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Citations de Valérie Toranian (128)


Mais moi aussi, je souffre, moi aussi je suis persécutée. Regardez la meute des sadiques face à moi, elles aimeraient que je pleure. Mais je vais rester stoïque. Je suis arménienne, je suis issue de la même souche à malheurs que ma grand-mère et notre style, c'est de souffrir en silence. Chez nous, la joie est éphémère et le bonheur suspect. Rigolez mes amies, ricanez, faites-vous les dents et les griffes. On a le cuir dur, on en a connu d'autres. On porte des jupes moches, on n'a pas de jean, on mange des tire-bouchons et il ne nous arrive que des choses dramatiques.
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Lorsqu’on n’a plus rien, on est seulement riche de sa respectabilité et de son honneur. On peut revenir de l’enfer, de la mort, de la faim qu’on trompe en mangeant de l’herbe accroupie comme une bête, on peut revenir de la malaria, du typhus, on ne se remet pas d’être une mauvaise femme.
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Pour neutraliser les Arméniens, le pouvoir a commencé par arrêter toutes les têtes pensantes. On les accuse d'être à la solde des Russes. De détenir des armes. S'ils ne les rendent pas sous vingt-quatre heures, ils sont arrêtés. La peur de finir dans les cachots turcs est telle que certains qui ne possèdent pas d'armes en achètent pour les rendre et prouver aussi leur bonne volonté et leur docilité. Évidemment, ils sont les premiers arrêtés.
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- Et si les enfants sont convertis, la belle affaire. Après tout, le Dieu des chrétiens est bien celui des juifs et des musulmans. Dieu t'a fait un cadeau immense, Aravni, c'est de ne pas encore avoir d'enfant. Tu n'as pas eu à choisir entre le donner ou risquer de le voir crever dans tes bras. Alors arrête de juger. Tu n'as pas plus de coeur que nos bourreaux si tu parles comme ça.
p.83
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Les gens ne connaissent pas plus la Turquie que l'Arménie, ou plutôt autant la marche turque de Mozart que le papier d'Arménie dans les drogueries.
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Ceux qui ont vraiment quelque chose à dire, ils n’en parlent jamais (Albert Camus 1959)
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Une cuillérée pour papa. Chaque bouchée que j'avale redit la place qu'il occupe, pas seulement dans mon esprit chagrin, mais aussi dans mon corps, dans mes veines. La sève de ce père absent à la force d'un torrent d'avril. Ma grand-mère arrose méthodiquement les racines.
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Redevenue sérieuse, elle dit:
- Tu connais la fable du savetier et du financier?
- Oui. Le savetier est heureux et chante dans son établi du matin au soir jusqu'à ce que le financier lui confie de l'argent. Le savetier perd l'appétit, le sommeil, la joie de vivre. Finalement, il rend au financier son argent pour retrouver le goût du bonheur. C'est très moralisateur.
- Non, ma chérie, c'est lumineux. Il faut toujours se méfier des objets qu'on te confie. Où est ton financier?
- Pardon?
- Qui t'a confié ce cahier? Et pourquoi trente ans après? Dans quel intérêt, quel but? Qui est cette Louise qui sort du passé comme un diable de sa boîte et qui attire les mauvais esprits? Tu dois lui rendre le cahier. Ou alors brûle le.
Surprenant son regard posé sur le cahier vert, j'avais tonné, scandalisée:
- Si tu le brûles, je ne te parle plus!
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L'entreprise d'extermination totale passe par la déshumanisation des victimes : faites en des animaux, hagards, prêts à tout pour survivre; ils oublieront qu'ils ont été des hommes et des femmes, ils perdront leur éducation, leurs valeurs, leur solidarité. Une fois qu'ils auront déserté l'espèce humaine, il n'y aura plus d'obstacle moral à les tuer tous. Vous ne vous attaquerez pas au genre humain. Vous ferez disparaître des bêtes rampantes.
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Méliné a supplié le docteur Nazim, un ami de son mari, d'obtenir des renseignements dignes de foi auprès du commandement militaire de Sivas. Il lui a confirmé ce que la rumeur disait : tous les Arméniens arrêtés en mars ont bien été exécutés, sans procès. Quelques jours à peine après leur transfert.
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La télévision est un personnage important de mon enfance pour la simple raison qu'elle était interdite par mon père.
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L'ennui fait de moi une proie rêvée pour la lecture.
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Toute mon enfance, je suis coupée en deux par un conflit de loyauté et déchirée par les arbitrages qu'il m'impose.
Si je dis à ma mère que j'adore les gâteaux de ma grand-mère, ne va-t-elle pas être blessée et croire que je préfère ma grand-mère, alors qu'il n'en est rien ? Ce serait un atroce malentendu. Pour ne décevoir ni ma mère, ni ma grand-mère, je mange à tous les râteliers, je camoufle, je mens, j'improvise.
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Le tragique est beau, le malheur est noble. Le souffle romanesque gonfle mon coeur. Je suis envoûtée. Ces héros en guenilles, ces damnés de la vie, assommés par l'Histoire, l'injustice et la misère sont de la même cohorte que celle qui me précède. Hugo m'ouvre les yeux, le coeur, l'imagination. Il ennoblit les silences de ma grand-mère et transforme cette bonne grosse femme en pantoufles, penchée sur ses aiguilles à tricoter, en fascinante héroïne de roman. Je n'ai plus besoin de ses mots pour entrer dans mon histoire, Hugo me prête les siens. Tout ce qu'elle se refuse encore à me dire, j'en ressens l'émotion intime avant que d'en avoir le récit. Je n'ai pas encore les paroles, mais j'ai la musique.
Pour un peu, ma grand-mère serait belle et le mutisme qui allonge son visage devient bouleversant. "Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie." Hugo m'apprend le beau sous le laid.
Désormais, mon univers sera scindé en deux. Le monde réel, celui des conventions et des faux-semblants. Et le monde des livres, qui recèle la vérité des êtres. Hugo n'a pas fini de bouleverser ma vie.
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Elle est arménienne et tout ce qui est arménien procède du tragique, du schisme culturel avec ma mère, et de l'imprononçable (bien avant que j'appréhende l'indicible) d'une langue dont l'alphabet, inventé par un moine sadique du Ve siècle, décline pas moins de quatre façons rouler les r, deux manières de dire le d, le p et le q.
Ma grand-mère est une "rescapée du génocide". Ces trois mots la définissent, la contiennent et l'isolent du reste de l'espèce. Son drame se confond avec elle : c'est une identité et une fin en soi. À mes camarades j'explique d'un ton grave que ma grand-mère "a perdu toute sa famille, massacrée par les Turcs, alors qu'elle était très jeune, c'était horrible, elle a beaucoup souffert."
Je ne sais rien d'autre. À l'image de son corps massif, son passé est une citadelle imprenable. Oser lui demander des détails me semble inimaginable et cruel.
La faire parler est d'autant plus voué à l'échec que, hormis la pesanteur du tabou, nous ne nous comprenons pas. Jusqu'à la fin de sa vie, ma grand-mère ne parlera qu'arménien, et les quelques mots qu'elle prononce en français tiennent de la survie élémentaire (acheter du pain, récupérer sa pension de retraitée à la poste) ou du désir d'entrer en relation avec ses petits-enfants dans un puzzle franco-arménien abrégé que nous sommes très peu à comprendre.
Pas de livres d'enfants lus avant de s'endormir, pas d'échanges anodins sur sa santé ou le temps qu'il fait. Pas de "C'était comment quand tu étais petite fille?"
Mon apprentissage de l'arménien n'ayant donné de résultats convaincants qu'à l'adolescence, notre relation va se nourrir non par les mots, mais par la bouche. Ma grand-mère investit mon palais.
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Le seul document personnel en sa possession, qu’elle conservera jalousement jusqu’à sa mort, est un diplôme. Il n’atteste pas de son identité. Il atteste de sa croyance. Sa croyance naïve en une civilisation ou l’instruction et l’éducation pouvaient sauver le monde de ses haines recuites, de son obscurantiste, de sa bêtise.
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D'une certaine façon, la guerre froide sévissait dans leurs rangs (les arméniens). Entre ceux qui voulaient en découdre avec l'Union soviétique et ceux qui voulaient en découdre avec la Turquie (membre de l'OTAN, allié des Etats-Unis), la bataille faisait rage.
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Le seul document personnel en sa possession, qu'elle conservera jalousement jusqu'à sa mort, est un diplôme. Il n'atteste pas de son identité. Il atteste de sa croyance. Sa croyance naïve en une civilisation où l'instruction et l'éducation pouvaient sauver le monde de ses haines recuites, de son obscurantisme, de sa bêtise. Un monde idéal, rêvé par son mari, où l'homme ne serait plus un loup pour l'homme. Où il serait impossible de se transformer en bêtes sauvages, puisqu'on serait éduqués.
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L'entreprise d'extermination totale passe par la déshumanisation des victimes : faites-en des animaux, hagards, prêts à tout pour survivre ; ils oublieront qu'ils ont été des hommes et des femmes, ils perdront leur éducation, leurs valeurs, leur solidarité. Une fois qu'ils auront déserté l'espèce humaine, il n'y aura plus d'obstacle moral à les tuer tous. Vous ne vous attaquerez pas au genre humain. Vous ferez disparaître des bêtes rampantes.
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Pourquoi certaines personnes se sentaient-elles autorisées à penser et répondre à ma place?Charlotte,Sarah, Sibel...Cela devait être dû à mon ramollissement physique et cérébral.
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