Citations de Pierre Drieu La Rochelle (319)
Par dessus le désir bondit un autre désir qu'il n'avait jamais connu : le désir d'atteindre à cette destinée qui passait.
On était en novembre, mais il ne faisait pas bien froid. Le jour glissait sur la nuit comme un chiffon mouillé sur un carreau sale.
Nous allons de porte en porte. On se colporte dans la poussière. On fait des stations dans les petits cafés. Il y a toujours là quelques zouaves, en deuil, ces Grecs des îles avec leurs vastes culottes noires, qui sont là à tourner leur chapelet et à sucer leur narghilé. Leur inertie scandalise les plus feignants des nôtres.
On boit en douce dans l'arrière-boutique une sorte d'anisette. Nous remontons pompettes et satisfaits.
Non, lui, Dubourg, était pour cet effort difficile et modeste qui est l'humain, et qui cherche non pas la balance entre ces entités, le corporel et le spirituel, le rêve et l'action, mais le point de fusion où s'anéantissent ces vaines dissociations qui deviennent si aisément perverses. S'il étudiait les dieux anciens, ce n'était point par goût découragé du livresque, pour se dérober dans le passé, mais parce qu'il espérait nourrir de cette étude la recherche accordée aux inflexions de son époque, de cette éternelle sagesse.
En tout cas, c'est très drôle par moments cette vie, mais ce n'est pas drôle tout le temps. Donc, puisque mes sensations sont contradictoires et forment un complexe, il n'y a pas de doute: je suis dans le réel.
La politique, comme on la comprend depuis un siècle, c’est une ignoble prostitution des hautes disciplines. La politique, ça ne devrait être que des recettes de cuisine, des secrets de métier comme ceux que se passaient par exemple les peintres. Mais on y a fourré cette absurdité prétentieuse : l’idéologie. Appelons idéologie ce qui reste aux hommes de religion et de philosophie, des petits bouts de mystique encroûtés de rationalisme.
Si un homme, au-delà de dix huit ans, parvient à se tuer, c'est qu'il est doué d'un certain sens de l'action.
La volonté individuelle est le mythe d'un autre âge ; une race usée par la civilisation ne peut croire dans la volonté. Peut-être se réfugiera-t-elle dans la contrainte : les tyrannies montantes du communisme et du fascisme se promettent de flageller les drogués.
Il avait été touché par la mort, la drogue c'était la mort, il ne pouvait pas de la mort revenir à la vie. Il ne pouvait que s'enfoncer dans la mort, donc reprendre de la drogue. Tel est le sophisme que la drogue inspire pour justifier la rechute : je suis perdu, donc je puis me redroguer.
Il demanda brusquement à Preuss :
- As-tu jamais rencontré cette vieille folle, la libre pensée ? Comment crois-tu qu'elle se présente ?
- Tu n'as jamais baisé une vieille institutrice ? Un lorgnon, des aisselles sales, et une grande ignorance de la vie.
- A moi les vierges de Saint-Sulpice.
Et puis d’ailleurs la terre n’est jamais assez plate pour un avion. La terre, c’est difficile comme la vie est difficile.
Dans une France vieillotte et qui confond son dernier souffle avec celui d’un intellectualisme rabougri, d’un mandarinat vétilleux, rien ne se fait sans les intellectuels. Ou plutôt, on invite toujours des intellectuels pour qu’ils assistent, avec leurs hochements de tête aigre-doux, à un nouvel avortement bavard.
Et dans la glace, il regarda encore derrière son épaule. Cette chambre vide, cette solitude... Il eut un immense frisson qui l'empoigna au creux des reins, en pleine moelle et qui courut de ses pieds à sa tête en foudre de glace : la mort lui fut tout-à-fait présente. C'était la solitude.
C'est plutôt une guerre d'usines qu'une guerre d'hommes. On fabrique en masse de la ferraille dans les usines, et puis on se la jette à la tête, de loin sans se regarder et en geignant. La part laissée à l'humain n'est plus bien grande. Quelques coups de main. Quelques bousculades. Quand à la longue un bombardement réussit, ceux qui ont lancé le plus de ferraille massacrent les survivants dans leurs abris. Ce sont les seuls contacts humains. Nous sommes loin de la guerre décrite par Joinville ou même par Montluc.
Vous, vous souhaitez la femme des autres, mais si elle était à vous ...
Antoinette [...] se croyait tout permis parce qu’à ses moments perdus elle était peintre [...]. Elle était en effet revenue à cette prétention, où elle mettait toute sa rancœur d’être si mal partie dans la vie. Ignorante et incapable de travail, elle imitait les derniers peintres de la décadence parisienne. Une si débile élève pour des maitres exquis mais si destitués ne pouvait accoucher que de misérables pochades.
"Il faut aller au-devant de ses ennemis, il n'est pas bon de les attendre. Il faut faire tout franchement et très vite."
"Les hommes d'action sont suffisamment hommes de pensée, et les hommes de pensée ne valent qu'à cause de l'embryon d'homme d'action qu'ils portent en eux".
“Il y a beaucoup d'action dans l'homme de rêve et beaucoup de rêve dans l'homme d'action”.
Rome est le point de départ de tous les chemins qui mènent à Rome.
Mais non, la vie n'est qu'habitude, et l'habitude vous tient aussi longtemps que vous tient la vie.
Un solitaire, c'est un illusionniste.