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Citations de Sylvie Tanette (100)


Personne en France ne peut imaginer un paysage pareil, cette immensité écorchée, souffrante et somptueuse, semée de roches et de broussailles sèches. Et de temps en temps un arbre qui tord ses branches dans la fournaise. Nulle part je n'ai vu cette couleur de terre, ce rouge sombre qui envahit tout. Les jours de grand vent la ville est balayée par les bourrasques de poussière en fusion. Après on en retrouve dans les recoins des maisons, sur les vitres des voitures, dans les vêtements qu'on secoue.
Quand même c'est toujours un peu bizarre d'habiter là. Salinasburg c'est vraiment paumé et la première ville est à mille kilomètres.
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On est dans le Territoire du Nord, le coeur violent de l'Australie, selon la poétesse Myriam Watson, un coeur tout aussi grandiose que ravagé. Une région où contre l'Histoire officielle depuis des années les aborigènes s'épuisent à reconstruire leur mémoire, où les descendants d'immigrés essaient de mettre en valeur ce que leurs communautés ont apporté au pays. Ils sont tous obsédés par un passé qui leur a échappé.
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L’un des derniers touristes présents sur l’île en cette fin de saison est venu me tirer de mes souvenirs. Il m’a rejoint sur le banc où je suis assis et m’a demandé comment il lui serait possible d’apercevoir des phoques moines. Si ça l’amuse, il peut toujours partir cette nuit sur une barque en compagnie des pêcheurs, c’est le meilleur moyen pour surprendre ces animaux mais il a peu de chances d’y parvenir, je l’ai prévenu. Je ne sais pas comment ce touriste est au courant de la présence des phoques moines, sans doute il l’a lu dans un guide. Les derniers de la région, et peut-être même de Méditerranée, vivent en effet quelque part sur le flanc sud de l’île, au fond de grottes marines. Il n’y a pas si longtemps leur colonie comptait des centaines d’individus, ils ne sont plus que quelques-uns aujourd’hui et il est difficile de les débusquer, les phoques moines ne sortent que la nuit et se cachent dans leurs grottes comme des réfugiés apeurés. Ils sont les survivants d’une époque que nous n’avons pas connue, car leur histoire a commencé bien avant notre présence sur l’île. Il suffit de regarder leurs visages, ils donnent l’impression de surgir de temps très anciens. Nous sommes désolés de leur disparition que nous ne nous expliquons d’ailleurs pas. De l’avis de certains pêcheurs ils n’ont pas su s’adapter à l’époque moderne, ou peut-être ils préfèrent ne pas la vivre. Selon moi ces imbéciles des rives d’en face les ont trop chassés, tout simplement, voilà pourquoi ils fuient toute compagnie. Nous ne savons pas quoi faire, la disparition de ces bêtes qui jamais n’ont prononcé le moindre mot annonce sans doute quelque chose de grave, mais nous ignorons quoi.
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La psy pense peut-être que je devrais lui dire : écoute, je ne sais pas forcément d'où ils sont venus tous mais un jour ils sont descendus d'un bateau et se sont mis à travailler comme des fous dans des usines ou sur le port, et la nuit ils n'arrêtaient pas c'était les réunions du parti ou de la CGT, Bella ciao et L'Internationale, les collages d'affiches et les actions clandestines, juste une réaction de survie, ficher ce vieux pays par terre et imposer la dictature du prolétariat, ils n'avaient pas traversé la moitié du pays pour rien, voilà ce qu'ils ont dû penser.
L'époque de mon père et de ses frères c'était encore plus radical. Et puis quoi ? Et puis rien. Avec ma génération, je ne sais pas pourquoi c'est parti dans tous les sens. Il y avait ceux qui ne s'en sortaient pas, ceux qui se sont mis à faire n'importe quoi, le procès de mon cousin ma mère m'a interdit d'y aller mais je m'en rappelle. Les dommages collatéraux. Et les autres familles c'était pareil. On venait de plein d'endroits différents mais on trimballait tous un même passé de dingue qui aujourd'hui encore me laisse sans voix. Et moi perdue dans ma tourmente, m'efforçant de me concentrer sur mes livres et les sorties scolaires au musée, les seules choses qui m'intéressaient vraiment. Et puis un peu plus tard hop te voilà ma chérie ma petite Elena mon amour.
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Quand ton arrière- grand-père est arrivé à Tornavalo, le village s'est arrêté de respirer.
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Ma vie aurait-elle été différente si je m'étais occupée d'art plutôt que d'agriculture ? Je ne crois pas. Ma vie était vouée à faire naufrage, j'en suis certaine, j'étais venue sur terre pour tout rater, par stupidité, arrogance ou aveuglement, et mes regrets aujourd'hui s'accumulent tant que je peux les compter.
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ma vie aurait-elle été différente si je m'étais occupée d'art plutôt que d'agriculure? Je ne crois pas. Ma vie était vouée à faire naufrage. j en suis certaine, j étais venue sur terre pour tout rater, par stupidité, arrogance ou aveuglement, et mes regrets aujourd’hui S’accumulent tant que je ne peux les compter.
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Celui qui ne sait pas sauver son prochain se perd lui-même
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Toutes ces histoires et tous ces gens, que l'on a pas choisis, que l'on ne connaît pas, mais qui sont là dans un coin de nos têtes, et parfois se bousculent, jusque dans le moindre de nos gestes.
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Pourtant nous les avons tout de suite agacés. Notre façon d'habiter au milieu de la mer, de vivre en communauté, d'être indifférents à leurs discours, de partager notre quotidien et de nous contenter de peu sans nous préoccuper de rien les irritait.
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Chaque matin qui se levait était un matin gagné sur la dictature et chaque soir nous pouvions tous entendre la mer respirer de soulagement de nous savoir toujours là, sur l'île, au complet.
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Il y a des moments où la mer donne l'impression de vouloir communiquer avec nous et d'autres fois où elle semble comprendre exactement ce que nous attendons d'elle.
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Je me souviens parfaitement du moment où, avec mes frères, nous en avons eu assez de vivre dans les profondeurs. Nous nous sommes concertés et nous avons décidé de quitter la compagnie des créatures marines. Nous avons d'abord nagé des jours entiers sous l'eau puis enfin nous avons aperçu des rochers qui transperçaient la surface. Grâce à eux, nous nous sommes hissés à l'air libre et pour la première fois nous avons vu la mer depuis l'extérieur. Le soleil était en train de se coucher, jamais il ne nous avait été donné de contempler un spectacle plus magnifique, la lumière dispersée en mille scintillements sur les vagues. Ce premier soir nous sommes restés sur nos rochers, émerveillés, et nous avons décidé de nous établir ici. Je me souviens que nous avons construit le village pierre à pierre. Les créatures marines nous appelaient mais nous avons refusé de les écouter.
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Je me souviens des premières semaines de notre mariage, j’avais l’impression d’être enfin sortie de ma vie. Vous passez des années à servir le thé dans le salon de vos parents, rougissante et silencieuse comme il se doit, des années à jouer au tennis avec vos amis en regardant du coin de l’oeil les garçons assis un peu plus loin sur des bancs, puis un jour vous êtes une épouse et vous vous rendez compte que rien ne vous a préparée à cela.
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Aucun pêcheur n'a jamais pu apprivoiser une mouette, et nous ne les distinguons pas les unes des autres. Elles en savent probablement plus sur nous que nous sur elles. Moi je crois que ce sont nos dieux domestiques, elles ont pour mission de veiller sur nous. D'ailleurs dès qu'un incident se produit, elles nous préviennent de leurs hurlements.
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Le premier à nous faire remarquer que les femmes pouvaient peut-être vivre différemment, ça a été Benjamin. "Vous n'êtes pas obligés de toujours suivre les traditions", il nous a dit comme ça au détour d'une conversation.
Et ma foi c'était vrai.
(...)
La brise marine qui a fait redresser la tête de nos jeunes filles à ce moment-là n'est toujours pas retombée, et je ne sais pas ce que les autres en pensent mais moi je l'ai toujours dit à mes fils : c'est très bien comme ça.
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Aucun pêcheur n'a jamais pu apprivoiser une mouette, et nous ne les distinguons pas les unes des autres. Elles en savent probablement plus sur nous que nous sur elles. Moi je crois que ce sont nos dieux domestiques, elles ont pour mission de veiller sur nous. D'ailleurs dès qu'un incident se produit, elles nous préviennent de leurs hurlements.
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Un cormoran est debout sur un rocher depuis des heures, il ne bouge pas. Le cormoran est une bête étrange, il est toujours tout seul. Il ne veut pas se mêler aux mouettes alors qu'ils sont presque de la même famille. Il fait comme s'il ne les connaissait pas, c'est l'animal le plus solitaire que personne ait jamais vu. Les vieux dans le temps racontaient qu'il s'était montré trop acerbe envers les autres oiseaux, ils n'ont plus voulu de sa compagnie. Depuis il reste tout seul sur les rochers, immobile, et les mouettes ne font pas attention à lui. Il agit comme si ça n'avait aucune importance, regarde la mer d'un air supérieur en maître des lieux, il fait le fier, mais en vérité c'est un paria.
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Je ne sais pas comment raconter notre histoire, on n'en a pas. Je me souviens juste que plus rien n'a ressemblé à rien avec la disparition de la première génération. Quand sont morts les derniers italophones, c'est comme si on nous avait arraché un bras.
Ces vieux qu'on asseyait en bout de table le dimanche. Mon grand-père paternel, en fin de repas il entonnait un chant traditionnel calabrais, une horreur, juste une note suspendue avec quelques ondulations de temps en temps, un truc à t'arracher les oreilles, j'ai su bien plus tard que çà s'appelle une polyphonie, c'est courant là-bas il paraît, dans les villages les hommes se rassemblent et chantent en choeur, mais comme il était tout seul forcément çà rendait moins bien. Je me souviens surtout de ma grand-mère maternelle, je l'adorais. La fin de sa vie elle l'a passé couchée dans son lit, toute maigre et fripée comme une brindille qu'on aurait abandonnée là. Dans les tout derniers jours, on n'a jamais su pourquoi, elle s'est mise à parler exclusivement dans ce qu'on a supposé être le dialecte de son village, là-bas dans les Pouilles - ou alors même, et j'aime bien l'imaginer aujourd'hui, une langue qui datait d'avant leur arrivée en Italie, de l'albanais, du turc ou quoi d'autre, va savoir, ils devaient peut-être encore l'utiliser en famille, au temps de son enfance - en tout cas personne n'y comprenait rien. Je me revois, je suis petite, je m'assois à côté d'elle sur le bord de son lit tellement haut. Elle me prend les mains, elle a son bon sourire fatigué, elle parle et elle parle, une sorte de chuchotis caillouteux, et je ne sais pas ce qu'elle me raconte.
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Parce qu'ici c'est génial. Depuis les années soixante-dix et quatre-vingt toutes sortes d'artistes et d'originaux ont échoué dans le coin. Soi-disant pour être tranquilles, créer en paix, vivre autrement, en fait ils sont tellement fauchés qu'ils peuvent difficilement habiter ailleurs. Du coup ils ont développé une philosophie et surtout un art off, nourri du vent chaud du désert et de cette ambiance particulière au centre brûlé du pays. Des baba-cools, en résumé, d'un anticonformisme que Frédéric et moi on a tout de suite apprécié.
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