Citations de Philippe Delerm (1418)
Bonheur de ces premiers matins d'automne où je sens devant moi tout cet automne-hiver dans la couleur que j'aime, tout cet automne -hiver avec des mots à chercher lentement, des lampes allumées, des nuits qui n'en finissent pas.
J'aime beaucoup cela . Ecrire, dessiner, travailler au jardin, faire l'amour, allumer un feu, lire, goûter avec Vincent quand il revient du collège. Tout cela dans la lenteur d'un temps qui nous ressemble, dans un silence chaud, patient, habité. Il n'y a pas de vie meilleure à boire que la mienne, ces jours là. Ce sont les jours ordinaires. J'aime moins les jours extraordinaires.
« C’est vraiment par gourmandise (…)
Les plus goulus ont accepté de reprendre une part de charlotte_et même une lampée de crème anglaise_avec un « ce n’est pas raisonnable » qui a séduit par sa jovialité, tempérée pour la forme d’une once de mauvaise conscience au moins simulée.(…) C’est quand même un peu spécieux d’employer ce mot de péché capital pour négocier le triangle de charlotte le plus menu.Disons que c’est habile.On revendique la gourmandise au moment où on la condamne et la réduit.L’amour-propre e la cuisinière sera sauvegardé par cette évocation d’une irrépressible envie tout à fait réprimée.Comme toujours, l’adverbe est de mauvais aloi.Vraiment.(…). »
« C’est vraiment par gourmandise (…)
Les plus goulus ont accepté de reprendre une part de charlotte_et même une lampée de crème anglaise_avec un « ce n’est pas raisonnable » qui a séduit par sa jovialité, tempérée pour la forme d’une once de mauvaise conscience au moins simulée.(…) C’est quand même un peu spécieux d’employer ce mot de péché capital pour négocier le triangle de charlotte le plus menu.Disons que c’est habile.On revendique la gourmandise au moment où on la condamne et la réduit.L’amour-propre e la cuisinière sera sauvegardé par cette évocation d’une irrépressible envie tout à fait réprimée.Comme toujours, l’adverbe est de mauvais aloi.Vraiment.(…). »
Devant mon petit bureau les tulipes se gonflent, et vont prendre la relève des narcisses. Déjà les roses se préparent, et les lilas aux grappes encore grises ce matin. (...)
Ce qu'elle donne à la maison, ce qu'elle donne à nos jours, c'est une mélancolie douce où les tristesses apprivoisées se changent en fleurs, en fruits : la clématite rose pâle s'enroule à la grille et quelques rêves meurent.Peut-on vraiment faire pousser tous les jardins qu'on garde au fond de soi ? Jardin de mots, jardin de fleurs, jardin d'aquarelles, de quel espace à la fin de la vie aurons-nous été jardiniers ?
Dans son bureau, le début d’après-midi est incroyablement silencieux. On entend juste le ronron de la chaudière. Assis sur un des petits bancs du jardin qu'on a remisés là pour l'hiver, j'ai devant moi, dans l'encadrement de la fenêtre, un tissu très british aux fleurs bleues, roses, au feuillage vert menthe ; plus loin, la prairie un peu grêle, un peu nue, quelques pommes oubliées sur un fauteuil, d'autres au creux de l'herbe.
À propos d'une vente aux enchères :
Les héritiers sont là, dans les courants d'air, attendant qu'on brade à cinquante ou cent francs tous les objets familiers. C'est une lente crémation, ces poussières de vie qui s'envolent une à une, estimées à leur juste prix, celui de l'envie des autres, quand elles devaient enfermer tant de choses, de gestes, de goûts et de manies. (...) p. 257
Tout cela se disloque, s'effondre (...), c'est une tragédie mezza voce. (p. 258)
Ce qui me plaît, c'est la façon de dire la vie, les rêveries, la mélancolie. Un je débarrassé de tout artifice, livré comme ça, dans la couleur des jours (p. 23)
(...) paradoxalement le temps donné invente du temps, et que c'est exaltant de se sentir utile (p. 34)
.On est bien loin du temps qu’il fait. « Ils l’avaient dit », c’est politique. Une supériorité de la soumission qui peut s’appliquer aussi au recul des retraites, à l’exil professionnel dans des pays en voie de développement, à l’acceptation de la mort, peut-être ? Tout ira toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ils l’avaient dit.
Enfance.Sans le savoir, on pose la main sur une flamme.Elle brûle bleue comme un vin chaud, dans l'odeur de cannelle.Elle chante flamme dans l'obscurité; on la regarde en souriant brûler, s' évanouir. On attend le plaisir d'après. On aime bien la flamme, mais elle brûle longtemps; on est presque content quand on la voit décroître et s' abolir en rapprochant le plaisir du vin chaud.Il n'y a plus d'alcool, mais du citron, de la cannelle, et ce goût vague du vin sucré chaud.C'est le plaisir des grands, chaleur, présent, amer, sucré, et souvenir bleu de la flamme.On à passé la main sur la tempête bleue, au-dessus de la casserole.Maintenant on a bu.Maintenant seulement la main vous brûle. Enfance.
Je porte ce temps là. Au creux de moi , il n'en finit pas de se défaire et de s' inventer, de se dissoudre et de reprendre forme.Cette brûlure longue est aussi mon bonheur. Je me conforte à la sentir se déplacer en moi , j'existe à la sentir me réclamer. Mon passé lourd me pèse dans les membres, me cogne la poitrine, se love aux recoins de mon corps
C'est tellement fort, la mélancolie - un peu comme l'adolescence. Et toutes les choses qu'on a manquées de justesse sont tellement plus grandes que celles qu'on a réussies.
Combien de temps sont-ils restés au coude à coude dans l'ascension de ce puy de Dôme 1964 ? Cela ne se compte pas en minutes, en secondes. Ce coude-à-coude là, c'est de l'éternité. Pour la première fois vraiment, on sait qu'Anquetil peut perdre le Tour de France contre Poulidor.
Les marathoniens disent qu'ils pensent à ceux qu'ils aiment, à Dieu ou au destin. Mais les coureurs de 100 mètres ne peuvent songer qu'à eux-mêmes, cristalliser dans de minuscules rituels techniques l'espoir, l'attente accumulés depuis des années.
La plupart ont déjà le geste, l'ampleur du top spin, qui fait monter le bras très haut pour mieux frotter la balle. C'est seulement chez les seniors, en club, en série départementale ou régionale, qu'on voit de petits pépés venir à bout des jeux sophistiqués avec une poussette de revers implacable et simplette.
Tous ces sourires nés au hasard de la foule, dans la rumeur, l'anonymat. c'est de l'humanité patente, à peine dévoilée pourtant, une apparence d'abandon qui donne d'avantage de secret, d’éloignement. Et que l'on se sent un peu plus veuf d'avoir frôlé.
Les vraies vacances c'est à la fois moins cher et plus sérieux. On ne cherche pas de sensations nouvelles, mais une liberté perdue, une part d'insouciance qui se rattache à l'enfance.
Combien de fois le mot «Conservatoire» avait-il été prononcé? Un mot curieux, qui signifiait tout son contraire, tant l'idée de conservation était à l'opposé d'une espèce de liberté magique dont il cristallisait la promesse.
On sentait alors par contraste combien l 'essence de la station devait au silence et à la silence sexuelle.