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Critiques de Sébastien Lapaque (116)
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Trois jours et trois nuits

En 2020, les chanoines de l’abbaye de Lagrasse ont invité des écrivains à partager trois jours et trois nuits de leur existence.



La COVID a compliqué le scénario et finalement quatorze écrivains publient leurs témoignages. A noter que Boualem Sansal « athée en recherche de Dieu », n’a pu se rendre sur place « j’attends ce jour comme un fiancé attend de rencontrer sa promise » mais offre une belle réflexion sur l’Islam, que Michel Onfray semble avoir honoré l’invitation sans témoigner, et qu’il n’était pas nécessaire d’être chrétien ou catholique pour être sollicité comme le précise Jean-Paul Enthoven.



La préface de Nicolas Diat, les quatorze chapitres et la postface du Père Le Fébure du Bus, ont nourri durant ce mois de janvier mes médiations et certains chapitres méritent lectures et relectures. Chaque contribution est riche de la diversité des écrivains, de leur rapport à la culture, à la religion, à la vie.



M’ont particulièrement marqué « La fondation » de Camille Pascal qui restitue la chanson de Rolland et la fondation de l’abbaye par Charlemagne … une épopée lyrique contée miraculeusement par une plume savoureuse.



« Les soldats de la grâce » de Jean-René van der Plaetsen interroge notamment sur la vocation de trois Saint Cyriens devenus religieux, à l’exemple de Charles de Foucauld.



« Le refuge » de Frédéric Beigbeder, témoignage poignant d’un noceur assumé, s’échappant de l’abbaye pour suivre un match de foot au bar local … Mais pas que !



« La résurrection » de Frantz-Olivier Giesbert évoque le siège d’Hippone en 430, observe notre actualité et conclut « Laisse pousser en toi les racines de l’amour » car c’est à chacun, par son comportement, de repousser la barbarie.



« Tolle lege, tolle lege » (prends et lis) de Xavier Darcos réfléchit sur la culture latine, la civilisation romaine, sa transmission grâce aux abbayes et sa disparition décidée par les idéologues et pédagogues commettant les réformes successives de l’éducation nationale.



Certaines contributions, dont celles de Simon Liberati, sont de réelles méditations de textes bibliques et exigent une lecture attentive.



Ces chapitres illustrent des approches diverses et variées le Lagrasse. Certains ont été attentifs aux religieux et à leur ouverture à l’extérieur (écoles, hôpitaux, paroisses) , d’autres à l’abbaye, certains à la lecture des Confessions de Saint Augustin fondateur de ce ordre religieux, plusieurs à la liturgie et au rythme immémorial des offices. D’où la richesse et l’originalité de cet ouvrage.



J’ai découvert ces chanoines il y a plus de quarante ans, sur les chemins vers Compostelle, à Moissac, quand le Père Wladimir constituait un premier noyau de religieux et j’ai été séduit d’emblée par la beauté de la liturgie. Depuis nous sommes passés plusieurs fois à Lagrasse mais l’âge et les distances étant ce qu’ils sont je ne sais si nous aurons l’occasion d’y retourner.



Cet ouvrage offre une belle rencontre avec cette communauté en pleine croissance, toujours accueillante aux pèlerins et touristes parcourant les Corbières.
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Trois jours et trois nuits

Une envie de sérénité avant les vacances : je me suis offert trois jours et trois nuits… dans un monastère ! Bon en vrai, j'aurais bien aimé mais par manque de temps, je me suis offert cette retraite par procuration, grâce à la littérature. Avec moi, une quinzaine d'auteurs a été invité à vivre une retraite de trois jours et trois nuits au coeur de l'abbaye de Lagrasse, en clôture, c'est-à-dire dans le carré VIP avec les chanoines. En retour, chacun d'eux a offert un texte que leur a inspiré cette expérience. A mon tour d'en commettre un retour.





La liste des auteurs est variée mais étonnamment, l'ensemble des écrits est plutôt homogène, et leur complémentarité rend l'ensemble harmonieux. Sur les quinze, seuls trois ou quatre m'ont paru plus hermétiques, principalement ceux qui décryptaient le plus précisément certaines paroles ou histoires bibliques. Je les ai trouvé moins accessibles et moins intéressantes car moins focalisées sur l'expérience personnelle de leur auteur. J'ai apprécié en revanche les contributions où les auteurs livraient beaucoup d'eux-mêmes, soit en anecdotes personnelles, soit en réflexions, émotions, observations et descriptions de leur expérience à Lagrasse. C'est ce que j'ai trouvé le plus intéressant parce que le plus généreux, le plus humain… Des qualités qui sont à l'origine de ce livre, puisqu'en échange de cette expérience, les auteurs reversent leurs droits aux chanoines de Lagrasse, pour la restauration de leur abbaye. Cette fois, vous ne culpabiliserez pas d'ajouter un livre à vos PAL !





Même si l'ensemble est homogène, je ne me suis pas ennuyée parce que chaque récit étant personnel, ils sont tous différents, évoquent un vécu et/ou un ressenti différent. Et puis les plumes et anecdotes sont savoureuses selon les auteurs. Allez, je le confesse ici : je connaissais très peu d'auteurs dans ce panel, mais avec certains je me suis régalée. J'ai trouvé Beigbeder particulièrement émouvant et drôle, dans son texte, alors même que je connais très peu l'auteur et encore moins la personne. On y retrouve aussi Sylvain Tesson, qui ne pourra s'empêcher de descendre le clocher en rappel, entrainant avec lui une poignée de frères ! Même le récit totalement historique de Camille Pascal, que je craignais de moins apprécier, est en réalité hyper enrichissant et joue un rôle très important dans l'enchainement des textes.





Mais si l'approche est différente selon les personnalités, on retrouve dans la plupart des textes des thèmes récurrents : la beauté de l'endroit et la sérénité que l'on y ressent, la crainte d'attaques terroristes, la bonté des chanoines, leur bonne humeur, le silence comme espace de pensée, l'importance de la liturgie et du mystère (du cérémonial comme de la langue utilisée pour les messes) dans l'attractivité de la foi, la langue latine comme approche poétique de la religion, des rapprochements avec la vie militaire, à laquelle ont d'ailleurs goûté certains auteurs comme certains chanoines ; le côté rassurant d'une vie bien réglée, et son efficacité pour retrouver du temps. Les confidences entremêlées sont intéressantes et donnent envie de faire l'expérience de cette humanité qui fait du bien, loin de l'agitation mercantile et de la course à l'individualisme du siècle. Et l'on y trouve quelques références littéraires à explorer.





Le calme, ainsi que la paix intérieure qui m'envahit dans ces lieux, m'ont toujours attirée. le silence m'y remplit, et je peux enfin entendre et ressentir toutes les émotions qui souvent crient et se bousculent, ignorées, remises à plus tard, quand on aura enfin ce temps qu'on ne prend jamais. C'est souvent un moment très intense, que j'ai éprouvé de nombreuses fois en m'arrêtant dans de tels lieux sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Je me suis toujours dit qu'un jour je m'offrirai ce genre de retraite même si, pour l'instant, l'occasion ne s'est pas encore présentée.





Pour l'anecdote, elle s'est en revanche présentée de manière inattendue pour l'une de mes meilleures amies : Très croyante, et ayant organisé son mariage presque entièrement, elle a laissé le soin à son mari d'organiser le voyage de noces contenant la FAMEUSE nuit de noces ; Depuis des mois elle me confiait, avec les yeux qui pétillent, ses tentatives de deviner où l'homme de sa vie avait décidé de l'emmener passer cette folle nuit… Vint enfin le moment fatidique de vérité et là… SURPRIIIIIISE !! Voyage de noce dans un… Monastèèèèère !!! Incompréhension de mon amie qui rêvait de sa nuit de noces, tandis que son mari était absolument convaincu de lui faire plaisir !! Résultat : nuit de noces en cellules, et dans le silence… L'histoire ne dit pas s'ils y sont restés trois jours et trois nuit, mais peut-être que vous, vous aurez envie d'en faire l'expérience avec ce livre ! L'avez-vous faite en vrai ?
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Ce monde est tellement beau

Sébastien Lapaque, en décrivant en trois étapes (enfer, purgatoire, paradis) la conversion de Lazare, quadragénaire et professeur d’histoire géographie, offre au lecteur un jubilatoire message d’espérance et son credo « Je sus alors que Dieu ne fait le don de la foi qu’à celui qui espère et que pour espérer il fallait retrouver un coeur d’enfant » (p. 220) … fait écho à Charles Péguy : « L’espérance, cette petite fille de rien du tout… ».



Lazare, né à Chartres dans une famille cultivant la mystique révolutionnaire, a été prénommé ainsi en hommage au Général Lazare Hoche et son frère ainé François en mémoire du Général François Marceau. Professeur d’histoire géographie dans un lycée parisien, ce quadragénaire est « largué » par Béatrice qui partageait sa vie depuis plus de dix ans. Cette rupture s’explique partiellement par la stérilité du couple et essentiellement par l’écart social avec la famille Bonacieux, incarnée par un père énarque, préfet honoraire, et la jalousie d’Anne-Marie, soeur ainée de Béatrice qui se fait un malin plaisir à prononcer le réquisitoire de l’ex.



Notre héros se tourne d’abord vers son mentor Walter Kildéa et ses collègues Sophie Fournier et Saint-Roy qui l’aident à ouvrir les yeux et à radiographier notre monde envahi par des publicités avilissantes et perverti par des médias terrorisant du matin au soir leurs auditeurs ou lecteurs afin d’en faire des moutons de Panurge obsédés de consommation. Il se remémore les rendez vous avec Brigitte Skidmore s’affichant « sexologue » ou expert « Psychopraticien relationnel, thérapie en couple ou individuelle » et rencontre Denis, coach prestataire en bonheur facturé. Ce qui dicte des pages acides inspirées de Bernanos, Léon Bloy ou Houellebecq, mais Sébastien Lapaque n’est pas un prophète du déclinisme et la promesse succède à l’immonde.



Lucie Serlon, voisine de Lazare, le sensibilise à la disparition des moineaux et oriente sa tête vers les nuages. Walter Kildéa l’incite à se ressourcer dans le Finistère chez son frère Xavier au coeur des forets bretonnes. Il y rencontre Naguib et des ouvriers qui ont quitté tôt l’école, ont exercé de vrais métiers, travaillent la terre, lisent la météo dans le ciel et le cycle lunaire, jouent au rugby et lui apprennent « à mettre la tête, rentrer au casque ». Cette cure de désintoxication, loin des abstractions, ouvre son coeur à l’amitié et son esprit à la beauté. Les ballades avec frère Odon, religieux dans une abbaye voisine, les échanges avec Denis qui retrouve sa foi ancestrale et l’introduit au « salut par les juifs », les dialogues avec son père octagénaire et apôtre de l’immortalité, l’Othello de Shakespeare et l’exemple de sa nièce Audrey, épouse de Jakub catholique polonais, interpellent notre héros qui se guérit progressivement du départ de Béatrice.



La mort accidentelle de Saint-Roy, puis de son père, l’obligent à s’interroger sur la vie, sur la mort, sur sa vocation et progressivement la petite fille espérance et sa soeur charité l’amènent à la foi. Lazare réalise que son prénom est la « forme grecque du prénom hébreu Eléazar, qui signifie : Dieu vient au secours » (p. 297) et, à l’instar de Péguy, « demain matin, je me mets en route dès l’aube. J’irai à Chartres à pied ».



« Ce monde est tellement beau » offre une amicale rencontre avec de belles personnes ; c’est un ouvrage à infuser lentement pour s’en pénétrer et en capter la substantifique moelle.
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Trois jours et trois nuits



« Quand chacun des interlocuteurs vient de si loin, il faut du temps pour se comprendre. On s’écoute, mais on ne s’entend pas, ne fût-ce sur le plan du vocabulaire. Sauf pour ce qui touche les points sensibles en chacun de nous. En fin de compte, une rencontre authentique se situe toujours à un niveau plus profond ou plus élevé, ouverte sur l’infini. Par-delà les paroles, un regard, un sourire suffit pour que chacun s’ouvre au mystère de l’autre, au mystère toute autre. » François Cheng « L’Eternité n’est pas de trop »



Suis-je agnostique ou athée ? A mes yeux, cela n’a pas d’importance. Je suis une mécréante qui cherche la Lumière et ce n’est pas faute d’avoir prospecté. De temps en temps, mes pas me ramènent vers cette quête, j’éprouve toujours une attirance pour les lieux consacrés quels qu’ils soient, qu’importe l’Obédience, ils m’apaisent. Je me sens en communion avec ceux qui m’ont précédée, le temps n’existe pas. Etre touché par la grâce tel Eric-Emmanuel Schmitt dans Sa Nuit de Feu m’interpelle. Il se veut sans église, sans dogme, une très belle expérience.



Ce sont souvent des livres qui croisent mon chemin comme celui-ci qui, eu égard à mes lectures, me fut recommandé par Babelio. Les commentaires d’Aquilon62 et de Migdal m’ont motivée à partir en compagnie de ces quatorze écrivains et des moines sur les chemins de l’Abbaye de Lagrasse. Abbaye du pays cathare, née de la volonté de Charlemagne, j’entends « La Grâce », elle en a connu des vicissitudes, des destructions et des reconstructions jusqu’à l’arrivée de quelques chanoines qui mènent, entre ses murs, une vie de prière sous l’égide de la Règle de Saint-Augustin. La restauration a démarré en 2014 et comme pour toute rénovation, il faut de l’argent. Il a été convenu que le produit de la vente de ce livre reviendrait à l’Abbaye.



N’avez-vous jamais ressenti le besoin de vous isoler, loin de l’agitation extérieure et de ses tourments, l’impérieuse nécessité de vous retrouver face à vous-même, ce n’est pas une fuite mais plutôt un besoin de reprendre contact avec votre moi intime, de se recentrer. Il y a de très beaux endroits où se ressourcer mais pour avoir été en plein hiver, au moment des grandes marées, le Mont-Saint-Michel reste pour moi la halte idéale, propice à la méditation, pour demeurer seule avec moi-même.



Nicolas Diat nous offre une belle préface et le Père Abbé, Emmanuel-Marie Le Fébure du Bus, conclut cette insolite mais féconde expérience qui a réuni une quarantaine de moines et quatorze écrivains aux croyances et sensibilités tellement différentes.



Les hôtes comme les invités ont tout partagé dans le silence de ce lieu consacré. Imaginez les moines glissant sur le sol carrelé au petit matin pour se rendre à l’office, tous vêtus de blanc, psalmodiant les prières, entonnant les chants grégoriens, la liturgie latine reprenant toute son épaisseur et son mystère, imaginez les invités, basculant dans un monde qui leur est tellement étranger, déjeunant d’un modeste repas, partageant le pain qu’il soit celui de l’officiant à la messe ou celui du réfectoire, sans un mot, concentrés sur la lecture du jour , attendant patiemment les échanges qui se font autour du café. Ils ne rencontreront que la Paix, l’amitié, l’écoute, des contraintes aussi qui viennent rompre avec l’immédiateté de notre vie moderne mais qui donnent toute l’intensité aux instants vécus.



Bien évidemment, certains d’entre les écrivains se questionneront sur la vie en communauté, après tout, les moines sont des êtres humains même s’ils sont parvenus à domestiquer leur égo, si leur être tout entier semble porter la lumière, il n’en reste pas moins qu’ils sont des hommes. Leur emploi du temps est intense et laisse peu de place aux aspérités, le rituel les relie. Les journées sont rythmées par les Offices (sept), la prière, l’étude, le travail manuel, le jardinage – j’ai beaucoup aimé la description du jardin et des essences diverses - les visites aux malades, les hôpitaux dans les services de soins palliatifs. Saint-Augustin veille sur eux, dans chaque cellule, ses confessions les rappellent à l’ordre. Il guide les frères dans sa vision de l’amour fraternel.



Ce livre représente la somme des différents dialogues ou écrits de chaque écrivain. Ils y ont apporté une part d’eux-mêmes, que ce soit l’athée qui humblement parle de son questionnement, que ce soit celui qui se réfugie derrière l’histoire de l’Abbaye pour éviter de se livrer, que ce soit le tourmenté comme Beigbeder ou Liberati ou la lucidité de Boualem Sansal, ce livre est très beau ! C’est le cheminement pendant trois jours d’hommes différents qui ne cherchent que la bienveillance en toute simplicité, dépouillés de leurs préjugés, sans jamais chercher à convaincre, C’est le dialogue – dias logoi – deux visions différentes qui se complètent et non qui se censurent, s’interdisent. Toutes les réflexions sont à savourer, à relire aussi. Certaines pensées m’ont particulièrement émue que ce soit par la beauté ou par l’humilité.



« Et penser à ces hommes agenouillés, m’aide à tenir debout » Frédéric Beigbeder



NdL : Pour @afriqueah, notre Francine dont je lis les mémoires, une page du livre s'ouvre sur une pensée de Saint-Augustin. J'aime ces clins d'œil de l'Univers.

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Théorie de la carte postale

Si vous êtes irrésistiblement attiré par les présentoirs de cartes postales où que vous soyez...

Si vous faites des stocks de cartes glanées au p´tit bonheur, en prévision d'une utilisation future, juste au cas ou...

Si c'est un plaisir jubilatoire de peaufiner un texte personnel au dos d'une carte postale, court, drôle, loufoque, recherché, amical, tendre ou amoureux...

Si vous êtes convaincu, même à l'époque des sms, mails et autres mms, que la carte postale n'est pas du tout une espèce en voie de disparition, et son acheteur encore moins...

Si apercevoir une carte postale au milieu des pubs, magazines, factures et autres joyeusetés administratives dans votre boîte aux lettres provoque un agréable frémissement de curiosité : qui a pensé à moi ?



Bref, si vous aimez le bal des cartes postales, en écrire - en recevoir, entrez dans la danse : ce petit bouquin mauve tombe à pic. Une bonne dose de fantaisie, d'humour, une plume alerte, et une pincée d'érudition en compagnie de Mermoz, des vers de Paul-Jean Toulet, Baudelaire, Appolinaire ou Aragon.



Une théorie ? Plutôt une délicieuse fantaisie poétique à savourer comme la plus improbable des cartes postales parvenue jusqu'à vous.
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Ce monde est tellement beau

Sébastien Lapaque ne manque pas d'humour, en intitulant son livre comme s'il s'agissait d'un feel-good de plus. En réalité, et c'est ce qui m'a plu chez cet auteur, Sébastien Lapaque est un penseur acerbe et désenchanté redoutable sur notre monde d'aujourd'hui. Dès les premières pages, le lecteur découvre l' "immonde", ou en prend conscience. Ayant vécu moi-même une période difficile au moment où je lisais le livre, je me suis trouvé en phase avec cette charge sans concession contre les travers de notre société. En outre, Sébastien Lapaque use d'une plume élégante, recherchée, bien loin du feel-good indigeste, dans un roman structuré, implacable dans l'évolution que l'auteur nous invite à suivre : le héros, dégoûté par cet immonde qui le cerne, se cherche, tourne en rond, perd le goût des choses, avant d'enfin trouver sa voie dans son cercle d'amis et dans la religion.

Pour autant, je n'ai pas aimé ce livre, et je n'ai pas du tout été convaincu par la démarche militante de son auteur. Peut-être pour les mêmes raisons que je n'ai pas aimé Céline et passablement Mauriac, avec lesquels S. Lapaque me semble avoir quelques affinités.

Son héros vieille France décalé, professeur drapé dans son intellectualisme fuyant, qui escamote ses histoires d'amour et se laisse conduire par les théories conservatrices et religieuses traditionalistes de ses collègues devenus amis m'a fait froid dans le dos. En effet ce qu'il nomme amitié se résume à une sorte d'admiration béate, qui lui permet de se reconstruire égoîstement face au vide béant de sa vie passée. Mais l'ouverture aux autres, la réelle compassion pour l'humain en général, l'énergie personnelle et la force de vie intérieure brute, non intellectualisée, jamais n'affleure. Quant au sens religieux et au support de la foi, il apparaît tout à coup par défaut, inexpliqué, plaqué, comme le mystère de Domremy, ou comme l'évidence qui n'a pas à se justifier subie parfois par les catéchumènes.

Bref, après un début de lecture assez prometteur, car on ne peut enlever à l'auteur ni son intelligence, ni son style, ni son sens critique affuté, je me suis ensuite vu contraint à une lecture à sens unique, dans la construction implacable et sans surprise du récit, comme dans le dogmatique fermé de la transformation intellectuelle du héros, qui d'ailleurs en fin de roman ne semble rien changer concrètement à son quotidien désenchanté du début.

En conclusion, merci S. Lapaque, pour cette si belle citation, qui nous rapproche : "Ce qui manque dans notre monde, c'est la nécessité de l'amitié telle qu'on la découvre chez Rabelais, Shakespeare, Montaigne ". Mais malheureusement "Ce monde est tellement beau" n'éveille nullement en moi ce sentiment d'amitié si bellement évoqué par Montaigne : « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiez, ce ne sont qu'accoinctances et familiaritez nouees par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié dequoy je parle, elles se meslent et confondent l'une en l'autre, d'un meslange si universel, qu'elles effacent, et ne retrouvent plus la cousture qui les a joinctes. Si on me presse de dire pourquoy je l'aymoys, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en respondant : Par ce que c'estoit luy, par ce que c'estoit moy. »

Nous sommes donc passés à côté l'un de l'autre, soit que vous vous soyez fourvoyé sur le sens de l'amitié par excès d'intellectualisme et la volonté d'écrire un roman à thèse, soit que le contexte personnel difficile que j'ai vécu en lisant votre roman m'ait rendu aveugle à cette si belle émotion que je n'ai absolumet pas trouvée en vous lisant.

Quoiqu'il en soit, je remercie Babelio pour cette nouvelle opération Masse Critique, et pour cette rencontre avec Sébastien Lapaque -agréable ou pas, une rencontre par le livre est toujours un enrichissement-, ainsi que les Editions Acte Sud, pour leur confiance et leur patience vis à vis de cette modeste critique. Le livre est visuellement très beau, agréable à lire, et j'ai beaucoup apprécié le petit mot personnel , très classe, joint à l'envoi du livre par cette dynamique maison d'édition.



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Ce monde est tellement beau

Combattre toujours la laideur de l’Immonde



Sébastien Lapaque a trouvé auprès des amis et d’une voisine qui s’intéresse aux moineaux la recette pour regarder le monde différemment. Alors même que son couple part à vau-l’eau, il va trouver des raisons de s’enthousiasmer.



La vie de Lazare va basculer un jour de février. Béatrice, avec laquelle il partage sa vie depuis une quinzaine d'années, est partie quelques jours chez ses parents à La Rochelle. Seul, il regarde sa vie et le monde et comprend combien les valeurs sont faussées, combien nous vivons dans un Immonde. «Un monde qui n'en est plus un, un monde dont le visage est une absence de visage.»

En revenant de «ses emplettes» avec des œufs et des herbes pour préparer une belle omelette, il va croiser sa voisine et lui proposer de partager son repas. Mais Lucie va décliner l'invitation. Comme il va le raconter à son ami et confident Walter, ce n'est que le lendemain qu'ils feront plus ample connaissance. Qu'elle le suivra chez lui et s'endormira sur son canapé, non sans lui avoir révélé sa passion pour les moineaux, une espèce animale qui meurt en silence.

À la suite de ce premier échange, il va tomber dans «l'obsession amoureuse», même si ses camarades de poker, spécialistes des libellules ukrainiennes et des présentatrices de télévision lui ont bien expliqué combien ka chose était risquée.

À la question de Béatrice – Et maintenant? – il ne voit guère qu'une réponse, la séparation. Même s'il ne veut pas en prendre l'initiative. Car les années de vie commune semblent avoir figé une relation que ni la conseillère conjugale, ni l'acupuncture, ni même la procréation médicalement assistée n'ont pu empêcher de sombrer. Il faut dire que le travail de sape des beaux-parents aura été constant et payant.

Désormais, son nouvel horizon s'appelle Lucie. Converser avec elle lui permet de découvrir un autre monde, mais aussi de développer sa théorie de l'Immonde. «En rompant tout lien avec la réalité, l'univers sans regard qui s'était substitué à celui de la nature imposait aux individus de vivre sous le régime de la meute. Créé par l'artifice du commerce et du capitalisme, il se définissait par la rencontre de la technique, du collectif et de l’abstrait. Cette doublure qui enserrait la réalité pour la rendre inaccessible, c'était l'Immonde.»

Sébastien Lapaque passe alors ses journées au crible de sa théorie. Du football aux crises politiques, de l'éducation à la religion en passant par les questions environnementales, sans oublier l'amour, il nous propose une vision du monde différente. Ce monde est aussi tellement beau avec la musique de Bach, avec une partie de rugby épique, avec un livre de Shakespeare, un verre de romanée-conti et de nouveaux amis et même avec une promenade entre les tombes du cimetière Montparnasse avec Lucie. Cette femme qui a entraîné Lazare dans une lumière qu'il ne connaissait pas et qui, avec des accents à la Bernanos, a le pouvoir d’entrainer le lecteur vers la beauté.

«Othello, les oiseaux, son ton, son rire frais comme un ruisseau de printemps, son refus des assignations à résidence, son âme blottie en elle comme un petit enfant contre le sein de sa mère. J’ignorais ce qu’elle attendait de la vie, mais je savais ce qu’elle avait fait de moi.»




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Ce monde est tellement beau

J’ai lu une longue interview de Sébastien Lapaque dans une revue littéraire

C’est un écrivain érudit. Pour ce livre, ses références sont La Divine Comédie et L’Odyssée d’Homère

Il a mis six ans à l’écrire

L’histoire est celle d’un homme ordinaire ,Lazare,qui subit une vie sans aspérités.Une vie triste dans un environnement morne et désabusé

Une vie que beaucoup de nos contemporains subissent au quotidien sans grand espoir de changement.

Au bout du compte , un vie pour pas grand chose

La force du livre , sa richesse, c’est la transformation progressive de ce quidam qui va petit à petit s’élever vers la beauté du monde , à travers une vision différente de l’environnement et aussi à travers un cheminement spirituel vers la joie

Mon roman est du côté de la joie du bleu de Chartres écrit Lapaque

A l’inverse du récit de Dante , Lazare, va s’élever progressivement pour trouver la lumière : beauté et spiritualité

Ce qui surprend , c’est que , dans ce monde sombre et finissant, Lazare ne va voir que la beauté, ce qui explique le titre magnifique

Il n’y a pas de mauvais personnages .Au contraire, il révèle la part d’humanité chez tout être humain

C’est un livre très abouti, travaillé avec beaucoup de références culturelles , un vrai travail d’écrivain

Il évite bien des clichés.Lazare n’est jamais seul, par exemple

A titre personnel, je ne me suis pas senti en phase avec le personnage de Lazare car je n’ai pas du tout le même ressenti terne et pessimiste du monde actuel et j’ai l’impression de trouver un peu de beauté chaque jour

Dans un monde qui se voudrait grisaille ,malheur ou apocalypse,Sébastien Lapaque apporte une vision lumineuse du monde qui fait du bien



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Théorie de la carte postale

Un moment épatant, joyeux... léger avec ce "faux" petit texte... car en effet, on peut aisément le lire en une soirée... mais il regorge de mille petites choses...



Je ne connaissais pas cet auteur et je suis conquise...



Aimez-vous la correspondance, votre facteur, les cartes postales, les voyages, l'Amitié, la poésie, la littérature, etc. ?? si vous aimez tout cela... vous avez trouvé la "pépite" à savourer , en ces temps printaniers !



J'ai été au devant de ce texte... car je suis une "mordue" de correspondance, et aussi de "cartes postales" que je collectionne depuis très longtemps… ce n’est pas vraiment « collectionner » d’ailleurs…

J'ai les yeux « plus gros que le ventre ». Dès que je suis dans un nouvel endroit… mon premier réflexe est de repérer le « marchand » de cartes postales… de visualiser les beautés du lieu…et de faire ma réserve de cartes à écrire. Ce qui m’a souvent aidée à dénicher des lieux et à questionner aussitôt les gens de l’endroit…



Parallèlement à la joie d’être « ailleurs, j’ai besoin de partager avec les amis… qui eux , ne sont pas partis…Mais contrairement à notre auteur… je « dévoye » quelque peu l’usage de la carte postale… car je ne l’envoie jamais à découvert… et de toute façon, j’aurais beaucoup de mal, car je suis trop bavarde… écris toujours plusieurs cartes postales en les « numérotant »… pour que mes « correspondants » se retrouvent dans ces mini- carnets de bord…



Sébastien Lapaque… nous fait voyager au « pays des cartes postales », de la poésie… de ses rites personnels quant à l’écriture et l’envoi de ses cartes postales… sans oublier quelques achats de lots de cartes postales anciennes , qui l’émeuvent et le font « vibrer »…



C’est à la fois une ode à la correspondance , à « notre gentil facteur », aux signes d’amitié, expédiés des quatre coins du monde…au refus d’adhérer complètement à un monde « hyper-communiquant », mais au fond, superficiel , impersonnel, trop virtuel …



« Voilà maintenant ce qu’il pensait : parmi les rares personnages destinés à demeurer populaires dans un monde qui ressemblait chaque jour davantage à une société anonyme, il y avait le facteur » (p.44).- ; « (Il avait pensé à tout le mal qu’on faisait au langage. Il lui était alors apparu comme une évidence qu’écrire des cartes postales était un acte de résistance) » (p.15)



L’auteur nous fait partager son enthousiasme pour l’écrivain-poète, J.P. Toulet, Rabelais, l’amour du français et de la belle langue, le plaisir de la géographie, du plaisir des mots, de la poésie, un très beau passage en l’honneur de l’aéropostale…



« Mermoz ! Une vie entière tendue vers un seul but, que le courrier arrive à l’heure. Quand il faisait la ligne du sud au nord, de Saint-Louis du-Sénégal à Toulouse, puis de Buenos-Aires à Rio de Janeiro, le pilote glissait toujours dans le courrier une lettre pour sa mère , qui l’avait élevé presque seule et à qui il devait tout. (p.59)





« Son expérience lui permettait de bien savoir, avec certitude, que les mots avec lesquels on écrit des cartes postales sont des mots d’allégresse et de féerie, des mots bleus, des mots légers, des mots qui montent vers le ciel comme des bulles de savon et s’en vont taquiner les nuages » (p.18)



Ce petit livre est un hymne à la Vie, à la joie d’être relié « au monde « et « aux autres » : -« Car la composition de sa « Théorie » était surtout une thérapie , mieux encore : des retrouvailles joyeuses avec des plaisirs démodés. Il fallait renouer avec les cahiers, crayons, tendre les oreilles, ouvrir les yeux, chercher toute la science de l’univers dans le journal du matin et l’écrire avec la main pour retisser les liens usés entre le monde et les mots » (p.26)



Rassurez-vous… Nous ne sommes pas bêtement dans la nostalgie du "c'était mieux avant" !!! mais juste dans un souhait d’harmonie… où nous pouvons vivre avec Internet, les réseaux sociaux, mais aussi avec ces plaisirs d’échange , plus poétiques, plus personnalisés… Tout peut cohabiter…



« Une carte postale au temps des SMS, c’était la revanche de la relation concrète » (p.37) ; « Ainsi une carte postale permettait-elle quelquefois de redécouvrir le bonheur éternel de l’énumération dans un monde qui ne parlait plus que le langage binaire des ordinateurs » (p.45)



Cette note de lecture est déjà bien longue, j’en ai suffisamment dit… je suis loin d’avoir tout explicité… et c’est heureux. Il faut laisser le mystère et l’impression poétique de ce texte épatant. Je ne résiste pas à cette dernière phrase : « La carte postale, c’étaient donc les mots alliés avec la vie. Dans l’empire de la marchandise, c’étaient l’amour et l’amitié tracés en belles lettres avec la main ; le bonheur et la beauté racontés avec de l’encre et du papier. (p.62)







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Trois jours et trois nuits

Livre lu en 3 jours, coïncidence ? Peut-être ou peut-être pas ?



Tolle legge, tolle lege (Prends, lis ! Prends, lis !)

Saint Augustin (Confessions, VIII, 29) : "Je disais, et je pleurais dans toute l’amertume de mon cœur broyé. Et tout à coup j’entends une voix partie de la maison voisine, voix de garçon ou de jeune fille, je ne sais, qui chantait et répétait à diverses reprises : « Prends, lis ! Prends, lis ! » Et aussitôt, changeant de visage, je cherchai très attentivement à me rappeler si c’était un refrain en usage dans quelque jeu d’enfant ; et rien de tel ne me revint à la mémoire. Réprimant la violence de mes larmes, je me levai ; la seule interprétation que j’entrevoyais, c’est qu’un ordre divin m’enjoignait d’ouvrir le livre de l’Apôtre, et de lire le premier chapitre sur lequel je tomberais"



Intrigué par la couverture et le sous-titre de ce livre et de ce projet fou, j'ai pris et j'ai lu...



Tout d'abord pourquoi une citation de Saint Augustin car c'est dans le monastère de Lagrasse qu'une communauté des chanoines vivent sous la règle de Saint Augustin.

Une abbaye de 1200 ans bâtie avant Charlemagne et dominée par un clocher du XVIeme avec ses 4 gargouilles d'angle représentant la cupidité, l'orgueil, la concupiscence et le désunion. Les quatre tentations auxquelles on renoncé les chanoines en entrant à Lagrasse et qu'ils contemplent tous les jours comme pour se mesurer à elles.



Et c'est dans ce lieu que 14 écrivains tous aussi différents les uns que les autres ont accepté de passer 3 jours et 3 nuits venus chacun à leur tour.



Et il ressort 14 expériences différentes, des rencontres fortes,, des anecdotes savoureuses (celle de Sylvain Tesson est à son image) et pourtant :

Chacun a séjourné dans une cellule aux côtés des moines ;

Chacun a mangé avec les moines, en silence, à l'écoute de la lecture depuis un pupitre Chacun a participé au chapitre ;

Chacun a participé aux promenades, aux récréations, aux travaux ;



Et pourtant chacun livre un récit différent mais avec un point commun chacun de ces. textes reflètent des interrogations.

C'est certainement le point commun qui relie les auteurs à ces expériences vécues différemment.



Le parallèle entre le monde des écrivains et celui des chanoines est souligné par Xavier Darcos pour qui il existe une parenté invisible entre la fréquentation d'une abbaye et le miracle de la lecture. Un monastère est comme un livre. Sa porte d'entrée pivote sur des gonds, et nous passons d'un monde à un autre, comme la couverture d'un livre plie suivant la reliure, ouvrant à l'esprit de nouvelles perspectives.



Et d'ajouter : "Un monastère est comme un livre, car l'un et l'autre n'ont pas été écrits ou construits pour nous. Nous ne connaissons pas personnellement leurs auteurs ou leurs bâtisseurs, qui ont souvent vécu il y a des siècles. Et pourtant nous allons vivre, en séjournant dans un monastère comme en lisant un livre, une expérience personnelle et unique, qui ne ressemblera pas à celle d'un autre visiteur, comme ma lecture d'un livre pourra n'avoir rien de commun avec la lecture de mon voisin. L'ancienneté du livre n'est pas un obstacle, bien au contraire. Les plus grands et les plus vieux classiques sont les lectures qui peuvent le plus abreuver notre esprit d'aujourd'hui"



Et on referme ce livre avec le sentiment d'avoir vécu par procuration une expérience forte, inédite, et oh combien enrichissante...

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Ce monde est tellement beau

Le seul livre que j'ai coché lors de la dernière opération Masse Critique de Babelio.

Arrivée en fin de journée, il était encore dans la liste, et le titre m'a plu. Et c'est tout. (Oui, depuis quelques temps, j'ai une certaine attirance pour les surprises, que jusqu'à il y a peu je détestais... muarf !).

Bref, merci à Babelio et aux éditions Acte Sud !



Bon, ce livre tombe pas mal dans mes "préoccupations du moment", pour tout dire... Je suis en plein cheminement et il me rejoint sur ce plan.

Mais en fait, cela ne va pas beaucoup plus loin. Je suis assez mitigée au final.



Le fond, le sujet du roman me plait, forcément. Mais très franchement, j'ai eu du mal avec le style, et les choix narratifs de l'auteur. Cela ne regarde que moi, bien sûr, mais je vais m'expliquer.

En fait de poésie, seuls quelques tous petits passages sont réellement "inspirés" à mon sens (notamment les deux premières pages, magnifiques). Quasiment tout le reste est beaucoup, mais alors BEAUCOUP trop intellectualisé à mon goût.

Il y a trop de passages didactiques qui se veulent "instructifs", le ton est tellement professoral que ça en devient indigeste. Sur la musique, sur les oiseaux, le jardinage, et je sais plus, mais il y en a trop...



Après l'envolée lyrique des premières pages, on redescend sur terre. Et quelle redescente. Lazare a une révélation. Nous ne vivons dans le monde, mais dans l'Immonde (c'est plutôt bien trouvé, ça). Mais que c'est long !

De mon côté, j'ai dépassé ce stade du constat sur "l'Immonde", et il est trop long, trop répétitif, à mon goût. Jusqu'à la page 184, je me suis ennuyée.

Ensuite, à partir de la "conversion" de Denis, mon intérêt s'est trouvé réveillé.



Mais ma progression dans le livre a quand même été compliquée. On comprend bien que Lazare a besoin des autres pour se trouver. Mais tout se situe au niveau de la pensée, et du mental, dans ce bouquin. Même si par moments fugaces ça parle de ressentis.

Ces autres qui entrent dans sa vie sont tous de magnifiques "parleurs". Ah ça oui c'est bien dit. Il n'y en a pas un qui soit quelqu'un de simple au sens "pas forcément intelligent". Même les taiseux, quand ils parlent, sont d'une intelligence et d'une précision surnaturelle.

Même le rapport à la nature, avec Xavier, devient un exercice de style sur le pourquoi du comment de cette relation à la nature. On dirait que pour l'auteur, avoir un cheminement spirituel est infaisable si on n'est pas un dictionnaire ambulant. Connaître tous les noms des oiseaux et leurs chants, connaître la musique classique et les compositeurs, connaitre les noms de plantes, des arbres, des animaux.

La seule chose qu'il admette ne pas connaître, c'est la bible.



Mais, le souci, c'est que tout ce dont il parle n'a rien à voir avec ça !!! J'irais même jusqu'à dire qu'on s'en fout royalement ! le cheminement spirituel n'a rien à voir avec la connaissance intellectuelle et mentale. Cela peut servir mais est non nécessaire.



Et quand il admet ne pas connaître la bible, c'est pour mieux faire passer son prosélytisme. Car on ne peut nier que ce livre fait du prosélytisme pour "la tradition", le culte traditionnel catholique, essentiellement.

Du coup, je comprends ceux qui le trouvent "trop catho", c'est en effet l'impression qu'il donne, dire le contraire est une aberration. Et j'en suis désolée, mais RARES sont les prêtres qui donnent au culte la profondeur que Lazare trouve dans la messe et la communion A CHAQUE FOIS qu'il fout les pieds dans une église. ça, c'est du pipeau, car rares sont les prêtres qui ont réellement vécu un véritable parcours et cheminement spirituel, leur vécu reste au niveau des études théologiques et de l'intellect, pour une grande majorité d'entre eux. Il y a loin de la croyance à la foi, et peu ont la foi...



Enfin, j'ai un problème avec la progression du héros. Car tout cela est extrêmement rapide, et linéaire, en plus. Il a une révélation de l'Immonde, il a plusieurs maîtres successifs, et paf, c'est l'illumination, il voit tout en rose. Ben désolée, mais c'est pas aussi facile...



En conclusion, ce qui m'aura le plus manqué dans ce livre, c'est l'émotion. C'est trop mental, trop clinique, tout ça. J'ai pas vraiment ressenti d'émotions, je ne suis pas arrivée à me mettre à la place du héros. Qui parmi nous est aussi bien entouré, a autant d'amis éveillés ? Vous ? Ben vous avez de la chance, moi j'en ai...

Un. Ce qui est déjà pas mal, je vous l'accorde !



3, en tout, si je compte mes deux amies proches qui acceptent d'écouter mes délires avec indulgence, lol.



Bref, c'est carrément surréaliste, un parcours aussi brodé de facilité, en ce bas monde. le mien en tous les cas ne l'est pas, facile. Et justement, le trop intello, ça me gonfle.

En quelques mots, je préfère quelqu'un qui va me parler de son ressenti et de son émotion face à un ciel étoilé ou une belle musique, plutôt que quelqu'un qui va me citer par coeur les étoiles et les constellations ou savoir le nom du morceau et son auteur... J'ai pas besoin de ça... L'intelligence "du savoir" extérieur ne m'impressionne pas, il suffit d'une bonne mémoire et d'un minimum de capacité réflexive pour "savoir". L'intelligence du coeur, elle, me bouleverse davantage.

Et ça fait toute la différence entre l'auteur de ce livre, et moi... Je pense même que c'est le message qu'il voulait faire passer, mais qu'en ce qui me concerne, il n'est pas passé, parce qu'il a trop voulu étaler une culture inutile pour ce propos...



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Ce monde est tellement beau

Pour nous, lecteurs prisonniers du bagne matérialiste, privés d'espérance, de passé et d'avenir, la lecture de ce roman de Sébastien Lapaque risque d'être difficile, à cause des malentendus et des contresens que nous risquons de commettre. C'est le récit à la première personne d'une libération intellectuelle et spirituelle du héros, qui passe par les trois temps théologiques, l'enfer d'avant la Loi émancipatrice (de Moïse), dans le monde Immonde, le temps de la Loi incarné par un personnage juif qui revient à ses sources, et le temps de la grâce, le temps chrétien, l'enracinement des hommes au ciel et sur terre. Structuré comme La Divine Comédie, le roman nous conduit vers une sorte de fin heureuse.



On risque donc de se tromper en lisant ce livre. Déjà, le titre laisse attendre une espèce de "roman doudou", de livre coach, et les fautes de langue et de style qu'on y trouve montrent que le romancier ne s'est pas entièrement dégagé de la langue de notre époque, celle de "l'Immonde". Heureusement pour eux, les habitués de cette sous-littérature ne poursuivront pas la lecture, et trouveront le roman "trop catho" ("trop catho" est le commentaire d'un Babeliote sur les Pensées de Pascal).



Un autre piège, inverse, attend le lecteur sensible aux auteurs antimodernes, aux dénonciateurs du règne de l'argent, de la machine et des bons sentiments. Souvent, avec les écrivains qu'il affectionne, ce lecteur prend tout son plaisir littéraire aux outrages faits au monde tel qu'il est, l'Immonde du roman. Cette attitude de constante révolte, de constant dégoût, nourrie aux essais de Philippe Muray et incarnée aujourd'hui par Michel Houellebecq, Patrice Jean, Bruno Lafourcade, nous place dans une relation de haine envers le monde, aussi stérile que le conformisme idiot des progressistes. Lazare, le héros de Sébastien Lapaque, découvrant que notre monde est proprement l'Immonde, ne reste pas prisonnier de cette révélation, il ne se plaît pas à le haïr ni à l'accabler d'imprécations. Il va au-delà, entraîné par la grâce divine vers une seconde révélation, celle de la beauté du monde créé par Dieu, préservé et cultivé par certains hommes, non encore assassiné par les manieurs d'argent, le tourisme et les forces de progrès. Ce personnage semble toutefois se convertir au christianisme, à la vie, à la fraternité et à l'ordre chrétiens, plus qu'au Christ lui-même, peu présent, un peu évanescent dans le livre.



C'est là que le bât blesse. On sait bien que l'Enfer de Dante est un poème plus intéressant que son Paradis. Il faut un génie poétique et littéraire hors pair pour rendre la Grâce, la beauté et le bonheur attirants en littérature, surtout quand on s'adresse à des lecteurs privés d'espérance, sceptiques et cyniques. Il n'est pas certain que le talent de Sébastien Lapaque suffise. Son roman contient de belles intuitions et de belles pages, des scènes lumineuses de Paris, de la Bretagne, de la forêt et de la ville pleines d'oiseaux, mais souffre aussi de lourds défauts : le récit à la première personne empêche tout jeu et toute distance critiques du narrateur et du personnage ; de longs passages à thèse maladroitement insérés dans le récit, développent les idées de l'auteur ; les scories linguistiques et stylistiques de la langue immonde encombrent sa prose ; enfin il n'est pas suffisamment armé contre les clichés de l'Immonde, ses abstractions moderneuses, ses "paysages absolus" et autres niaiseries. Sébastien Lapaque rappelle le second Huysmans, celui des romans de la conversion : devenu catholique, ayant l'ambition de participer au renouveau de l'art chrétien, il est resté marqué par les tares littéraires et idéologiques de son ancien maître Zola. Il n'a pas converti sa langue et son art, et cela se voit. Sébastien Lapaque est encore trop peu inactuel.



Malgré toutes ces réserves, "Ce monde est tellement beau" est un beau livre, imparfait, maladroit mais intéressant : un essai d'art chrétien. On lira avec beaucoup de profit l'interview que Sébastien Lapaque a accordée à Jacques de Guillebon et Jérôme Besnard, du magazine L'Incorrect de janvier 2021. Sans la recommandation de ce journal, je n'aurais jamais ouvert ce livre au titre alarmant.
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Théorie de la carte postale

«Il ne s’agissait pas de célébrer les lueurs d’un mourant paysage en rédigeant un livre plein d’images nocturnes, mais d’en proposer une théorie générale à l’usage de tous. Et non pas tant sous forme de spéculations abstraites que de consignes universelles. Il songeait aux anciennes instructions pour les prises d’armes, à ces vieux livres qui enseignaient les principes de la manœuvre dans le domaine militaire.»



Finalement loin du projet ambitieux visé initialement, le petit livre de Sébastien Lapaque est une flânerie, un égarement poétique qui n’échappe pas à la nostalgie, un lâcher de mots aux éclats multicolores, un livre à la légèreté d’une bulle qui s’envole et qui bientôt éclate parce qu’ «on n’est pas sérieux quand on écrit des cartes postales».



Sous cette apparence de fantaisie légère, c’est l’amour d’un langage si souvent foulé aux pieds aujourd’hui, que célèbre Sébastien Lapaque, la saveur de l’écriture, la profondeur, l’émotion ou l’imperfection des mots tracés par des anonymes oubliés, au recto d’une carte postale de Quiberon, de Bruxelles ou des îles Kerguelen.



Pas de théorie, pas de documentation, mais des cartes postales chinées et les vers d’Aragon ou de Paul-Jean Toulet, pour avancer avec élégance dans une vie dont les cartes postales seraient les cailloux blancs.



«Il faisait ainsi des rêves pleins d’étranges pays et de grammaire légère. Ecartelé entre le sommeil et la veille, il ne savait plus s’il devait vivre pour continuer à songer ou songer pour continuer à vivre. Il écrivait sa "Théorie" en dormant ; et des cartes postales en rêve ; et des cartes postales avec ses rêves.»

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Mon prof, ce héros

Une vingtaine d'écrivains , en quelques pages, parlent de profs qui ont marqué leur enfance, leur jeunesse.

Anecdotes, émotions, portraits, éloges... Ces témoignages louent le beau métier qu'est celui d'enseignant.

Le film " le cercle des poètes disparus" est souvent cité dans ces lignes, de même qu'apparaît l'image de Samuel Patty, lâchement assassiné !

C'est bien agréable à lire mais je me pose la question suivante: dans vingt ans, qu'en sera-t-il de cette profession tellement décriée et si peu reconnue de nos jours?
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Trois jours et trois nuits

Nouvelle proposition de lecture que ce livre improbable réunissant 14 écrivains

athées, agnostiques, ou de confession chrétienne lointaine ou enfin rapprochée. C’est dire le pari des deux éditeurs lancé à ces hommes de vivre cloîtrés trois jours à l’abbaye de Lagrasse dans l’Aude !

J’achète le livre, car je vois que les droits d’auteur sont reversés à l’ordre pour la restauration de l’abbaye, bâtiment sublime abandonné par les hommes et réhabilités en 2004 par ces chanoines devenus plâtriers, électriciens, plombiers…

Je ne m’attends pas à grand chose de nourrissant, j’y vois une simple retranscription de bavardages germanopratins.

En fait, j’ai été détrompée très rapidement : chaque auteur a quelque chose d’intelligent à nous dire, de sérieux, de profond, de drôle aussi. Chacun expose ses vues sur le mode de vie de ces 42 chanoines hors du temps. Cela les questionne tout comme le monde qu’ils maintiennent. Pas de préjugés ni de conversions, mais un éclairage particulier en fonction de la sensibilité de chacun. C’est formidable !

Mention spéciale à Pascal Bruckner, Jean-René Van der Plaetsen, Boualem Sansal et à Simon Liberati qui, dans leur genre bien différent, expriment une sensibilité au fait religieux qui interroge profondément l’homme moderne dans ce monde si vide de sens.

La dernière controverse sur ce livre tombe à plat lorsqu’on le lit vraiment : il n’y a pas d’apologie de la religion ni du rite tridentin… il se trouve juste que c’est la règle de la communauté…



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Trois jours et trois nuits

« Alors l’évidence me terrasse : ici, dans cette pièce où nous partageons ce repas muet, se tiennent les derniers des héros. Les seuls braves d’une civilisation mourante, empoisonnée par l’égo et l’hédonisme marchand. »

Le grand voyage de trois jours et trois nuits de 14 écrivains en l’abbaye de Lagrasse en vivant selon la règle augustinienne en clôture avec les chanoines. Quatorze regards, quatorze sensibilités, quatorze plumes offrant au lecteur une unique opportunité d’enrichissement spirituel au moment où le monde gouverné par les chiffres s’enferme dans le bruit et les divertissements. Cet ouvrage dans un monde sombre apparaît comme un signe d’espérance.


Lien : https://www.quidhodieagisti...
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Trois jours et trois nuits

"Un monastère est comme un livre", écrit Xavier Darcos à la fin de sa contribution à cet ouvrage, "il existe une parenté invisible entre la fréquentation d'une abbaye et le miracle de la lecture... [La] porte d'entrée pivote sur ses gonds, et nous passons d'un monde à l'autre, comme la couverture d'un livre se plie suivant la reliure, ouvrant à l'esprit de nouvelles perspectives." (p. 331) Quatorze écrivains français, les uns connus, les autres intéressants, parfois les deux, ont fait un séjour de trois jours et trois nuits à l'abbaye de Lagrasse, près de Narbonne, et ont contribué par leur témoignage à cet ouvrage collectif.

*

Ce livre sera profitable pour des raisons culturelles, puisqu'on connaîtra des auteurs contemporains d'intérêt inégal, en de courts textes qui permettent au lecteur de satisfaire rapidement sa curiosité. Trois au moins de ces textes, dont celui de Xavier Darcos, retracent la longue histoire de la tradition latine et romaine dont procède Lagrasse, édifiée au temps de Charlemagne pour opposer à l'invasion islamique une "muraille de prières", prières selon la règle monastique de Saint Augustin et du Bréviaire latin. De façon générale, les réflexions sur la culture et sur ses liens avec le christianisme sont profondes et éclairantes.

*

Puisqu'il s'agit de vie monastique, l'ouvrage a une portée spirituelle : on y insiste beaucoup sur la vie quotidienne des moines, sur le sens spirituel de leur traversée du temps et de l'histoire, ainsi que sur leurs parcours personnels en quête de Dieu. Enfin, le séjour de ces écrivains à l'abbaye leur est souvent l'occasion de faire le point sur l'état de leur âme et de leur vie, de leurs certitudes ou de leurs doutes. Devant pareil exercice introspectif, le lecteur en fera autant, au contact de la tradition chrétienne ancienne, généreuse et profonde d'examen de soi, dont témoignent les Confessions de Saint Augustin.

*

Ce livre collectif paraît dans une France où des églises sont brûlées, des prêtres et des fidèles tués en raison de leur foi, dans l'indifférence et l'inertie des autorités, le silence des "grandes consciences" pharisaïques des médias. Il nous offre l'occasion de réfléchir à ce que deviennent historiquement notre nation, notre culture, et nous-mêmes, entre les mains de mauvais pasteurs. La chronique de Camille Pascal, troisième texte du volume, nous y invite aussi, en racontant la fondation de Lagrasse par Charlemagne de retour d'Espagne, en 778. En 2022, le produit de la vente de ce volume servira à la restauration du transept roman de l'église abbatiale, ravagée en 1792. A méditer entre ces dates, on prend conscience que la France n'est pas née en 1789 et que son message ne se réduit pas aux creuses "valeurs de la république".
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La convergence des alizés

Après la disparition d’Helena Bohlmann, étudiante en climatologie fascinée par les turbulences nées au dessus de l’Equateur de la convergence des alizés, disparue soudainement en ne lui laissant pour trace qu’un unique mot d’amour, Zé débarque en janvier 2004 de Belém à Rio de Janeiro, se laissant guider par ses rêves et par son intuition pour retrouver la femme qu’il aime.



Quatrième roman de Sébastien Lapaque, publié en 2012 chez Actes Sud, «La convergence des alizés» est son troisième livre consacré au Brésil et en particulier à la ville de Rio, à son généreux désordre qui semble être un miroir de l’âme brésilienne, une âme torsadée marquée par le «triple héritage de l’incompatibilité des Indiens, de l’irraison des Africains et de l’intranquillité des Portugais».



Autour de cette enquête amoureuse aussi désordonnée que le plan de Rio, qui va mener Zé jusqu’en Argentine, Uruguay et même le conduire à traverser à nouveau l’Atlantique, les personnages du roman sont autant de découvertes des multiples facettes de la société brésilienne, Ricardo Accacio, présentateur vedette de la télé brésilienne et idole des jeunes filles, Octavio et Luiz Cardero soi-disant hommes d’affaires, héritiers devenus des truands véreux, Maria Mercedes prostituée en bout de course et rêvant d’ailleurs, Euclides Pigossi, volubile patron du bar Garrincha et passionné de football, Pepe Bernardo ancien homme politique et vieillard attachant témoignant du passé de Rio capitale du Brésil, et tant d’autres.



«Les deux hommes vidèrent leur verre d’un trait. Dehors, la lumière sur la ville était très jaune. Euclides et Zé ne s’en rendirent pas compte, mais à l’ instant où ils reposèrent leurs verres devant eux, ils étaient amis. Alors ils burent d’autres verres de «cachaça» et refirent l’histoire de Botafogo et celle de Garrincha encore une fois. «Le football, c’est fait pour ça. Se souvenir et apprendre à se souvenir», songea Zé. Surtout à Rio, où l’on adorait ruminer les gloires passées.»



Comme Sébastien Lapaque, Zé a gardé de ses années d’enfance en Europe – au Portugal – l’amour de cet entre-deux entre Europe et Brésil, il est familier du chant des oiseaux, des stades de football, de la poésie, attiré par le charme des lieux au lustre passé comme l’île de Paquetá, il se laisse guider sur la trace des derniers feux du Rio d’autrefois, dans un Brésil en voie de disneylandisation, envahi par le tourisme aux normes internationales, les publicités et la marchandise globale.



«Il avait expliqué à son fils que, lorsqu’il était revenu à Belém au début des années 1960 et qu’il avait eu le loisir de s’intéresser au corps et à l’âme de ce pays auquel il n’avait cessé de rêver après son retour au Portugal, il avait été frappé à la fois par l’immensité et la quiétude du Brésil exprimées par les paroles de l’hymne. C’était quelque chose de contradictoire et de parfaitement cohérent.

« Il faut sans doute avoir grandi en Europe pour ressentir cela ».»



Lire «La convergence des alizés» allie les plaisirs d’une enquête policière aux multiples avenues et d’une flânerie carioca, qui donne envie de s’envoler vers le Brésil.

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Court voyage équinoxial : Carnets brésiliens

En lisant ce récit publié en 2005 de Sébastien Lapaque, éloge d’un voyage lent et érudit, je ne pouvais m’empêcher de penser à cette pensée de Proust reprise par Gilles Deleuze dans son abécédaire : Voyager c’est partir vérifier ses rêves.



«Lors de mon premier séjour au Brésil, j’avais déjà éprouvé quelque dépit en songeant que l’entrée en paquebot dans la baie de Guanabara était un plaisir qui ne reviendrait pas. Fini la passion de Stefan Zweig pour la douceur merveilleuse de Rio, l’ironie de Claude Lévi-Strauss face à un paysage à la beauté tant de fois célébrée mais noyée dans la brume des tropiques le jour de son arrivée.»



Pour s’éloigner des lieux dénaturés par le tourisme international, et explorer les traces de l’histoire du Brésil dans l’ombre choisie du jésuite António Vieira, «aventurier amazonien et défenseur du droit des Indiens», Sébastien Lapaque a suivi ses traces, partant d’Altamira et voyageant le long de la partie historique de la route transamazonienne, voyage entrecoupé d’une halte à Cayenne, pour tenter de remonter au plus proche de la source des liens et de l’amitié franco-brésilienne, et terminer ensuite son voyage à Salvador de Bahia.



Depuis l’accostage de Pedro Alvares Cabral sur les côtes du Brésil en avril 1500, à l’évocation des problèmes endémiques du Brésil auquel le nouveau président, Lula da Silva, était confronté en ce début des années 2000, en passant par de nombreux événements qui ont marqué l’histoire de cette région du monde - l’utopie d’Henry Ford de créer une ville nouvelle, Fordlândia, en pleine Amazonie afin de contrôler les plantations d’hévéas, l’enfer du bagne de Guyane dénoncée par Albert Londres dès 1923, etc. -, Sébastien Lapaque nous entraîne dans un voyage fascinant dans l’espace et le temps.



À travers ces carnets brésiliens, le Brésil apparaît comme un monde où le voyage d’exploration est encore possible, entre rêves et rencontres, dans cette Amazonie d’une incroyable richesse, résonnant toujours du chant des oiseaux, malgré l’ombre omniprésente de la menace écologique et de la déforestation.



«De retour en France après sept longues années d’exil mélancolique passées entre le Minas Gerais et Rio de Janeiro, Georges Bernanos évoquait «l’incomparable bonne grâce brésilienne qu’on n’oublie plus jamais lorsqu’on l’a connue». Au hasard de la route, on rencontre cette grâce mille fois. Et l’on s’émerveille. Il y a un seul monument à visiter au Brésil. Son peuple.»

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Autrement et encore

Rassemblant des chroniques et articles écrits entre 2010 et 2012, «Autrement et encore» (Actes Sud, 2013), poursuit «Au hasard et souvent» publié en 2008.



Cri de colère envers notre époque, ce livre au sous-titre parlant, «contre-journal», s’élève contre : contre l’effondrement intellectuel dans une société où la communication remplace la pensée, contre une société nécrosée par l’argent, contre la rapacité et l’indécence des riches, des inégalités économiques devenues insoutenables, contre la démolition d’un Etat délégitimé par le dogme libéral, contre les manœuvres de ceux qui nous gouvernent, contre une société qui passe les rêves au presse-purée.



«Il faut aujourd’hui de l’or, beaucoup d’or pour jouir du droit de parler ; nous ne sommes pas assez riche : silence au pauvre !» Félicité de Lamennais, Le Peuple constituant, 10 juillet 1848



Prenant appui contre sa bibliothèque, objet bien vivant, ce déchiffrage du monde alterne et entremêle analyses politiques et sociales, rêverie poétique, promenade érudite, avec un regard en colère mais amoureux du monde, fort de couleurs et d’images, de sève et de sel, de rencontres et d’expériences vécues, nourri des voyages, en Amérique du Sud, en Chine, ou en Algérie, qui tisse des liens et qui donne envie de lire et relire de nombreux autres livres.



«Excusez cette abondance de citations ; il ne s’agit pas là d’une pédanterie ; simplement, il se fait que, ces quinze dernières années, j’ai fréquenté les livres plutôt que les gens ; et puis, à quoi bon réinventer maladroitement ce que de bons écrivains ont mieux dit avant nous ?» (Simon Leys, Discours de réception à l’Académie royale de langue et littérature française de Belgique, 1992)



Amoureux des images sépia et aimant prolonger le goût des belles choses disparues, Sébastien Lapaque guette aussi partout les signes de la beauté et de la renaissance, autant dans la culture érudite que dans la culture et les rites populaires. Il rend hommage aux beaux gestes, en art ou en sport, ceux de l’artisan et du vigneron, leur amour du métier et leur expérience singulière du passage du temps.



Et même si l’on ne partage pas toutes ses convictions et ses admirations de gaulliste chrétien, loin de là, cette peinture distanciée et intime de notre époque est un livre où l’on trouve, comme chez les Anciens, «de la beauté en rafales et des munitions théoriques en quantité».
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