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Citations de Olivier Rolin (348)


LE JARDIN DU LUXEMBOURG, CENTRE DE MON ZODIAQUE…


Extrait 4

L’été au Luxembourg est érotique. Robes légères, dont l’ourlet (ô Baudelaire !) bat mollement des jambes bronzées, maillots découvrant des bras fins, shorts minuscules, soutiens-gorge sous la mousseline, seins entr’aperçus, fines sandales, tennis. Multiple crissement des pas sur le gravier. Japonaises à petits chapeaux, à ombrelles, queues-de-cheval, jambes pâles, pépiant. Cheveux qui volent, dansent sur les épaules, relevés sur la nuque, dont une mèche retombe… Taches de rousseur… Seigneur… Toutes les langues du monde tournent et se mélangent autour du bassin, dans un poudroiement de poussière dorée, se nouent un bref moment et se dénouent. Toutes les langues que j’aime à l’égal de la mienne, qui sont les voix multiples du monde, que j’aimerais tant parler comme je parle la mienne.
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Ce "tropisme russe" n'est donc bien sûr pas une attraction purement géographique, une espèce d'aspiration par l'espace, car cet espace n'est pas seulement une étendue, il n'est pas seulement abstrait ou négatif, ligne de fuite, absence de limite (l'étant aussi) : il est peuplé par les fantômes de la plus grande espérance profane qui fut, et du massacre de cette espérance, la Révolution, et la mort sinistre de la Révolution.
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Ce serait avoir une idée bien simpliste de la littérature que de penser qu'elle reflète sans détour , sans malice, la personnalité de l'écrivain ... La littérature est une tromperie sans fin.
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Solovki, la bibliothèque disparue.
https://vimeo.com/126679609
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Dans une semaine, écrit-il le premier janvier 1937, cela fera trois ans… La première année a été celle de la certitude que la vérité éclaterait et que cesserait le cauchemar sans but et sans raison. La deuxième année, la certitude a cédé la place à l’espoir. Et voici que la troisième année est passée, où il n’y a plus ni certitude ni espoir, bien que je n’aie pas renié mes convictions, que je pense toujours que les dirigeants ne sont pas au courant. Tout au long de ces trois ans, au fond de moi, j’ai lutté pour ne pas me laisser aller à penser du mal du pouvoir soviétique et des dirigeants, pour ne pas les rendre responsables de ce qui se passe. Qu’amènera la quatrième année ? Pour nous personnellement, sans doute pas beaucoup de joie. Avant que cette quatrième année se termine, le malheureux sera mort, assassiné avec un millier d’autres au fond d’une forêt, la nuit.
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Il écrit d’une petite écriture serrée, difficile à lire, sur des pages de cahiers d’écolier que lui envoie Varvara, sa femme. Le bas des pages trois et quatre est réservé aux dessins ou aux herbiers pour sa fille, de façon que Varvara puisse le plier et le couper pour le donner à Éléonora. Elle lui fait croire que son père est parti pour un long voyage d’exploration dans le Grand Nord.
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Sur un rocher, à l'entrée du site, aujourd'hui, cette seule inscription : Lioudi, nié oubivaïtié droug drouga, "Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres". Je ne connais pas d'inscription plus juste que celle-là, si rigoureusement simple, sans aucune mention politique, religieuse, historique, sans invitation à la vengeance ni même à la Justice, en appelant seulement à la Loi morale. Il y a plus de trois cent soixante fosses dans la forêt, de tailles variables. Plus de sept mille personnes ont été exécutées ici entre 1934 et 1941, dont les onze cent onze du convoi des Solovki, en cinq jours, les vingt-sept octobre, premier, deux, trois et quatre novembre 1937.
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Visages de la forêt des fusillés. Tous parlent de la vie d'avant, pas grande sans doute, mais vivable, abritant un espoir, d'amour, de famille, de promotion, de justice, une vie que n'avait pas encore saccagée l'incompréhensible violence de l'Etat. (...) Dans ce lieu si paisible aujourd'hui se sont déroulées des scènes infernales.
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( SIBERIE) Je parcours l'article que consacre... l'Encyclopédie Larousse du XX siècle... un livre dans lesquels j'ai appris à lire et surtout à m'abandonner à la rêverie géographique. J' y tombe sur les mots de " fleuves géants", d'immenses solitudes", " d'interminables rivages" baignés de mers glacés : je comprends qu'il s'agit d'un endroit de la terre où elle ne fait pas les choses à moitiè ( curieusement, cette expression qui est venue sous ma plume, je m'aperçois bientôt qu'elle est celle de Gogol à la fin des "Ames mortes" : " cette terre qui n'a pas fait les choses à demi, mais s'est étendue comme une tâche d'huile sur la moitié du monde"
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Merveille des livres, de la lecture - je le remarque en passant, au risque de la naïveté - accroissement formidable de la vie, celle qu'on vit et celle qui est une ombre après la mort : près d'un siècle après qu'il est passé par ces lieux, un écrivain français revit les émotions d'un jeune capitaine anglais ; il voit, par la fenêtre de la chambre 49, la mer que brouille une brume de chaleur, et ne même temps celle sur laquelle arrive, au petit matin du 12 juillet 1918, le vapeur de Bakou ...
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Repensant aux analyses de "La Chambre claire", je comprends mieux, plus complètement, le trouble créé par la photo de la jeune "martyre" du Haut-Karabakh ; "cela est mort et cela va mourir", toute photographie écrase le temps, produit un "futur antérieur" de la mort, mais superlativement celle qui grave les signes de la vie - regard de côté, mèches tombant sur le front, main ployée sous le menton - sur la pierre noire de la mort.
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Mehmet ressemble de façon frappante à l'écrivain argentin Ernesto Sàbato. (Je sais, j'ai la manie de trouver des ressemblances ; c'est ainsi, j'ai tendance à voir le monde comme un jeu de miroirs, un réseau de correspondances. Il semble que j'en sois resté à ce stade du savoir que Foucault, dans 'Les Mots et les Choses", fait se terminer à la fin du seizième siècle, et que structurent les figures de la similitude.
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Je relis, avec d’autres livres relatant ces événements, Histoire d’un crime. Des œuvres en prose de Hugo, c’est à mes yeux, une des plus magistrales. Quand il se débarrasse de l’emphase, quand la colère et le mépris le font aller au plus court, au plus direct, c’est Tacite. Il ne fait pas bon se trouver sur le chemin de sa plume, elle tue. Et ce n’est pas tout : il réussit à faire, du récit presque heure par heure de ce combat dont on connait l’issue, quelque chose comme un thriller.
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L’histoire du météorologue, celle de tous les innocents exécuté au fond d’une fosse, c’est une part de notre histoire dans la mesure où ce qui est massacré avec eux c’est une espérance que nous ( nos parents, ceux qui nous ont précédés ) avons partagée, une utopie dont avons cru, un moment au moins, qu’elle «  était en passe de devenir réalité « . Et l’ignominie est si grande qu’elle est massacrée sans retour.
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On ne peut pas mesurer l’intensité de l’amour (…) ni de l'amour, ni de la terreur, ni de la souffrance, ni même de la littérature, qui sans doute quelque chose voir avec tout ça. Dire qu'on a aimé un livre plus que tous les autres, c'est de la foutaise. Parce que, c’est pareil, il n'y pas UN livre, mais une puissance orageuse de lettres qui vous plante de temps en temps son éclair dans la couenne, et c'est tel ou tel livre, mais tout ce qu'on peut dire après c'est que ça vous collé une foutue décharge, qu'il y a là une force qui vous la coupe, qui vous dépasse infiniment. Et qui a cette propriété bizarre, comme l'amour, etc., de désintégrer mais aussi, contradictoirement, de vous concentrer, quelques très courts instants, en un point d'intelligence et de sensibilité absolues que vous n'atteindriez jamais sans cela. That's all.

pp. 24-25
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Le trente juillet 1937, le « nabot sanguinaire » Nikolaï Iéjov, commissaire du peuple aux Affaires intérieures, avait signé l'ordre opérationnel n° 00447 du NKVD déclenchant ce paroxysme de violence politique qui allait durer seize mois et rester dans l'Histoire sous le nom de « Grande Terreur », par opposition avec la Terreur qu'on pourrait dire normale, qui était jusque-là le régime quotidien. Pendant ces seize mois terribles de la Iéjovchtchina, environ sept cent cinquante mille personnes seront fusillées (une moyenne de mille six cent exécutions par jour pendant les cinq derniers mois de 1937), et à peu près autant envoyées dans les camps. Sept cent cinquante mille fusillés, cela fait la moitié des morts militaires français de la Première Guerre mondiale, en moins de la moitié du temps (…) Ce total effarant n'inclut pas les nombreuses morts « naturelles », de faim, de froid, d'épuisement, dans les camps du Goulag pendant cette période.
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Des dîners solitaires, dans des endroits où je n'étais pas attendu,ma vie en est pleine. Je l'ai peut-être cherché, ou bien quelque défaut social en moi m'y condamnait, je ne sais pas.Je trouve toujours un certain charme mélancolique ( mon adjectif favori: je suis plutôt un joueur de violoncelle) à ces soliloques ( qu'est-ce d'autre qu'écrire,après tout?) (p.66)
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On se prend à se demander ce qui se serait passé si la folie de Staline,décapitant toutes les élites du pays,scientifiques,techniques,intellectuelles ,artistiques, militaires,décimant la paysannerie et jusqu'à ce prolétariat au nom de quoi tout se faisait,dont l'URSS était supposée être la patrie,n'avait pas substitué, comme ressort de la vie soviétique, la terreur à l'enthousiasme.L'introuvable " socialisme" que les héros " s'imaginaient construire,et ceux aussi,comme Alexeï Féodossiévitch Vangengheim,qui n'étaient pas des héros, seulement d'honnêtes citoyens soviétiques, aimant leur travail,pensant servir le peuple en le faisant avec avec compétence, peut-être aurait-il existé ? Peut-être se serait-il avéré un système infiniment préférable au capitalisme ? Peut-être le monde entier,à part quelques pays arriérés, serait-il devenu socialiste ?

Allons, ne rêvons pas.
(p.43)
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Tchekhov,quand il écrivait l'Île de Sakhaline-,allait contempler la mer depuis le phare,à présent abandonné, qui couronne Le Cap, et ce spectacle le distrayait un moment de la tristesse et de la violence de la vie du bagne.(...)
Tchekhov : un de ces écrivains, comme Montaigne, dont on aurait aimé être l'ami- il n'y en a pas tellement.
(p.123)
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Chacun des moments beaux qui nous est donné est une fin en soi, une perfection dont il faut se laisser envahir comme de celle d'un tableau bouleversant découvert soudain, parmi d'autres, ternes, dans la salle d'un musée. Il est vain de le relier à d'autres, encore plus vain ensuite de chercher à en faire l'histoire. La langue nous y invite, qui veut des phrases et des phrases qui s'accrochent aux phrases. Mais la phrase ne surgit que lorsque déjà l'intensité est passée, sous l'empire complet de quoi il faut être. Et l'intensité ne connaît que des instants, des coups de foudre. Ce que nous appelons le monde n'existe que comme une fable. Il m'a fallu longtemps, des années après avoir dû quitter le Mexique, pour apercevoir ces choses simples. Et ainsi la paix est venue.
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