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Citations de Thibault Bérard (127)


Merde, me retrouver la vielle de Noël, dans un service post-réa (on vient de piger que ça voulait dire "réanimation" et, même si Théo s'est fermement accroché au "post", qui selon lui prouve qu'on est pas dans le service le plus lamentable de l'hôpital, ça ne nous a pas réjouis), avec une probabilité immense d'avoir développé un putain de cancer du ris de veau, une tumeur d'une taille apparemment très inquiétante et horriblement mal placée, alors que je suis enceinte de sept mois ?!
Mais bordel, même chez Dickens, ça ne passerait pas !
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Tout ça est assez abstrait pour Léonard. Il n'a pas l'intention de faire carrière dans le commerce d'art ancien. Même s'il est en train de découvrir que sa plume ne rapportera pas autant qu'il l'avait cru, et qu'en attendant, « il faut bien vivre ».
Parce que c'est ça, vivre. Payer le loyer, maintenant que le père ne l'aidera plus jamais. Acheter à manger, et puis de quoi boire un coup avec les copains. Draguer dans les bars, rentrer parfois seul, parfois accompagné. Se réveiller le matin et s'endormir le soir, dans un état plus ou moins alcoolisé.
C'est ça, vivre ? Juste ça ?
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Il s'approche de son pas lourd et fatigué d'après l'hôpital. Ça ne s'est pas bien passé, ce qui n'est pas une surprise, mais reste une déception...
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Léonard regarde ce petit bout d'homme recroquevillé, ce petit bout d'homme qu'il a été un jour, et il n'a aucune envie de rire de sa naïveté. Non seulement parce que cette naïveté lui apparaît pour ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être - un trésor inestimable - mais en outre parce que la réalité, ce jour-là, avait effectivement revêtu la substance vaporeuse des rêves, laissant sa naïveté d'enfant remporter une victoire.
Comment avait-il pu oublier une chose pareille ?
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Ne me voyez pas comme une victime ou une malade.
Voyez ça comme ce que c’est, une histoire. Ce n’est pas parce qu’elle est vraie et dure par moments, ni même parce qu’elle finirait mal, que ce n‘en est pas une; toutes les vies sont des aventures extraordinaires, pour qui peut les voir dépliées devant soi.
Ça ne signifie pas qu’on doive applaudir aux grandes scènes ou espérer qu’une musique bizarre vienne souligner les passages drôles ou absurdes; ce que je demande, c'est que vous prêtiez la même attention aux mots qui vont suivre et que vous acceptiez d‘en goûter les couleurs éclatantes, en dépit de ce gris dont le réel granit voudrait tout recouvrir. Je sais que Théo aurait besoin que vous fassiez ça, et moi, en tant que morte, je vous le demande par respect pour les vivants.
Joli paradoxe, non?
C‘est drôle, parce que c’est cela qui m‘importe, qui m'atteint plus que tout le reste, finalement. p. 105
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Elle choisit une pensée heureuse, puisqu’elle sait bien, désormais, que les pensées naissent toutes des racines du même arbre, certaines permettant de gagner l’horizon tandis que d’autres plongent dans des gouffres sans fond.
(p.172)
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Merde !, pense-t-elle. En classe, elle a appris qu'un historien s’était employé à répertorier les derniers mots prononcés par les poilus morts dans les tranchées, pendant la Grande Guerre. Le mot qui arrivait tout en haut de la liste, c'était « Merde ! » - cas typique, le malheureux qui prend une balle pendant qu'il fume une clope. Le deuxième mot, c'était « Maman ».
(p.165)
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De toute façon, ce n'est pas aux enfants de sauver les parents en trouvant un obscur secret caché dans un coffre. Non. Il n'y a pas de secret, la magie n'existe pas et les enfants ne sauvent pas leurs parents. Et le pire, c'est que même l'inverse n'est pas vrai : dans la réalité, personne ne sauve personne.
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Il en voulait à Lize de ne pas rêver à autre chose que des après-midi calmes avec les enfants. Elle n'avait donc pas d'ambition ?
Il se répétait souvent ça. Elle n'a donc pas d'ambition ?
Mais cette phrase n'aura jamais été qu'un leurre de plus. S’il en voulait à Lize, ce n'était pas d'être incapable de rêver à des horizons aussi vastes que les siens ; il lui reprochait surtout d'être pourvue d'une force qui lui faisait défaut. La force qui lui aurait permis de savourer son bonheur au lieu d'aller se gaver au calice trompeur de l'aventure.
Car bien sûr, l'aventure avait rapidement rétréci comme un costume mis à la machine. Trop vite, trop tôt était venu le temps des rendez-vous de convenance, des mensonges foireux et des arrangements sordides, des prénoms qui se mélangeaient, des ruptures pénibles et des recommencements sans éclat, des serments imbéciles qu'il n'honorerait pas, des scènes de ménage qu'il se surprenait à endurer de la part de femmes qu'ils n'avaient fréquentées que deux ou trois fois.
Et toujours la brûlure de la honte qui revenait par surprise, et toujours plus contrariant le sentiment d'avoir mis le doigt dans l'engrenage, en s'imposant d'innombrables tracas pour bien peu de compensation... L'ennui à la mesure du désir.
(p.86)
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C’est vraiment drôle, cette façon qu’a monsieur Burlac de l’associer à son business. « On en a besoin », « notre chiffre ». Tout ça est assez abstrait pour Léonard. Il n’a pas l’intention de faire carrière dans le commerce d’art ancien. Même s’il est en train de découvrir que sa plume ne rapportera pas autant qu’il l’avait cru, et qu’en attendant, « il faut bien vivre ».
Parce que c’est ça, vivre. Payer le loyer, maintenant que le père ne l’aidera plus jamais. Acheter à manger, et puis de quoi boire un coup avec les copains. Draguer dans les bars, rentrer parfois seul, parfois accompagné. Se réveiller le matin et s’endormir le soir, dans un état plus ou moins alcoolisé.
C’est ça, vivre ? Juste ça ?
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Jour de joie
2 juin 1975.
— Dépêchez-vous, le travail a commencé.
« Le travail ? » C’est ce qu’il a failli répondre mais, par miracle, il s’est arrêté à temps. Il s’est même mordu la langue, comme un môme. Comme il sort du magasin, il a cru… Mais c’est stupide, pourquoi cette bonne femme lui aurait-elle parlé boutique ? Elle ne le connaît pas. Elle s’occupe seulement de l’accueil.
L’accueil. Le mot lui a toujours fait penser à « cercueil », c’est encore un truc de môme, ça, sans doute parce que tout ce qui touche aux institutions – les mairies, les hôpitaux ou les maternités comme celle-là – le terrifie un peu.
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En fait, elle a envie de faire exactement le contraire de s’aérer : elle veut s’enfouir comme une taupe dans les vieux souvenirs, en respirer la poussière douce et chaude à s’en brûler les poumons. Elle veut rentrer sous la terre de sa mère et s’y blottir.
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Je ne croyais pas que ça m’arriverait, et pourtant si.
Théo, comme souvent, m’a prise par surprise. En un peu plus de trois ans, on a franchi les étapes. Évolué dans nos boulots, mélangé nos amis, trouvé un trois pièces plus grand et lumineux, dans un quartier branché de Paris.
On est devenus un couple « solide » et, avec cette confiance qu'il place en lui et en nous, avec ses facéties de lutin, Théo m'a peu à peu forcée à la douceur. Je pars moins en vrille, c'est un fait. Il est rare à présent que je chope un de mes fameux coups de massue quand j'ai trop bu, ces chutes amères qui me laissaient divagante et en pleurs sur le pavé, à me débattre entre ses bras comme une cinglée, à passer du rire aux larmes pour finir par répéter en boucle : Je veux juste que ça s'arrête, je veux juste que ça s'arrête.
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— Et Papa nous a montré plein de films qui ne sont pas pour les enfants, mais moi ça ne me fait jamais peur, on a vu Terminator 2 et Gremlins 1 et 2, et on a vu aussi Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, et on…
— Roger Rabbit, ça fait pas peur, décrète Camille, fusant hors de son silence avec cette rapidité qui, encore une fois, fait sursauter Cléo.
— Elle a raison, enchaîne Théo avec un hochement de tête pour sa fille. On ne peut pas mettre Terminator 2 et Roger Rabbit sur le même plan.
À cet instant, Cléo sent son cœur frémir, parce que la façon dont Théo s’adresse aux petits, avec cette décontraction affichée, cette volonté claire de les traiter en êtres pensants et agissants, lui rappelle les manières de Paul avec ses enfants. Elle sent un hoquet de rire la traverser, comme ça, d’un coup.
— Quoi, t’es pas d’accord ? lui lance Théo, heureux que la discussion circule.
— Pourquoi t’es pas d’accord ? rebondit Simon pour passer à autre chose, la rebuffade paternelle l’ayant un peu vexé.
Cléo réatterrit, se sent à nouveau prise en faute. Ce n’est pas dans une galère qu’elle se trouve, certes non – elle vit sans doute le moment le plus fort et le plus excitant de toute sa vie –, mais ce goûter n’a vraiment rien de reposant !
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Soudain je veux lutter, et vaincre, et marcher, faire un miracle et regagner ma vie à coups de griffes dans le réel, et écraser quiconque se mettrait sur ma route! Je refuse qu'on m'oublie, je refuse qu'on me laisse crever!
La minute d'après, je prie pour que tout s'arrête et que le monde soit en paix sans moi.
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Il est juste que les forts soient frappés

La phrase s'affiche tel un blason en lui. Et elle lui semble parfaitement logique, évidente - appropriée, là encore. Il est juste, oui, précisément parce c'est plus injuste que tout ce qu'on puisse imaginer, plus absurde, plus cruel, et donc plus éloigné de l'entendement des simples mortels, que lui et moi, qui sommes jeunes, pleins de vie, si forts, nous soyons frappés. Nous plutôt que d'autres, qui ne s'en relèveraient pas. (p116)
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Léonard est resté à la porte. Vieux fantôme chamboulé par un fragment de souvenir, un presque-rien que sa mémoire avait laissé s’envoler. C’est peu de chose, ce souvenir ; un morceau du grand fouillis d’idées et de désirs qu’il était à dix-neuf ans.
Mais c’est du rien qui pèse lourd.
Il avait oublié comme il riait de ses échecs, et comme ce rire était mélodieux. Au bout de vingt-cinq années passées seul dans les remords et la honte, il en était venu à croire qu’il avait toujours été ce bonhomme rongé par un mal intérieur, un venin ancien qui se répandait chaque jour un peu plus dans ses veines… jusqu’au point de non-retour.
Quand il pensait à sa jeunesse, avant, il se voyait comme un condamné dansant aveuglément au bord du ravin, au son d’une musique qu’il était seul à entendre et qui l’avait finalement conduit à la chute, lorsqu’elle s’était révélée n’être que du bruit. Apparemment, il s’est gouré sur toute la ligne. S’il a chuté, ce n’est pas à cause d’un mystérieux poison couvant en lui depuis toujours ; c’est parce qu’il a trop vite oublié comment il riait, dans sa jeunesse, de ses échecs. Le jour où les amers récifs de l’existence se sont précipités sur lui, il n’a pas su rire envers et malgré tout.
Oh, pourquoi a-t-il oublié ?
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La montagne m'a tout appris... Cheminer d'un pas lent, sans jamais se laisser à tendre le regard vers le sommet; accepter et endurer, attendre et espérer. Être racine, poids. Se faire ancre.
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Accompagné, oui. C'est bien ce qu'elle fait. Ce miracle d'infirmière est en train d'apprendre à sa patiente à mourir, comme si elle-même avait fait ça toute sa vie.
Mourir s'apprend, finalement.
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Dans l’étrange apesanteur de bain tiède où il flotte, le Léonard mort se rappelle la fureur qui s’emparait souvent ainsi de lui. La frustration terrible d’être sans cesse renvoyé à de malheureux essais avortés qui, même lorsqu’il parvenait à les mener à une forme d’achèvement, ne se hissaient jamais à la hauteur du feu dont il se consumait.
Il sait que ces efforts, en définitive, étaient vains. S’il y avait bien une musique en lui, il n’était pas capable de la faire vivre. Ou peut-être que ce qu’il prenait pour de la musique n’était rien d’autre que du bruit.
Est-ce cela qu’il doit comprendre ? Faut-il seulement qu’il admette les limites qu’il s’est lui-même dessinées au fil de sa vie ? Si c’est ça, il veut bien reconnaître tout ce qu’on voudra. Oui, il a été stupide d’y croire. Et après ?
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