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Critiques de Toni Morrison (1253)
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La plume de Toni Morrison pour le peu que j'en sache est décidément très picturale. Ses livres sont des tableaux usant de la technique du pointillisme : de petites touches qui nous sont livrées éparses et bigarrées qui nous perdent un peu jusqu'à ce que se dessinent progressivement sous nos yeux l'histoire et ses protagonistes.



Cette auteure sensible me déroute et m'accapare. Elle me sort un peu de ma zone de confort et sa réputation me donne envie de poursuivre la connaissance de son oeuvre.



Home brasse des sujets récurrents chez Toni Morrison, des sujets sombres qu'elle habille de la lumière du courage et qu'elle drape d'humanité.
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Home

Je n'avais pas encore croisé le chemin de la grande romancière afro-américaine, Toni Morrison. C'est chose faite avec Home, une sorte de road-movie qui nous entraîne dans le sillage d'un rescapé de la guerre de Corée, Frank Money. Nous le suivons tout au long de ses pérégrinations sur les routes américaines, jusqu'à sa Georgie natale où il va ramener sa soeur, Cee, en danger de mort après les expériences meurtrières du docteur Beau qui a joué avec elle les docteur Jekyll et mister Hyde.

Pour moi, le roman n'est pas avant tout un plaidoyer anti-ségrégationniste. Bien sûr tout ce qui touche à la discrimination raciale est présent mais comme toile de fond. Et toutes les pratiques qui lui sont associées : lynchages, exclusion de certaines lieux publics, violences policières, exode et misère économiques, sont évoqués sans pour autant occuper la première place.

Alors quid de la première place ? Ce que fustige Toni Morrison est la violence inscrite dans la nature humaine et dont la guerre n'est que l'un des "terrains de jeux" favoris. Et il m'a semblé, à la lecture du roman, que le fantôme de la guerre de Corée et ses séquelles dans l'esprit de Frank occupaient le devant de la scène. Nous suivons un homme meurtri, en proie à un stress post-traumatique qui le livre tout entier à des visions cauchemardesques et à une culpabilité lancinante qui ne se tait momentanément que lorsqu'il s'enivre. Les scènes de guerre et d'horreur qui hantent Frank, Toni Morrison nous les livre sans complaisance mais avec un réalisme cru qui n'épargne aucun détail qu'il soit cocasse ou carrément sordide. Elle ne recule pas non plus devant un humour noir assez féroce comme lorsqu'elle évoque la mort des deux compagnons de Frank : Mike et Stuff.

Mais le pire est à venir... Et l'on va comprendre dans le dernier tiers du roman que le traumatisme le plus douloureux dans l'esprit de Frank n'est pas celui que l'on croie.

Le point d'orgue de l'horreur va être la scène où une petite Coréenne vient fouiller en cachette les poubelles du camp militaire où se trouve Frank. Cette scène est glaçante et fascinante par le doigté de l'écriture. Toni Morrison grâce à son art de l'ellipse, à son sens de la petite formule "qui tue" en rend parfaitement bien le côté à la fois dérisoire, absurde, profondément tragique et obscène .

Mais tout n'est pas que noirceur dans ce roman ! Toni Morrison excelle dans la peinture des petites scènes de bonheur au quotidien qui émaillent le récit surtout lorsqu'elle évoque le retour à la vie de Cee, la soeur de Frank. Et le parcours initiatique de Frank est lui aussi porteur d'espoir et d'humanité : donner une sépulture à un homme qui en a été privé sera peut-être pour lui un premier pas vers la rédemption...
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Un don

À la fin du 17ème siècle, en Virginie, dans une des 13 colonies, on est à peu près un siècle avant la déclaration d'indépendance des Etats-Unis.



Toni Morrison nous raconte dans ce contexte une histoire de femmes, de celles qui ont fondé un pays, dans la douleur et la terrible égalité de la servitude.



C'est une autre histoire de l'esclavage qui nous est contée là. En effet, débarquaient dans les colonies des gens qui ne l'avaient pas vraiment choisi, condamnés de droit commun, fils et filles vendus pour ne plus être à charge de leurs familles au pays, main d'oeuvre exploitée, non payée, et brutalisée comme les esclaves africains, dans les plantations de tabac.



Dans un pays immense, s'affrontent aussi les communautés religieuses qui ont fui des persécutions en Europe. Ça ne les a pas rendues plus tolérantes. On chasse les sorcières, et on refuse des sacrements et de l'aide à qui ne partage pas le même clocher.



Autour de Rebekka qui a fait la traversée pour épouser Jakob, le commerçant, se regroupent Lina, la servante amérindienne, Sorrow , la métisse naufragée, Florens la petite esclave africaine donnée par sa mère . Une drôle de famille à l'écart d'une communauté, où se jouent des solidarités, de l'entraide dans les travaux de la ferme, des tragédies, des jalousies aussi.



On découvre le destin de ces personnages de l'intérieur de l'univers de chacune, leur regard sur le monde, et les hommes, avec une très belle langue, un certain lyrisme. La dramaturgie met en place nombre d'énigmes qui se résolvent patiemment de la complémentarité des récits.



C'est du grand art, une belle construction, un très beau texte, pas simple, certes, mais avec aussi un éclairage original sur l'histoire de l'esclavage, et les violences faites aux femmes.

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Délivrances

"Délivrances" conte le destin de Lula Ann Bridewell dite" Bride" née" noire comme la nuit, noire comme leSoudan" se plaint Sweetness,sa mére qui,elle, est " une mulâtre au teint blond", legs de ses grands- parents.Bride, abandonnée à sa naissance par son pére, méprisée par sa mére.......

D'où vient alors à Lula Ann "cette peau d'un noir bleuté, ses yeux noir corbeau avec aussi quelque chose de sorcier" ? décrit Sweetness.

" Pour moi, la nourrir, c'êtait comme une négrillonne qui me tétait le mamelon" ajoute la mére...qui fera payer à Lula le fait d'avoir été quittée par son mari suite à la naissance de ce bébé à " la couleur terrible".

Vingt ans plus tard, Lula Ann, devenue cadre dans l'industrie cosmétique roule en Jaguar ....s'habille de blanc immaculé afin de souligner l'intensité du noir de sa peau, a changé son nom : elle s'appelle Bride...

Mais entre conte et roman, réalisme et merveilleux, l'entreprise remarquable de réinvention d'elle même de Bride s'écroule subitement au détour d'une phrase de son amant Booker " t'es pas la femme que je veux ",il la quitte.....

La jeune femme blessée physiquement, un étrange processus de rajeunissement semble envahir son corps. Elle perd un à un les attributs de sa féminité ...

...Moralement ..elle renoue avec les spectres de son passé....

Je n'en dirai pas plus .....

D'autres enfants habitent les pages de cet opus: Rain,Adam, et d'autres....victimes du racisme, de prédation sexuelle, des défaillances morales des adultes....ces enfants perdus qui courent le monde, victimes de la bêtise et du vice des adultes.

Ces enfants en proie à la honte, au ressentiment, à l'envie...qui seront autant de fêlures difficiles à maîtriser à l'âge adulte..

Et comment vivre avec la malédiction d'avoir la peau si noire dans un monde rempli de nuances plus claires?

Toni Morrison à qui l'enfance meurtrie, le racisme , la violence et la rédemption sont autant de thèmes trés chers affiche dans ce court roman une compassion magnifique pour son héroïne .....maudite.

Un récit sur les traumatismes de l'enfance, une fable lumineuse sur les secrets enfouis et une merveilleuse histoire d'amour.

Pour avoir lu Beloved, l'œil le plus bleu, Home etc.....en fidèle lectrice de cette grande des Lettres Américaines je dois reconnaître que j'ai été beaucoup moins enthousiaste cette fois...pourquoi ? Je ne saurais le dire......

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Home

Dans une langue concise, poétique et implacable, dévidant son propos avec subtilité, Toni Morrison démontre une fois de plus la liberté de création dont peut jouir un bon écrivain.



La trame narrative menée par une double temporalité et une double voix, impose un rythme poisseux, immersif, où les mots s’imprègnent créant une atmosphère étouffante, parfois dérangeante dans ce court récit aux allures de conte.

La romancière choisit avec soin les mots pour capturer les images obsédantes de ses personnages confrontant le lecteur à une sorte de détresse paralysante emplie de désarroi, de rage et de honte.



Avec une économie de mots particulièrement remarquée, , la célèbre »romancière de l’Amérique » ,voix singulière de la communauté afro-américaine, aborde et rappelle plusieurs des thèmes qui lui sont chers comme la ségrégation raciale, la discrimination, et la maltraitance.

La littérature est pour elle un véritable outil d’engagement politique. C’est son devoir de mémoire, pour ne pas oublier!



Le retour au pays du héros revenu de la guerre de Corée devient une traversée du pays, mais elle est avant tout une traversée humaine, de guérison, et de reconstruction où des questions essentielles se posent: Où est-on véritablement chez soi?

Sommes-nous condamnés à devenir ce que la société a voulu faire de nous?



Réussite éclatante, ce court roman ancré dans la réalité et dans les petites mécaniques de l’existence, concis et maîtrisé permet une traversée intime des fracas d’une période de l’histoire américaine.





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Beloved

Superbe roman sur l'esclavage. C’est l'histoire de Sethe, esclave en fuite avec ses enfants. Roman choral où l’on retrouve le style si particulier de Toni Morisson qui fait ici de la dignité humaine la valeur ultime de toute vie. Rien n’est au-dessus, pas même la mort. Un livre poignant et magique, avec toutefois quelques longueurs pas instant.
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Délivrances

« Délivrez-nous du mal », c’est ce que pourraient implorer les protagonistes de ce roman, délivrez-nous du mal qu’on nous a infligé et qui demeure toujours en nous.



Une femme du monde des cosmétiques, Bride, une beauté noire, mais sous le papier glacé, des stigmates de l’enfance qu’on découvrira peu à peu, comme aussi les cicatrices que cachent les autres personnages.



Comme une pierre précieuse n’est pas toujours sans défaut, j’ai cru pendant quelques pages que le texte tournait à la divagation fantastique avec des changements qui semblaient se produire dans le corps de Bride, mais cela valait la peine de continuer la lecture, car le roman revient en force par la suite.



Ce n’est pas une lecture facile avec des thèmes comme le racisme et les sévices sexuels subis par des enfants, mais la plume magique de la Nobel de littérature de 1993 en a pourtant fait une pépite.

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Home

Pas de fioritures, pas de tergiversations : le lecteur est immédiatement plongé dans une mare d’eau glacée, et les ondes créées par cette chute vont peu à peu assembler les éléments du décor. Au lecteur de surnager et de saisir l’information, jamais gratuite, toujours glissée dans un contexte dramatique.



Beaucoup de violence, mais comment pourrait-il en être autrement au sein de cette Amérique des années cinquante, où la population afro-américaine (pour utiliser le terme politiquement correcte de notre époque), envoyée au casse-pipe dans de lointaines contrées asiatiques, est traitée à son retour moins bien que des animaux? C’est le portrait d’une Amérique, cruelle, inhumaine, que la beauté des paysages ne parvient pas à farder.



La construction, très condensée, fait alterner des souvenirs, en flash-back , qui peu à peu permettent d’élucider la complexité des relations entre les personnages, et le récit de Franck, ancien combattant qui se raccroche à la vie, obnubilé par la protection de sa jeune soeur.



Toni Morisson utilise une écriture percutante, au service de ce récit sans concession,

d’une grande intensité dramatique, ne laissant aucun répit au lecteur au cours de ces 120 pages.


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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L'oeil le plus bleu

Je continue par le commencement : L’Œil le plus bleu est le premier roman de Toni Morrison. Il se situe dans l'Ohio, à Lorrain, ville natale de l'autrice, dans les années 1940 ; les principales protagonistes pourraient donc être ses doubles, mais que m'importe, il suffit que ce « saisissant premier roman » ait les apparences d'un certaine tranche de réalité sociale.

Au début, je craignais que ce ne soit un peu la même chose que Sulla, dont l'histoire commence environ dix ans plus tôt dans le même milieu. Mais le point de vue est un peu différent : la principale narratrice est une de ces fillettes, celle qui ne comprend pas la fascination des autres pour les poupées et les fillettes blondes aux yeux bleus.

Comme Sulla, c'est un livre magnifique, avec une construction subtile, qui tient le lecteur en haleine. J'aime cet art de l'écriture, qui s'appuie non sur une suite de coïncidences comme trop de romans classiques, mais sur la germination tardive d'indices semés plus tôt dans le récit.* Les personnages et leurs facettes sont découverts peu à peu, et le drame principal éclate dans l'esprit du lecteur vers la fin.

Toni Morrison est dès son début une autrice éblouissante, qui m'ouvre les yeux sur l'humanité à travers cette histoire dure, mais sans doute proche de la vie réelle de cette population noire et métisse, victime de formes ignobles et plus subtiles de discrimination. Sa description de ces vies vous marquera sans doute comme elle m'a emballé.



*Un exemple que j'avais beaucoup aimé est Le Monde selon Garp.
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Délivrances

Plutôt bof que très bon. Un peu lu chez le dentiste et un peu au resto gastro. Forcément, mitigé. Je donne juste mon rendu du début, trop lourd, je l'ai mal digéré.



Voilà : un petit noir, au petit-déj., bien serré, ça vous tente pour bien démarrer ? Parce que chez moi, décidément, ça ne passe pas. Ou une, c'est pareil. J'espère que ça rentre ! Non ?! Attends, faut essayer autrement alors! Et ce gosse qui reste bouche bée ! Voilà, c'est bon... faut tout avaler. Tout avaler, sinon une mandale. Bien ! Il ou elle en aura deux, ça donne des couleurs. Trop injuste, y en n'avait pas besoin.



Certains médiront que je n'ai vraiment pas de culture, que c'est le rouge et le noir, made in US, en moderne ! En tout cas, voilà, c'est parti, parti mon kiki. Fameux début c't histoire. Parti pour la vie, une vie de merde, car là c'était juste une p'tite intro. Comment qu'ça se débloque après ? Ben, vaut mieux s' préparer au pire.



Bien sûr cela existe. C'est pas nécessaire. C'est insupportable. C'est l'Amérique. Genre l'amer hic profonde, deux doigts et plus ! Bon c'est pas tout ça, où j'ai foutu mon fric ? C'est insupportable, y a pas que ça quand même ? Nooon bon alors c'est la débrouille et le p'tit join. Au milieu, il y a rien, c'est l'Amérique. Insupportable, j'te dis. Comme traduire "God Help the Child" par "délivrances" moi çui là qu'a pas aimé que "Dieu aide l'enfant" alors il aurait bien pu choisir "Y a plus pire". Car je n'en ai pas encore parlé : y a Mam'mandale.



Les morts y sont.

Pour moi, cela suffi, Toni.

F'ra des cauchemars Mr Kroutard

Trop l'bourdon l'vieux Krouton



Alors excusez cette critique ni sirop, ni positive.



Je vais prendre une douche. Une douche froide évidemment. Même après, je me sentirai sale.



J'aurais dû prévoir, c'est l'Amérique de la Californie

"Jusqu'à la Louisiane en fait

Où y a des typ's qui ont tous les soirs

Du désespoir plein la trompett'.



T'en fais pas, mon p'tit loup,

C'est la vie, ne pleur' pas."

Pierre Perret me l'avait déjà dit.

Faut que je le fasse tourner en boucle
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Beloved

Quand un fantôme devient un personnage de chair et de sang, sous la plume de Toni Morrison, c’est du grand art.

La trame de l’histoire est en place dès le début du récit et tel un peintre à son tableau, l’auteur va affiner chaque détail, par touches minutieuses, précises. Revenir, encore et encore sur certaines parties, pour nous dévoiler les clairs-obscurs, accentuer peu à peu le relief et la profondeur de ses personnages jusqu’à la dernière page.

Beloved , c’est revenir dans les années 1870 aux Etats-Unis. L’esclavage a été aboli depuis quelques années mais les stigmates sont encore bien présents dans les corps comme dans les cœurs.

« Tout blanc avait le droit de se saisir de toute votre personne pour un oui ou pour un non. Pas seulement pour vous faire travailler, vous tuer ou vous mutiler, mais pour vous salir. Vous salir si gravement qu’il vous serait à jamais impossible de vous aimer. »

Ainsi les femmes sont violées, les hommes battus, pendus, brûlés, les enfants arrachés à leur mère et vendus. Ne pas s’attacher.

Tout cela est la toile de fond sur laquelle se déroule cette histoire de folie.

Peut-on imaginer ces destins pétris de douleur? Toni Morrison nous les laisse entrevoir…





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Home

Toni Morrison m’a attirée dans son monde, une œuvre importante, des titres en un seul mot, Jazz, Beloved, Delivrances, Home, Sula…une approche originale de l’Amérique noire, par l’intermédiaire de personnages ordinaires qui disent leur monde, leurs blessures, et comment ils se reconstruisent aussi.



Home, c’est l’histoire de Franck, soldat noir qui revient de Corée, souffrant de stress post traumatique. Il traverse l’Amérique depuis la côte ouest pour regagner Lotus une localité minuscule de Géorgie, d’où il était parti avec ses copains, pour fuir la misère. C’est l’histoire d’un homme presque étranger dans son propre pays, qui arrive à destination après de multiples péripéties, grâce à des personnes généreuses que le destin a placées sur son chemin.



Toni Morrison nous raconte cette histoire de résilience en nous faisant découvrir par touches ses personnages et leur famille . Ce n’est pas un manifeste politique, mais la dénonciation n’en est que plus forte. On approche au cours de ce récit, la réalité humaine cruelle de la ségrégation, puisque nous la partageons avec Franck et ses fantômes, avec Cee, avec Lily…comme l’impossibilité d’acheter une maison, les places séparées dans les bus et dans les hôtels , les expulsions arbitraires, les cagoules, les meurtres impunis, les conséquences abominables des théories eugénistes de quelques savants fous.



Comment exister comme un être humain debout quand tout se ligue contre vous ? Toni Morrison nous montre au travers de ces destins fracassés la force des liens et des solidarités des communautés qui réparent et protègent ce que la loi ne fait pas.

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Beloved

Un ouvrage de Toni Morrison ne peut laisser indifférent. Même si celui-ci, comme les autres est un peu embrouillé.

Au 124, la maison où habite Sethe, ancienne esclave, est hantée par Beloved, sa petite fille de deux ans qu’elle a tuée.

Les personnages sont tellement véridiques, les souffrances tellement prégnantes qu’on ne peut être qu’envahi de compassion et de révolte.

On a le sentiment de lire une tragédie antique.

Toujours et encore traiter de l’esclavage et de ses abominations, tel est le fil conducteur de Toni. Morrison.

Merci à elle de mettre des mots et des images sur des évènements pas si loin de nous et d’entretenir notre indignation.

Une mère qui sacrifie son enfant, un autre thème récurrent.

Une lecture ardue, confuse, mais une lecture magnifique qui imprègne l’âme et le cœur.

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Beloved

Sethe est une ancienne esclave qui est hantée par le souvenir de son enfant morte, cette enfant dont elle a elle-même tranché la gorge. On dit que la maison qu’elle habite est hantée par la malédiction d’un bébé. « Pour un bébé, il est puissant le sort qu’elle jette, dit Denver. / Pas plus puissant que mon amour pour elle, répondit Sethe. » (p. 13) Au jour le jour, la mère assassine tente d’oublier son forfait et d’apaiser ses démons. « Pour Sethe, l’avenir reposait sur la possibilité de tenir le passé en respect. » (p. 65) Mais les souvenirs sont aussi collants que la mélasse et Sethe tente d’en protéger Denver, son autre fille, une enfant un peu sauvage.



Voilà que survient Beloved, une jeune fille qui porte une longue cicatrice autour du coup. Est-elle la réincarnation du bébé assassiné ? L’inconnue se rapproche de Sethe et s’accroche farouchement à elle. Pour Sethe, c’est certain, c’est son enfant qui l’a retrouvée. « Beloved, elle est ma fille. Elle est à moi. Voyez. Elle est revenue à moi de son plein gré et je n’ai rien besoin d’expliquer. » (p. 278) Hélas, il semble bien que Beloved n’incarne pas la rédemption tant espérée par Sethe, mais bien son châtiment fait de chair et de sang. « Denver croyait comprendre le lien qui existait entre sa mère et Beloved. Sethe essayait de se racheter pour la scie à main. Beloved la lui faisait payer. Mais il n’y aurait jamais de fin à cela, et voir sa mère diminuée lui faisait honte et la mettait en fureur. » (p. 345) Alors, Beloved est-elle bien ou mal nommée ?



Il s’en est fallu de peu que ce roman soit un véritable coup de cœur. D’abord totalement happée par l’écriture de Toni Morrison, si poétique et incantatoire, j’ai fini par en être écœurée. Les constants aller-retour entre passé et présent m’ont également perdue et la brouille volontairement entretenue dans la chronologie a eu raison de mon attention. J’ai fini ce roman en le survolant et je le déplore parce que j’avais vraiment envie d’y rester plongée. Mais j’ai manqué d’air, comme ce fut le cas avec Un don de la même auteure.

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Sula

Sula est le deuxième roman qu'a écrit Toni Morrison. C'est le plus court, mais aussi le plus dense ! (et pour lequel il ne va pas être facile de rédiger une critique...)

Complexe et très représentatif de l'oeuvre de Toni Morrison, dans la mesure où tous les thèmes qu'elle développera dans ces romans à venir sont dans Sula. Bien sûr, il y a aussi l'aspect "oral" de son écriture - qui peut aussi compliquer la lecture de Sula.



En ce qui me concerne, cette histoire m'a passionnée, mais je dois avouer que c'est parce que j'en avais lu d'autres avant. Et, au moment où je l'ai lu, j'avais toutes les clés nécessaires en main pour comprendre et apprécier Sula. En effet, pour ceux qui ne sont pas familiers de la Bible, la littérature afro-américaine, des "mythes" sur les noirs véhiculés par les blancs, l'histoire américaine, et plus particulièrement de l'histoire de la communauté afro-américaine.... Passez à un autre roman !



Une fois qu'on a le "bagage requis" et qu'on se met à l'esprit qu'il faut à tout prix éviter les points de vue trop manichéen : on est prêt !



Contrairement à ce que laisse penser le titre, Sula n'est pas le personnage principal - pour preuve, elle n'apparaît ni dans le premier ni dans le dernier chapitre. C'est la communauté - the Bottom - qui est au coeur du roman, le point duquel tout part et où tout s'achève.



Si l'on se tourne vers les êtres humains, Toni Morrison met une fois de plus en avant les Afro-Américains et plus particulièrement les femmes. Tous luttent pour exister. Exister au sein de la communauté, malgré les Bancs qui les rejettent mais aussi pour eux-mêmes. Tous les personnages sont traumatisés, que ce soit par leur héritage d'esclaves, la guerre ou les normes "des blancs" dans lesquels ils ne se reconnaissent pas. L'auteur dénonce de façon très vigoureuse l'idéal de l'amour romantique (un dogme de la classe moyenne blanche) et la politique américaine.



Les relations entre les personnages ne sont que passionnées. Il n'y a pas de relation "normale" si on peut dire. L'amour et le sens du sacrifice des femmes amènent certaines à tuer leurs enfants, par exemple. Et beaucoup de femmes se perdent dans leurs relations avec les hommes - la sexualité tient une part très importante dans le récit. La relation la plus équilibrée reste celle entre Sula et Nel, qui illustrent la définition qu'a donné Lord Byron de l'amitié - " two souls dwelling in two bodies".



Un roman d'une grande richesse qui ne peut pas être abordé comme un roman de gare !
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Home

Frank Money revient de la guerre de Corée. Il ne sait plus vraiment quel genre d'homme il est, ni ce qu'il veut. Il sait qu'il exècre la ville dont il est origianire et qu'il veut la fuir encore plus que les champs de batailles dont il est rescapé.

Mais l'Amérique des années 1950, en dehors de l'effervescence post seconde guerre mondiale et publicités aux sourires figées, n'a rien à offrir aux Noirs. Au contraire. Et le fait d'avoir défendu la bannière étoilée n'y change rien...

Mais dans ce pays où il n'est pas le bienvenu, une personne le rattache à son essence humaine : Cee, sa soeur. Et lorsqu'il apprend qu'elle a des ennuis, il met de côté de sa rancoeur, toute sa colère pour la retrouver.





Une fois n'est pas coutume, avec sa prose d'une beauté si particulière, à la fois lyrique et très orale mais d'une précisions chirurgicale, Toni Morrison m'a totalement transportée. Beaucoup touchée avec ses personnages si pénétrants qu'ils en deviennent plus réels que des personnages joués à l'écran.

Home est un roman avec un rythme à couper le souffle, dont les voix sont pénétrantes, à la fois distantes et familières. Sans doute parce que Toni Morrison a un don pour capter l'humanité dans toute sa complexité et la retranscrire avec une simplicité déconcertante.

Les personnages de Home luttent contre les fantômes de leur passé, le genre de fantômes qui empêchent d'avancer. Mais la beauté de ce roman, c'est que dans ce voyage (temporel comme spatial) qu'entreprend Frank, on peut espérer une résilience, la possibilité de quelque chose de meilleure une fois la réconciliation faites avec ces fantômes...



Un grand roman dont on ne sort pas indemne.







Challenge USA 2019
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Un don

Il arrive parfois (trop rarement) que l'on repose un livre en se disant qu'il vous habitera toute votre vie. Que vous vous répéterez régulièrement certaines de ces phrases, car elles expriment, en quelques lignes, une vérité que vous n'auriez jamais réussi à formuler. Que les thèmes abordés touchent à l'universalité de la condition humaine et que ce texte est décidément, à lire et à relire. Eh bien, "le don" est pour moi un de ces romans là, bien difficile à chroniquer, car il entre d'emblée dans l'intimité de mes sentiments.

Le livre est constitué de plusieurs monologues qui s'entrecroisent : celui de Florens, esclave offerte par sa mère en paiement d'une dette de son maitre, celui du colon américain, maitre un peu malgré lui de Florens, celui de Lina, esclave africaine dans cette petite famille, celui de Sorrow, pauvre folle traumatisée, qui a rejoint cette drôle de communauté, celui de la maitresse, jeune européenne envoyée se marier aux Amériques par des parents qui n'ont pas envie de la doter... Des personnages détruits par la vie, l'esclavage ou la misère, qui ont reconstruit leur propre équilibre à leur manière, réinventé leur monde, et dont les visions confrontées font apparaitre la dramatique incompréhension entre les hommes. Car le don, dans ce roman est bien ambigu : une mère qui donne son enfant à un maitre, une mère qui donne une chance à son enfant, une femme qui se donne, qui donne son amour à un homme qui ne veut pas le recevoir ?

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À ton avis... :  La Cigale ou la Fourmi ?

Nos auteurs se proposent ici non pas, contrairement à ce que l'on pourrait penser au premier abord, d'adapter une célèbre fable de La Fontaine mais en se basant, sur celle, originale, d'Esope "La Cigale et les fourmis" que le lecteur retrouve en préambule de cet ouvrage.



Adaptant cette dernière (très proche il est vrai que celle que nous connaissons tous de Jean de La Fontaine) pour un public jeunesse et le tout, en bande-dessinée, c'est ici une excellente approche pour faire passer le même message, mais avec des mots et des activités d'aujourd'hui qui, le tout mis en images, parlera probablement mieux à notre jeune public. Foxy G et Kid A sont deux cigales mâles qui passent leur temps à traîner dans le parc tout en faisant du rap (leur passion commune). Cependant, un beau jour, Kid A. comprend bien qu'ils ne pourront pas vivre de leur musique,

et qu'il est temps pour lui de trouver un vrai boulot afin de prévoir pour des temps plus durs. La dispute entre nos deux amis démarre car malgré les conseils de son ami, Foxyy G., lui est loin d'abandonner ses rêves et continue donc à faire ce qu'il sait faire le mieux : rapper. Le jour où l(hiver vient à arriver, il est contraint de dormir dans la rue, n'ayant rien à se mettre sous la dent, ni toit pour se réchauffer. Quelle sera la réaction de son ami lorsque celui-ci ira toquer à sa porte pour lui venir en aide ?



Un livre qui se lit extrêmement vite et bien et qui, je pense, est à conseiller à nos jeunes lecteurs car, tout en respectant la fable (que ce soit celle d'Esope ou de La Fontaine qui n'est d'ailleurs pas mentionné ici mais cela va de soi), interpellera peut-être ce jeune public ! Pour ceux et celles qui ont gardé leur âme d'enfant, cette bande-dessinée est aussi à découvrir car le texte est assez intéressant et le graphisme assez bien travaillé !
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Un don

Un roman dans l’Amérique du XXVIIe siècle, pas vraiment un récit historique, mais une galerie de portraits et d’émotions fortes.



Une Anglaise venue de la misère et la saleté des villes, une enfant noire dont la mère se souvient de l’Afrique, une Amérindienne dont la tribu est disparue, une fille rescapée d’un bateau fantôme, toutes ces femmes sont recueillies par un homme, un orphelin devenu commerçant, un homme bon qui voit en elles des orphelines à secourir.



Les chapitres présentent les points de vue et les histoires de chacun à tour de rôle, des destins de femmes, des amours et des naissances, des maladies et des morts.



Les romans Toni Morrison sont toujours sombres, une écriture concise qui va toujours droit au but, droit au cœur…

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Beloved

La 1ere chose qui frappe quand on lit ce livre, c'est l'écriture. C'est vraiment particulier et pas possible de comparer avec d'autres styles. J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal au début. J'essayais de passer en force, d'analyser tout ce que je lisais. Finalement, je me suis laissée porter par cette écriture si différente et je l'ai reçue comme un cadeau.

Derrière le style, l'histoire est vraiment bouleversante, et encore plus quand on sait qu'elle est inspirée de la vie réelle d'une esclave.

"Beloved" reste tout de même un livre pas hermétique mais difficile d'accès. Je pense qu'il faut être dans un état d'esprit disponible pour pouvoir se plonger dans ses pages. Bon, je vous laisse, je vais soigner ma migraine... ;)
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Thème : Beloved de Toni MorrisonCréer un quiz sur cet auteur

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