Halluciné et hallucinant. En lisant le résumé, je me suis dit "ou c'est du génie, ou c'est une merde sans nom, y'a pas de demi-mesure possible".Au final : grosse claque.
Commenter  J’apprécie         20
Une expérience de pensée, une pensée réjouissante de la littérature. Toxoplasma m'a apporté beaucoup, tout en vrac mais détaillé un peu, j'ai compris un peu mieux le milieu des hackeurs et des résistants numériques, celles et ceux qui structurent en creux ou très différemment ce qui semblait pourtant relever d'une figure imposée. J'ai aimé me balader dans Montréal, appréhender le québécois mieux, avec respect et sensibilité. La narration est un bijou d'orfèvre qui mérite largement plus qu'une simple critique passagère pour lui rendre l'hommage mérité, mais en quelques mots pour esquisser les contour de mon admiration, c'est un bijou parce qu'elle mêle des styles marqués très différents avec brio, lesquels s'inscrivent en plus dans des temporalités aux frontières volontairement flottantes. Sans que ça gêne la lecture. En effet, politique ce livre l'est à plus d'un égard, il y est question de Commune, et d'Histoires : celle qui se déroule dans cette Commune et les débouchées futures, celle passée du Québec, d'une relation à la terre non comme propriété mais comme socle de vie, celle aussi cinématographique . Et tout cela, et tout ce que j'ai tu du livre, constitue une lecture passionnante, fourmillante de vie et d'envies, qu'il est difficile d'arrêter avant d'avoir fini.
Commenter  J’apprécie         10
Du rétro cyberpunk fantastique, un roman fourre tout bordélique comme cette Commune qui ne veut pas expirer.
Des chats, des ratons laveurs, des VHS qui combattent des Betamax, une marionnette chien, des mots québécois au parler hacker, des anti-spécistes, des punks, un crapaud-garou, une possible conspiration, du vaudoue, des films de série Z, (liste non exhaustive), le tout dans un Montréal communard.
On commence par des animaux décapités pour finir par une course poursuite contre un drone militaire, en passant par une vision des lol-cats qui envahissent le réseau en lui refourguant la toxoplasmose. Sabrina Calvo nous entraîne dans un drôle de périple autour de la nature de la réalité, un cyberpunk analogique halluciné dans un futur très années 80.
Vous dire que j'ai compris - ou aimé - ce roman serait mentir. Il faut sûrement être atteint de toxoplamose pour tenter une totale compréhension de ce roman non identifié. Sabrina Calvo réinvente le cyberpunk, plus analogique que digital, plus poétique que métaphorique, plus militant que politique. C'est un rêve étrange auquel il faut se raccrocher à quelques items pour y déceler un sens. Bourré de références à la contre culture, ce roman est un peu trop alternatif pour moi, je m'y suis perdu, sans repères pour me raccrocher. Une herméneutique radicale pour une expérience littéraire vraiment autre. Au final, je ne savais plus reconnaitre si j'étais face à une critique sous-jacente ou à un hymne d'amour lancée pêle-mêle aux années 80, aux hipsters, aux hackers, aux punks, à l'anarchie.
Ce que l'on ne peut reprocher à l'auteure, c'est d'avoir son propre imaginaire, et un sens de la formule qui fait mouche :
"La vie est trop courte pour s’épiler la chatte, sœurette."
"Dans une litière, le chat d’Ichi se lèche l’anus sans se soucier du monde autour de lui."
"Le jour où le nazisme sera rentable, tous les capitalistes seront nazis. "
Cependant, pas sûr après ce voyage d'aller voir Sous la colline ce qui s'y passe.
Commenter  J’apprécie         110
lu à voix haute quand j'avais 20 ans... un très bon souvenir. Depuis, Calvo a accédé à la renommée mais il est largement sous évalué....A lire pour découvrir un auteur majeur français découvert à l'époque par Stephane Marsan, créateur des éditions Bragelonne.... Poésie, fées, mystère et humour. Un must read!
Commenter  J’apprécie         00
Les auteurs des nouvelles de science-fiction présentes dans ce recueil n'ont pas une vision joyeuse du monde du travail dans le futur, c'est le moins qu'on puisse dire : travailler jusqu'à la mort, multiplier les jobs pour réussir à s'en sortir avec l'ubérisation poussée à son paroxysme, vente de son corps, nouvelles technologies au service de l'exploitation des hommes et des femmes où l'intimité même disparaît, la quête de l'argent remplace l'art, tout le monde est lui-même évalué. Certaines nouvelles m'ont fait penser à des thèmes d'épisodes de la série d'anticipation Black Mirror.
Comme dans toute anthologie, la qualité des oeuvres est variable, ou en tout cas certains thèmes m'ont moins plu. Le principe même de la nouvelle empêche de s'attacher à certains personnages avec la rapidité et l'effet de chute.
Et puis... il y a la nouvelle d'Alain Damasio, à la fois cruelle et poétique, virtuose et touchante, avec une belle femme créatrice et vivante. L'important, ce n'est pas le travail au sens du trepalium romain, l'instrument de torture, mais l'art et l'amour.
Commenter  J’apprécie         30
Les amis Calvo et Colin se sont mis à deux pour commettre cet étrange et relativement abscons objet littéraire.
D'aucuns chercheront peut-être à déterminer les responsabilités respectives des auteurs quant au résultat de leur collaboration, pour ma part je les remercie d'avoir su limiter une farce qui, plus longue, eut été peu digeste.
Nos deux compères accumulent clins d'oeil, pastiches et références avec maestria , ils s'amusent beaucoup assurément!
Mais amusent-ils le lecteur?
Rien est moins sûr, ils me font penser à la dérive égoïste et narcissique qui affectait parfois les musiciens de free-jazz rivalisant de virtuosité dans d'interminables improvisations expérimentales plus ou moins dissonantes, sans doute jubilatoires pour eux, mais bien vite assommantes pour l'auditeur.
Ils proposent néanmoins ça et là quelques pointes d'humour et remarques acerbes qui aèrent salutairement leur déferlante éloquence à l'image de la charge finale contre la maison Nintendo.
Je conclurai, parodiant librement feu Philippe Noiret, que j'dis pas qu'j'ai aimé mais j'dis pas qu'j'ai détesté non plus.
Je reviendrai à l'occasion vers Sabrina Calvo qui semble avoir séduit quelques lecteurs ici.
Commenter  J’apprécie         20
Ces nouvelles de science-fiction ou de fantasy, d'imaginaire en tout cas, sont classées par grandes régions françaises. Alors forcément, on retrouve des légendes bretonnes, des plages de sable immenses avec leur blockhaus, des montagnes abruptes... L'idée de départ est intéressante, les tons et la qualité sont variables.
Et puis, il y a la nouvelle d'Alain Damasio, que j'admire énormément. Ici, j'ai été touchée par le décor - ces si belles montagnes du Vercors, par le côté historique - la résistance, par cette histoire d'amour impossible, par ce portrait de femme forte et fragile qui pourrait me ressembler - une femme qui aime la montagne, la randonnée, qui veut être libre. L'écriture est toujours très belle, très poétique, les souvenirs se mêlant à la neige...
Commenter  J’apprécie         40
impossible d'arriver à le lire pour ma part, style trop "spécial"
Commenter  J’apprécie         30
Acheté pendant les Étonnants Voyageurs de Saint-Malo 2018, après avoir écouté Sabrina Calvo parler de son livre et défendre ses convictions, Toxoplasma a en l’occurrence reçu le Grand Prix de l’Imaginaire, ce qui attire forcément l’attention.
De l’anticipation politique
Pour débuter ce roman, l’autrice ne nous facilite pas la vie et, en même temps, tant mieux. Les premiers paragraphes s’enchaînent dans un tourbillon étrange où on ne sait pas toujours ce qu’on doit penser de ce qu’on lit. Le lecteur découvre au fur et à mesure que Montréal est désormais organisé en une Commune libre, que le monde entier semble avoir subi un effondrement du réseau Internet, voire d’une partie du réseau électrique. Sur le modèle du moment, l’Islande, La Commune libre de Montréal met en contrepartie un régime politique davantage tourné vers la subsistance, l’anarchie et l’entraide. La vie quotidienne locale s’y organise désormais par d’autres manières que le néolibéralisme devenu habituel, à commencer par le fait qu’il n’y ait plus de monnaie unique. Toutefois, il semble évident que ce nouveau régime politique ne soit pas du goût de ses voisins fédéraux qui cherchent à le faire tomber, manu militari s’il le faut.
Du cyberpunk à Nanarland
Dans ce contexte un brin tendu, nous suivons Nikki, « conservatrice de VHS d’horreur », c’est-à-dire qu’elle cherche à refourguer à des clients très occasionnels des nanars de série Z dont elle connaît les moindres détails (et sa culture en la matière est gargantuesque). L’intrigue se centre sur l’enquête pittoresque de Nikki qui s’improvise détective privée pour retrouver des chats perdus et élucider l’énigme du raton laveur éviscéré dans le parc à côté de chez elle. On part donc très bien ! Dans son enquête, on croise tout ce qui fait son petit monde montréalais : des gens un peu perdus, des voisins plutôt étranges, des activistes politisés. Ainsi, sa copine, Kim, fait partie d’un groupe de hackeurs communiquant par un réseau informatique inaccessible au commun des citoyens ; son employeur au vidéo-club semble tout à fait hors du monde ; enfin, Mummy, sa voisine vieillissante, semble bien renseignée sur la vie montréalaise avant l’« apocalypse politique ». Chacun et chacune à leur manière sont des punks, des gens volontairement en marge de la société, qui cultivent un mode de pensée hors des poncifs imposés. Cette étude des marges mise à la fois sur la contre-culture de ces « nanars », ces films de genre sous-financés, sur la construction d’alternatives politiques ou économiques et enfin sur le militantisme pour partager ces réflexions.
Un thriller décalé qui questionne la réalité
Dans Toxoplasma, on croise des mondes virtuels, des actes antispécistes et la menace dystopique fasciste. Rien que ça ! Au fur et à mesure que Nikki déroule son enquête, chaque sujet vient ajouter à sa perplexité, elle qui finalement est une héroïne qui n’a pas d’avis préconçu sur la situation qui lui est offerte, mais qui s’éveille doucement sur la réalité, qui se politise progressivement finalement. Cette progression se construit à chaque petite découverte, chaque « bris » dans la réalité que Nikki peut rencontrer de manière plus ou moins brusque pour elle. C’est l’occasion pour elle de se questionner sur sa propre condition (ce qui semble être un thème récurrent chez cette autrice). Là-dessus, Sabrina Calvo ajoute aussi des éléments qui peuvent franchement paraître burlesques dans ce cadre, mais qui constituent une couche mytho-poétique – comme dirait Jean-Claude Dunyach – qui mise à la toute fin par petites touches sur une mythologie nord-amérindienne. Forcément, il y a aussi des chats, puisqu’on parle de toxoplasmose, mais dans son trip, il y aussi des crapauds-taureaux, des marionnettes qui sont conscientes et plein d’autres choses encore… Certains lecteurs trouveront ce livre trop barré, mais il est surtout très réflexif, n’ayez donc pas d’inquiétudes.
En somme, il est souvent détestable de voir les adjectifs s’amonceler sur la quatrième de couverture pour décrire un roman, mais là, en l’occurrence, ce « thriller proto-cyberpunk, déclaration d’amour aux nanars d’horreur » et « roman poétique et politique, qui réussit à allier le burlesque à la tension d’une intrigue fantastique » remplit son contrat et tient toutes ses promesses.
Commenter  J’apprécie         260
Belle idée que de consacrer un recueil de nouvelles aux Contrées du Rêve. La Clé d’Argent des Contrées du Rêve (Mnémos 2017) poursuit de la sorte le travail important déjà effectué sur ce sujet avec la traduction de Davis Camus (Les Contrées du Rêve), le guide de Kadath et le recueil de Brian Lumley (Légendes des Contrées du Rêve). L’ouvrage s’ouvre sur une introduction fort intéressante de Frédéric Weill, montrant toute l’originalité de cette création de Lovecraft. Le recueil comprend 11 nouvelles, et comme d’habitude, il y a du bon et du moins bon, du téléphoné et quelques petites perles.
J’ai classé mes notules par ordre d’intérêt croissant (de 1 à 10), ce qui est évidemment totalement subjectif et n’engage que moi !
3 – David Calvo nous parle dans Mkraow des chats d’Ulthar, de façon certes poétique, mais sans aucune trame.
4 – Avec Urjöntaggur, Fabien Clavel nous entraîne sur les traces du Lieutenant A. Desplagnes, militaire à la « coloniale », mais aussi explorateur à ses heures perdues. Il est hanté par des rêves récurrents dans lesquels il voit une tombe gigantesque remplis de cadavres « noirs », une cité inconnue et un rocher rouge. Les médecins sont incapables de le débarrasser de ces songes qui lui pourrissent la vie. Mais l’un d’entre eux croit reconnaître dans sa description du rocher l’Ayers Rock qui se trouve au centre de l’Australie. Et de monter une expédition qui ne fera qu’accroître ladite maladie. Il tombera en transe au pied de la formation rocheuse en tenant des propos incohérents (Kadath, le château d’Onyx, Shantaks) et en affirmant avoir rencontré le Grand Ancien Urjöntaggur qui lui demande de le libérer de Nyarlathotep. La chute sera un peu confuse, et le Lieutenant reviendra en métropole à moitié fou avant de se faire tuer sur le front près de Charleroi.
Livres :
° Le Plateau central nigérien, A. Desplagnes
° Les mystères de l’Australie, id
4 – Dans Caprae Ovum, le rêveur erre dans une cité décrépie et découvre dans une barge pourrie un mystérieux cartulaire qui lui donne une idée de la géographie des lieux. Il retrouve une émanation de sa maison dans le monde de la réalité, mais n’y entre pas car elle semble maléfique. Il pénètre dans une crypte où était célébré le Culte de la Chèvre puis suit un groupe de pèlerins qui se dirigent vers un pic dans lequel est creusé une caverne. C’est le nouveau sanctuaire du Culte, et il va enfin pouvoir contempler la statue de la divinité avec son… œuf. Manifestement le but de sa quête, afin de le ramener dans le monde normal où il pourra éclore. Le texte est accompagné d’une illustration qui renforce notre éclat de rire !
Livre :
° Le Cartulaire encyclopédique des hautes et basses terres du rêve.
5 – C’est sous forme d’un long poème que Thimothée Rey nous conte l’aventure de Ylia de Hlanith. Une jeune fille recluse chez ses parents, commerçants dans les Contrées. Elle rencontre un jour une créature diaphane, un nouvel arrivant dans le monde des rêves. Elle accepte de répondre à ses questions. Il lui dit s’appeler Howard, et muni d’une Clé d’Argent, il est à la recherche de son Archétype Suprême. La jeune fille lui subtilisera la clé, pensant pouvoir ouvrir la porte qui la ramènera au monde de l’éveil. Mais elle ne fera que libérer les Grands Anciens qui patientaient de l’Autre Côté pour envahir les Contrées.
6 – Nos amis Ward & Miller nous font rencontrer, dans Le Rêveur de la Cathédrale, Kevin, un jeune guide de la Basilique de Saint-Denis. Dans une arrière crypte de l’édifice, il trouvera une vieille clef alors qu’une forme nébuleuse qui lui dit s’appeler Randolph Carter lui demande de le délivrer. Au sortir de la cathédrale, il se retrouve… dans Kadath. Il sera transporté au Château d’Onyx par des « maigres bêtes de la nuit », plongera dans les souterrains et, grâce à la clef, libérera Randolph Carter, prisonnier de Nyarlathotep. Il reprendra conscience dans la crypte de la cathédrale où il ne sera pas reconnu par les gardiens de nuit. Il est devenu un vieillard du nom de … Randolph Carter.
7 – Morgane Caussarieu nous apporte un peu d’humour félin avec Les Chats qui rêvent. On suit les aventures d’un petit chaton, prisonnier avec ses congénères d’un Vieil Homme morbide qui les martyrise Ce dernier passe son temps à étudier un ouvrage ancien en psalmodiant des invocations incompréhensibles. La maman chat parle à son rejeton de la magnifique cité d’Ulthar, qu’elle visite régulièrement en rêve. Le chaton arrivera à s’échapper pour rejoindre le paradis des chats mais sera attaqué par des créatures immondes qui l’enverront au paradis tout court !
8 – Belle petite pièce que De Kadath à la Lune de Raphaël Granier de Cassagnac. Le héros s’embarque avec le capitaine Omen au Port du Bout du Monde, à la recherche de sa belle. Ils croiseront Serranie, la Cité des Nuages où Kuranès leur remettra une carte des Contrées, Dylath-Leen, Ulthar ; ils rencontreront un dieu clochard et un sculpteur de rêves puis partiront pour la Lune sur les indications de certains prêtres. Le héros sera attaqué par des crapauds immondes et se retrouvera sur le plateau de Leng dont il sera expulsé par l’Innomé. Il poursuivra sa recherche à Paris où il se réveille et retrouvera une ombre qui a son propre visage. « Jamais je n’aurais dû quitter Kadath ! ». On croirait lire du Lovecraft ! Bravo.
8 – Bien ficelé également Le Tabularium de Laurent Poujois qui nous présente la caste des Arpenteurs, chargée d’établir la Carte des Marcheurs du Rêve. Nous sommes invités à participer à l’exploration d’un secteur fort mal connu des Contrées, le Dédale, dont personne ne semble être revenu vivant. En compagnie d’un marchand qui laisse pourtant entendre qu’il connaît le secteur, les Arpenteurs découvrent un gouffre au fond duquel se déploie une somptueuse cité d’albâtre. Le marchand s’écrie « enfin » avant de se réveiller dans le monde réel où il sera conduit dans un asile psychiatrique.
Cette nouvelle ne demande qu’à se transformer en jeu de rôle.
9 – Avec Le Corps du Rêve, Neil Jomunsi nous fait rencontrer une petite famille de 6 enfants, réfugiés dans les Contrées suite à une catastrophe (guerre ?) dans le monde de l’éveil. Ils vivent dans une grande demeure que l’aînée a façonnée à partir de ses souvenirs. Mais ils sont sans cesse menacés par des attaques du Rêve, les contraignant à se calfeutrer et à se cacher dans les sous-sols de la demeure. Une dernière attaque particulièrement violente détruira une partie de la maison…. que le Rêve reconstruira selon les canon architecturaux des Contrées et non de l’Éveil. Émouvant.
9 – Vincent Tassy, dans Le Baiser du Chaos Rampant, nous fait partager la quête d’une jeune femme, mal dans sa peau, qui se réfugie dans les Contrées pour rencontrer Nyarlathotep dont elle est éperdument amoureuse. Un périple haut en couleurs, comme il se doit, avec une petite incursion dans le monde du dessous, infesté de goules dont une lui ressemble étrangement. Elle finira par rejoindre le château du Prince Noir qui, entre deux étreintes, lui révélera sa véritable nature. Elle est la fille d’un écrivain fantasque, Howard, et de son épouse Sonia qui lui avait caché sa grossesse, comprenant bien que son mari n’était pas fait pour vivre en ce monde. On l’aura compris, Lovecraft est désormais une goule dans le monde du dessous.
10 – Mon coup de cœur pour Les Fragments du Carnet de Voyage Onirique de Randoph Carter qui se présente comme un document inédit mystérieusement récupéré par l’éditeur. Mnémos aime bien les « vrai-faux » lovecraftiens… et moi aussi ! La première partie qui nous est présentée ici, et qui sent bon la plume de Davis Camus, est un Fragments d’Atlas des Contrées du Rêve. Un document original, présenté sous forme d’encyclopédie, et qui, pour chaque entrée, reprend ce que Lovecraft en a dit. Fallait le faire, et c’est fait !
Commenter  J’apprécie         10
Ne lisez pas ce livre sans avoir pris votre came. Et encore.
Loin de moi pour autant l'idée de dire que "Wonderful" est mauvais. C'est tout le contraire : il tient ses partis pris jusqu'au bout. Mais le problème, ce sont ses partis pris en eux-même.
David Calvo, pourtant, c'est un mec avec un humour génial, une imagination dingue et une poésie folle. Un peu trop, peut-être ? Non, même pas. De l'imagination, on n'en aura jamais assez. Mais il faut savoir la doser.
C'est pourtant pas ce que j'aurais aimé voir en ce livre. J'aurais aimé voir un enchevêtrement de situations de fin du monde, et voir comment les gens réagissaient, comment tout était lié sans pour autant qu'un élément piétine les autres. La lune meurt, OK ; les hommes en noir, le vent, OK. Le postulat auquel je m'attendais, c'est : "C'est la fin du monde, donc la lune mourante est une conséquence". Le postulat de l'auteur, c'est : "La lune meurt, donc la fin du monde est une conséquence".
Bon, c'est pas pour autant que le livre est mauvais. Tout est lié, oui, mais c'est centré autour de la lune, soit. Les relations humaines sont montrées, elles aussi. Seulement, ça va loin, très très loin. Et pas forcément dans la direction qu'on voudrait.
Car côté surréalisme, on s'y enfonce à pieds joints : les planètes sont des entités douées de conscience qui peuvent se matérialiser sous une forme humaine, on a un gros complot cosmico-cinglé avec une histoire de sanskrit qui ne sera jamais résolue, la neige sur la télévision est de la neige pour de vrai, les nains se mettent à exister et les détectives privés se transforment en galliminus. Bon, je sais, suspension d'incrédulité, mais ce n'est pas parce que le cosmos part en couille que les humains aussi. D'accord, c'est la fin du monde et ils n'ont aucune issue, donc ils auront donc un comportement inapproprié, mais ça ne justifie pas toutes leurs réactions parfois complètement cartoonesques.
Et puisqu'on parle d'humains, le livre pose sur eux une vision vraiment particulière : les humains sont petits et égoïstes, et les Planètes, les divinités, valent mieux qu'eux car leur monde est merveilleux et qu'elles sont bien plus âgées et expérimentées. Qu'un livre puisse nous délivrer une telle leçon d'humilité, pourquoi pas ? Des alternatives à l'humanisme ou au nihilisme, on n'en croise pas tant que ça. Mais les Planètes sont certes mystérieuses, il n'en reste pas moins que leurs réactions et leurs relations entre elles soient totalement humaines. Et les vrais humains sont montrés eux tels quels, ce qui fait qu'il n'y a aucun contraste. Vous savez à quel point j'ai horreur des clichés et je rejette le manichéisme simpliste (car il peut être complexe, à condition d'être atténué), mais là... il n'y a aucune raison de respecter la volonté des Planètes d'anéantir l'humanité. Ce n'est même pas à elle qu'elle en veut ! Et si le message, c'est "les dieux sont des ordures", alors strictement rien n'est orchestré pour nous faire penser ça.
Alors, qu'est-ce qu'a ce livre de si bon ? Eh bien, d'accord, il est totalement surréaliste et premier degré, mais il invente sa propre logique et il s'y tient. Ou du moins, il ne la brise pas sans une bonne raison. L'histoire est surréaliste, alors on pousse le bouchon jusqu'au bout. Son intrigue est décousue et improbable, alors on ne va pas chipoter sur des degrés d'une crédibilité quelconque. Le sense of wonder est présent, lui aussi, mais mêlé à du carton-pâte, du grand-guignol : toutes les extrémités qu'on pouvait expérimenter dans ce domaine-là sont poussées dans leurs derniers retranchements. On peut peut-être comparer ça à du David Lynch en un peu moins noir, mais je vois surtout dans ce déferlement créatif une envie de se défaire d'absolument tout ce que la littérature, spéculative ou non, a pu imposer. Mais des fois, c'est le trop-plein : la poésie qu'on désire tant apporter au roman ne prend pas, sauf dans les tout derniers chapitres. Pourtant, elle aussi sait en mettre plein les yeux.
C'est donc un de ces livres maudits, à la fois bâtards et harmonieux, des fleurs du mal postmodernes complètement barrées et assumées ; c'est donc aussi un patchwork. Et très franchement, en voir de temps en temps, ça ne fait pas de mal. Et si on en faisait une adaptation, bordel ! qu'est-ce que j'aimerais la voir ! J'imagine tellement bien une Londres grise et glacée sous un éclairage bleu pâle, habitée seulement de la symphonie d'Yves Klein... Eh oui, parce que non seulement ce serait beau, mais en plus, le bleu a mine de rien un sacré rôle : c'est l'hiver, l'instant où le monde paraît délavé et le ciel plus azur que jamais ; et Blue FM, par son total non-sens, symbolise une humanité perdue, sur le chemin de l'extinction, décadente et obsolète. Quant aux autres Couleurs, elles se révèlent étrangères et donc hostiles à ce monde en perdition.
Donc, "Wonderful", c'est un peu de diversité (beaucoup, même), et une expérience à tenter. Et c'est encore mieux quand on écoute un morceau de tribecore totalement défoncé et tout aussi délirant.
Commenter  J’apprécie         40
Ah, le futur imaginé par nos chers auteurs de SF : des lendemains qui chantent, des voitures volantes, les villes sur la Lune ou Mars, le travail libéré... Un avenir espéré et attendu par nombre de lecteurs.
Mais nous ne sommes plus dans les années 50, fini la vie en rose, l'espoir a été douché, ratiboisé et passé au sanibroyeur. Reste des lendemains qui déchantent, des voitures uberisées, des villes gentrifiées et du travail oppressant et oppresseur.
Si vous avez encore espoir à des lendemains meilleurs, La Volte a demandé à douze auteurs francophones d'écrire sur le futur du travail de doucher toutes vos hypothétiques espérances.
Du bon, du moins bon, du très bon dont le Damasio qui vient de rafler le GPI pour sa nouvelle. Certains textes se répondent, le travail de coordination se fait sentir.
Certaines nouvelles sont agréables, même si elles restent assez classiques dans leur forme : on découvre peu à peu le monde, le hiatus advient par un des personnages qui s'interroge sur le monde et la dystopie survient... D'autres arrivent à dépasser leurs illustres précurseurs., comme Ketty Steward, Norbert Merjagnan ou Li Cam
Suit Serf-Made-Man ? ou la créativité discutable de Nolan Peskine d'Alain Damasio qui a reçu récemment le Grand Prix de l'Imaginaire pour cette nouvelle. Trois creative consultant insolent et cynique doivent unir leur force pour avoir la seile place disponible dans une entreprise. La sranxe pour les hôtels est du pur génie créatif, on s'y croirait et on a envie d'avoir un aussi bel accueil.
Relation homme robot, art et artisanat, idée et copie. Damasio souffle le chaud et le froid, nous fait aimer ses persos cyniques pour nous les montrer dans tout leur monstruosité la page d'après.
Des fulgurances, des petites notes d'humour noir et ce texte m'a même fait penser par moment aux plus beaux textes de Léo Ferré. Au vue de l'univers, j'ai l'impression qu'il se déroule dans le même que son futur roman Les furtifs. Seul ombre au tableau, un final décevant.
On finit par les nouvelles de Léo Henry et de Sabrina Calvo qui préfèrent s'attarder sur le travail de l'écrivain. Léo Henry nous fait partager son travail sur la correction de son texte, de la première ébauche au final. Une nouvelle qui intéressera les écrivains en herbe, ce qui n'est pas mon cas.
Sabrina Calvo prend le relais pour fournir ce texte à l'éditeur, une situation kafkaïenne au possible. Très drôle, mais pas assez pour me faire oublier le lien ténu avec la thématique du recueil.
Le tout se termine par une préface de Sophie Hiet.
Commenter  J’apprécie         50
Alors qu’une formidable révolution a éclaté, l’île de Montréal est assiégée par l’armée fédérale. Une Commune y a éclos tandis qu’Internet a disparu et que l’électricité n’est plus une valeur très sûre. Tous les insulaires attendent une hypothétique fin du monde. Parmi ceux-ci, vit Nikki qui mène une enquête pour tenter d’élucider d’atroces meurtres d’animaux. Elle va être aidée par des adeptes de course dans les bois du cyberespace et une marionnette. Sa vie devient peu à peu un fil tendu entre rêves et réalité, alors qu’elle commence à entrevoir l’essence d’une conspiration.
« Toxoplasma » est le neuvième roman de David Calvo, paru en 2017, et salué par le Grand Prix de l’Imaginaire 2018. Ce long roman mêle habilement différents genres et thèmes, l’auteur aimant surfer aux lisières des styles de l’imaginaire.
Pour entrer dans l’œuvre et poursuivre la lecture jusqu’à son terme, il faut accepter de suivre David Calvo dans ses escapades tout à la fois débridées, fantasques et en même temps tenues par un fil d’intrigue solide ; accepter de suspendre une compréhension entière pour entrevoir quelques parcelles de sens, çà et là, suffisamment nourrissantes pour continuer le chemin. Et quel chemin ! L’auteur nous promène entre comique et drame, spiritualité et réflexions politiques, mythologie et cyberpunk, origines et tension vers un avenir, l’ensemble étant servi par une plume merveilleuse.
David Calvo sait créer des images fortes, poignantes dans un style poétique, n’hésitant pas à détourner des mots de leur sens pour leur donner un autre envol, un souffle créatif. La conspiration devient ainsi cette respiration avec l’autre.
Car au fil de l’enquête portée par trois femmes, c’est une conspiration qui peu à peu est mise à jour, la forêt devenant lieu des origines et de la clôture, en un Ouroboros scellant un renouveau.
Une œuvre fantasque et une expérience aussi exigeante que bouleversante, dont on ressort conquis.
Commenter  J’apprécie         60
Le risque quand on commence un nouveau livre de Calvo est de se dire que ça pourrait être moins surprenant que le livre précédent. Le meilleur Calvo restant pour moi, Délius, une chanson d'été, lu quand j'avais quatorze ou quinze ans, je suis chaque fois déçue que ce ne soit pas mieux, sans pour autant cesser d'être fort agréablement surprise !
Dans Sous la colline, Calvo met en scène une héroïne, volontaire mais fragile, en quête absolue d'une identité de genre et un bâtiment mythique, la Cité radieuse bâtie par La Corbusier à Marseille. Ces deux éléments sont des trouvailles qui montrent tout le talent de Calvo. Pour le premier point il est impossible de l'expliquer sans dévoiler l'aboutissement de l'histoire ; disons simplement que Colline est l'héroïne idéale par les relations qu'elle tisse avec les autres, l'histoire et le bâtiment. Le deuxième élément, c'est d'avoir transformé le mythe qu'est la Cité radieuse ou plutôt de l'avoir replacé dans un mythe encore plus grand qui unit les Phocéens, Marie-Madeleine et les moines grecs du Mont Athos, sans pour autant faire de concessions sur la personnalité de Le Corbusier lui-même et sur son goût pour les totalitarismes.
J'ai retrouvé le sentiment rencontré dans Eliott du néant d'une histoire qui stagne pour mieux nous imprégner, de choses impossibles à expliquer et qu'il vaut mieux renoncer à comprendre pour profiter du voyage et de la destination. L'univers et l'imaginaire de Calvo s'acceptent, ils n'ont pas besoin de démonstration ; il ne s'agit pas d'une enquête policière où tout doit logiquement s'imbriquer à la fin. Calvo met la (sa) magie à la portée de tous ; il faut juste y être assez sensible pour en profiter.
Si l'univers de Calvo m'envoûte toujours, j'ai été plus déçue par la langue, moins fluide, plus basique, moins en phase avec son univers justement. C'est vraiment le seul bémol que je me permet d'émettre. L'ancienne Marseillaise (d'adoption) que je suis a apprécié une nouvel fois ce beau voyage (même si Marseille reste un personnage très secondaire).
Calvo est tellement inclassable que je me désole toujours que ses livres ne soient pas plus lus et commentés par exemple sur Babelio !
Commenter  J’apprécie         20