Citations de Robert Desnos (640)
L'humour n'est possible qu'à la faveur d'une liberté d'esprit presque absolue.
Quand tu m'aimes, qu'à tes étreintes
Je m'abandonne avec émoi
Pour calmer mes tourments mes craintes
Mon amour parle-moi
Il faut peupler les nuits hostiles
Avec les cris de nos émois
Il faut charmer les nuits tranquilles
Mon amour parle-moi
Si tu m'aimes il faut le dire
Il faut me prouver tes émois
Il faut me prouver ton délire
Mon amour parle-moi
Même si tu dis des mensonges
Si tu simules ton émoi
Pour que le songe se prolonge
Mon amour parle-moi.
"Poser sa tête sur un oreiller
Et sur cet oreiller dormir
Et dormant rêver
À des choses curieuses ou d’avenir,
Rêvant croire à ce qu’on rêve
Et rêvant garder la notion
De la vie qui passe sans trêve
Du soir à l’aube sans rémission.
Ceci est presque normal,
Ceci est presque délicieux
Mais je plains ceux
Qui dorment vite et mal,
Et, mal éveillés, rêvent en marchant.
Ainsi j’ai marché autrefois,
J’ai marché, agi en rêvant,
Prenant les rues pour les allées d’un bois.
Une place pour les rêves
Mais les rêves à leur place."
État de veille (Pour mes amis)
L'oiseau du Colorado
Mange du miel et des gâteaux
Du chocolat et des mandarines
Des dragées des nougatines
Des framboises des roudoudous
De la glace et du caramel mou.
L'oiseau du Colorado
Boit du champagne et du sirop
Suc de fraise et lait d'autruche
Jus d'ananas glacé en cruche
Sang de pêche et navet
Whisky menthe et café.
L'oiseau du Colorado
Dans un grand lit fait dodo
Puis il s'envole dans les nuages
Pour regarder les images
Et jouer un bon moment
Avec la pluie et le beau temps.
Âgé de cent mille ans, j'aurais encor la force
De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir: Le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent
Dans la nuit, il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer, des fleuves, des forêts, des villes, des herbes, des poumons de millions et millions d'êtres. Dans la nuit, il y a les merveilles du monde. Dans la nuit, il n'y a pas d'anges gardiens mais il y a le sommeil. Dans la nuit il y a toi. Dans le jour aussi.
Corps et biens, 1930
A la mystérieuse (1926)
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.
Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n’aimaient pas celui et celle qui les aimaient
Il était une fois
Une seule fois peut-être
Une femme et un homme qui s’aimaient.
Après moi
D’une pluie une goutte,
D’une goutte une poussière.
De poussière en poussières
Un grain de sable.
D’un grain de sable un caillou.
D’un caillou un coup de pied.
Le coup de pied d’un voyageur
Sur la route entre les montagnes.
L’empreinte du pied s’efface dans la poussière.
L’écho se perd de la chanson qu’il chantait.
Un voyageur de moins sur la terre
Toujours semblable à elle-même
Ou si peu s’en faut !
Robert Desnos a été arrêté le 22 Février 1944.
Robert Desnos (1900-1945)
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas, c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent.
Une plaque dans l'herbe au Jardin des Poètes (Paris 75016)
Vaincre le jour, vaincre la nuit,
Vaincre le temps qui colle à moi,
Tout ce silence, tout ce bruit,
Ma faim, mon destin, mon horrible froid.
Vaincre ce cœur, le mettre à nu,
Écraser ce corps plein de fables
Pour le plonger dans l’inconnu,
Dans l’insensible, dans l’impénétrable.
A la poste d'hier tu télégraphieras
que nous sommes bien morts avec les hirondelles.
Facteur triste facteur un cercueil sous ton bras
va-t'en porter ma lettre aux fleurs à tire d'elle.
(...)
Les gorges froides (extrait)
Je voudrais aujourd’hui écrire de beaux vers
Ainsi que j’en lisais quand j’étais à l’école
Ça me mettait parfois les rêves à l’envers
Il est possible aussi que je sois un peu folle
Mais compter tous ces mots accoupler ces syllabes
Me paraît un travail fastidieux de fourmi
J’y perdrais mon latin mon chinois mon arabe
Et même le sommeil mon serviable ami
J’écrirai donc comme je parle et puis tant pis
Si quelque grammairien surgi de sa pénombre
Voulait me condamner avec hargne et dépit
Il est une autre science où je puis le confondre.
Le poète doit pouvoir tout dire, en toute liberté. Essayez donc un peu, mes amis, vous verrez que vous n'êtes pas libres.
L'amour est le lieu de rencontre de l'esprit et de la matière et le seul domaine où tous les deux puissent se manifester dans leur plus extrême liberté.
Poser sa tête sur un oreiller
Et sur cet oreiller dormir
Et dormant rêver
À des choses curieuses ou d’avenir,
Rêvant croire à ce qu’on rêve
Et rêvant garder la notion
De la vie qui passe sans trêve
Du soir à l’aube sans rémission.
Ceci est presque normal,
Ceci est presque délicieux
Mais je plains ceux
Qui dorment vite et mal,
Et, mal éveillés, rêvent en marchant.
Ainsi j’ai marché autrefois,
J’ai marché, agi en rêvant,
Prenant les rues pour les allées d’un bois.
Une place pour les rêves
Mais les rêves à leur place.
La Belle-de-nuit
Quand je m’endors et quand je rêve
La belle-de-nuit se relève.
Elle entre dans la maison
En escaladant le balcon,
Un rayon de lune la suit,
Belle-de-nuit, fleur de minuit.
Dans un jardin en Angleterre
Il était un gardénia.
Pour en fleurir sa boutonnière,
Un vieux lord se l’appropria.
Depuis, au jardin, il n’y a,
N’y a plus de gardénia.
Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit.
Suivre tes pas , ton ombre à la fenêtre,
Cette ombre à la fenêtre, c'est toi, ce n'est pas une autre que toi.
N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.
Ferme les yeux.
Je voudrais les fermer avec mes lèvres.
Mais la fenêtre s'ouvre et le vent, le vent qui balance
bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau.
La fenêtre s'ouvre : ce n'est pas toi.
Je le savais bien.
(" Corps et biens")
Dans un petit bateau
Une petite dame
Un petit matelot
Tient les petites rames
Ils s’en vont voyager
Sur un ruisseau tranquille
Sous un ciel passager
Et dormir dans une île
C’est aujourd’hui Dimanche
Il fait bon s’amuser
Se tenir par la hanche
Échanger des baisers
C’est ça la belle vie
Dimanche au bord de l’eau
Heureux ceux qui envient
Le petit matelot.