En conséquence, le contenu de ceux-ci cessa de m'intéresser. A partir de ce moment, et tout en continuant d'y prendre plaisir, je le tins et n'ai pas cessé de le tenir pour un désordre de simulacres sans secret. Ce n'est pas toujours facile, car les rêves ont mille ruses pour faire croire qu'ils apportent en effet un mystérieux message, qu'il suffit de prendre la peine de déchiffrer. L'esprit le mieux défendu et le plus décidé à s'éviter cette sottise, y réussit bien neuf fois de suite, mais se trouve encore assez naïf pour succomber à la dixième. Je crois presque irrésistible pour l'homme la tentation de prêter un sens à tout ce qui, à la fois, se présente comme pouvant en avoir un et qui résiste indéfiniment à le livrer.
La cohérence des rêves me troubla désormais beaucoup plus. Je ne m'explique pas encore comment la cohue d'images qui fait irruption dans la conscience du dormeur, réussit à s'y composer en enchaînements acceptables, en histoires qui se suivent, en aventures ordonnées. Il me semble que les rêves ne devraient comporter que des images folles et anarchiques, sans le moindre lien entre elles. Or, les miens devenaient de plus en plus rigoureux et, pour ainsi dire, merveilles d'horlogerie, ou plutôt ils savaient m'en donner l'impression. Bientôt, le fait de rêver m'apparut en soi plus digne d'attention que ne l'était le contenu des rêves.
Chronique de
Max Pol Fouchet sur le livre "Poétique de
Saint John Perse" de Roger Caillois
A l'occasion de la sortie de l'
essai critique de
Roger CAILLOIS consacrée au poète
Saint John Perse, intitulée "L'oeuvre
poétique de
Saint John Perse",
Max Pol FOUCHET présente le poète.