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Critiques de Paul Bowles (64)
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La jungle rouge

La Jungle rouge est un curieux roman, mais cela ne veut pas dire inintéressant. Une fois accepté le fait que l'auteur ne choisit pas une narration linéaire et claire , on se laisse guider dans ses méandres parfois fort tortueux qui nous mènent à une chute surprenante mais finalement classique. J'ai aimé le découverte de cet auteur.
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Un thé au Sahara

Kit et Port Moresby sont mariés depuis 12 ans. La Seconde Guerre s'étant récemment achevée, le couple décide de s'éloigner de l'Amérique survoltée et de traverser le Sahara. « Le paysage était grandiose et hostile. » (p. 76) Accompagnés de Tunner, un ami mondain un rien parasite, les Moresby sont brutalement confrontés à la vacuité de leurs existences et à la déliquescence de leur mariage. « Et tout amour, toute possibilité d'amour avait disparu entre eux depuis longtemps. » (p. 102) Cette triple compagnie est composée de membres qui s'agacent mutuellement, et le voyage perd progressivement de son charme. Port est profondément mélancolique, pour ne pas dire dépressif, et il se complaît dans cet état. « La certitude d'une tristesse infinie stagnait au cœur de sa conscience, mais cette tristesse était rassurante, parce qu'elle seule lui était familière. Il n'éprouvait nul besoin d'une autre consolation. » (p. 11) De son côté, Kit, voit des présages de mort ou d'échec en toute chose. Superstitieuse et angoissée, elle ne sait à quoi se raccrocher pour trouver l'apaisement. « Je ne crois pas être faite pour vivre, dit-elle avec désespoir. » (p. 81) À mesure des étapes, alors que les trois Américains s'enfoncent au cœur de l'Afrique et vont d'hôtels sordides en terres inhospitalières, la perspective même du retour semble chimérique. Reste à savoir si disparaître est vraiment possible.



J'ai vu le film, il y a quelques années, pour la belle gueule de John Malkovitch. J'en gardais le souvenir d'un désespoir intense, mais je voulais lire l'œuvre originale. Forme m'est de constater que Bernardo Bertolucci a fortement édulcoré le texte. Il a cependant parfaitement retranscrit la beauté inquiétante des dunes interminables et du soleil impitoyable. « C'était une entité trop puissante pour que l'on ne fût pas tenté de le personnifier. Le désert ! » (p. 257) Ce roman n'est pas une histoire d'amour, si ce n'est une passion unilatérale pour le Sahara qui se moque bien des sentiments humains. Au fil des pages, j'ai souffert avec Kit, surtout avec Kit. J'ai évidemment revu le film, dès ma lecture achevée : il m'a autant émue que la première fois.
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Mémoires d'un nomade

Autobiographie intéressante à mon avis pour connaitre l'auteur derrière les œuvres. Dont le célèbre thé au Sahara.

Le voyageur malgré lui, Paul Bowles se jette dans des périples, des voyages, qu'il commence à 19 ans. Cette autobiographie est assez fouillée. Elle rend aussi compte d'une époque totalement différente. Se laisse lire de manière agréable.
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Un thé au Sahara

Un thé au Sahara / Paul Bowles

Port et Kit Moresby, un couple d’Américains riche et désœuvré parcourt en compagnie d’un ami commun, Tunner, l’Afrique du Nord en direction du Sahara. Mariés depuis onze ans, ils ne filent plus le parfait amour. Mais ils aiment les voyages. Cela crée des situations qui peuvent donner des idées à Tunner ou à Kit. Nous sommes quelques temps après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Débarquant à Oran, le trio se lance dans l’aventure sans connaissance de la langue et sans préparation. Aux hôtels malpropres et vétustes succèdent les villes poussiéreuses et étouffantes.

Plus tard ils font la rencontre d’une sorte de couple, Eric Lyle et une femme âgée qui semble être sa mère. Une femme insupportable qui déteste les Arabes, les Juifs et les Français. Le trio va alors se fissurer dans une incompréhension totale. D’autant plus que Port tombe malade, gravement puisqu’il s’agit d’une fièvre typhoïde. Kit est alors en pleine détresse : les conditions d’hygiène et de soins sont très rudimentaires dans cette région du sud algérien.

Kit, dans sa solitude intérieure, est une femme tourmentée, mal dans sa peau, minée par un complexe de culpabilité et qui a le sentiment d’avoir gâché sa vie. Aussi saisie par une espèce de délire sensuel se jette-t elle à corps perdu dans une aventure folle. Emporté vers Dakar par une caravane, elle découvre l’amour charnel avec un jeune arabe puis avec un Noir qu’elle aime éperdument.

« Le désert n’est jamais plus beau que dans le clair-obscur de l’aube ou du crépuscule. La notion de distance disparaît : une ride toute proche du sable peut être une chaine de montagne éloignée, chaque petit détail prend l’importance d’une variation capitale sur le thème répété du voyage. »

Paru en 1949, ce très beau roman assez étrange est remarquablement écrit. L’analyse psychologique des personnages et particulièrement de Kit est finement menée, avec un délire introspectif chez cette femme que guette la folie. Pour avoir personnellement traversé deux fois le Sahara dans au début des années 70, je confirme que Paul Bowles possède son sujet à la perfection et a su récréer l’atmosphère idoine.

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Mémoires d'un nomade





En tant que voyageur, je suis inexcusablement snob. Pas sur les lieux ou les cultures, mais sur le concept de voyage lui-même : les touristes sont affreux. Partout où je vais, je méprise avec joie les amas de touristes qui se promènent en ville, derrière un drapeau, piégés dans des activités pré-programmées.



Bien sûr, de ma part c'est pure bêtise. Dans mon esprit, je suis le premier étranger dans les pays où je vais, en réalité, malgré mes tâtonnements dans quelques langues étrangères, je ne suis qu'une sorte d'hydrofoil qui survole les pays sans même entrer dans les immenses richesses des marées humaines.



Ma première lecture m'a conforté dans mon arrogant snobisme; Port Moresby, dés les premières pages du livre observe hautainement :

'Alors que le touriste rentre généralement en hâte chez lui au bout de quelques semaines ou quelques mois, le voyageur n'appartenant pas plus à un lieu qu'à un autre, se déplace lentement au fil des années, d'un bout à l'autre de la terre. En effet, Port aurait eu du mal à dire, parmi les nombreux endroits où il avait vécu, précisément où il s'était senti le plus chez lui.'



Mais malgré toutes ses aspirations intellectuelles, Port est un mauvais voyageur et sa femme Kit pas mieux ; deux Américains culturellement indifférents avec trop de bagages (littéralement et émotionnellement) et sans but dans la vie, sauf leur désir de ne pas être là où ils se trouvent à ce moment-là. Ils sont désespérés d'être satisfaits, mais satisfaits de rien : dans chaque ville qu'ils essaient, les Moresby reniflent la culture arabe et se retirent dans leurs abris des chambres d'hôtel fréquentés par des anglophones.



Bowles a commencé à écrire Un thé au Sahara à Fès en 1948 et, apparemment alimenté par un cocktail de haschisch et de majoun (confiture de cannabis), il l'a terminé en se déplaçant au Maroc et en Algérie, parcourant le chemin que ses personnages emprunteraient. le voyage des Moresby est fiévreusement sombre; le paysage maghrébin « un maquis torturé de coquilles dures et d'épines velues raides qui couvraient la terre comme une excroissance de haine » ; un bar vide est "plein de la tristesse inhérente à toutes les choses déracinées".



J'ai parcouru le Maroc en backpacker il y a des années, visitant même le musée Paul-Bowles à Tanger; et c'est vrai, le livre de Bowles évoque des souvenirs de la chaleur sèche, de l'odeur âcre de l'urine chaude sur la brique, des coups de soleil constants et du vide d'un intestin qui peut parfois être mal à l'aise. Je me souviens à quel point j'étais conscient d'y être étranger.



Que j'aimais ces voyage, quand on ne pouvait pas avoir recours à tripadvisor ou au routard ! Je les aime toujours quand je suis capable de n'emporter ni guide de voyage, ni ordinateur, mais seulement un ou deux livres des poètes ou romanciers du pays, et tenter une immersion – tout en sachant désormais qu'elle n'est qu'illusion de connaissance.





Ce beau livre est un avertissement et une tentation, la civilisation occidentale ne peut conquérir le monde qu'en surface.
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Le grand miroir

Mohammed Mrabet (Mohammed Ben Chaib el Hajam), né le 8 mars 1936 à Tanger, est un conteur de patrimoine berbère de la tribu des Beni Ouriaghel et un peintre marocain. Surnommé l’écrivain qui ne savait ni lire ni écrire. Eh oui, il n'est jamais allé à l'école, son nom va être associé à Paul Bowles (compositeur et écrivain américain expatrié au Maroc) qu’il rencontre en 1960, ce dernier retranscrit et publiera les récits oraux de Mrabet dans les pays anglo-saxons ensuite traduit plus tard en français au grand plaisir des lecteurs francophones.Le grand miroir est écrit en 1977, traduit par Chantal Mairotet et publié en 1989 aux éditions BOURGOIS.

Le grand miroir est un récit très court (93 pages) imaginaire, psychédélique, cauchemardesque, effrayant et effarant. Le grand miroir est l’histoire d’un couple Ali et Rachida, lui un fermier qui travaille dur, elle une très belle et jeune fille, ils se marient en respectant la tradition, tout va pour le mieux, une grande maison en plein centre ville, une aide ménagère et un bébé pour cimenter cette union, mais voilà les prémices d’une maladie, d’une folie ou d’envoûtement et ou de sorcellerie vont s’inviter dans le quotidien de ce jeune couple.tout commence par une contemplation dans un grand miroir , Rachida se trouve extrême belle , un regard ,un sourire , un rire , un mouvement , un déhanchement , une danse , une couleur , rouge ,rouge sang s’ensuit un cris , un corbeau , un crime ;Elle égorge son enfant, sa robe blanche est immaculée de rouge, deux crimes, trois ...…. Ali désemparé est perdu entre rêve et réalité, entre deux mondes, deux femmes…

Une lecture fluide, sans temps mort, une écriture classique dans son style, mais rude dans la description, une ambiance lourde, surréaliste, avec une fin respectant la tradition orale des contes et mythes populaires maghrébins et africains. Une lecture marquante, pas facile à oublier. c'est ma première lecture de cette auteur mais pas la dernière .
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La jungle rouge

LA JUNGLE ROUGE de PAUL BOWLES

Le docteur Slade et sa femme tentent un remake de leur lune de miel pour retrouver l’amour. Ils arrivent dans un port sordide d’Amérique centrale. Il pleut toute la journée et ils font la connaissance dans leur hôtel de madame Rainmantle, grande buveuse et qui attend de l’argent. Les Slade quittent l’hôtel, prennent le train pour la ville et vont rapidement faire connaissance avec Vero, espèce de bellâtre qui vit avec Luchita. Très vite Vero les invite chez lui, un magnifique appartement et les événements vont prendre une tournure curieuse. D’abord Vero apprend que sa mère est morte la veille dans un incendie, or c’est la femme qu’ont connu les Slade. Madame Slade tombe brutalement malade, des sortes d’hallucinations qui créent un voile l’empêchant de percevoir la réalité. Elle se remet lentement et c’est son mari qui désormais est atteint et un matin disparaît!

Un roman des plus étranges, une ambiance oppressante qui monte à chaque chapitre, la pluie permanente rajoutant sa part de désespoir. Métaphore des couples qui ne veulent pas voir la fin de leur histoire, simple affaire policière à but lucratif, jeu énigmatique de l’auteur avec ses lecteurs, toujours est il que Paul BOWLES m’a laissé sur le carreau!

Pour les amateurs c’est un roman d’ambiance, bien poisseux où le port de l’imperméable est obligatoire.
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Un thé au Sahara

Je recommande fortement ce roman à tous les francais qui aiment la littérature américaine. Il est un des derniers chef-d'œuvre du mouvement des Expats; c'est-à-dire; le cercle des écrivains américains qui fréquentaient le salon de Gertrude Stein à Paris pendant les années 1920 et 1930. Dans le groupe, il y avait Ernest Hemingway, Scott Fitzgerald et Kay Boyle. (On inclut normalement l'espagnol Pablo Picasso qui était tous le temps là). Il y a dans "The Sheltering Sky / "Un thé au Sahara" des personnages typiques des romans des Expats. Ils vivaient à l'étranger parce qu'ils peuvent mener une vie bohémienne et libertine qu'il leur sera impossible chez eux. Ils regardaient la population locale parfois avec admiration parfois avec mépris.

Ce qui est différent chez Bowles est que ses personnages ont fui Paris pour l'Afrique du Nord où ils auront encore du mal à se sentir chez eux. Leurs aventures amoureuses ont des conséquences imprévus qui tournent en désastre. Afin de ne pas fréquenter l'amant de sa femme, l'héros fait un voyage à un ville loin dans le désert où il meure d'une maladie que l'on aurait pu traitement facilement dans un hôpital moderne. Sous le choque, sa femme qui l'avait accompagné fuit dans le désert où elle se fait violée et séquestrée.

Bowles raconte cette histoire sordide et tragique avec une maitrise hors du commun. De nos jours, on reproche à Bowles d'être raciste. C'est peut-être vrai mais je suis de l'avis que Bowles décrit plutôt avec justesse une société coloniale ou les autorités francais ont beaucoup du mal à s'imposer à la suite de l'occupation allemande de la deuxième grande guerre. On reproche aussi à Bowles de se livrer à des fantaisies males au sujet de la sexualité féminine. Il y a un peu de vrai dans cette critique mais je préfère dire que Bowles était l'enfant d'une époque profondément phallocrate.

"The Sheltering Sky / "Un thé au Sahara" dérange beaucoup mais il représente très bien la littérature américaine de son époque.
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M'haschich

Quand on entend un conteur analphabète, on est un peu surpris. Mais Mohamed Mrabet garde en mémoire des histoires qu'il a entendu plus jeune et celles qu'il entend dans les rues sur des cassettes sur lesquelles il s'enregistre. Le hasard lui a fait rencontrer un auteur américain Paul Bowles qui s'est installé à Tanger. Pourquoi ne pas travailler ensemble? L'un raconte et l'autre écrit. L'improbable prend vie puisqu'un éditeur est intéressé par le projet et les lecteurs par ces récits singuliers. Le Maroc est l'un des pays producteurs du haschich au monde. Alors rien d'étonnant que cette drogue trouve sa place dans le quotidien des hommes. Les gars sont au coeur de chaque nouvelle et leur quotidien se rythme de moment avec leurs potes du quartier à fumer. Après quelques tafs, ils sont très très détendus et vivent des choses un peu surprenantes. Les femmes restent peu présentes car leur place est plus dans la maison que dans les cafés. Toutefois, se ne sont pas forcément des petites choses fragiles. Une femme va ruser pour avoir plus de liberté et que son mari s'occupe d'elle sexuellement. Et sinon, elle donnera une façon de se venger de quelqu'un. La vengeance repose sur des rapports anales non consentis. On drogue l'autre, on abuse de lui et la honte est sur l'autre. Vous l'aurez compris ce petit relent d'homophobie est bien inscrit dans la culture. Est-ce qu'en France où les homosexuels peuvent se marier, il n'y a pas d'homophobie? La réponse est bien entendu non. Nous n'allons pas évoquer non plus le fait de rabaisser l'homme au niveau de la femme, cet être si inférieur. Le conteur ne le montre pas de cette façon. Les pages se tournent et nous proposent un voyage dans un ailleurs si différents de chez nous.
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Un thé au Sahara

La première fois que j'ai pris Un thé au Sahara de Paul Bowles, j'ai été amusé et embarrassé de voir mon snobisme (de me sentir différent des autres touristes) se refléter dans les premières pages, dans lesquelles le premier rôle masculin, Port Moresby, observe hautainement :

'Alors que le touriste rentre généralement en hâte chez lui au bout de quelques semaines ou quelques mois, le voyageur n'appartenant pas plus à un lieu qu'à un autre, se déplace lentement au fil des années, d'un bout à l'autre de la terre. En effet, Port aurait eu du mal à dire, parmi les nombreux endroits où il avait vécu, précisément où il s'était senti le plus chez lui.'



Mais malgré toutes ses aspirations intellectuelles, Port est un mauvais voyageur et sa femme Kit pas mieux ; deux Américains culturellement indifférents avec trop de bagages (littéralement et émotionnellement) et sans but dans la vie, sauf leur désir de ne pas être là où ils se trouvent à ce moment-là. Ils cherchent désespérément à être satisfaits, mais ne sont satisfaits de rien : dans chaque ville qu'ils essaient, les Moresby reniflent la culture arabe et se retirent dans leur malheureux abri de déjeuners dans des chambres d'hôtel.



Alors qu'ils traversent l'Algérie, Port devient de plus en plus ravi, tandis que Kit devient de plus en plus hystérique à mesure qu'ils s'éloignent de la société reconnaissable. Une tension suffocante se construit comme une impulsion, jusqu'à l'apogée audacieuse et obsédante du livre. Ce n'est pas Port mais Kit qui parvient à un véritable isolement, bien plus grand que les nobles prétentions de son mari, alors qu'elle glisse à travers le désert, vraiment seule pour la première fois.

Bowles a commencé à écrire Un thé au Sahara à Fès en 1948 et, apparemment alimenté par un cocktail de haschich et de majoun (confiture de cannabis), il l'a terminé en se déplaçant au Maroc et en Algérie, traçant lui-même le chemin que ses personnages condamnés emprunteraient. Le voyage des Moresby est fiévreusement sombre; le paysage maghrébin 'un maquis torturé de coques dures et d'épines velues raides qui couvraient la terre comme une excroissance de haine' ; un bar vide est 'plein de la tristesse inhérente à toutes les choses déracinées'.



Bowles est mon tonique: malgré toute la romance qui s'élevait à cette époque, Un thé au Sahara me rappelle que tout le monde était un peu raciste à l'époque et que le tourisme était probablement affreux pour toutes les personnes impliquées. De nombreux livres de Bowles contiennent un plaisir sombre et fréquent à punir les touristes désemparés – et en tant que touriste désemparé, le vide apathique de sa prose est véritablement terrifiant. Bowles m'a rendu un peu plus gentil avec ceux qui s'accrochent à la civilité posée des voyages en autocar ou des guides touristiques : les voyages peuvent être effrayants. Je comprends pourquoi quelqu'un voudrait se retrouver comme une sardine dans le confort d'un voyage de groupe.

Norman Mailer a écrit un jour : 'Paul Bowles a ouvert le monde de Hip. Il a laissé entrer le meurtre, la drogue, l'inceste, la mort du Square... l'appel de l'orgie, la fin de la civilisation. Bowles croyait que l'idée que la civilisation pouvait conquérir le monde entier était un mythe, et c'est cette idée, surtout les horreurs et les punitions qu'il construit avec jubilation pour les étrangers irréfléchis, qui me redonne un peu d'enthousiasme pour les voyages modernes.'



Soixante-dix ans après son écriture, Un thé au Sahara me fait toujours espérer de petites poches du monde encore dépourvues de perches à selfie et d'itinéraires. Je suis les deux Moresby : une partie de moi valorise la sécurité trouvée dans les guides et Internet, tandis que l'autre partie n'a de cesse que de jeter mes guides de voyage dans une dune de sable et de galoper dans le Sahara. Ce beau livre sombre est à la fois un avertissement et une tentation.





effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
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Le Scorpion

Avec le Collier de mouches, d'Élias Canetti, le Docteur Martino de William Faulkner, et depuis peu, l'Exil et le Royaume d'Albert Camus, le Scorpion de Paul Bowles fait partie de ces recueils de nouvelles sur lesquels je reviens avec toujours le même bonheur de lecture.

Comme si ces nouvelles avaient le pouvoir de nous réconcilier ou de nous fâcher à jamais avec l'humanité, de confirmer nos doutes et nos craintes sur la faiblesse du genre humain, ou au contraire sur son côté merveilleux. De conforter une nostalgie qui a parfois du mal à nous emmener loin de la réalité. De nous faire voyager en nous-mêmes.

Cet ensemble de sentiments contradictoires est contenu dans les nouvelles de Paul Bowles. Des nouvelles qui perdurent dans le temps et parviennent à capter l'essence de l'universalité des sentiments quels que soient les continents où se déroulent ces histoires, Amérique du Sud ou Afrique du Nord, et la qualité des personnages.

Pudeur des relations entre mère et fils dans la nouvelle qui porte le titre du recueil ; concurrence des villages de Tamlat et d'izli autour d'une source aux pouvoirs miraculeux ; histoire obscure de Dona Faustina qui choisit d'acquérir une auberge dans un endroit du pays ou plus aucunes routes ne passent ; désespoir des deux amis Lahcen et Idir écartelés entre leurs désirs et la réalité de leur quotidien ; voyage des deux soeurs Chalia et Lucha -au ranch de leur frère après la mort de leur mère...

Gore Vidal écrit dans la préface "Bowles a entrevu ce que cache notre ciel protecteur...Un flux d'étoiles infini, si semblable à ces atomes dont nous sommes composés que nous éprouvons dans notre perception de cet infini terrible, non seulement l'horreur, mais la ressemblance."

Exacte description du sentiment ressenti par le lecteur !
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Un thé au Sahara

"Ce qui ne peut pas être exprimé doit rester silencieux" a déclaré Wittgenstein. Alors n'essayez même pas; laissez-tout à la merci de la dyslalie.



De même, la folie tend à modifier les informations qui entrent dans le cerveau, et si vous y pensez, alors le monde que nous percevons ne semble être rien de plus que les chaînes de l'esprit. Selon Bowles, tout ce qui dépasse la compréhension rationnelle inhérente à la pensée humaine n'est rien de plus qu'une "Horreur stellaire". Dans l'un des romans d'Andrei Bely, un personnage mourant s'est agrandi à la taille de l'univers l'absorbant en lui même. le cadre a disparu; il est devenu tout, et le monde a fusionné avec son esprit ne faisant plus qu'un. Pour Bowles, quitter le monde, disparaître, signifie se perdre. Ses personnages vont si loin sur ce chemin qu'ils ne peuvent plus en revenir .. Accepter de vivre dans un monde et ses règles visant à une

certaine forme de conformisme, c'est ressentir une douleur profonde tout en étant sous l'emprise de sa personnalité ainsi formatée. Et puis rien n'aidera ..



Trois américains voyagent en Algérie; Port et Kit, un couple, accompagnés de leur ami Tunner. Ce dernier semble amoureux de Kit, mais sa fascination pour ce duo, leur singularité à ses yeux l'emporte sur le reste. de leur côté les deux amants semblent rester hermétiques à la société dans laquelle il évolue; la fascination n'est pas réciproque, et personne ne perçoit l'âme de l'autre malgré que Port et Kit ne sont pas aux antipodes et que leurs esprits soient en quelque sorte incroyablement similaires. Tunner, leur compagnon de voyage montre une certaine forme de fidélité au couple, car assez sensible, il a su en saisir certaines valeurs qui lui seraient peut-être proches. Cela le rend non moins important que les deux principaux protagonistes.



Le pire n'est pas tant que nous ne savons pas. le pire est en ce que le mécanisme même de comprendre quelque chose de manière rationnelle ne veut pas fonctionner; il échoue. Pas du tout destiné à expliquer le sens de la vie, de sorte que nous ayons souvent recours à cette forme d'intuition que peut être la folie; à n'importe quoi, juste pour éviter les pièges de l'esprit.



Et ce mysticisme glissant entre les lignes, les techniques de la fin cinématographiques sont le signe évident du désir de l'auteur de rejoindre le vague mystère ressenti dans un espace désert, autant que possible dépourvu de toute présence humaine.
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Un thé au Sahara

Port et Kit est un couple d'Américains aisés, vivant dans l'oisiveté et le désœuvrement. Le binôme ne respirant pas une franche concorde, il traverse l'existence en voyages. Quoi de plus indiqué, pourrait-on penser, que l'immuable insaisissabilité des sables du désert Africain - des côtés du Maghreb aux dunes du Sahara ? Une ambiance lourde de présages inquiétants se met en place, faite d'image de misère, de mort et d'ordure, d'amitiés de rencontre guère plus fiables que les inconnus aux formes fuyantes croisés le long des ruelles enténébrées, avec leur regard insondable et hypnotique.



Un roman dont l'intérêt repose donc sur une atmosphère pesante. L'exotisme, la perte de repère spatio-temporelle, la maladie, les dangers inhérents à l'aventure, la précarité foncière des personnages, due à la barrière de la langue et des traditions, soumis qu'ils sont à l'hostilité des éléments et ce, malgré leur aisance relative, prépare le lecteur à la prévisible catastrophe. L'œuvre sent un peu son exotisme facile, avec des relents de colonialisme, mais ça ne nuit pas globalement à la qualité de cette dernière.
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Un thé au Sahara

Kit et Port, un couple d’américains sont arrivés en Afrique maghrébine, avant de partir pour le sud, traverser le Sahara et partir toujours plus au sud. Qui sont-ils ? Des touristes ? Sûrement pas ! Des voyageurs ? Pas vraiment… Car l’homme et la femme semblent fuir, la civilisation mais surtout eux-mêmes. Port, un misanthrope colérique et jaloux, qui passe certaines nuits auprès de prostituées qui ne le satisfont pas, Kit restant son unique port d’attache. Kit, quant à elle, est un concentré d’angoisses, justifiées ou non, qu’elle soigne par une consommation excessive d’alcool et de médicaments. Elle a de plus une brève liaison avec Tunner, un homme qui accompagne le couple et qui régulièrement sera leur bouée de sauvetage. Ce couple en crise, d’étape en étape, plonge dans un monde de plus en plus éloigné de leur civilisation, avec une population qu’ils méprisent et qui les répugne (il est étonnant de lire certains extraits à notre époque du politiquement correct tant l’attitude des personnages occidentaux est colonialiste !). Une attitude autodestructrice et une fuite vers l’inconnu effrayante.



Paul Bowles a écrit ce livre qui fit sa renommée peu après la Seconde guerre mondiale, vivant depuis plus de 10 ans à Tanger. Un film de Bernardo Bertolucci en fut adapté et Sting chanta "A Tea In The Sahara" en référence à ce livre. Mais l’homme fut également un novelliste de talent et un compositeur renommé. Il travailla également à recenser les musiques traditionnelles berbères.



"Un thé au Sahara" est un grand roman, loin d’un exotisme orientaliste de façade. L’auteur nous y montre des personnages en marge de la civilisation occidentale (comme souvent dans ses livres), mais surtout deux sociétés vivant côte à côte mais sans se connaître, ni vraiment se côtoyer. Kit et Port, sans être vraiment sympathiques, nous emmènent loin vers des destinations inconnues et l’on ne peut s’empêcher d’être inquiets pour eux !
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Leurs mains sont bleues

Que dire de plus que TristanTristan ? Je nuancerai tout de même : "...par l'un des Maîtres" me semble plus ouvert : Il y a aussi "Désert solitaire" de Edward Abbey, et Nicolas Bouvier... et quelques autres...
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Un monde plus grand...

Je ne sais plus comment j'ai récupéré ce recueil de textes aux auteurs prestigieux ( Dos Passos, Kessel, Lawrence, Hemingway entre autres), mais c'était une belle découverte. A part l'extrait de Manhattan Transfer, tous les autres m'étaient inconnus. J'ai été particulièrement sous le charme de Kessel parlant de Hollywood avec une étonnante modernité, ou de Lao She décrivant les fruits vendus à Pékin en été avec beaucoup de sensualité.

Certains textes (ce sont tous des extraits de romans) sont un peu déconcertants car sortis de leur contexte on ne comprend pas forcément de quoi il retourne, mais étant donné que le but est de nous parler de villes célèbres, il suffit de laisser là l'histoire elle-même et de se faire plaisir en découvrant ou reconnaissant les endroits évoqués....
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Un thé au Sahara

Juste après la seconde guerre mondiale, un couple d'américains, oisifs et riches, et leur ami, se retrouvent pour un voyage en Afrique. Ils partent de l'Algérie pour aller jusqu'en Afrique subsaharienne. Très vite, ce voyage devient une errance, une fuite, qui va très mal se terminer. Les lieux, les gens, sont décrits souvent minutieusement, dans ce qu'ils ont de différent avec l'occident. Tout semble hostile. La saleté, l'insécurité, la misère ambiante les rebutent, mais ils continuent leur périple en s'enfonçant toujours plus vers le sud, vers le désert. Mais l'Afrique n'est que le révélateur de leur mal-être. Il y a une volonté de se perdre, de se confronter à l'inconnu. Ce voyage physique est tout aussi intérieur. C'est un questionnement sur le sens de leur existence. On assiste peu à peu à leur déchéance physique et mentale. Ils vont perdre tous leurs repères, jusqu'à la folie.

Comme il est écrit sur la quatrième de couverture, il y a quelque chose de D. H. Lawrence dans ce roman. Dans ces trois personnages qui se disputent et se questionnent, englués dans un environnement qui les dépassent totalement.

Je me suis retrouvé dans ces personnages en quête d'eux-mêmes. C'est le genre de voyage qui me correspond parfaitement. J'ai lu ce livre très rapidement. L'écriture est précise et claire. Quelques relents de racisme de la part des protagonistes pourront en dérouter certains. Mais, dans l'ensemble, c'est un livre que je recommande.
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Un thé au Sahara

pas vraiment emballée.

Je m explique : de manière factuelle j ai apprécié le voyage, les descriptions des paysages qui nous aide à se projeter dans les décors. Un bon point !



L histoire en elle meme ... vraiment déçue .



Des gens riches qui voyages sans vraiment s intéresser à la population locale ( oui ok nous sommes dans les colonies, autre époque ) mais quand même. C’est exactement comme cela que je déteste voyager. On regarde sans comprendre et on critique on râle ...

Quand enfin Port, le mari décède c est une autre histoire bonne mais si courte ! 270 pages soporifiques pour une troisième partie si peu exploitée alors que c’est là qu’il fallait détailler, assombrir un peu plus cette histoire.

Par curiosité je vais mater le film ( j adore Jonh Malkovich )
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Un thé au Sahara

L'intérêt des liseuses, c'est qu'elles n'ont pas de quatrième de couverture…

Je dois dire que pour ce "Thé au Sahara", Gallimard fait très fort! Il nous informe tout d'abord que Kit et Port Moresly "bien que mariés depuis 11 ans, sont loin de s'entendre". Ce "bien que" me laisse songeuse. Ne faudrait-il pas dire "mariés déjà depuis 11 ans les Moresly sont loin de s'entendre?

Cinq lignes plus bas, je vois (TROP TARD, le mal est fait), que Port meurt de la typhoïde. Page 241! C'est rageant.

Collection L'IMAGINAIRE! 1980

Ensuite la jeune femme est emportée par une caravane et vivra plusieurs amours tumultueux, tout cela dans une Afrique prodigue et pourrie (sic). Les personnages ont quelque chose de D.H.Lawrence, avec leur solitude et leur malaise intérieur.

Je l'ai lu, et maintenant vous en savez autant que moi :)



Let's get our money back….
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17 quai Voltaire

Avec sa finesse habituelle, Paul Bowles, toujours en voyage, nous parle du Paris des années 30, où jeune homme il passa un hiver hébergé au 17, quai Voltaire chez Harry Dunham. Le tirage, en avril 1993, hors commerce était"réservé aux amis de" Quai Voltaire"
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Dans le conte de Charles Perrault, il est parfois écrit que Cendrillon porte une pantoufle de vair. Qu'est-ce que le vair?

Un synonyme de verre
De la fourrure

10 questions
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