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Critiques de Peter Stamm (141)
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L'un l'autre

L'argument de L'un l'autre est plutôt facile à énoncer : une nuit, celle du retour de vacances en Espagne, Thomas quitte le domicile conjugal sans se retourner, abandonnant femme et enfants. L'auteur va alors écrire le récit des jours "sans" d'un côté comme de l'autre, lui vagabondant dans la nature suisse, elle l'attendant, inquiète mais persuadée de son retour. le livre n'est pas le meilleur de Stamm, loin de là, mais il est peut-être celui qui est le plus représentatif de sa manière. de son style épuré, d'abord, simple en apparence, mais ô combien travaillé pour arriver à ces phrases ciselées, sans afféterie ni prétention mais riches de non-dits, denses par ce qu'elles comportent d'informations souterraines. le roman est également maîtrisé dans un récit à deux voix, d'une grande banalité parfois, en apparence en tous cas, plus axé sur les sensations que sur l'action et chiche en explications ou éclaircissements psychologiques. Thomas est parti mais que cherchait-il à fuir ? Une vie toute tracée, une envie d'en finir tout court ? Ou bien a t-il cédé à l'attrait de l'inconnu et de l'aventure ? Voire. Astrid n'en sait rien et nous non plus, même à la fin du livre. Celui-ci s'achève d'ailleurs de nombreuses années après son point de départ avec une belle surprise, ou pas. En attendant, davantage que les pérégrinations de Thomas, qui manquent un peu de sel, c'est le portrait d'Astrid qui touche. Une Pénélope moderne, fidèle et droite, qui combat les tourments de l'absence, apprivoise le deuil qu'elle a dû faire, imagine la vie de Thomas et croit toujours à son retour. A t-elle raison de l'espérer ? La réponse tient en quelques lignes dans le dénouement du roman.
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La douce indifférence du monde

Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses



Christoph, le narrateur devenu un écrivain connu avec le roman d'une rupture amoureuse, revient dans sa petite ville natale afin d'y présenter son livre en librairie. Après la séance et quelques verres, il retourne après minuit dans le complexe commercial où se trouve son hôtel, là où il travailla naguère jeune homme. le portier qui lui ouvre n'est autre que lui-même.



On a compris que la dimension fantastique habite le dernier roman de Peter Stamm (entretien avec "Libération" ici). On y retrouve l'atmosphère trouble et mélancolique qui caractérise les écrits de l'écrivain suisse. La scène reprise ci-dessus n'est relatée que plus loin dans le récit. Au début, Christoph vieillissant donne rendez-vous à une jeune femme, prénommée Lena, qu'il a croisée par hasard et qui ressemble fort à l'amoureuse d'il y a vingt ans : Magdalena, celle qu'il a racontée dans son roman. Lena lui dit qu'elle fréquente un jeune homme prénommé Chris, en train d'écrire aussi un livre et dont la vie ressemble à celle que Christoph a vécue lui-même une génération auparavant. le couple qu'il formait avec Magdalena semble revivre sous deux autres entités qu'il va croiser et poursuivre.



L'objet du récit de Stamm n'est pas le fait rebattu du voyage temporel, comme le fit Richard Matheson dans "Le jeune homme, la mort et le temps" ("Bid time return"), livre de science-fiction qui, passé le frisson de la plongée dans le passé pour y retrouver une femme désirée, lasse très vite .



"La douce indifférence du monde" est une histoire bien plus subtile. La Croix écrit : "La réalité est bien là, mais aussi, d'abord, comme leurre, façade ou décor. Elle est pour ainsi dire dépassée par la force des sentiments, des souvenirs, des rêves… Quant à la vérité, elle est instable, en fuite perpétuelle." Le personnage confronté à un réel perturbant dégage un sentiment d'inquiétude face à des «revenants», à la fois homologues et distincts, presque indifférents. Ceci installe une forme de distance étrange que souligne le titre tiré des dernières lignes de "L'étranger" de Camus: "... devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde."



La maîtrise que Stamm manifeste pour mener cette histoire de doubles est impressionnante, il en joue jusqu'aux limites de la confusion, d'une manière que la traduction ne galvaude pas, sans jamais induire une seule impasse logique mais des superpositions subtiles surgissent qui donnent le vertige, et si l'on pense soudain avoir perdu ses repères, on retrouve tôt le fil d'une cohérence, néanmoins soutenue par un réel équivoque. C'est de la virtuosité.



Rencontre du présent et du passé, ricochets du destin, le récit est enclos entre deux chapitres saillants, l'un inaugural, l'autre tout à la fin – il serait maladroit de les dévoiler – qui donnent à ce roman une signification et un supplément esthétique qui en font une merveilleuse lecture méditative.
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Tous les jours sont des nuits

Tous les personnages des livres de Peter Stamm naviguent dans une sorte de flou. Leur caractère est irrésolu. Ils subissent les épreuves de la vie avec un certain fatalisme. Hausser les épaules, comme dans Tous les jours sont des nuits, son dernier ouvrage, est l'attitude qui les résume le mieux. Leur révolte, si elle a lieu, sera douce, et comme un chemin emprunté presque comme par hasard. Les romans de l'écrivain suisse sont épurés et tiennent sur un fil fragile. Pour les apprécier, il faut être d'une humeur égale et se laisser bercer par une musique qui peut apparaître sensiblement monotone et dépourvue d'énergie. Parfois, la magie opère comme dans Sept ans, sans doute son meilleur livre. Tous les jours sont des nuits est moins réussi, trop étiré peut-être, comme si l'auteur recyclait ses thèmes favoris sans parvenir à dépasser une langueur somnolente. Les deux caractères principaux de Tous les jours sont des nuits sont Gillian et Hubert. Elle est présentatrice à la télévision et sa vie bascule lorsqu'elle est défigurée dans un accident de voiture alors que son compagnon décède ; il est peintre mais ne croit plus guère dans son art. Ils se sont rencontrés brièvement et ont ressenti une attraction mutuelle mais ne sont pas allés plus loin. Ils se retrouveront 6 ans plus tard dans un petit village de montagne. Leur reconstruction est en cours. Voilà. On a l'impression que ces deux êtres sont un peu hors d'eux-mêmes, observant de haut leur lente mutation, leur migration vers une vague sérénité qui passe par l'abandon de toute ambition. Au final, il ne reste qu'un peu de mélancolie qui flotte dans l'air. C'est un roman de Peter Stamm. Pas son meilleur mais il est suffisamment attachant pour diffuser un parfum qui n'appartient qu'à lui, avec ce cousinage certes lointain mais tout de même réel avec un certain Modiano.
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L'un l'autre

Curieuse histoire de ce couple qui boive un verre sur leur terrasse au retour de vacances. Astrid rentre quelques minutes dans la maison, quand elle ressort son mari a disparu, la laissant seule avec ses enfants, lâchant son travail. Le roman est alterné par leurs deux monologues. Thomas a suivi son instinct de partir cheminer dans la nature et la montagne suisse. Une belle écriture et réflexions qui renvoient au sens de la vie de chacun. Un texte simple en apparence, mais en réalité très profond.
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L'un l'autre

Un homme qui part. Un soir, il quitte maison, épouse, enfants, sans raison. Le voilà arpentant forêts et vallées, sans autre but apparent que celui de marcher et de s’isoler.

Une femme qui reste. Sonnée, elle tente d’abord de sauver les apparences en dissimulant la fuite, tout en se demandant si celle-ci va durer...

Des comportements qui peuvent étonner ; mais rapidement on accepte car la plume directe, sans fioritures, invite à observer sans juger. Cette prose tranquille alterne les points de vue : tantôt l’on met ses pas dans ceux du marcheur, tantôt l’on s’agite doucement et l’on attend.

Les chapitres en pleine nature m’ont totalement séduite au début. Mais c’est finalement le récit de la famille amputée qui va prendre le dessus et me captiver, jusqu’au final que j’ai adoré.

Une lecture pour se laisser aller et réfléchir dans les grands espaces. Ni leçon ni morale : chacun peut s’emparer de cette histoire avec ses propres repères, ses propres peurs, ses propres espoirs.
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Agnès

.«  Agnès » est le premier roman de Peter Stamm paru en 1998 à Zürich et à Hambourg. Il reçoit le prix de Rauris en Autriche.C’est en 2000 que « Agnès » parait en langue française.Agnès est une jeune américaine de vingt cinq ans, elle vit à Chicago. Etudiante en Physique, elle se rend souvent à la Bibliothèque municipale afin d’alimenter le contenu de sa thèse sur le sujet. Elle est également violoncelliste et fait partie d’un quatuor à cordes.Lui, le narrateur est suisse, écrivain et fait des recherches sur les trains de luxe américains, le thème de son futur écrit.Leur première rencontre a lieu dans la bibliothèque municipale de Chicago. D’échanges de regards à de plus précises discussions autour d’une cigarette ou d’un café, jour après jour, leurs rapports deviennent plus étroits.Ce qui m’a plu dans ce roman,est l’analyse de la naissance du sentiment, sa psychologie ainsi que celle relative à la construction du couple.Que pense l’autre ?Quelle est sa réciprocité dans la relation ?Comment nait la jalousie ?Le roman est assez particulier en ce sens que le narrateur va offrir à Agnès la genèse d’un roman pour reprendre nombre de ses interrogations, une histoire d’amour, leur histoire ou leur potentielle histoire…Ne pas se fier à la première phrase du roman, tout est dans la métaphore, la seconde phrase en donne d’ailleurs le ton. La réflexion, l’originalité du texte et du thème m’ont guidé tout au long du récit fragmenté en petits chapitres aérés.La lecture est plaisante.
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La douce indifférence du monde

Ce roman est un bijou presque parfait dont la construction narrative minutieuse et intelligente est parfaitement maîtrisée. J'écris ‘presque', car la virtuosité de Peter Stamm est telle que le lecteur n'est pas totalement immunisé contre le risque de se perdre dans les multiples sauts temporels et de ne plus trop savoir qui est qui dans cette histoire sinueuse.



Mais je crois que c'est précisément l'objectif de Peter Stamm de créer de l'incertitude. J'incite fortement les Babeliautes à embarquer dans ce très beau voyage romanesque ; mon commentaire veille donc à ne pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs.



Dans les 140 pages de ce roman très dense, les personnages déambulent, dans le temps et dans l'espace, le plus souvent dans un cadre urbain. Les notions de déplacement et d'errance me semblent très importantes dans le livre. Les personnages sont souvent en mouvement, marchent sans vraiment savoir où ils vont et parfois sans même savoir où ils sont. Les lieux ont une place importante : cimetière, café-restaurant, université, aménagements de banlieue, montagne… Ils me semblent emblématiques du récit et font écho au monde intérieur des personnages ou résonnent comme des symboles de leur être-au-monde. L'hôtel par exemple est le lieu de passage et de la présence réduite à son minimum ; l'université apparaît aussi comme un lieu de passage mais à mi-chemin entre la permanence de l'ancrage et l'éphémère ; la montagne est le lieu du retrait du monde.



Le roman est une fable riche sur la vie et sa signification, sur l'amour et sa durabilité, sur l'importance du temps et notamment du souvenir. Dans son histoire, Peter Stamm nous emmène par petites touches disposées ici et là face aux notions d'identité, d'unicité de l'existence, de sa reproductibilité, d'authenticité, d'histoire personnelle, de même et de différent, d'impermanence, de destin... le fait que l'un des personnage est une actrice est à cet égard significatif. Le roman nous invite à rêver d'une vie recommencée ou à imaginer ce qu'aurait été sa vie si… Le récit permet aussi de poser la question du rapport des êtres à la réalité. Et sur ce point, la littérature occupe une grande place dans le roman. Peter Stamm est un auteur qui est certes un formidable conteur mais qui a aussi parfaitement conscience des enjeux posés par la littérature. Le personnage principal est un écrivain. Il se rend compte par exemple que l'écriture des souvenirs transforme la réalité ou en tous cas crée un ressenti différent de celui d'origine. Les souvenirs diffèrent de la réalité, si tant est que celle-ci puisse être désignée par un article défini.



Je crois que les commentaires, en tous cas le mien, sont quelque peu superflus pour rendre compte de ce très beau roman. Jugez vous-mêmes et lisez-le.

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Les archives des sentiments

J'ai découvert la plume de Peter Stamm avec ce roman que j'ai beaucoup apprécié. Une belle sensibilité au masculin, un roman sentimental où l'on entre dans les pensées les plus intimes d'un homme dont on suit un pan de sa vie, ses pérégrinations amoureuses, ses remises en questions sur sa vie, son travail, sa place dans le monde... Entre fantasme et réalité, rêve et concrétisation, on se laisse porter et on s'attache très rapidement au personnage central. J'aime la saveur particulière qui se dégage de ce roman, la mélancolie, le temps qui passe, la beauté qui se mêle au quotidien morose, les illusions, les attentes, la déception mais aussi les moments de joie, de réussite. En somme, un aperçu des aléas de la vie qui peut concerner tout être humain mais dont peu de gens osent parler... Une profondeur du cœur qui touche. Une histoire qui sonne vraie et c'est tout simplement beau.
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La douce indifférence du monde

Après "Sylvie" de Gérard de Nerval, voici un nouveau traitement du thème du double. Le narrateur rencontre un homme qui lui semble être un autre lui-même, cependant plus jeune de vingt ans, ainsi qu'une femme, Lena, ressemblant beaucoup à son ancien amour. Au cours de promenades interminables, il raconte à Lena l'histoire qu'il a partagée avec celle qui lui ressemble. Ce récit est l'occasion pour Stamm d'étudier le phénomène du souvenir : la modification des faits vécus, le sentiment d'être étranger à soi-même et de se contempler depuis l'avenir, le malaise de douter de sa propre identité et de ce qui la maintient unique à travers les modifications du corps et celles de la mémoire.

Cette enquête sur la métamorphose de soi est menée avec une rigueur et une simplicité comparables à celles de Modiano dans certains de ces livres. L'aspect troublant en ressort d'autant mieux.
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L'un l'autre

Un soir, sans en avertir sa femme Astrid ni ses deux enfants, Thomas part pour une promenade à pied dans son quartier et abandonne le domicile conjugal pour de très nombreuses années. Le roman est construit par l'alternance du récit de l'errance de Thomas à travers la Suisse et celui de la réaction de sa femme, qui lorsqu'elle finit par comprendre la disparition de son mari, prévient la police, tente de le retrouver, puis se résout à le croire mort.



J'ai dévoré ce roman qui se lit comme un thriller et que j'ai trouvé passionnant.



Tout au long du livre, Thomas reste un personnage énigmatique dont les motivations ne sont jamais explicitées. Dans les passages qui lui sont consacrés, le texte est très descriptif et fait défiler des images à la fois de la banalité de la vie humaine et de la nature au sein de laquelle Thomas est parti se plonger. On devine un homme introverti las d'une vie formatée et désireux de retrouver un sentiment de liberté dans une solitude volontairement choisie, mais finalement rien n'est moins sûr car l'écriture reste neutre et ne prend pas réellement de position morale, même si on peut parfois noter quelques esquisses de remarques critiques d'une Suisse proprette et aseptisée. Thomas quitte le monde comme s'il était mû par un désir d'invisibilité et de retrait, mais en même temps il l'arpente et s'y enfonce. L'errance, le retrait du monde, la confrontation à la nature rappellent quelques thèmes de la littérature américaine classique, placés ici dans un environnement européen, et suisse en particulier, pourtant fort différent des grands espaces vides américains.



Son épouse, Astrid, est une personne plus facile à décoder, plus terre à terre, moins secrète. Dans les parties qui lui sont consacrées, les sentiments et les pensées de la femme sont livrés au lecteur : l'inquiétude, la gêne d'avouer l'absence du mari, l'énergie mise à le retrouver, la peur du lendemain quand elle se fait peu à peu l'idée que Thomas est mort… Certains passages racontent les souvenirs d'Astrid et les pensées nées de son imagination, qui étrangement sont parfois proches de ce qui vit Thomas.



Un très beau roman sur le fantasme de disparition, sur le retour à la vie naturelle et aussi une belle histoire d'amour.

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Au-delà du lac

Les nouvelles de Peter Stamm paraissent baigner dans le halo d'une attente, comme si l'on y sondait une eau trouble – mais rien de glauque –, où les faits et choses ordinaires prennent une dimension exceptionnelle, imperceptiblement dérangeante, enveloppée dans un malaise prégnant, sourd et insipide.



Que tous ces récits se situent autour du lac de Constance a peu d'incidence sur la nature réelle des textes proposés, car on va bien au-delà du lac... L'auteur germanophone, citoyen de Winterthur, y a trouvé matière, parmi quelques souvenirs personnels, à des moments littéraires exclusifs ainsi qu'il l'explique dans un épatant français. Les dix récits du recueil sont très variés dans leur schéma, leur longueur et leur thème : un écrivain en mal d'endroit calme pour travailler découvre une villégiature sans eau, ni électricité, rien à manger et une hôtesse peu accommodante (Les estivants); un prêtre au bord de l'exaspération, mal accepté et pris à partie par ses paroissiens (Le repas du Seigneur); un couple amoureux dans un autobus observé par un homme bizarre, revu le soir dans une interview télévisée (Sweet dreams); un jeune fermier travailleur, un peu gauche, voit un chapiteau de rock s'installer sur son terrain (Le 27 juin); ... Coney Island, instant bref minutieusement décrit, comporte deux pages.



La science de Stamm est de donner de l'importance à des événements anecdotiques, à peine faits-divers, et, exception de toute nouvelle réussie, à son terme, la décision, le dernier mot revient toujours au lecteur qui désire en faire «son» histoire, remplir les interlignes, élaborer définitivement la sienne parmi une libre collection de possibles.



Parvenir à cet idéal requiert évidemment la rétention d'information, et tout l'art est que cette économie au niveau de l'écriture induise l'attente et le trouble à partir de l'essentiel, le nerf, fuyant tout remplissage qui sera senti comme excès de poids. Parfois Stamm nous conduit par les mots vers une révélation que l'on a perçue dès le début, qui attend son moment, ou bien il nous met face à un éparpillement qui, le dernier mot tombé, dessine sur la page une forme évocatrice que nous saisissons, ébahis, comblés peut-être, pour la brandir limpide, congrue.



[...]

Merci l'écriture minimaliste, ici encore. Ce n'est pas «du Carver» fort axé sur le dialogue, on y reconnaîtra plutôt la ligne épurée d'un Yves Ravey, sans rechercher le suspens comme ce dernier. Dans un entretien, Stamm dit de la vie qu'il n'essaie plus de l'expliquer mais qu'il la regarde. C'est vraisemblablement un des secrets de cet homme pour parvenir à un beau résultat littéraire, lui qui laisse planer un léger sourire entendu lorsqu'il mentionne ses études en psychologie à l'université, «parce ce qu'il fallait quand même bien comprendre comment fonctionnent les personnes, puisque la littérature parle d'elles».



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Sept ans

Alexander, Sonia, Iwona : un triangle amoureux classique ? Non, c'est bien plus compliqué que cela, sous la plume du suisse Peter Stamm, aussi doué qu'un Modiano chez nous pour flouer les impressions et laisser à ses personnages un caractère énigmatique. Dans Sept ans, Alexander est un architecte dont la vie professionnelle n'est pas vraiment une réussite mais ce n'est rien à côté de sa sphère privée. Sa femme est trop brillante, trop belle pour lui. Que cherche t-il alors auprès de sa laide maîtresse polonaise ? Un avilissement ? Un antidote à la perfection de son épouse ? On ne le saura jamais, d'autant qu'Alexander est le narrateur et que les pensées des femmes qui l'entourent passent par son prisme. Stamm cultive le mystère avec talent, même s'il y a quelque chose de frustrant dans ce roman, une impuissance à vouloir faire bouger les choses alors que le "héros" du livre apparait, en fin de compte, comme un lâche et un velléitaire. Traversé de sous-intrigues, plus ou moins souterraines, riche de nombreux seconds rôles admirablement campés, Sept ans est un livre destiné à tous les amoureux d'une littérature qui laisse le champ des possibles largement ouvert.
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Agnès

Peter Stamm raconte une relation de couple entre deux personnages : son narrateur et une jeune femme Agnès ; deux personnages très différents.

L'un écrivain "technique" qui entreprend un ouvrage sur les wagons de luxe, l'autre en thèse de physique. Le narrateur décrit avec beaucoup de tendresse la sensibilité d'Agnès.

Peu à peu, le métier d'écrivain du narrateur va prendre une place importante dans le couple dans la mesure où il écrit l' histoire de leur relation en parallèle à celle ci. La fiction va alors prendre le pas sur la réalité. L'annonce d'un bébé va également profondément chambouler leur petit monde.
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L'un l'autre

" Entre 40 000 et 50 000 personnes disparaissent chaque année en France - un chiffre constant. Un quart des cas seulement sont jugés « inquiétants » et font l'objet d'investigations, les disparus étant retrouvés la plupart du temps "(Ouest-France, 26 septembre 2013).



Vous est-il jamais arrivé de vouloir partir ? Pas de partir "en voyage", mais de tout quitter, de vous effacer de votre propre famille, de votre travail, de votre vallée et de votre pays ?



Thomas et Astrid ont deux jeunes enfants. Ils rentrent tous les quatre de vacances en Espagne et retrouvent leur maison, leur jardin, leur banc. Le soir est calme. Le couple prend un verre en silence, assis au soleil couchant. Un enfant appelle dans la maison. Astrid rentre, puis reste à ranger les affaires qui sont encore dans les valises. Thomas quitte son banc, referme la porte du jardin et part sans un mot. Il ne rentrera ni ce soir, ni dans les jours qui suivent. Pourquoi est-il parti ? Reviendra-t-il un jour ? Comment Astrid vivra-t-elle cela ?



Couple et solitude, envie d'ailleurs et routine : quelles sont les parts relatives de l'un et de l'autre dans notre vie ? Question à laquelle l'auteur n'apporte pas de véritable réponse. Il se contente de décrire le chemin de l'un et de l'autre, mais le fait si bien ! Peter Stamm a du talent. Il raconte une histoire "de l'extérieur", presque uniquement de façon descriptive. Par petites touches, il crée une atmosphère angoissante, pleine de suspens, d'un suspens si prégnant que livre entier est dévoré en deux heures. Ne cherchez pas de message. La réponse est dans l'instant : "il se sentait présent au monde comme s'il n'avait ni présent ni avenir"...

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L'un l'autre

Ce court roman plein de poésie se lit d'une traite. Le titre, très évocateur, fait allusion a une réflexion sur la solitude dans le couple. Lorsque Thomas décide de quitter le domicile, Astrid laisse passer quelques jours avant de se rendre à la police. Mais la réponse qu'elle reçoit du policier la déstabilise, "un individu adulte a le droit de plonger dans l'anonymat"... Plus qu'une enquête, c'est une véritable quête qui s'engage. L'écriture est savoureuse, presque philosophique. Nous avons une alternance des points de vue d'Astrid, qui subit la solitude et finit par apprendre la patience, et de Thomas, qui commence seul une vie solitaire, faite de vagabondages et de petits boulots. Il s'agit d'un roman d'atmosphère dans lequel la lenteur sous-tend une réflexion plus profonde sur le couple. Les jours, les mois et les années passent sans longueurs et sans temps morts. Le visuel est très réussi, la traduction très fine. Un roman très abouti, une vraie pépite...
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Alors on a déménagé

Sous la plume de Peter Stamm dans un registre différent de son habituel, je découvre « alors on a déménagé ». Pour dire la vérité, j’ai réservé ce livre de Peter Stamm que j’apprécie beaucoup à la bibliothèque pensant à un roman sans savoir qu’il s’agissait d’un album jeunesse illustré. Grande fut ma surprise lorsque l’on m’a tendu ce format illustré carré de 30 centimètres sur 30 !

J’ai décidé de faire l’enfant et j’ai d’abord tourné les pages en ne regardant que les images avec attention et là … magie je me suis envolé ! Les dessins sont adorables, nous emmènent dans un rêve. Les petites capes de pluie par exemple sont minimalistes mais tellement mignonnes. L’émotion qui se dégage des dessins est sublime. Ces illustrations sont issues de la main de Jutta Bauer.

Pour revenir au texte, les mots sont doux, simples, vivants. Ils expriment le vécu de nombreux déménagements d’une famille par un enfant dans ses yeux insouciants. On ressent l’instabilité de cette famille qui déménage souvent, est-ce par convenance pour échapper à l’emprisonnement d’un endroit unique ou est-ce dû à la précarité financière ou encore conjugale ?

A chaque page, la situation dans le nouvel endroit habité est décrite ainsi qu’à la fin la cause du déménagement. « Papa, lui, n’aimait plus maman. Alors on a déménagé. »

On retrouve également un côté fantastique du conte car la famille va habiter des lieux insolites tels qu’un chapeau ou un violon.

La symbolique de ces endroits étranges est palpable. Malgré la tristesse qui pourrait se dégager de cette histoire, la vision est très positive.

Cet album est original, adorable, j’ai vraiment aimé cette lecture.

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Les archives des sentiments

Il a été archiviste, il lisait, découpait, classait. Tout était soigneusement rangé dans des dossiers. Il y avait celui de Fabienne, Franziska, une chanteuse qu’il admirait. Et puis il a été licencié. À l’heure d’internet, plus besoin de garder de traces écrites, tout est sous format numérique et notre homme se retrouve au chômage. Il négocie avec ses employeurs le droit d’emporter ce à quoi il a consacré tout son temps. Il dépose tout cela chez lui et …. Il continue : découper, classer… Mais il se sent seul…

« Ce n’était pas les échanges avec les autres qui me manquaient mais le sentiment d’être intégré, de faire partie d’un ensemble. »

En continuant son activité, il existe. Son esprit s’évade, revient en arrière dans ses archives personnelles. Qu’a-t-il fait de sa vie, de ses sentiments, de ses ressentis, de ses rencontres ? Il analyse, décrypte, scanne, comme il le faisait avec les documents sur lesquels il travaillait.

C’est un long monologue auquel il nous convie, avec Franziska en fil conducteur. On ne sait pas si ce qu’il transmet est vrai ou déformé par l’envie de vivre (ou d’avoir vécu) certains instants. Tout ça fluctue au gré de ses émotions, de ses souvenirs faussés ou non. Finalement à force de collecter des informations sur ce que les autres ont vécu ou écrit, ne s’est-il pas oublié en route ?

« Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours douté de mes sentiments, et même dans les plus grands moments d’effervescence affective, j’ai toujours été un peu à distance de moi-même, en train de m’observer. »

C’est sans doute, pour lui, une forme de protection, pour ne pas déranger le cours de sa vie, toujours les mêmes rituels, un rythme et des occupations identiques. Est-ce qu’il a raté quelque chose ? Est-ce que son quotidien aurait pu être différent, notamment ses amours ? Aurait-il été capable de donner sans s’interroger, de se lâcher, d’être lui ? La construction de ses relations aux autres montre qu’il avait malgré tout, des difficultés à se lier. On peut se questionner. En faisant ces choix, cet homme a voulu sa solitude, il s’est enfermé dans ce qui a été ou qu’il a imaginé. Et si cela lui suffit, pourquoi pas ? Il s’est attaché aux écrits pour garder une trace, mais pour autant il n’a jamais rédigé de journal intime. Il s’est appliqué à garder tout ce qui paraissait sur Franziska mais rien sur lui. Alors il ne peut se fier qu’à sa mémoire.

C’est dans un style mélancolique, avec des phrases assez courtes que nous lisons ce que cet homme veut bien partager avec nous. Si le passé s’invite à sa porte, que va-t-il faire ? Quelle image a-t-il laissé aux autres ? Est-ce que ça vaut la peine d’aller à la rencontre d’autrefois ? On pourrait penser qu’il n’y a pas grand-chose dans ce récit et pourtant, c’est fascinant. Une espèce de magnétisme nous fait pénétrer dans l’intimité intellectuelle du narrateur et comme il s’exprime en style indirect, on a l’impression qu’il nous narre son histoire au creux de l’oreille, comme un secret. Il y a une atmosphère particulière, faite d’introspection et on se retire à la dernière page sur la pointe des pieds.


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L'un l'autre

Thomas est parti. ⠀

Il avance dans la forêt, seul, ombre parmi les ombres.⠀

Dans la montagne qu'il parcourt flotte une légère brume.⠀

Thomas, lui, flotte dans la brume.⠀

Évanescent, il quitte ce monde artificiel; escorte fantomatique du brouillard qui l'enveloppe.⠀

Il ne fait plus partie des autres. Il est un corps étranger, spectateur d'une mise en scène peuplée d'acteurs.⠀

Il n'a plus passé ni avenir.⠀

Il commence une nouvelle vie, présent au monde.⠀

Hors de son corps.⠀



Thomas est parti.⠀

Astrid l'attend.⠀

Avec leurs deux enfants, elle espère son retour.⠀

Nie son départ.⠀

Dans le quotidien rassurant des tâches ménagères, elle évolue ; danseuse automate dans le déni.⠀

Agir pour ne pas penser, nier la disparition.⠀

Le quotidien, source de sécurité ; la routine comme réponse à l'extraordinaire de la disparition de Thomas.⠀

Peu à peu, elle effacera ses traces, jusqu'à douter de son existence.⠀



Astrid bouge entre les quatre murs sécurisants de sa maison quand Thomas évolue dans un monde parallèle.⠀

Séparés ils créent une dynamique du mouvement, quand leur relation de couple était figée.⠀

Temps et Espace les rejoignent dans une chorégraphie élastique.⠀

Les lieux s'élargissent et rétrécissent quand le temps s'étire et se contracte. ⠀

Un temps devient un toujours, rien ne s'arrête, rien ne commence. Les personnages évoluent , observateurs de leurs mois fantomatiques, dans une dimension parallèle, continuum où l'infini maintient le lien. Le temps et l'Espace se mêlent dans une "bienheureuse sensation d'omniprésence."



L'auteur joue avec l'espace et le temps, "les années n'avaient pas de chronologie, [...] les endroits pas de lien entre eux "

Les êtres évoluent dans la continuité.

De leur quotidien, de leurs rêves, de leur absence.



Si Thomas continue à être absent, peut-on considérer qu'il est parti? Quand son absence enveloppe les membres de sa famille, leur relation ne peut être rompue. Quand l'un est ici, l'autre est là bas. Mais ils sont toujours là.
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Tous les jours sont des nuits

Gillian est une présentatrice télé, elle est en couple depuis de nombreuses années avec Matthias et ayant beaucoup d'argent, sa vie est faite de restaurants, voyages, luxe et réussites matérielles. Toute sa vie est basée sur son physique, sur les apparences : elle donne des interviews dans des magazines, elle passe à la télé...

Or, un jour sa route croise celle d'Hubert, un artiste qui va la prendre en photo, nue. Il lui reproche alors de ne pas avoir de vraie présence, , d'être toujours en représentation. Ces photos tombent entre les mains de Matthias et causent une dispute. La nuit du Nouvel An, touts deux boivent beaucoup et ont un accident sur la route. Matthias meurt, Gillian est défigurée. Sa vie bascule alors totalement. Elle va mettre quelques années à se reconstruire physiquement et moralement. Elle va vivre à la montagne et sera amenée à revoir Hubert, ils auront alors une liaison.

L'auteur critique ainsi notre société où tout est basé sur les apparences, la beauté physique. Les personnages sont assez bien décrits et leurs sentiments également malgré tout cela ne m'a pas touchée. Il manque un peu plus de vie peut-être ?
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Sept ans

En général, quand aucun personnage ne m'est sympathique dans un roman, je ne peux pas le lire jusqu'au bout. Ici, cela ne m'a pas dérangée car l'intrigue m'a plu. En outre, les personnages ne m'étaient pas non plus antipathiques. J'avoue que je m'amusais un peu de les voir se débattre dans des situations inconfortables qu'ils avaient eux-mêmes créées.

Peter Stamm s'attache à montrer toutes les formes que peut prendre l'amour destructeur. Dès le départ, le lecteur se doute qu'entre Alex et Sonia, les choses n'iront pas. Ils s'apprécient, mais ne s'aiment pas réellement. Il semble se mestre ensemble pour des raisons pratiques. Il la trouve belle et assurée; elle choisit celui qu'elle est sûre de ne pas aimer passionnément. Elle raisonne trop, a sûrement peur de ce qu'elle ferait si elle aimait vraiment. Elle préfère une espèce de sécurité qui est illusoire. Si les épreuves ne soudent pas le couple, l'un des personnage finit par comprendre ce qu'il faut remettre en question.

[...]

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