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Critiques de Tiffany Tavernier (343)
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Roissy

Une déambulation hasardeuse mais visible dans les couloirs où les salles des pas perdus de l’aéroport de Roissy, dérobée dans les coursives souterraines terminaux.

Des instantanés volés dont la caméra est un œil aiguisé qui chipe un moment pas même choisi, seulement vécu, un polaroïd sans pellicule, un Minolta qui tourne à vide,  enrayé, des clichés surexposés !

Un présent sans objectif ! Une illusion d’optique.



On devine que c'est une femme qui parle, une femme qui se dérobe quand des velléités de rapprochement se dessinent, une femme qui s’échappe, par la pensée vers les destinations rêvées qui envahissent les moniteurs, à la présence des autres quand le risque de se faire prendre devient trop prégnant.



Elle fuit, elle s'enfuit, elle se fuit et essuie les larmes d'un passé qui, lui aussi, s'est enfuit, enfoui sous des tonnes de questions qui restent sans réponses. Ou par bribes les réponses, comme un puzzle qui refuse de se laisser dompter.

Contre la passé il n'y a rien à faire alors elle ne fait rien.  

Elle squatte faute d'habiter

Elle grinche faute de voler

Elle s'invente faute de se connaître

Elle mystifie faute d'avoir son histoire.

Elle se la raconte faute de pouvoir se raconter

Elle brode parce qu’elle a perdu le fil de sa vie.



Une vie sans canevas, pas cousue de fil blanc, une vie envolée sans envolées, clouée au sous-sol dans les dédales d'un aérogare ou elle a atterri sans crier gare. Gare à quoi d’ailleurs, elle ne le sait même pas ! Alors elle fouille les poubelles comme elle fouille sa mémoire en charpie, elle cherche à savoir, à se savoir, à se voir avant, ailleurs, elle se cherche tout bêtement.



Un roman attachant ou s’entremêlent délicatement le propos purement fictif et romanesque de cette femme qui s'est perdue, ici, dans les entrailles du monstre Roissy (se retouvera-t-elle?) et le témoignage quasi journalistique que l'on pourrait faire sur cette faune qui hante le corps gigantesque du monstre ou nous sommes amenés, parfois, à transiter sans voir ceux qui l’habitent fantomatiquement, accaparés que nous sommes par les horaires que nous tenons à respecter.



Un autre monde, un ailleurs pourtant à un jet de RER de la capitale. Une Odyssée sans l'espace !



Un roman très cinématographique avec son décor sublimé, son histoire qui vire à la quête, une héroïne tragique entourée de second-rôles typés et hauts en douleur !!

 

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Roissy

Deux mondes s'affrontent : l'aérien et le souterrain. L'aérien, celui des départs pour des destinations lointaines, pour le plaisir ou le travail,  et le souterrain celui d'un monde d'exclus, de perdus, d'abîmés qui trouvent là refuge et un peu de chaleur. Parmi eux, Elle, elle ne connaît ni son nom, ni son prénom, elle ne sait pas pourquoi elle arpente depuis 8 mois les couloirs, les zones d'embarquement, comment elle y a échoué,  mais  parfois des flashes sur sa vie passée reviennent....



Quand votre mémoire vous échappe, quand vous n'avez plus aucun repère, que vous errez parmi les autres ombres de nos mondes souterrains, souhaitez-vous revenir à votre vie d'avant, la retrouver ou préférez-vous continuer à errer, à ne pas savoir qui vous êtes à vous contenter du peu que vous ayez plutôt que d'affronter votre passé ?



Robocop, Septante, Titi, Moumoune, Georges, Monsieur Eric, Liam, Joséphine, Josias, et même Vlad, j'en suis certaines, ont été traversés par la même pensée : celle en écho avant ici, d'avoir atteint cette limite au-delà de laquelle pus rien ne peut advenir si ce n'est le retour ses pas ou alors un temps d'arrêt, parce que s'enfoncer un peu plus, ne serait-ce que d'un seul millimètre, reviendrait à tout perdre.



Nous plongeons avec cette femme dans la vie d'un aéroport, celui de Paris Charles De Gaulle à Roissy, plate-forme immense où se croisent des milliers de destins chaque jour et où se glissent également ceux que la vie a laissé sur le bas côté. Ils viennent d'ici ou d'ailleurs, ils ont chacun des zones d'ombre, des souffrances, des cahots.



Elle, elle ne se plaint pas, elle déambule, imagine des aventures, s'invente des départs, des retours, vit au jour le jour, s'attache à Vlad, un yougoslave taiseux qui la protège et l'aime à sa façon.



Mais la rencontre régulière avec Luc,  à toutes les arrivées des vols Rio-Paris va chambouler la routine de ses jours sans but autre que de trouver un peu de nourriture, de voler un sac, une valise, de rester digne en se donnant l'apparence d'une femme comme les autres, une femme sur le départ ou sur l'arrivée.



Je trouvais le sujet intéressant mais j'ai eu du mal à m'immerger dans cette "ville-aéroport" : des énumérations, des phrases courtes, la répétition des prénoms non connus mais lus sur les badges, les annonces publicitaires etc et les nombreux personnages de la faune souterraine, le rythme peut-être, mais il y a un je-ne-sais quoi qui m'a perturbée et qui m'a empêchée de m'intéresser à Elle, à son histoire et à son devenir.



Les interventions des différents personnages et en particulier le cahier de Liam, qui m'est resté complètement hermétique, tout cela donne une ambiance brouillon, qui part et qui se cherche (mais peut-être était-ce le but) mais moi je m'y suis perdue. J'ai tenu à finir le livre afin d'en connaître le dénouement, un peu prévisible et rocambolesque quant à l'histoire d'amour j'ai trouvé cela un peu "tiré par les cheveux".....



Le sujet était intéressant, parler de ceux qui ont tout perdu, pour des raisons diverses, dont les vies ont basculé à un moment, du jour au lendemain, d'ici et d'ailleurs et qui forment une communauté, les liens qui se tissent entre eux mais dans le cas présent je ne me suis attachée à aucun des personnages ni à leurs histoires. J'ai trouvé que le récit restait à son point de départ, n'avançait pas et tournait finalement en rond.



Dommage.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Roissy

Oubli... souvenir. Pour celle qui ne connaît plus de nom, quel autre lieu possible que cet aéroport? Passagère d'une l'absence, sa mémoire transite. Atterrir, toucher terre, retrouver la moindre racine, paupière ouverte d'un signe..

Aimer les ailes des avions comme on chérit les grands oiseaux "A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d'eux.", comme l'écrivait Baudelaire. Roman de lieu, d'espace, roman où se mêlent peurs souterraines et profondeurs humaines. les limbes du monde....? Terminal 2...souls on bord..et quelques autres bagages, plus tard.

Derrière les vitre d'un passé, les sans histoire creusent en mémoire des couloirs protégés.

J'aime les gares. J'aime les trains. J'aime les regards sur les quais, tous les passages secrets de millions d'histoires qu'on devine ensemencées .

J'aime les pas perdus, et les personnes perdus pour tout le monde. J'aime les gares et grâce à Tiffany Tavernier j'aime les aérogares. L'instant entre arrivée et départ, ce laps du temps, comme un navire échoué sur une lande du Dartmoor...

Amnésie, émergence, mémoire, immersion. Des lettres tournent comme tombent les heures aux couleurs du monde. Souvenirs s'envolent ... et, peut être... reviennent un jour tous les avions.



Astrid Shriqui Garain

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Roissy

Seconde lecture de la sélection du prix cezam 2019.

J'ai un peu eu de mal à entrer dans le récit. Pendant un temps j'ai cru avec une version roman du film avec Jean Rochefort : "Tombé du ciel". Mais plus j'avançais dans ma lecture, plus je me rendais compte que ce n'était pas ça... une histoire de SDF ? ce serait trop simple. C'est autre chose, un autre chose qui malheureusement tarde à arriver et qui une fois là est à mon goût beaucoup trop bâclée. J'aurais apprécier d'en savoir un peu plus sur la cause de cette chute.

Et il y a aussi ces chapitres correspondant aux écrits d'un "ami" SDF de la narratrice... je n'ai absolument pas compris leur rôle dans le récit... pour apporter quoi ?

L'idée est originale, certes. Mais je trouve que le roman reste beaucoup trop sur cette idée de départ. C'est dommage.
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En vérité, Alice

Après 10 ans passés au Guatemala, Alice la trentaine, vit maintenant à Paris où elle vient d’emménager avec son compagnon. Mais celui-ci, alcoolique, jaloux et violent, exerce sur elle une emprise destructrice, justifiant son attitude par une maltraitance durant son enfance.



Totalement désociabilisée, elle l’aime aveuglément et se persuade qu’il ne peut vivre sans elle. Mielleux, pleurnichard et manipulateur, il alterne les phases d’insultes et les excuses, entretenant un état de dépendance affective chez la jeune femme.



Mais les besoins pécuniaires du couple amènent Alice à prendre un emploi dans un diocèse où elle est en charge des dossiers de demande de canonisation.



Elle s’ouvre alors sur un monde où chacun se dévoue corps et âme aux besoins des autres et découvre, avec ces « bienheureux » qui ont consacré leur vie à la spiritualité, l’abnégation, la bonté et l’amour.



On pourrait alors trouver deux interprétations à ce roman :



La première serait qu’en s’ouvrant à l’amour des autres, induit par la religion, Alice va trouver une nouvelle dimension à sa vie d’où elle va puiser la force de se libérer.



La seconde, et c’est celle qui s’impose à mon esprit, serait qu’Alice va passer d’une emprise à l’autre, de celle d’un homme à celle de Dieu, laissant la religion puiser dans ce terreau de soumission, une âme à convertir à sa cause.



Quoiqu’il en soit, j’ai été happée par ce roman qui m’a interpelée sur les mécanismes de l’amour exclusif et de la foi. De plus, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt les nombreux textes sur la vie des Saints et de leurs « postulants », d’où il émane une grande puissance symbolique, passionnante à décrypter



Je ressors étourdie de ce roman de Tiffany Tavernier qui traite du sujet de l’emprise morale sous un angle novateur et qui restera pour moi une expérience hors du commun.



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En vérité, Alice

C’est toujours un plaisir de lire le dernier Tiffany Tavernier, tant son écriture est claire, et nous emporte. « En vérité, Alice » ne fait pas exception à la règle. Ce roman est parfaitement bien écrit, le personnage principal, Alice, nous est rendu attachant.



L’histoire est celle d’Alice, jeune femme sous l’emprise d’un compagnon violent qui contrôle sa vie, ses amis, et sa famille dont il l’a consciencieusement éloignée, un homme qui la rabaisse constamment, lui a enlevé toute confiance en elle, la culpabilise, lui inflige des traitements et une vie d’un bourreau à sa victime. Lorsque lui-même se retrouve sans emploi, il la somme d’un trouver un pour subvenir aux besoins du couple. C’est alors la rencontre d’Alice avec un monde qui lui est totalement inconnu : celui de la religion. Elle trouve un travail au sein d’un diocèse, auprès d’un évêque, pour s’occuper de toute la paperasse nécessaire pour la sanctification. Là, en fréquentant ses collègues très catholiques comme Anne-So, elle prendra conscience de sa situation, elle dira non à son compagnon et oui à la vie. En filigrane, on trouve la métaphore des enfants qui s’endorment au fur et à mesure dans le monde entier, ce qui correspond à sa descente aux enfers à cause de son prédateur et à son absence de réaction malgré les mises en garde de ses proches.



Alors, un énième roman sur le sujet des violences faites aux femmes, sous emprise, qui peinent à s’en sortir ? Oui, mais l’originalité de ce celui-ci vient de l’introduction de la religion par qui viendra le salut et la délivrance d’Alice de cette relation toxique. Comme d’habitude, Tiffany Tavernier a fait un formidable travail de recherche en amont pour pouvoir nous décrire si précisément la procédure qui permet de donner le titre de « saint » ou « sainte » à une personne.



Un roman intéressant, mais parfois quelques longueurs, et une religiosité importante qui peut en effrayer plus d’un.



Je recommande ce roman très bien écrit, avec un bémol : parle beaucoup de Dieu, des Saints, beaucoup de références catholiques, donc pas pour tout le monde.



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L'ami

L’ami de Tiffany Tavernier

 

Un gros coup de cœur pour ce livre.

 

Un hameau, perdu dans la Sarthe au bord de l’Aune, 2 maisons voisines. Deux couples qui sont devenus amis car voisins. L’un a un enfant parti au Vietnam pour travailler et l’autre n’a pas d’enfants. Des gens tranquilles…

 

Enfin si l’on veut car un samedi matin, cette tranquillité vole aux éclats. Le GIGN débarque et embarque le couple Guy et Chantal. Pour Thierry et Elisabeth, c’est le début d’une descente aux enfers.

 

Thierry devra faire face à ses propres démons pour survivre et essayer de sauver son esprit et son couple. Je n’en dis pas plus pour ne pas vous gâcher cette découverte.



Tiffany Tavernier réussit un magnifique portrait masculin. Un homme tiraillé par son passé, ses fantômes, ses angoisses. Le style est à la fois fin, percutant et précis. Certains passages sont bouleversants.

 

C’est un livre original car si le drame évoqué est courant dans les romans, surtout policier, c’est la première fois que je lis un livre décrivant le point de vue d’une personne proche du criminel. Décrivant la culpabilité de n’avoir rien vu, rien suspecté, la colère d’avoir été dupé.

 

Mon regret, j’aurais aimé en savoir plus sur les parents de Thierry, sur son frère.

 

Certains pourraient ne pas aimer les passages avec l’ermite ou avec la prostituée. Ce ne sont pas mes préférés. Peut être auraient ils pu être évités sans rien enlever à ce livre, mais c’est une affaire de gout. Je ne veux pas bouder mon plaisir.



Un livre, comme j’aimerais en lire plus.
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Roissy

Encore une belle lecture dans cette rentrée littéraire décidément riche ! La rencontre improbable de 2 solitudes en recherche : de sa mémoire pour l'une et de sa femme pour l'autre. En effet, Anna et Luc ne se connaissent pas mais l'aéroport où ils errent va les faire se croiser, se reconnaître, chacun devenant la béquille de l'autre. L'histoire, construite intelligemment, est portée par l'écriture sobre et précise de l'auteure. Un roman à découvrir.
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L'ami

la première moitié est captivante elle nous tire et nous tient en haleine, par contre la seconde moitié ou le personnage se replie sur soi sur ses problèmes son enfance, ses souffrances etc je n'ai pas compris personnellement le lien avec le debut et le sujet principal ! Du coup la première partie se termine en queue de poisson on attend la suite et puis on passe à sa vie perso qui est ininteressante au possible. Lecture pour moi inutile
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L'ami

Imaginez-vous vivre à la campagne, dans un coin isolé sans voisin jusqu’à ce qu’un couple vienne s’installer juste à côté de chez vous. Elle est dépressive, lui très actif. Il bricole beaucoup. Vous sympathisez, enchainez les apéros, les BBQ. Vous vous liez d'amitié. Et puis un beau matin les gyrophares de la police et le GIGN vous cueillent au saut du lit. Mais que s’est-il passé ? Comment Thierry aurait-il pu imaginer toute la violence, toutes les horreurs qui se jouaient à quelques mètres seulement de chez lui ? Jamais, il n’aurait pu imaginer l'inimaginable. Entre déni, culpabilité, colère et chagrin, commence une effarante plongée dans les ténèbres pour cet être taciturne, dont la vie se déroulait jusqu’ici de sa maison à l’usine. Dès lors, tout vacille. Sa vie, son couple, ses certitudes. C'est le début d'une longue et bouleversante quête.



L’ami est un roman totalement hypnotique. Dès les premières pages, Tiffany Tavernier harponne le lecteur par cette scène de crime digne d'un bon film noir puis relaie ce fait divers au second plan. Toute l'intrigue repose non pas sur les motivations du monstre, mais sur la culpabilité de celui qui n’a rien commis, celui qui a été son ami, celui dont l'unique faute est de n’avoir rien vu, rien entendu. L’ami, c’est certes une histoire de culpabilité, mais aussi et surtout de violence. La violence des faits bien sûr, mais aussi celle de l’absence, du vide, puis celle des autres, de leur réaction.



Tiffany Tavernier analyse avec finesse et psychologie les dégâts collatéraux qu'un fait divers peut avoir sur l'entourage proche, ce qui fait de L'ami un roman original, sans compter que le tout est magistralement orchestré. En outre, la fluidité de l'écriture de Tiffany Tavernier rend le tout totalement addictif. L'ami est un roman à lire mais le plus loin possible de ses voisins.


Lien : https://the-fab-blog.blogspo..
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L'ami

Ayant emménagé il y a quelques années dans une région de France qui a plus fait parler d'elle par un pédophile qui en a fait son terrain de chasse que par la beauté de ses paysages, le pitch de ce livre m'a tout de suite intéressée. Ce Thierry qui découvre qu'il a partagé son coin de paradis avec un monstre, ça pourrait être n'importe qui par ici.

Oui mais non. Je ne crois pas avoir lu dans les journaux que Dutroux et Fourniret par exemple aient tissé des liens aussi étroits avec des personnes 'normales'. Peu importe, il s'agit ici d'une invention littéraire et je trouve impressionnante l'idée de l'auteur qui s'est posée la question: quel type de personne peut sembler avoir le bon profil pour qu'un psychopathe décide de s'en faire un ami, un ami innocent, "pur" comme le dit Delric dans ce roman? Qui est ce Thierry qui a donné une partie de son coeur à ce voisin serviable, qui aime le calme et les insectes autant que lui, à qui il prête ses outils, qu'il aide à réparer une vitre cassée, sans se douter des horreurs perpétrées à quelques mètres de chez lui depuis plus de quatre ans? Un homme taciturne, prêt à donner sa vie pour ceux qu'il considère comme siens, endeuillé aussi par la perte de son meilleur ami, par le départ de son fils à l'autre bout du monde, par une enfance que l'on devine difficile. Tiffany Tavernier a écrit ici un roman puissant, sur la trahison mais aussi sur la quête de soi-même. Il y a quelques épisodes qui m'ont laissée un peu perplexe (l'ermite et Claridge), mais dans l'ensemble, ce roman est réussi.



Challenge ABC 2020/2021
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L'ami

Après les confessions de la femme d’un tueur, voici les confessions d’un ami de l’assassin.

Thierry fait le point sur sa vie quand il apprend que celui qu’il considérait comme son meilleur ami est en fait un tueur en série. Une introspection en mode dépression.

Un très bon moment de lecture





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Roissy

J'ai apprécié le style dépouillé, les phrases et les chapitres courts: non pas intrinsèquement, mais comme un bon reflet de la précarité, du jour le jour des SDF qui constituent les héros de ce roman. Il en va de même du réalisme des descriptions, du vocabulaire (triple 7, yellow dog...) qui matérialise l’existence d'un langage et l'univers commun de ces individus pourtant solitaires de Roissy, au delà de leur vie cabossée.

Mais surtout, j'ai été intéressé par l'amnésie comme moyen de redécouvrir le monde avec des yeux neufs: écriture à partir d'une page blanche, mais en partant d'une situation d'adulte. En fait cette amnésie est un moyen de porter un autre regard sur les gens, les choses, les événements, que ne perçoivent pas les voyageurs "normaux". Il en va de même dans le domaine des sentiments, y compris sentiments amoureux, où je retrouve une "remise à zéro" par rapport à la complexité de leur établissement et de leur développement: on y trouve des relations humaines dépouillées, ramenées à leurs essentiels, ce qui n’enlève rien à leur force comme le montre la relation avec Vlad.

Une lecture agréable mais aussi et surtout intéressante.
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Roissy

Aéroport Roissy Charles de Gaulle, son immensité, sa foule.



Une femme amnésique erre entre les halls d’accueil, les terminaux et les sous-sols. Elle aime penser qu’elle voyage ou qu’elle est en transit. Elle est en fait SDF et s’invente des histoires. La rencontre avec un voyageur, un homme qui vient tous les matins sans jamais bouger, lui permettra peut-être de recouvrer la mémoire. La fréquentation des autres SDF et leur fuite face aux hommes de la sécurité de l’aéroport font partie du quotidien. Comment fait-on pour rester digne lorsque l’on est une femme SDF ?



La plume est fine, très belle. J’aimerais savoir écrire comme le fait Tiffany Tavernier. L’histoire traîne un peu en longueur surtout pendant le premier tiers du livre.



La quête de soi et les blessures inavouables forment le cœur de ce roman, qui n’est pas spécialement mon genre mais qui a le mérite d’être plein d’émotion et de très bien mettre en lumière l’aéroport de Roissy.

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Roissy

La narratrice passe ses journées dans l'aéroport de Roissy, elle se déplace sans cesse d'un terminal à l'autre tirant sa valise derrière elle pour passer pour une voyageuse. Elle s'invente des vies et des voyages, apaisée par la vue des avions dans lesquels elle ne montera jamais. Elle marche sans arrêt pour ne pas se faire repérer, change sans cesse de vêtements et de coiffure, avec la crainte permanente d'être démasquée par les forces de l'ordre. "J'étouffe à faire semblant". C'est une "indécelable", une SDF déguisée en passagère, "une ombre en transit". Pour dormir elle squatte avec Vlad une des galeries souterraines qui se déploient sous l'aéroport et se débrouille comme elle peut pour manger et se laver.



Elle est là depuis huit mois, depuis qu'elle a été retrouvée dans l'aéroport dans une grande confusion mentale, frappée d'amnésie. Elle ressent le vide en elle et a peur des déferlantes de souvenirs qui resurgissent brutalement par flashs. Elle se demande si elle a perdu la mémoire à la suite d'un choc émotionnel, d'un accident, si elle est responsable d'un drame, si elle est folle... " Ce trou en moi, le drame qu'il abrite. Ne pas remuer tout cela". "J'ai trois cent noms, autant de vies que je le désire, pourquoi m'entêter à revenir au pire".



Roissy constitue pour elle un cocon protecteur, un refuge où elle observe les passagers, imagine leurs vies, leurs voyages, où elle engage des conversations, un lieu perçu comme une sorte de paradis où des liens se créent avec des SDF, avec du personnel complice... Mais c'est un paradis où elle doit en permanence se contrôler, ne pas attirer l'attention sur elle par des comportements inappropriés.



Un jour, le fragile équilibre qu'elle a trouvé est menacé car Vlad tombe gravement malade. Puis un homme l'aborde... C'est "l'homme au foulard" qu’elle observe depuis un moment car il vient tous les jours attendre l'arrivée du vol Rio-Paris, le même que celui qui s'est écrasé en mer quelques années plus tôt. D'abord effrayée, elle comprend qu'il ne lui fera pas de mal et noue une complicité avec lui.



Tiffany Tavernier a l'art d'installer en quelques pages une atmosphère, de nous immerger dans un lieu. Elle nous fait découvrir cet entre-deux-mondes qu'est Roissy, un monde à part fascinant. Elle m'a fait découvrir un aspect de cet aéroport que je n'imaginais pas. C'est un lieu où travaillent 120 000 personnes qui forment une communauté réunie par le badge que chacun porte, un lieu qui a son propre langage que l'auteure nous fait découvrir par quelques définitions dont elle parsème le récit, un lieu de passage pour des milliers de voyageurs, un lieu où se côtoient le bonheur de voyager et la plus grande misère.

Mais ce roman ne nous fait pas découvrir qu'un lieu, il dresse aussi le portrait d'une femme terriblement émouvante à la mémoire perdue, une femme à la sensibilité exacerbée, à l'écoute du monde, qui vit dans le contrôle et l'angoisse permanents. Tiffany Tavernier nous restitue à merveille son quotidien, son environnement visuel et sonore. Elle nous fait rentrer dans la peau de cette femme qui ne sait plus qui elle est et qui lutte contre ses souvenirs.

Cette femme, grâce à une belle rencontre, va essayer de partir à la difficile reconquête d'elle-même et tenter de renoncer à cette vie dans l'aéroport qui la rassure pour se réconcilier avec celle qu'elle est.

Un lieu et une atmosphère forts, une héroïne bouleversante et inoubliable, des personnages secondaires émouvants, une histoire originale qui invite à la réflexion, une écriture fluide et très visuelle, une certaine tension narrative, un dénouement réussi font de ce texte un roman puissant traversé par la question de l'identité. Bref, un gros coup de cœur !
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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L'ami

Incroyable lecture.

Pour la première fois de ma vie de lectrice, j'ai l'impression grandissante d'avoir fait l'amour avec un livre...

Première partie, les faits, et seulement les faits.

Je tournicote, je continue ma lecture, un peu bof, l'intrigue se traîne, je me force presque.

Et puis seconde partie, tout démarre.

(Je ne reviens pas sur l'intrigue que tout le monde connait).

Thierry se barre, las des lamentations de sa femme, qu'il aime profondément, mais qui ne veut plus vivre dans cette maison où tout lui rappelle l'activité des méfaits de son voisin, Guy.

Thierry, le grand taiseux, l'ermite (!), celui qui ne parle pas, qui ne dit pas, qui ne nomme pas, qui ne s'exprime pas, prend alors la route et se retrouve devant la ferme de son enfance, enfance massacrée par un père revenant de la guerre d'Algérie, violent et irascible, et par une mère dépressive, au point que Thierry se demandait enfant s'il existait encore....

Cette ferme, il l'adore.

Et la, ça redémarre.

Lentement. Comme des va-et-vient tendres et impudiques.

Il fait la connaissance d'une vieille femme, d'un ermite (si, si), il reçoit son grand frère qui s'ouvre à lui comme jamais, et enfin, il rentre chez lui.

Troisième partie.

La jouissance.

La fulgurance des mots mêlés, la lumière, la beauté de l'écriture, la poésie en prose, Je suis hébétée, presque gênée, Claridge la "pute", ses souvenirs, tout s'envole, se plie, se ploie, vient nous frapper au visage, le pardon, l'amour, le sexe, et ça continue, ça resplendit, ouf, fini....

Ce livre est un miracle.

Pourquoi avoir mêlé ce livre incandescent avec le sexe ? Comme je l'ai dit, pour moi en tout cas, le début fut bizarre, limite hors du temps, et plus j'ai avancé dans ma lecture, plus j'y prenais du plaisir, et la 3e partie est incroyablement bien écrite, et là, dans ces dernières lignes, le plaisir éclate dans toute sa magie et son mystère.

Je ne suis pas psychanalyste, mais j'aurai bien aimé mieux comprendre encore ce miracle que m'a offert Tiffany Tavernier, avec tous ces symboles, ces éclats, ces affrontements, ces ratés, ces brûlures.

Lisez ce livre, j'espère qu'il vous portera aux cîmes comme je l'ai été.

Un miracle je vous dis.

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L'ami

Un samedi matin, branle-bas de combat chez les voisins, des gendarmes débarquent et arrêtent le couple. Tout est raconté du point de vue de Thierry, le voisin et ami, qui tombe des nues.



Très vite, on apprend que ce fameux voisin était un serial killer, qu’il avait violenté et tué un certain nombre de jeunes filles, là, sous les yeux de Thierry et sa femme, sans qu’ils ne s’aperçoivent de rien. Le choc.



Ce sera le début d’une longue descente aux enfers pour Thierry et Elizabeth. Et si l’on pense, au début du roman, que l’explosion de leur couple est liée à cette morbide révélation, on s’apercevra bien vite qu’il n’en est rien. Le malaise avait commencé bien avant. Cet événement dramatique révélera au grand jour les failles de toujours. Thierry est un taiseux, il n’arrive pas à exprimer ses émotions, ses sentiments, l’image qu’on lui renvoie de lui ne correspond pas à ce qu’il pense être, le décalage est énorme et incompréhensible, ça va le faire sombrer.



Comment peut-on ne pas voir que son ami est un dangereux individu ? Comment peut-on partager autant de moments complices avec quelqu’un sans se rendre compte qu’il est un être profondément mauvais ? Et qu’est-ce que cela signifie ?



Quand on est dans l’ignorance d’un fait, on ne prête aucune attention aux détails, et lorsque ce fait se révèle, on revit alors les rencontres, les paroles, les événements à l’aune de cette découverte, et là, on tombe de haut, on comprend à quel point on a été berné, et ça fait mal, très mal.



Comment reprendre pied quand les médias harcèlent ? Quand tout part à vau-l’eau, et qu’il ne nous reste que les souvenirs, que le monde intérieur pour essayer de se reconstruire…



Le désarroi de cet homme est bouleversant. Si j’ai eu un peu de mal au début du roman avec les phrases très brèves, trop sèches, j’ai été complètement emportée dans le tourbillon des phrases plus longues qui embrassaient les pensées de Thierry, son désarroi, son incompréhension, sa solitude intérieure extrême.



C’est un roman que j’ai lu quasiment d’une traite. D’ordinaire les livres que j’avale trop rapidement, je les oublie aussi vite. Celui-ci, quelques semaines après, a laissé une empreinte, des images et des sentiments forts.
Lien : https://krolfranca.wordpress..
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L'ami

Ce livre avait tout pour me plaire :

* l'autrice dont j'avais particulièrement apprécié Roissy dans lequel elle évoque les indécelables, c'est-à-dire les personnes qui vivent dans des aéroports

* la maison d'édition Sabine Wespieseur

* le thème

Ce serait comment pour vous de vous réveiller un matin avec des membres du GIGN venus arrêter votre voisin et ami ? En ce qui me concerne, je me dis que je le vivrais comme si je m'étais pris un 38 tonnes en pleine face ! Je me demanderais comment j'ai pu être aveugle à ce point, ce que je n'ai pas vu des signes qui me paraissent pourtant évident maintenant que je sais.

Tiffany Tavernier nous invite à suivre la réflexion de Thierry, la manière dont l'arrestation de son voisin et ami Guy bouleverse son existence routinière, l'équilibre de son couple. On remonte le temps pour découvrir le passé de Thierry, ses fragilités, son amour pour sa femme Elisabeth, l'absence de leur fils, la naissance de l'amitié entre les voisins. Une nouvelle fois, j'admire comment Tiffany Tavernier se saisit d'un fait divers pour en dresser le portrait des acteurs. Premier coup de cœur littéraire de l'année 2021.



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Roissy



Une femme erre dans l’aéroport. Elle ne connait pas son nom, ne sait pas pourquoi ni comment elle se trouve là. Petit à petit, elle met au point des techniques de survie.

Roissy, c’est l’histoire d’une femme en quête d’identité. C’est également le récit romancé de la vie des SDF dans l’aéroport, la chasse au coin pour dormir, la fuite organisée pour échapper aux services de sécurité, les astuces pour trouver à manger.

L’aéroport est représenté comme le symbole de la vie en transit, entre un avant oublié et un après inconnu.

Avec une plume sensible, l’autrice nous emmène en voyage au cœur des laissés pour compte. Un beau roman

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Roissy

Tiffany Tavernier est une romancière, scénariste et assistante réalisatrice française. Elle est la fille de la scénariste Colo Tavernier et du réalisateur Bertrand Tavernier.

Dans le dernier numéro de la revue Page des Libraires elle explique que « La genèse de ce roman, c’est un court article de journal sur lequel il y avait la photo d’une femme de 35-40 ans de trois-quarts, très bien habillée, très jolie semblait-il. Elle racontait qu’elle était SDF à Heathrow ! On y apprenait qu’elle s’habillait comme les voyageurs, qu’elle avait une valise, qu’elle se faisait passer pour une voyageuse. À l’issue de ce tout petit article, le journaliste lui posait une seule question : « Vous comptez passer combien de temps sur Heathrow ? ». Elle répondait cette phrase qui a déclenché le roman : « Toute ma vie ».

« L’aéroport est un lieu de transit entre l’ici et l’ailleurs. Elle a décidé d’y rester. Ou plutôt, elle ne peut plus le quitter. Roissy est devenu un fort. Derrière ces murs, elle se sent à l’abri, alors elle doit se faire indécelable. Mais qui est-elle vraiment ? » c’est ce que Tiffany Tavernier nous invite à découvrir tout au long des 277 pages que compte son roman.

La narratrice débarque à Roissy sans mémoire ni passé. Elle y vit depuis huit mois et est devenue l’une des « Indécelable », autrement dit une sans domicile fixe déguisée en passagère. Rapidement elle trouve la stratégie pour se fondre dans la masse des voyageurs. « Marcher. Toujours marcher. Quarante-huit heures sur place ont suffi pour que j'intègre l'information. Marcher, oui. Sans cesse. Seul moyen de ne pas se faire repérer par l'un des mille sept cents policiers affectés à la sécurité ou par l'une des sept cents caméras qui, vingt-quatre heures sur vingt-quatre filment les allées et venues de tous. Marcher, aller d'un bout à l'autre des aérogares, revenir sur ses pas. Tourner en rond, quoi, car ici l'ensemble des modules des terminaux ABCDEF forment un immense 8. Se fondre dans la foule en tournant sans fin pour me protéger des regards, ceux des SDF dont je ne veux surtout pas faire partie, ceux des policiers, ceux des opérationnels enfin, plus de mille cent personnes ici. » page 63

Au fil de ses déambulations diurnes et nocturnes, elle croise d’autres indécelables comme elle. Pour celles et ceux qui ont connu la rue, Roissy c’est le paradis. Je cite « Chauffage gratuit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, chiottes en libre accès, sièges tout confort, sans compter les gars d’Emmaüs qui, chaque matin, dès neuf heures, servent un café chaud à ceux qui veulent bien se déplacer jusqu’à leur Algeco. » Elle croise également des badgés (120 000 personnes y travaillent chaque jour) et des passagers dont elle va parfois voler un pull, une écharpe, un sandwich, un sac ou une valise pour pouvoir changer de vêtements ou se procurer de l’argent. L’éruption du volcan en Islande est une aubaine pour la narratrice. Les avions, cloués au sol, les passagers s’agglutinent dans tous les coins et elle peut s’allonger où elle veut sans se faire remarquer.

La description des lieux et de l’atmosphère qui règne à Roissy occupe une grande place dans son roman. Je trouve qu’elle parvient d’ailleurs à rendre le tout très agréable à lire et très humain. J’ai découvert grâce à l’auteur certains lieux, dont elle donne une définition. Ainsi « le bunker : lieu où sont détruits les bagages de soute qui, après les différentes étapes de contrôle, sont suspectés d’avoir un contenu douteux. » La nettoyeuse : « véhicule créé de toute pièce à Roissy pour le nettoyage de ses 20 000 feux de piste... Il y a dix ans, le nettoyage se faisait à la main avec du détergent, puis au karcher avec de l’eau chaude. »

La nouvelle vie de la narratrice est faite de rituels, notamment celui d’honorer la mémoire des victimes du vol Rio-Paris qui s’est abîmé en mer il y a plusieurs années. C’est ce qui la pousse à aller attendre chaque jour les passagers. A cette occasion, elle va rencontrer Luc. Il est veuf depuis le crash de l’avion. Alors qu’il tente d’oublier sa peine, elle se raccroche aux bribes d’images qui surgissent dans sa tête en vue de se rappeler son identité. Tous deux vont se soutenir dans leur quête de l’oubli pour l’un et de la mémoire pour l’autre. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à plonger au cœur de Roissy avec Anna et Luc. Personnellement j’en ressors comblée et j’espère que Tiffany obtiendra le prix Femina pour ce livre.

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