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Citations de Tanith Lee (78)


L'enfant peut craindre de naître et la mère de lui donner naissance, pourtant aucun des deux ne peut choisir lorsque l'heure est venue. Ils n'ont nul choix.
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La reine blanche vivait dans une tour pâle, haut dans un jardin ombragé. Elle y avait été enfermée trois jours après la mort de son époux, le roi. Un tel destin était traditionnel pour certaines veuves royales. Tout autour, entre les verdures sombres du jardin sombre, s’élevaient de semblables tours pâles dans lesquelles de similaires reines blanches avaient été emmurées depuis des siècles.
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Car si quiconque le voit arpenter le monde, l’amour est un vieillard hideux, pire que la peste ou la famine, ou même que la Mort et son numéro de spectre. L’amour dans sa robe de haillons, le cœur arraché et cousu sur la poitrine, l’amour aux yeux usés par les larmes et aux orbites aveugles. L’amour est un salopard, mais il souffre et il sait parfaitement comment faire souffrir tout ce qu’il embrasse de sa maladie.
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Narasen, la reine-léopard de Merh, se tenait à sa fenêtre et regardait Dame Calamité qui arpentait les rues de la cité. Dame Calamité portait sa robe jaune, car la maladie était une fièvre jaunâtre, jaune comme la poussière qui s'élevait en tourbillons des plaines, masquait la ville de Merh et l'étouffait, jaune comme la boue puante qu'était devenu le large fleuve de Merh
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– Monsieur Alexander, bonjour. Nous ne sommes pas trop en avance ?
– Pas le moins du monde, fit une voix masculine, presque trop jeune. Votre fille est avec vous ? C’est parfait. Donnez-vous la peine d’entrer.
J’avançai dans le sillage de ma mère, foulant le tapis couleur de gazon. Je vis plusieurs sièges disposés autour d’un bureau. Puis ma mère s’effaça pour me présenter.
– Voici ma fille, Monsieur Alexander. Greena. C’est elle.
Il ne devait pas avoir plus de vingt-deux ans et je pouvais me vanter d’avoir de la chance dans la mesure où la population du Centre bénéficie d’une extrême longévité, jusqu’à des cinquante ou soixante ans, cela s’est vu. Et même, bien souvent, ceux qui sont nés sous les coupoles s’en vont mourir ailleurs, c’était le changement de vie, disait volontiers ma mère, ils ne supportaient pas.
Celui-ci était bronzé, vêtu avec soin, pantalon et chemise de coton naturel. Il portait un bracelet en argent dont la plaque rouge confirmait son jeune âge. Tout entier maître de soi et belle apparence, tel était monsieur Alexander, vivante incarnation de l’hygiène bien comprise et de la santé. À croquer de la tête aux pieds. Son regard me scrutait. Je détournai le mien en vitesse.
– Asseyez-vous, je vous en prie.
Ma mère se vit offrir trois doigts de gin en provenance des distilleries du Centre. Il ajouta des glaçons et des tranches de citron. Souriant, il me proposa un milk-shake à la framboise, avec du lait véritable, s’il vous plaît. J’étais trop angoissée pour avoir envie de quoi que ce soit, je ne me sentais pas en état de savourer son milk-shake, mais comment refuser pareil délice ? Cela ne se fait pas, tout simplement.
Enfin, nanties du gin et du milk-shake, nous nous installâmes raidement à l’extrémité de nos sièges. Monsieur Alexander ne buvait pas. Assis face à nous sur le bureau, il balançait une jambe dans le vide. Il prit une cigarette dans le coffret et l’alluma. Il aspira une longue bouffée.
– Tout d’abord, je tiens à vous remercier d’être venues de si loin, dit-il à ma mère sur le ton plaisant d’une conversation mondaine. Un jour d’alerte, de surcroît. En fait, ce n’était pas grand-chose, n’est-ce pas ? Une simple averse.
– Nous sommes arrivées bien avant, répliqua vivement ma mère.
Elle tenait à mettre les points sur les i. La fleur était intacte, aucune goutte de pluie ne l’avait souillée.
– Je sais. Le Parloir m’a renseigné.
Il avait dû se faire communiquer nos coefficients. Au fond, c’était son droit le plus strict. S’il avait l’intention de m’acheter, il voulait s’assurer que son acquisition lui ferait un peu d’usage, quoi de plus normal.
– Permettez-moi de vous dire dès à présent que votre fille semble présenter toutes les qualités requises pour l’emploi auquel nous la destinons. Elle est charmante, pleine de réserve et de correction.
L’allusion à un hypothétique emploi n’est là que pour la frime, pensai-je. Mais peut-être, pour commencer, me demanderait-on vraiment d’effectuer un travail quelconque ?
Ma mère avait dû passer sa petite annonce dès l’automne dernier, tout de suite après que nous fûmes allées rendre visite à ce photographe du Centre. Je portais ma petite culotte de dentelle en nylon et pas grand-chose d’autre. Une photo qui ne cachait rien, comme celle que l’on prend tous les dix ans, à l’occasion du contrôle médical. Toujours, les petites annonces de ce type étaient accompagnées de photos du genre déshabillé. Pratique parfaitement illégale, mais personne n’en avait cure. Trois ans auparavant, au moyen d’un stratagème identique, un garçon qui habitait notre rue s’était trouvé une place dans le Centre. Il avait passé la petite annonce lui-même, il s’était occupé de tout. Joli garçon, il n’avait qu’un défaut, des cheveux déjà clairsemés comme les miens, laissant présager une calvitie précoce. Selon toute apparence, ce détail n’avait gêné personne.
Ma mère avait-elle reçu d’autres réponses ou seulement celle de ce jeune homme hâlé au regard intense ?
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La journée ne faisait que commencer, mais une alerte météorologique nous tenait tous confinés à la maison. Les enfants regardaient la chaîne payante tandis que je donnais à manger aux volailles dans le poulailler intérieur. Il devait être neuf heures du matin. Ma mère a surgi, elle s’est arrêtée sur le seuil de l’enclos. Je n’oublierai jamais l’expression de ses yeux posés sur moi. Je connaissais ce regard, et bien qu’il se fut toujours passé de commentaire, je savais parfaitement à quoi m’en tenir. C’était ainsi qu’elle estimait le poids des volailles ou qu’elle inspectait les casiers de semis. Ce jour-là, pourtant, ce n’était pas tout à fait le même regard. La nuance ne m’échappait pas et je savais aussi comment l’interpréter. J’étais à point, semblait-il.
– Greena, dit ma mère.
En trois enjambées puissantes, elle fut au milieu de l’enclos, jetant un œil indifférent à nos décevantes poules. Nous n’avions recueilli que trois œufs cette semaine, dont l’un n’était même pas conforme à la norme. Trop haut. Ma mère s’en moquait, elle avait pour l’instant d’autres chats à fouetter.
– Greena, dit-elle. Ce matin, nous irons au Centre.
– Et l’alerte, maman ?
– Laissons cela. Ces imbéciles se trompent si souvent. D’ailleurs la pluie ne devrait pas tomber avant midi. D’ici là, le ciel restera dégagé et nous serons arrivées bien avant les premières gouttes.
– As-tu pensé aux bus, maman ? Ils ne fonctionnent jamais quand la météo est mauvaise. Nous serons obligées d’y aller à pied.
Elle me regarda avec sa figure farouche, ravagée, fermée comme un poing, ce masque bouffé par la vie et l’ardeur de vivre.
– Et après ? Nous irons à pied. Ne discute pas, Greena. Les jambes, c’est fait pour marcher, que je sache.
J’inclinai la casserole pour répandre le reliquat de nourriture. Je me dirigeai vers la porte de l’escalier.
– À propos de jambes, dit-elle, tu me feras le plaisir de mettre tes bas. Et tous les trucs que nous avons achetés la dernière fois.
C’étaient toujours les mêmes sempiternels chichis. Sous le prétexte des caméras, bien sûr. En particulier celles qui se trouvent dans les salles de bains du Parloir. On se déshabille et tous les vêtements filent dans la machine à laver. On les récupère à la sortie. Mais les vigiles ou les médecins, personne ne les empêche de se rincer l’œil sur les écrans et, dans le meilleur des cas, de se sentir émoustillés par ce qu’ils voient. Alors on se fait un devoir de mettre ses plus beaux atours, des choses que l’on peut exhiber sans honte et que même un médecin du Centre pourra reluquer sans haut-le-cœur. Ma mère est ainsi, elle ne badine pas avec les convenances. J’allai prendre une douche et me faire un shampooing. Je me saupoudrai de talc, celui parfumé à l’essence de rose que nous avions acheté au Centre. Je devais être nickel de la tête aux pieds en prévision de la douche et du shampooing qui me seraient administrés dans la salle de bains du Parloir. J’enfilai mes dessous les plus flatteurs, ma robe blanche et mes bas. Je me chaussai. Je n’oubliai pas de glisser dans mon sac la boîte de talc à l’essence de rose.
Ma mère était déjà prête ; elle m’attendait lorsque je me présentai devant les portes donnant sur la rue. Elle ne me fit aucun reproche. Elle avait exigé le grand jeu ; le grand jeu prend du temps.
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-Oh, écoute, réfléchis, ooma. Je te désire. Je te désire, toi. Tu as eu une centaine de corps différents. Je t'ai désirée telle que tu es maintenant, telle que tu étais avec ces cheveux argentés et les antennes, telle que tu étais il y a je ne sais combien de vereks, la peau délicatement teintée de bleu et les yeux dorés. Je t'ai désirée quand tu étais un homme. Je t'ai désirée telle que tu étais en dernier, pâle et mince, petite jeune fille insignifiante.
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-L'ennui, ma chère, poursuivit le contrôleur d'un air désolé, c'est qu'il y a trop d'histoire et trop peu d'érotisme.

Il enchaîna aussitôt ses explications pour prévenir toute éventuelle objection de ma part, objection que j'aurais été de toute façon incapable de formuler vu mon état de fatigue.

-Vous devez comprendre que la cinévision est presque entièrement regardée par les aînés de BEE-Quatre. En outre, la plupart des gens qui la regardent veulent pouvoir allumer et éteindre quand ils le souhaitent, et vous admettrez avec moi la confusion que cela entraînerait si tous nos programmes avaient une intrigue.
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Dasyel sourit. Alors Jy pensa à l'effet que pouvait faire un tel sourire sur un marché rempli de femmes.
- Dis-moi la ballade de Seeva et de la colline de verre. Il pensa peut-être que ce fils de noble ne connaissait pas un conte si populaire. Mais s'il le pensa, Dasyel le surprit.
Jy, assis dans son chariot, son bâton sur les genoux, un verre de vin à la main, écouta. Il ne remarqua pas une seule rougeur chez le garçon, qui récitait bien, que le diable l'emporte! Et regardez-moi ces filles, ces solides filles de la route, qui doivent s'y connaître : elles sont médusées, les coquines!
- Suffit, dit Jy. Tu n'es pas mauvais pour un gosse de noble. Un peu trop fleuri, mais quelques nuits sous la pluie avec le ventre creux et quelques lits à puces te guériront de tout cela.
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- Avec de tels pouvoirs magiques à votre disposition, vous devriez être en mesure de déterminer vous-même qui a tué Marival.
- Dans les brumes de l'émotion, la magie devient instable, inutilisable, dit Jolan. Il nous est impossible…
- Ce dont nous avons besoin, précisa Naldinus d'une voix suave, c'est d'un témoin dénué de passion. Nous sommes pour ainsi dire victime d'un sort qui nous maintient dans une incertitude dont nous n'aspirons pourtant qu'à sortir. Le meurtrier lui-même… (il marqua une pause et rabattit son son capuchon sur des yeux où le chagrin luttait avec la ruse.)… lui même, disais-je, ou elle-même, ne désire peut-être que se voir convaincu de son crime. Qu'être découvert.
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Écoute ce que j'ai à te dire. Je suis Karrakaz, le Sans-Âme, celui qui a jailli un monde d'année avant ta naissance de la méchanceté de ta race et qui a fini par la détruire toute entière, à l'exception de toi. Tu n'étais qu'une jeune enfant et n'avait pas encore vraiment connu les voies du mal. Mais à présent, dans ton sommeil, tu es devenu femme et tu vas apprendre. Le mal va se présenter à toi et tu vas l'accueillir.
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- Tu n'as rien emmené ? Pas d'astrads ?
- Non.
- Pas ton chat en peluche, j'espère.
Elle ne répondit pas. Il constata qu'elle lui avait obéi. Il faut faire croire à une disparition, avait-il dit, péremptoire, sans paraître toutefois y avoir vraiment réfléchi. "L'Affreuse Magdala s'évanouissant dans la nature, cela a de quoi plaire, non ?"
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Les moineaux de l'automne viennent frapper de leur bec la vitre de la fenêtre. Ils semblent attirés par l'éclairage indirect qui jette des fantômes sur les murs habillés de liège, et enveloppent parfois ma voisine d'en face d'une auréole de sang. Le médecin s'éternise dans son cabinet. Les moineaux s'agitent daredare. Le vent fait pleurer les arbres du parc. Cette chanson triste me prend au ventre. Les frênes ont des accents d'hivers. Si je les écoutais, si j'oubliais la présence de la fille, on me prendrait pour un arbre, je n'aurais pas la moindre chance d'attirer l'attention de...

"Les rides et la fleur" de Daniel Martinange.
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La sexualité vix qui l’habitait était assoiffée d’elle, soif aggravée par chaque journée en sa présence, à contempler dans ses yeux ce regard d’amour timide. Le simple bruit de sa douce respiration embrasait et agitait ses reins. Pourtant il n’obtenait d’elle rien d’autre que des baisers légers, quelque peu frustrants, car elle était très timide et nerveuse – élève délicate et difficile de son désir.
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— « J’ai un peu d’argent. Je paierai ce que l’on me donnera. »
— « De l’argent ? Ah, la ville ne connaît pas ce genre de chose. Tout ici n’est que troc. »
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Plus tard, il avait connu des nuits de désir aveugle et sans sommeil quand chaque rêve était une folie insatisfaite. Les filles du village, manquant de sensualité en toute saison et absolument immunisées contre l’Étoile, lui coûtaient des efforts interminables, chaque accouplement devant être précédé par une intolérable séance de séduction. Il savait qu’il leur procurait du plaisir uniquement par les doux cris lâchés presque à contrecœur de temps à autre. Il avait l’impression qu’elles n’allaient avec lui que par pitié et étaient stupéfaites par l’effet qu’il leur faisait, chaque union était finalement pour lui une amertume, une union fondamentalement sans partage, et il se sentait bestial lorsque l’Étoile avait disparu.
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Elle se sentit libérée, presque en paix. Comme bien souvent au cours du voyage, elle examina l’enfant et ne le considéra plus avec peur. Mais qu’adviendrait-il de lui ? Il deviendrait très probablement paysan – chasseur ou fermier –, travaillant à la sueur de son front, inconscient de l’effervescence et de la lignée qui l’avaient créé. Peut-être mourrait-il jeune. Devait-elle le garder elle-même, se demanda-t-elle alors, pour l’élever et lui donner le rang et la richesse qu’elle pourrait elle-même acquérir ? Elle éprouva une aversion immédiate à l’égard de ce plan. Malgré la compassion qu’elle ressentait, la contrainte extérieure, une espèce de geas, pesait sur elle. Le bébé n’était ni Xarabien, ni le sien. Il ne se trouvait nulle place dans sa vie pour ce curieux et terrible étranger.
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Une beauté évanescente, que très peu de chose détruirait rapidement. Des seins hauts, froids, car ils étaient cerclés d’or. Dans son nombril, une goutte de naissan de résine jaune. Cette résine l’excita plus que de raison ; elle aurait pu être un troisième œil, celui de son sexe.
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