rue des des Frondeurs, où Vautrin, sous l’apparence de l’abbé Carlos Herrera, donne rendez-vous à Esther la Torpille au début de Splendeurs et misères…, et qu’avala, avec beaucoup d’autres, le boa de l’avenue de l’Opéra. Que les rues ne soient plus un poème mais une proclamation officielle, un ordre du jour, tel était le programme d’Haussmann.
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Sur un rocher, à l'entrée du site, aujourd'hui, cette seule inscription : Lioudi, nié oubivaïtié droug drouga, "Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres." Je ne connais pas d'inscription plus juste que celle-là, si rigoureusement simple, sans aucune mention politique, religieuse, historique, sans invitation à la vengeance ni même à la Justice, en appelant seulement à la Loi morale.
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Les livres ne sont pas une marchandise comme les autres, on peut même tenir qu'ils ne sont pas du tout une marchandise : n'empêche qu'ils ont un poids.
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Il y a dans -Voyage au pays des ze-ka- (cf.Julius Margolin) un dialogue entre un ingénieur soviétique et le détenu Margolin."Aujourd'hui, dit ce dernier je sais exactement ce que j'éprouve en face de l'Union soviétique : c'est la peur.Avant d'arriver dans ce pays je n'avais jamais eu peur des hommes.Mais l'URSS m'a appris à avoir peur de l'homme." Phrase à quoi fait écho une autre,de Nadiejda Mandelstam: " De tout ce que nous avons connu,le plus fondamental et le plus fort,c'est la peur(..) La peur a brouillé tout ce qui fait d'ordinaire une vie humaine".Cette peur immense diversement reflétée ,subie affrontée, dépassée, dans des centaines de milliers de regards,nous ne nous en sommes guère souciés. Nous nous alarmons aujourd'hui à bon droit des risques de voir l'inhumain reparaître en Russie,mais nos alarmes seraient plus crédibles si nous avions prêté attention à ce qui dans l'histoire de ce pays fût humain,et cette humanité fût d'abord celle des victimes.(p.202)
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J'aime, et de plus en plus en vieillissant, me semble-til, par opposition aux livres qui poursuivent une idée fixe, les livres madréporiques, infiniment ramifiés et laissant le lecteur à chaque fois au bord d'un nouveau champ imaginaire, vite laissé (...) pour passer à un autre (à " sauts et à gambades" à la façon de Montaigne) (p. 179)
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Écrire un livre,c'est une affaire beaucoup moins dramatique que de soigner un malade ou un blessé, mais tout de même il y a de la vie et de la mort à l'oeuvre. Ce à quoi on essaie de donner vie menace à chaque instant de périr.(p.87)
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Son domaine, c'était les nuages. Les longues plumes de glace des cirrus, les tours bourgeonnantes des cumulonimbus, les nippes déchiquetées des stratus, les stratocumulus qui rident le ciel comme les vaguelettes de la marée le sable des plages, les altostratus qui font des voilettes au soleil, toutes les grandes formes à la dérive ourlée de lumière, les géants cotonneux d'où tombent pluie et neige et foudre.
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C'est le même genre de travail que j'entreprends : rabouter, coller des dizaines d'éclats de souvenirs, en recomposer un vase imparfait, fracturé, dont je ne serai que le vide central.
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Nous sommes tous tramés de passé, qui est aussi la matière même de la littérature. Pour commencer à découvrir une ville, deux endroits selon moi : ses garés pour connaître ses habitants actuels, ses cimetières pour être présenté à ses morts, c'est à dire à son histoire.
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