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Critiques de Roger Caillois (35)
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Apprentissage de Paris

Dans ce court texte intitulé "L'apprentissage de Paris" (40 pages), joliment édité par fata morgana en 2004, avec un portrait de l'auteur par André Rouveyre, Roger Caillois décrit le Paris de ses souvenirs nostalgiques. Les bateaux mouches qui faisaient le transport fluvial depuis Maison Alfort, sans aucun touriste à bord, les cafés, les commerces aux enseignes facétieuses (charcuterie «Au cochon sans rancune»), le quai de la Mégisserie, avec ses oiseleurs mais aussi  ses vampires, suspendus la tête en bas, ressemblant « à des parapluies de soie noire rangés en bon ordre », le pittoresque monument de la place St Ferdinand, et bien d'autres lieux, cocasses ou mystérieux. Ainsi, (p. 26) les "maisons terminées en étrave de navire, en biseaux si aigus que je me prenais à imaginer par une rêverie sans doute un peu complaisante qu'elles ne pouvaient servir que de refuges ou de pièges à des être sans épaisseur », prolongeant les observations de son « Petit guide du XVe arrondissement à l’usage des fantômes ». Même dans ces fragments, l'écrivain Caillois reste à la fois sociologue, surréaliste et sensible au fantastique des lieux et des objets.


Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Approches de l'imaginaire

Première approche de Roger Caillois avec ce recueil de textes, publiés entre 1935 et 1950, préliminaires à l’élaboration d’une vision du monde qui se démarquera ensuite progressivement des prémisses ici esquissées. Ce n’est sans doute pas l’idéal pour se faire une idée précise de l’enseignement considéré aujourd’hui comme étant définitif de Roger Caillois, mais rien n’indique qu’il ne soit pas instructif d’errer avec lui dans ses pensées du bas-fond pour mieux comprendre ce qu’il a finalement décidé de retenir. Dans sa préface, Roger Caillois précise qu’il n’approuva plus tous les textes de ce recueil quelques années plus tard, ce qui nous conforte au moins sur sa légèreté.





Pourtant, on découvre ici un Roger Caillois très sévère, lançant des procès contre le surréalisme auquel il appartint pourtant quelques années, contre le rationalisme sans limites, contre le romantisme, le mysticisme et la science poétique tout à la fois, contre la psychanalyse et le marxisme, et enfin contre le roman et le cinéma. On ne peut guère le lui reprocher mais enfin, il semble en faire partie lui aussi. Tout en négatif, il s’efforce toutefois de suggérer ainsi les caractéristiques du paradigme qu’il espère. Un court paragraphe semble particulièrement décisif, dans lequel il rêve impersonnellement d’une société dirigée par une élite éclairée :





« Récusant la force, elle devra posséder une magie ou une grâce, quelque vertu enfin qui sera son principe et qui paraîtra à la nature comme surnaturelle. Et rien ne saurait mieux stupéfier celle-ci que l’abandon volontaire des avantages qu’on s’assure à profiter de sa pesanteur. »





Roger Caillois fait le diagnostic d’une société qui s’est perdue dans la multitude. La désacralisation des valeurs anciennes a provoqué un tumulte dans lequel on se goberge, ne sachant plus à qui vouer notre besoin irrépressible d’obéissance. Même les recherches qui semblent les plus audacieuses finissent par s’essouffler lorsqu’on démasque le culte de la personne qui en est à l’origine. C’est une épidémie que Roger Caillois dénonce, et une épidémie dont la contagion ne cesse de s’accélérer par le vecteur du roman et du cinéma, entraînant la multiplication des prétendants pensant pouvoir prêcher la bonne parole. La quantité augmente, la qualité diminue. Roger Caillois exige plus de rigueur : « Il n’en faut pas moins quitter, à la suite de Rimbaud, toute attitude d’adoration en face du désordre de son esprit. L'imagination ne fait pas d’aveux aussi facilement que le premier coupable venu, sous prétexte qu’elle est bourrelée de remords ». Avec son Collège de Sociologie, il réclame que l’on mette en question l’imagination de la façon suivante :

- En réalisant des expériences provoquant des phénomènes imaginatifs dans les meilleures conditions de contrôle.

- En établissant des techniques permettant d’analyser les déterminations inconscientes.

- En faisant l’étude de toute espèce de conventionnalisme spontané.

- En réalisant l’interprétation réciproque des phénomènes du monde intérieur et extérieur pour placer dans une nouvelle lumière le rapport de la subjectivité et de l’objectivité.

- En récoltant tous les compte-rendus neutres de dépressions, confusions, angoisses et expériences affectives personnelles.

- Enfin, en mettant au jour le problème de la connaissance à l’aide des constructions épistémologiques nécessitées par les problèmes de la méthodologie scientifique contemporaine.





Sans doute, ce dernier point révèle le plus ce qui deviendra l’exigence principale de Roger Caillois pour la suite : la recherche d’une unité entre les figures obsessionnelles de l’imagination et les formes troublantes du monde naturel. Et s’il maltraite le roman et le cinéma, ces formes de l’imagination qu’il juge dévolues au compromis doucereux et lâche, il ne lui échappe pas qu’en faisant l’analyse inconsciente de l’état actuel de la société, elles contribuent à faire prendre du recul au lecteur et à l’isoler, transformant sans le vouloir la société qu’elle se proposait pourtant d’observer. C’est ainsi que la littérature peut devenir une force sociale et, à l’instar de Balzac (je ne suis pas responsable de cette référence et ne fais que rapporter l’opinion de l’auteur, j’aurais plutôt pensé à Walter Benjamin et à son essai sur l’œuvre d’art à l’époque de la reproductibilité technique), c’est dans ce sens que Roger Caillois se propose d’œuvrer.
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Cases d'un échiquier

.Un livre que je n’avais plus relu depuis 1970 ! Suite de textes disparates mais ayant en commun le raffinement de l’écriture et l’originalité de la pensée De très belles réflexions sur l’art , sur le fantastique et quelques récits dont un qui m’a profondément touché : « Récit du délogé » .
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Chroniques de Babel

Toutes les chroniques rassemblées dans ce recueil toutes datées de 1946 sont classées dans trois parties: la première a donné sont titre au recueil, Chroniques de Babel est une collection d'essais; le seconde partie, est une collection d'essais critiques dont la plupart des thèmes reprennent ceux de la première partie mais avec pour prétextes la critique d'une oeuvre. La troisième partie est constituée de critiques théâtrales. Parce qu'il s'agit de théâtre, Caillois y restitue les intrigues et donne son opinion sur le jeu des comédiens avec la mise en scène. Il donne l'impression de s'ennuyer à cet exercice qui semble lui déplaire. Ce n'est sans pas pour cette seule raison qu'il se montre si sévère avec les spectacles dont il doit rendre compte. L'un de ces compte-rendus porte sur une vie de Galilée et attira mon attention: "Ma vérité" de Hubert le Porrier (pièce en trois actes et cinq tableaux au théâtre La Bruyère). Renseignement pris sur Wikipédia, je trouvais bien une pièce jouée en 1946 au théâtre La Bruyère intitulée "Et pourtant elle tourne" de Herbert le Porrier. L'erreur sur le titre et le prénom de l'auteur de la pièce sont ils imputables à l'éditeur? Mon édition date de 1981, le recueil (posthume ) a été constitué par Elena Vichrova-Caillois. Je n'ai pas si l'erreur a été corrigée depuis.



Mais ce sont les deux premières parties qui font le meilleur de ce volume. Les textes de la seconde partie sont souvent des réécritures de textes de la première (ou peut-être l'inverse je n'ai pas vérifié); reprises, plutôt que redites, reformulation d'une réflexion critique maniaque dans le choix des concepts, dans son souci d'exactitude. La présentation presque en vis-à-vis de ces deux collections d'essais produisent sur ma lecture une sorte d'effet de stéréoscopie de l'esprit critique de Roger Caillois.



Le critique Caillois prend toujours du champ pour juger d'une oeuvre: peut-être plus libre dans ses choix que pour la théâtre, le critique Caillois prend l'ouvrage qu'il juge comme un prétexte à une réflexion anthropologique beaucoup plus vaste pour finalement, porter un jugement, souvent sévère, sur une époque et ses travers dont la production littéraire n'est jamais qu'un symptôme. Roger Caillois n'a jamais été porté que dénigrement et aux jugements à l'emporte-pièce; lorsqu'il s'en prend à André Gide par exemple, il rend un hommage très argumenté au styliste et aux libertés de sa syntaxe tout en faisant fait une très mauvaise publicité au Journal de celui-ci. Même lorsqu'il ne goûte guère les oeuvres dont il rend compte, même lorsque qu'il semble les mépriser, Roger Caillois les rend intéressantes et donne envie d'y aller voir tellement, au final, il a le don de nous laisser libre de notre jugement.
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Dans les jardins de Roberto Burle Marx

Figure de la modernité du paysagisme, le Brésilien Roberto Burle Marx s’illumine d’un tout autre éclat à la lecture de cet ouvrage. Rafraîchissante redécouverte.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Instincts et société

Un ensemble d'essais traitant de la présence de la violence et des mythes au coeur des sociétés dîtes civilisées ;Une premiere partie analyse la sociologie du bourreau,la fascination pour les trésors et les puissances du vertige.Une deuxième partie porte sur l'esprit des sectes.Enfin dans la troisième partie il écrit sur la mort dans le cinéma américain,l'usage des richesses et sur le pouvoir charismatique.
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L'écriture des pierres

J'ai découvert cet ouvrage dans la collection "Les Sentiers de la création" de chez Skira avec de magnifiques illustrations. Roger Caillois y mène une réflexion poétique sur ce que l'imagination humaine peut inventer à partir des formes incluses au sein des minéraux , soit qu'il se contente d'y rêver des formes , soit qu'il ajoute à la nature sa propre touche. C'est très beau .
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L'Homme et le Sacré

Cet ouvrage nous a été présenté par une enseignante lors d'un cours nommé L'homme et le Sacré. Très intéressant si l'on veut en apprendre plus sur les rites et traditions de nombreux peuples et tribus, notamment en Polynésie si je me trompe. On l'a étudié en classe pendant les journées chaudes de l'été 2015...comme le temps passe vite !
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L'incertitude qui vient des rêves

Roger Caillois ne dispose pas de la notoriété qu'il mérite. Que n'a-t-il dépassé ces penseurs nihilistes qui nous écrasent de leur mélancolie désabusée. Je regrette d'avoir rencontré Caillois si tard, et je suis désolé pour ceux qui ne le connaissent pas encore. Il fait partie des rares qui nous aident à vivre.
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Le mimétisme animal

Il tema del mimetismo percorre, sino dagli anni Trenta, l’elegante riflessione di Roger Caillois, intellettuale francese scomparso nel 1978. La mimicry è stata oggetto di suoi studi brevi, all’interno di opere più generali, ma è stata anche trattata in forma autonoma: è uno dei suoi temi più importanti, forse persino quello fondante del suo intero meditare sull’esistente. E’ proprio nel garbo, nella precisione e nella misura con la quale Caillois espone ne Il mimetismo animale numerosi esempi dei vari mimetismi animali, quindi anche umani, che risiede il valore di questo testo, meno spericolato di suoi altri sullo stesso tema. Anzi è proprio la solidità dell’argomentazione, depurata di ogni facile effetto, a rendere l’opera ancora più interessante per il lettore maturo. Il mimetismo è esclusivamente funzionale? Ha soltanto uno scopo difensivo o offensivo? Quali altri motivi possono determinarne l’esistenza e la sua indubbia persistenza? È sostenibile ritenere – persino affermare – che il nutrito, ricchissimo “repertorio” di forme e di immagini della natura rimanga comunque un numero finito e calcolabile e, in alcuni rari casi, anche ripetibile?



Perché i soldati di oggi indossano una tuta mimetica persino quando sono di servizio in ambienti urbani? Non è necessario affrettarsi a rispondere. Ci si soffermi a riflettere su questo caso ormai frequente, con calma. Anche senza lambiccarsi su questo esempio, sembra quasi sia possibile mettere in discussione uno dei presunti cardini della condotta umana: l'utilità. Qual è infatti la reale utilità di una tuta mimetica concepita per occultarsi nella boscaglia, nel deserto o sulla neve, all'interno di una stazione di metropolitana? L'intento protettivo, utile in un contesto naturale, sembra dissolversi all'interno di una struttura architettonica. D'altro canto la presenza dei militari armati, evidenziata dalla tuta mimetica, potrebbe rassicurare i pacifici cittadini pur esponendo i soldati a maggiori rischi, considerata la maggiore visibilità. Di certo l'utile dei pacifici cittadini sembra accresciuto rispetto a quello dei soldati posti a loro difesa. Quindi l'utile si riapre una strada, una possibilità di esistenza, ma l'utile di chi? Perché ci si fa passare tanto spesso per ciò che non si è, a volte spacciandosi per feroci gradassi o acuti, raffinati intellettuali e in altri casi gabellandosi invece per esserini innocui o candidi babbei? Per prevalere, per proteggersi? Per paura quindi? Perché lo fanno in tanti? Fastidioso interrogarsi su temi del genere, molto più rassicurante osservare questi fenomeni negli animali posti su un gradino ritenuto inferiore nella gerarchica scala di classificazione dei viventi. È anche più facile analizzare queste modalità comportamentali dal di fuori, un "fuori" che equivale a un "alto", dal momento che è scontato per chiunque ritenersi in una posizione più elevata di un bruco. Il mimetismo è quindi esclusivamente funzionale? Ha soltanto uno scopo difensivo od offensivo? Quali altri motivi possono determinarne l'esistenza e la sua indubbia persistenza?



A queste domande Caillois tenta di suggerire delle risposte. Risposte che danno origine ad altre domande, alle quali soltanto nell'intimo il lettore potrà forse osare rispondere.
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Le mythe et l'homme

Les fondements imaginaires de la représentation, des mythes et des structures psycho-sociales. Une pensée très originale, une écriture poétique, de quoi ouvrir de nouvelles perspectives : que demander de plus ?



PS : il n'y a de structure qu'imaginaire, le reste ce n'est que du bla-bla...
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Le mythe et l'homme

Bien
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Le mythe et l'homme

Le mythe serait l'exutoire des non-dits, des pensées refoulées, voire des contradictions, devenues insoutenables pour l'homme...Largement influencé par la géographie, la sociologie, l'histoire, le mythe crée un héros, qui lui permet de concrétiser tout ce qui est impossible ou interdit...Ainsi le mythe permet d'assouvir tout ce que la faiblesse ou la morale interdit à l'homme.

Puis l'auteur nous entraine dans de précises observations entomologiques, et lui permet de rattacher certaines croyances, à la vie, ou aux pratiques de certains insectes...Le besoin de rêver de s'évader a poussé les hommes à créer des mythes...notre monde moderne n'en crée plus depuis bien longtemps, n'aurions nous plus d'interdits? N'aurions nous plus besoin de rêver...a voir...
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Les jeux et les hommes

Cet essai de 1958 permet à Roger Caillois d'élaborer une typologie des jeux et une histoire de leurs rapports avec les sociétés humaines à travers le temps et l'espace. C'est très intéressant et illustré de nombreux exemples .Il analyse avec bonheur les avatars multiformes du jeu à l'époque moderne.
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Les jeux et les hommes

Le jeu est un domaine vaste, qui peut révéler beaucoup de la personnalité du joueur, y compris chez les adultes. Tout le monde a dans son entourage le tricheur invétéré, le joueur qui prend chaque point perdu comme une grave offense, ou encore celui qui vous explique pendant une demi-heure à quel point vous avez eu de la chance quand vous avez gagné et à quel point il a eu du génie quand vous avez perdu.



Cet essai introduit la notion de jeu et présente les différentes manières de l'aborder. L'auteur commence par une définition et une classification des jeux, qu'il répartit en quatre catégories : la compétition loyale, le hasard, le mimétisme, et la recherche du vertige, ainsi que les différentes combinaisons possibles. Un petit plus que j'ai beaucoup apprécié est la présence d'exemples d'animaux qui présentent les mêmes comportements.



La seconde partie est plus curieuse, car l'auteur abandonne presque complètement le thème des jeux pour se concentrer sur les quatre composantes qu'il a citées, et leur persistance dans les sociétés. Les sociétés primitives utilisent principalement les deux dernières (transes, possessions, masques sacrés, …), les sociétés contemporaines les deux premières, avec des règles strictes à respecter, tout en ménageant quelques espaces d'aléatoire (chanson, sport, loterie) pour rétablir la balance.



L'essai est intéressant et montre que le jeu est plus qu'un simple loisir et qu'il est intimement lié à la culture dans laquelle il vit. On peut toutefois regretter que le sujet initial est vite abandonné pour de l'anthropologie, certes pas inintéressante non plus, mais ce n'était pas vraiment ce que je cherchais en ouvrant ce livre.
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Malversations

Malversations appartient, avec Pierres (1966), L'écriture des pierres (1970) et La champ des signes (1978), à cette série de textes que Roger Caillois consacra au thème du minéral. D'un genre très singulier, ils s'apparentent autant à la poésie (Pierres est d'ailleurs disponible dans la collection Poésie-Gallimard) qu'à l'essai. L'intuition majeure, déclinée de livre en livre, se retrouve ici formulée en ces termes : "la fantaisie des hommes, l'imagination elle-même ne fait jamais que prolonger les lois générales de l'univers. Sans cesser de s'en nourrir (et de les suivre), elle les développe et les ramifie." Son hypothèse, Caillois cherche à l'exprimer par l'observation des pierres : calcédoines, granits, laves, agathes et oligistes deviennent le prétexte de pages de description où la beauté classique de son style s'allie à une exhibition baroque de mots rares, dignes d'une improbable dictée. Une prose qui n'est pas sans rappeler, dans son immobilité et sa précision picturale, Francis Ponge, ou, plus près de nous, le Patrick Drevet des Petites études sur le désir de voir et des Paysages d'Eros.

Mais ces descriptions sont travaillées par une tension permanente : d'un côté un souci méticuleux d'exactitude et d'objectivité qui fait presque songer à du Robbe-Grillet ("Au-dessous, ouvert sur son pivot, à la verticale de l'angle et dans le même axe, un éventail de jais [...] occupe un arc de cercle d'une parfaite netteté. [...] A l'écart, un second éventail, moindre de moitié et plus évasé [...]") et de l'autre un goût immodéré de la métaphore, paysagère, le plus souvent. Il n'y a là rien d'étonnant pour un auteur qui fait de la métonymie un des principes majeurs de sa lecture du monde : la partie (le caillou) contient nécessairement le tout (la montagne, la vallée, le lac). Et c'est là sans doute ce qui donne lieu à ces paysages absurdes, impossibles, hostiles comme au début ou à la fin des temps : "au creux de la nasse, se rassemblent des lichens noirs, des dépôts bitumineux, une végétation d'épines et de brindilles qui déteignent, se désagrègent, se diluent en ténèbres délavées". Peut-on encore parler de métaphore filée ? le minéral est si fréquemment décrit avec les mots du paysage qu'on ne sait plus bien quel objet l'auteur cherche à nous dépeindre.

Quant aux moments plus spéculatifs, ils semblent prolonger ces instants de poésie pure sans s'en distinguer vraiment ; c'est là l'autre tension sous-jacente à l'écriture de Caillois. Sa rhétorique si précise, si construite, semble ici plus égarée que convaincante. Cela sonne comme un exercice des limites de la pensée (nous pensons au George Steiner des Dix raisons (possibles) à la tristesse de la pensée, et à son "Est-il réellement possible de penser sans détour ?"). Et certaines pages semblent distiller une véritable sagesse de l'impuissance : "Déchiffrer les signes du granit graphique n'aurait strictement aucun sens, pas plus que n'en aurait la lecture des écorces des platanes, celles des formes des nuages ou de l'ascendant des planètes, pas plus que n'en a celle des songes qui sont eux aussi écorces et nuages, mais de l'âme."

http://ivressedupalimpseste.blogspot.com/2008/06/roger-caillois-malversations.html
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Noé et autres textes

5 textes courts tirés d'un recueil plus important "Cases d'un échiquier". Influencés par le surréalisme ou la philosophie, notamment orientale, ces textes pétris d'intelligence ne manquent pas d'interroger et de remettre en cause quelques fondements même de la vie quotidienne.

Un plaisir de lecture court mais intense.
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Noé et autres textes

Après avoir lu "La Revanche des otaries" de Vincent Wackenheim et m'être passionnée pour l'histoire de ce bon vieu Noé, je ne pouvais pas faire l'impasse sur ce livre...



lu 30 pages de ce cours roman de 105 pages... et franchement pour 2€ chez Folio, c'est donné ! vraiment savoureux !!!
Lien : http://mazel-livres.blogspot..
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Noé et autres textes

Bienvenue dans le monde de la philosophie fantastique !



J'ai toujours été assez fascinée par l'histoire de Noé (voir l'adaptation qu'en a faite Jacques-Rémy GIRERD avec "LA PROPHÉTIE DES GRENOUILLES"), histoire dont ne sait pas d'ailleurs si elle n'est qu'une légende ou bien si, le déluge de cette époque lointaine ne fut pas en réalité un énorme tsunami.



Noé, au début du texte de Roger Caillois, répond aux poncifs auxquels on nous a habitués : c'est un saint homme que Dieu chargea de sauver l'humanité en conservant un couple de chaque espèce animale, avant de déclencher l'immensité de son courroux sur l'univers dépravé. Il prend d'ailleurs sa tâche très au sérieux, construisant méthodiquement son arche. Objet de la risée de tous, qui le prennent pour un fou, il reste impassible devant les quolibets, utilisant même la représentation qu'il donne de lui pour détourner certains matériaux indispensables à l'édification de son bâtiment.



Pourtant, et "ça" on ne nous l'a jamais dit, Noé pense, Noé réfléchit : pourquoi donc est-il l'élu ? qu'a-t-il fait pour cela ? qui et combien seront ces animaux qu'il devra sauver de la colère sans limite de Dieu ? Noé ne connaît que les quelques espèces qui peuplent son environnement. Comment sera-t-il certain de n'en oublier aucun ? Quelles dimensions à donner à son édifice pour que tout le monde y trouve place ? Comment nourrir et abreuver cette smala qu'il pressent gigantesque ? Comment faire cohabiter tous les membres de cette assemblée, sans que les lois naturelles des prédateurs ne viennent y installer la discorde ?



Mais, miraculeusement - n'est-ce pas la main de Dieu qui a initié cette aventure ? - les questions de Noé trouvent réponses. Toutes, sauf une ! "Pourquoi est-il l'élu ?"



Et pendant que vogue l'arche au gré des tempêtes, cette interrogation va tarauder Noé. Elle devient encore plus rémanente, lorsque le héros voit, de derrière son hublot, une mère, son fils juché sur les épaules, sombrer dans les remous. Elle devient plus insidieuse lorsque Noé s'aperçoit que les poissons, tous les poissons, eux ont eu la vie sauve... Alors Noé décide qu'il n'a pas mérité le sort que Dieu lui a réservé et tombe dans la déchéance...



♥♥♥♥♥



Noé n'est pas le seul à être repensé par Roger Caillois. Quatre autres nouvelles toutes aussi métaphysiques les unes que les autres suivent ce texte :



- Mémoire interlope

- Récit du délogé

- L'ultime bibliophilie

- Cent ouvrages pour une bibliothèque idéale



C'est "mémoire interlope" que j'ai le moins aimé... Le "récit du délogé" qui lui fait suite est une petite merveille. On y retrouve la passion de Caillois pour le minéral ; il nous entraîne inéluctablement vers l'idée de notre fin, qui, tous comptes faits, n'est qu'un retour aux sources.



Quant aux deux derniers textes, ils m'ont amenée à réfléchir sur ma condition de lectrice et c'est, pour le moins, assez stupéfiant !
Lien : http://livresouverts.canalbl..
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Noé et autres textes

Roger Caillois : le jusqu'au-boutiste de la libre pensée, de l'esprit libre.

Imaginaire , poésie, rêve, réalité, sens, images, mythes, mémoire, corps, conscient, inconscient, toutes ces passerelles qui s'enchevêtrent , se chevauchent, et se déploient dans nos multiples espaces le fascinent.



C'est toujours l'esprit qui est garant de la liberté de l'homme. Son ultime et dernier rempart, celui qui lui permet de comprendre, d'analyser de saisir la pertinence ou la non pertinence de ce qui l'entoure, la correcte réceptivité de ses émotions, des mille et un espaces dans lequel il se meut.

Ces cinq textes illustrent quelques préoccupations majeures de l'auteur.



Noé :

ou comment l'homme, plein de son propre orgueil, se retrouve être le jouet d'une des plus grandes supercheries « divines »..

Noé, cet humble héros- qui se voudrait l'être bien « malgré lui »-, n'est en fait que la victime de sa crédulité provoquée par sa propre morgue.

L'élu, le Sauveur, celui sur lequel repose la pérennité de la création..

Noé y croit, il y croit si fort et tellement qu'il en oublie de penser.

Mais petit à petit, il retrouve son esprit et Noé se met à penser.

Et plus il pense, sans même avoir eu l'idée de douter, plus il pense et plus l'énormité de la réalité se prononce dans son esprit.

Un déluge, Une terre recouverte par les eaux, un bateau, une arche, un spécimen de chaque espèce...projet insensé.

Réalisable donc possible mais insensé puisque mensonger.

Parce qu'il regarde il se rend compte. Il se rend compte de l'injustice que contient ce projet : une partie de la création n'est pas, n'a jamais été concernée par cette punition divine.

Pas de poissons, pas de cétacés, pas de mollusques dans l'arche...Quant aux oiseaux...

Les seuls à être punis seront les rampants, les habitant de la terre, pas ceux de l'air pas ceux de l'eau...

L'homme vaut moins qu'un moineau, moins qu'une crevette. La sélection divine est totalement subjective. Pourquoi les uns, pourquoi pas les autres... Pour quoi eux, pourquoi pas moi...

Noé est effondré et pour oublier sa peine qui devient sa honte, il boit, il boit comme un trou, le vin de la vigne, le nectar de cette belle vigne qu'il planta sur le mont Ararat après que les eaux se soient retirées.

Noé, ce beau capitaine devient naufragé...

Il ne fut que le jouet de ce qu'il croyait.

Évidement l'histoire retiendra le projet et passera sous silence l'incohérence de l'objet.

Sacré Noé, fichu déluge, ….ainsi dériva toute l'humanité..



Mémoire interlope :

Un rêve, un songe.. et voilà que la réalité se loge dans notre mémoire. La vie n'est pas un songe pour Caillois. Non, on vit dans la réalité, on se confond dans le rêve. On magnifie, on explore, on crée, on se perd parfois dans le rêve.

Mais on réalise dans la vie. Le rêve berce l'esprit et voudrait imprimer sa mémoire.

Alors il faut que l'esprit mène l'enquête, qu'il suive les indices, qu'il relève les traces,

C'est l'esprit qui dénouera l'intrigue. L'esprit n'est pas le jouet du rêve, c'est l'esprit qui doit veiller à en rester le maître. L'esprit, sentinelle, doit toujours rester éveillé, c'est à ce prix que la mémoire reste fidèle.



Récit du délogé :

L'homme qui se « désindividu ». Transport et non métamorphose. Différenciation extrême entre le corps et l'esprit. Si le corps peut prendre forme par l'esprit, l'esprit lui est capable de se dissocier du corps. Un homme, au bout de son état d'homme, dans la lassitude de son enveloppe, dans l'usure de la représentation de cette enveloppe dans la société, décide de se déloger de son corps et de venir se loger dans le corps d'un parasite qu'il abrite : une espèce de moule venue se loger dans son bas ventre. ...Un mollusque. Il est lui mais dans un autre.

Il reste pleinement conscient de lui même, et perd peu à peu ce qui le rattachait à son état d'homme.

Il est lui, mais en tout. Il était donc avant même d'être un homme. Il est par son esprit bien plus que dans son corps. Sa mémoire humaine s'efface peu à peu, s'éloigne. Mais il sait et réalise qu'il devient ce qu'il est. Il redevient.



L'ultime bibliophilie

Lecteur ou bibliophile ? Adorateur ou amateur ? Le livre : ce prodigieux objet du délice..

Le contenant, le contenu ? Le flacon ou bien l'ivresse ? La valeur ou la possibilité ?

Possédant, possédé ? Et si tout justement résidait dans l'image même de l'objet ?

Alors lire, ou... devinez !



Cent ouvrages pour une bibliothèque idéale :

L'idéal n'existe pas pour Caillois.

Trop étroit, trop restreint, trop figé comme espace.

L'esprit est libre et donc : il change, il évolue, il flâne et vagabonde. Il a ses goût qu'il convie à l'instant, il se contredit, se détourne, courtise, convoite, progresse, se façonne.

Alors cent livres qui pourraient donner profil à un esprit...!

On est toujours appelé vers ce que l'on ne connaît pas. C'est là le gage de la bonne santé de sa liberté.

Dresser une liste, voilà qui n'a aucun sens pour l'auteur.

Il faudrait y mettre beaucoup de livres inconnus.

Et comment les recenser si ils nous sont inconnus ?

Le seul intérêt de cette entreprise serait, peut être, de voir cet esprit s'interroger à ce sujet, à savoir : l'impossible réalité de tout idéal...



Astrid Shriqui Garain





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