Citations de Pascal Garnier (531)
Par les fenêtres ouvertes on percevait la musique du générique d'une série allemande qui à cette heure engourdissait les cerveaux déjà bien éprouvés des retraités occupant villas et résidences aux noms odoriférants : des Acacias, Mimosas, Pins, Tamaris. Pour dire vrai, ça sentait le cimetière avec ça et là des effluves de pommade révulsive de bandages herniaires et de barbecue.
Pire que l'alcoolique, il y a la femme de l'alcoolique. Par osmose, elle a hérité de tous les inconvénients sans en avoir tiré le moindre avantage. Elle est aussi rouée, connaît bien mieux les planques des bouteilles puisque, contrairement à son époux, elle s'en souvient. Elle vit depuis si longtemps dans le mensonge et la dissimulation qu'elle peut arpenter les yeux fermés la vie de l'autre sans jamais trébucher. L'oeil sec, elle le laisse se perdre dans ses tours et ses détours, patauger dans ses contradictions.
Dehors, il ne faisait rien, le ciel avait l'air d'un trou perdu.
On garde de ces trucs au fond de soi... Va savoir pourquoi ?
C'est en sortant du café qu'il était passé devant la boucherie. L'épaule d'agneau roulée et décorée d'un ravissant brin de persil l'avait ému. On aurait dit l'enfant Jésus.
Bien rares les couples de curistes retraités qui ne sont pas affublés de cette verrue qui est le caniche doré.
Mon passé est triste, mon présent catastrophique, mais par bonheur je n’ai pas d’avenir.Ainsi se consolait-elle
La pluie s'était calmée, à peine un crachin, un chagrin d'étoile qui lui vaporisait le visage.
La vie, c'est être là quand ça se passe, sinon c'est le désert. Les gens apparaissent et disparaissent sans qu'on sache vraiment d'où ils viennent et où ils vont. On se croise.
La vie a beau être ce qu'elle est, parfois elle fait des cadeaux, même à ceux qui ne le méritent pas...
Le curé lui avait demandé s'il était chrétien, s'il avait lu la Bible, bref, s'il avait ses papiers. Roland répondait oui à tout en hochant la tête, comme un âne, c'était plus facile.
Lentement la chaleur reprenait possession de son corps, il redevenait flou, flasque, collant à la vie comme une boule de pâte molle.
Il fallait laisser faire la vie, elle se chargeait de tout et réalisait les souhaits au-delà de toute espérance.
La radio n'avait pas grand-chose à leur apprendre si ce n'est qu'un chasseur avait tué la dernière ourse des Pyrénées « en état de légitime défense », que dans une maternelle trois gosses de cinq ans avaient tabassé à mort une plus petite de trois ans pour une sombre histoire de toboggan. Les parents s'interrogeaient. La vie, quoi.
Le ciel et la mer rivalisent de sérénité, se renvoyant l'un l'autre des poignées d'étoiles sous l'oeil bienveillant de la lune.
Il faut de tout pour faire un monde et on se fait un monde de tout.
C'est con, la mer. Elle vous attire, elle se retire et dès que vous avez le dos tourné, elle vient reprendre tout ce qu'elle vous a offert.
- Tiens, je ferme les yeux, je m'imagine arriver chez mes parents pour le repas de midi. Ça sent le gigot piqué d'ail.
- Tu embrasses ta mère, ton père sert l'apéro et ta sœur est en retard.
- Exactement ! C'est un vrai dimanche.
- Qu'est-ce que tu leur as apporté ?
- Une plante en pot.
- Ça va très bien avec le gigot-flageolets, la plante en pot. Qu'est-ce qu'il y a comme entrée ?
- Macédoine-mayonnaise roulée dans une tranche de jambon.
- Vous bouffez lourd !
- C'est un repas de dimanche.
- Bon, alors un bon coup de cahors pour faire glisser tout ça. Dessert ?
- Tarte aux quetsches, incontournable !
- Après le café, Drucker ou Scrabble ?
- Scrabble ! évidemment, nous somme tous dans l'Éducation nationale depuis trois générations.
- Imaginez qu'on soit sous surveillance, qu'on nous observe comme des cobayes de laboratoire ? Qu'on nous filme à notre insu, qu'on nous étudie comme des rats ?...
- Pourquoi nous ? Nous n'avons rien d'exceptionnel, nous sommes des gens normaux.
- Vous en connaissez, vous, des gens normaux ? Chacun protège son misérable petit tas de secrets.
Chacun de son côté avait fait le tour de sa propre vie et constaté qu’arrivé à un certain âge, l’indépendance devient une sorte d’esclavage.