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Citations de Valerio Varesi (362)


Lorsqu’il fut en bas, la via Cavour s’apprêtait à changer de peau. Les boutiques et les bureaux fermaient, et les premières troupes de noctambules, qui piétinaient le tapis blanc de tracts abandonnés par les ouvriers de la Forneria Duomo, remplaçaient peu à peu les vendeuses et les employés. L’asphalte était bouillant, bien décidé à maintenir la ville dans sa cocotte en fonte pour réchauffer la nuit. L’obscurité n’apporterait aucune fraîcheur, seulement de l’insomnie et des bouffées de sueur. Soneri s’aperçut avec un certain étonnement qu’il n’avait pas allumé son cigare depuis plusieurs heures parce que la flamme lui était devenue insupportable. Il fit tourner son mégot entre ses lèvres, aussi trempé que son corps en nage. Son portable se remit à sonner.
« La souscription a déjà atteint la somme qu’on s’était fixée, l’informa Angela. Pas mal de magistrats ont voulu y participer et si le revendeur nous fait un prix…
– Je pense que vous faites une erreur, murmura-t-il.
– Tu crois toujours que tout le monde est comme toi, avec ses petites habitudes. Il aura un instrument plus moderne, il sera très content.
– On ne fait rien avec les choses sans passé, décréta Soneri avec amertume avant de lui parler brièvement de Galluzzo, un type apparemment sans histoire, parachuté dans la ville.
– Commissaire, je sens tous tes rouages en action, c’est bon signe.
– Cet homme ressemble à l’accordéon que vous voulez offrir à Gondo », lui dit finalement Soneri en ramassant un tract par terre.
Il lut la phrase imprimée par-dessus le dessin d’une semelle : « La ville piétine sa tradition ouvrière et se convertit à la rente immobilière », et constata une nouvelle trahison de l’histoire.
« Tôt ou tard, on finira tous comme lui, observa Angela. Plus personne n’a de patrie et tout le monde va et vient, nous sommes tous des migrants déracinés.
– Moi, heureusement, je suis une vieille plante, il faut me tailler au pied. Impossible de me déraciner, déclara Soneri.
– Tu ne voudrais pas au moins venir un petit peu chez moi, ce soir ? Tu sais que j’ai un climatiseur…
– Loin de moi, alors. Le froid artificiel, rien de pire pour les os. »
Il s’achemina vers la Questure, touché par les derniers rayons du soleil oblique qui filtraient entre les immeubles. Une bulle de vapeur stagnait au-dessus de la ville, prête à cacher les étoiles. Il aurait tant voulu se retrouver sur ses collines, là où les prés rafraîchissent l’air et où la brise, fille de l’ombre, surgit des bois.
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-- On vit avec la rage, l'interrompit Carega avec urgence. La rage est un luxe que seuls les jeunes peuvent se permettre. À mon âge, il vaut mieux laisser tomber, comme on laisse tomber bien d'autres choses qui font trop danser le coeur, ricana-t-il.
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— Pourrions-nous un jour nous retrouver dans notre lit à nous, entre deux tables de nuit et l'image de la Vierge Marie au-dessus de nos têtes ?
— Lorsque nous en serons à ce stade, cela voudra dire que tout est fini.
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"On se prenait pour l'avant garde, on croyait qu'on allait guider le mouvement ouvrier....mais le parti communiste nous a fermé la porte au nez, et on s'est retrouvés isolés. A partir de là, la majorité s'est vendue au plus offrant. On est passés des projets collectifs aux projets individuels, et la consommation a remplacé les idéaux. Les années 80 ont tout balayé."
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- Il vous manque la capacité de rêver, lâcha le commissaire. Supprimer l'espoir, c'est comme empêcher de respirer. (p. 72)
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Les dépressifs aiment le spectacle de la pluie. Le commissaire Soneri ne savait plus où il l'avait lu et fut rassuré de constater que lui ne l'était pas du tout. D'une sale humeur, peut-être, mais dépressif, certainement pas. Toute cette pluie s'agitant dans un vent capricieux, les rues réduites à des torrents, les façades sombres et trempées, les chauffeurs impuissants dans les embouteillages se défoulant à coups de klaxon l'avaient tellement foutu en rogne qu'il avait décidé de prendre des dispositions. Tout d'abord, éviter les réunions du questeur, ensuite, et de manière générale, rester à distance. Enfin, se trouver un peu de distraction. (p. 9)
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Tu l’aimes, toi, cette société où les arrogants et les malhonnêtes dirigent les gens bien ? où les pires gouvernent les meilleurs ? où la méchanceté est toujours victorieuse ? Tu l’aimes, ce monde où tout s’achète ? La justice, la respectabilité, le droit d’être aux commandes ? Pourquoi on n’aurait pas le droit de prendre un flingue quand y a des gouvernants qui peuvent décider de condamner à mort des milliers d’enfants par une simple opération monétaire, ou qui choisissent de planter du maïs pour produire du gas-oil au lieu de produire à bouffer ? Essaye de te mettre dans la peau du père d’un gosse condamné à crever de faim, et pose-toi la question : tu n’épaulerais pas un fusil ? T’as déjà vu les yeux d’un môme qui crève de faim ?
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Le temps nous transforme , on a souvent l’impression que nos actes passés ne nous appartiennent plus, ou qu’ils appartiennent à une autre personne qu’on aurait enterrée petit à petit, jour après jour
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Mais les troupeaux me font peur.Il faut toujours qu'ils aillent où on leur dit d'aller et qu'ils disent merci à ceux qui montrent les crocs et choisissent à leur place. Ils n'ont jamais d'idées, alors forcément, ils sont bien contents que les autres en aient. Tous à la queue leu leu derrière celui qui crie le plus fort."
La cohue de tailleurs et complets-vestons à l'entrée semblait confirmer l'opinion de Soneri.
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Si tout se passe bien, je vais comprendre beaucoup de choses sur ceux qui sont en train de faire main basse sur la ville. Cette fois-ci, il se pourrait bien qu'ils y laissent un doigt, et pourquoi pas la main entière.
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Monsieur le commissaire, vous ne savez pas qu'aujourd'hui les délinquants, ils ont la cravate et qu'ils ont remplacé les gens bien ? Où ils sont, les gens bien ? On sait plus si t'es honnête. Bientôt, les délinquants, ils commanderont partout, parce qu'ils ont faufilé dans tous les trous et qu'ils ont acheté tout ce qu'il y avait à acheter.
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Nos liens sont soumis aux lois de la chimie, tout peut les modifier, les faire valser à l'infini. C'est pour ça que la vie produit des saints et des assassins, des moines et des putassiers, des voleurs et des gens honnêtes...
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.. la logique inhumaine du profit dans la phase finale du capitalisme pourrissant favorise l'affrontement entre les civilisations et pousse des milliers d'hommes au sacrifice pour une guerre du contrôle des ressources énergétiques, tandis que les masses de salariés sont renvoyées à une condition d'esclaves au service d'un patronat mondialement globalisé....
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- Parfois, ce sont les choses qui ne veulent rien dire qui comptent le plus. On n'est pas qu'un cerveau, on a aussi des émotions, murmura-t-il.
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- Tu écoutes encore ce couillon ? s'emporta le commissaire. Dans l'administration, plus ils sont bêtes et disciplinés, plus ils font carrière.
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Un cortège tapageur brisa le silence de la vallée. Une dizaine de 4x4 redescendaient du col, violant la nuit à coup de klaxon. Quand les véhicules s'approchèrent, le commissaire aperçut des bêtes mortes attachées aux pare-chocs et entendit un concert de vociférations et de chansons paillardes. Egisto se tenait devant son auberge en affichant une expression de vieux père satisfait. Les 4x4, souillées de boue jusqu'aux portières, envahirent la place et déchargèrent un peloton de chasseurs encore verts, ventripotents et forts en gueule. L'eau des flaques et le sang des bêtes s'égouttaient des voitures.
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«Si je savais contre qui en avoir ! » explosa-t-il de cette même impuissance que l'on éprouve à lutter dans le noir contre une nuée de moustiques.
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Tout est là, dans cette chose très simple : si vous ne croyez pas en l’autre, si les autres n’existent que par intérêt, alors le monde se brisera en mille morceaux. Et chacun d’entre nous ne sera qu’un débris de terre cuite, dépareillé et inutile. (Don Pino, le prêtre )
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Commissaire,vous le voyez, le Pô ? Ses eaux sont toujours lisses et calmes, mais en profondeur il est inquiet.Personne n'imagine la vie qu'il y a là dessous, les luttes entre les poissons dans les flots sombres comme un duel dans le noir. Et tout change continuellement, selon les caprices du courant. Personne parmi nous n'imagine le fond avant de s'y être frotté et la drague fait un travail toujours provisoire. Comme tout ici-bas, vous ne trouvez pas?
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Ils s'arrêtèrent sur le pas de la porte et regardèrent le brouillard voguer lentement au fil de l'eau. A l'arrière-plan, l'ombre massive de la digue principale éclairée par l'usine donnait à croire que l'univers s'arrêtait là. Ils s'embrassèrent au bord de cette limite plus rêvée que réelle, et le commissaire aimait qu'Angela soit capable de réveiller ce qu'il gardait pour lui, ou bien qu'il exprimait avec trop de retenue: son imagination, sa fantaisie, le geste symbolique.
La nourriture aussi lui faisait cet effet, et l'occasion de réunir avec son unique rivale était rare. Cette soirée pouvait être la bonne.
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