Chances are… Il y a des chances… Tel est le titre original de Retour à Martha’s Vineyard, comme dans la chanson de Johnny Mathis :
Chances are, 'cause I wear that silly grin
The moment you come into view
Chances are you think that I'm in love with you
Il y a des chances, car j'ai ce sourire idiot
Au moment où tu es en vue
Il y a des chances que tu penses que je suis amoureux de toi […]
Guess you feel you'll always be
the one and only one for me
and if you think you could,
well, chances are your chances are awfully good
The chances are your chances are awfully good
Je suppose que tu sens que tu seras toujours
Le seul et unique pour moi
Et si tu penses que tu en es capable
Alors il y a des chances pour que tes chances soient terriblement bonnes
Il y a des chances pour que tes chances soient terriblement bonnes
Dans ce roman, le personnage de Jacy inspire à trois amis des sentiments amoureux qu’ils n’osent s’avouer car ce serait trahir les deux autres.
La figure de Jacy, jeune femme fougueuse, qui chantait sur scène avec un charisme presque similaire à celui de Tina Turner, domine ce roman. Elle brille par son absence car elle a disparu au début des années soixante-dix. Que lui est-il arrivé ?
Plus de quarante ans plus tard, Teddy, Lincoln et Mickey sont réunis sur l’île de Martha’s Vineyard, comme le jour de la disparition de Jacy. Lincoln veut vendre la maison familiale. Les trois sexagénaires demeurent hantés par cette jeune femme, même si chacun a construit plus ou moins sa vie de son côté.
C’est le premier roman de Richard Russo que je lis et j’ai beaucoup aimé la manière dont il dresse le portrait de ses personnages, la finesse de l’analyse psychologique. Il émane de ce texte bien écrit, bien traduit de la nostalgie, de la mélancolie, mais aussi, vers la fin, une impression d’apaisement, de paix retrouvée.
Les souvenirs de la jeunesse sont parfois source de douleur, d’anxiété car, à l’époque, la guerre du Vietnam faisait rage et les jeunes hommes étaient tirés au sort pour aller se battre. Les différences de statut social sont aussi évoquées avec justesse, ainsi que les problèmes qu’elles peuvent générer.
Retour à Martha’s Vineyard est un roman que j’ai trouvé captivant sur l’amitié masculine. Richard Russo sait créer une atmosphère autour de ces sexagénaires, dont Mickey, le rockeur, qui rend hommage à Jacy sur scène en chantant à tue-tête, en « braillant », comme à l’époque, « Nutbush City Limits », le « vieux standard de Tina Turner ». Ce passage, vu à travers les yeux de Teddy, est festif, malgré la mélancolie qui habite ce dernier. C’était lui le plus amoureux de Jacy, lui qui se souvient de leur brève et fugace étreinte, marquée par le sceau d’une tragédie intime, contre laquelle Teddy ne peut rien.
« Euphorie si lointaine, et si brève. Et, à l’instar de la vie elle-même, terminée avant même que l’on puisse la comprendre totalement. Une arnaque, en fait. »
Ce roman tantôt poignant et émouvant tantôt enjoué et joyeux offre une belle réflexion sur la fatalité, le hasard et la place du libre arbitre dans nos existences.
« Ça force à s’interroger. Supposons que les secondes chances existent. Si on disposait tous de plusieurs vies, seraient-elles différentes ? » Lorsque la voiture qui le précède avance au ralenti, Lincoln enclenche la première. «Ou bien exactement semblables ?»
Merci aux ami(e)s lecteurs, lectrices qui l'ont lu et, par leurs chroniques, m'ont donné à mon tour envie de le découvrir! 😀
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