Citations de Violette Leduc (500)
Devenir exceptionnelle pour la retenir un peu.
Des Belges campent au bord de la riviére, en dessous du chateau.... Je crois qu'ils me critiquent à voix basse parce que je suis seule dans trop d'hectares de solitude.
Elle tordait ses mains sur son visage.
Je tombai à genoux devant le médaillon, je contemplai le rayonnement, la touffe.
Isabelle voulait l'union dans la peau. Je récitais mon corps sur le sien, je baignais mon ventre dans les arums de son ventre, j'entrais dans un nuage.
L’orgueilleux est un homme couvert de plaies. Il est une grotte dans laquelle le sang suinte sans discontinuer. Je m'étais lancée sur cet homme avec la franchise et des épines dans les mains. Je croyais que l'amitié le permettait [...] Quand je le revois, il m'accorde un bonjour mais c'est moi qui fut la plus cruelle. Je suis coupable d'avoir réfléchi trop tard à la condition sanglante de l’orgueilleux [...] Il ne me sera pas accordé de découvrir et de respecter chez lui de nouvelles plaies. On dit que c'est un homme fort. C'est un homme qui se bat avec des mains à chair vive. Les expériences humaines les ont dépiautées. Elles frappent mais elles saignent. Cet homme est dur parce qu'il a vécu.
Les premiers jours, les premières semaines ne sont plus. Quand il s’arrache du lit, quand il disparaît dans la cuisine, j’ai des élancements de douleur. Je suis prise et je ne veux pas qu’il se déprenne. Je n’écoute plus les bruits, allongée entre les draps. Je me mets à genoux sur son oreiller, je me rapproche de la porte ouverte, j’épie. Il se lave les dents avec trop d’entrain, il ferme le gaz avec trop d’énergie. Quelquefois je tends le cou : je le vois nu, je le vois collégien devant la cuvette. C’est un homme : il pense à ce qu’il fait. Je ne veux pas qu’il parte. Je veux qu’il reste enfoncé éternellement dans ses labours. Mais il est ailleurs. Je l’entends : il savonne, il récure ses ongles avec la brosse aux crins durs. Je crois que je peux me lancer à la tête d’une locomotive au tournant.
J’ai frotté ma joue contre la sienne, en témoignage d’amitié : ses yeux se sont éteints. Il s’illuminait si je me tenais sur mes gardes.
La Seine à deux-cents mètres avec ses redites, avec mes redites d'étendards de lierre, avec sa clientèle falotte de promeneurs. Les arbres réflechissent le ciel là comme ailleurs. Les remorques, les péniches, les chalands, la marinière et sa lessive au fil de l'eau, mon ouvrage quand je glisse dans le sommeil. Le temps, les siècles, les années, c'est notre fleuve au grand jour.
Ma plume n’est pas un pur-sang, elle ne franchit pas les obstacles des mots.
Grand-mère me renseignait :
- La valse arrive du parc, à côté. Ils dansent sur la pelouse.
Plus charnellement obstinée qu’un bourdon, plus charnellement acharnée qu’une mouche bleue et plus endiablée qu’un moucheron, on pouvait espérer que la mélodie l’éveillerait et la caresserait.
- … Je ne sais pas pourquoi je dis ça…
Prononcées à voix basse, les paroles de grand-mère tombèrent comme des fruits.
- … Qu’est-ce que tu dis ?
- … que je la plains de tout mon cœur…
Il les met partout ; les uns disent que ça l’empêche de m’étrangler, les autres qu’il a violé sa mère et que ses mains se repentent dans le cuir noir. On affirme que je lui ai coupé des doigts.
Nous nous baissâmes en même temps. Je frottai mon visage sur tous les pétales. Elle avait seulement appuyé sa tête sur la mienne. Sous cette tendre protection, je respirai le parfum qui se faufilait profondément en moi. Les scintillements rafraîchissaient les lèvres, les paupières, la lobe des oreilles…
Ma pauvreté et ma nullité a Paris me manquèrent.
nous nous étions dépouillées de notre famille, du monde, du temps, de la clarté.
Pas un quartier d'orange d'été. Passent dans un rêve, les marchés, les clientes, les bottes de balsamines. Que c'est lourd à porter un été sans pluies, sans orages. Les pressentiments sont dans les arbres, c'est aussi son enfer de moiteur. Elle s'allongera, le bruit du métro aérien, ce sera un peu de ventilation... Elle a soif d'une orange.
Toutes les lumières de Paris donnèrent leur spectacle à une fleur pâle. La ville, malgré le pétillement des lumières, s'abandonnait au silence des arbres dans les avenues, au désert des cafés transparents. Coulée de douceur, les statues grises de la rive gauche et de la rive droite posaient pour le même photographe: la nuit. Les statues rêvaient qu'elles souriaient, le fleuve emmenait ses vaisseaux de ténèbres.
- Comment avez-vous trouvé le film ? Nous entrons ici ? C'est oui ?
Ce sera oui puisque la ville ouvre ses cuisses à six heures du soir, puisque la ville sent la poudre de riz, le tabac oriental, le narcisse, l'essence d'automobile, la grenadine, puisque le ciel s'effondre sur Paris.
C'est tantôt un privilège, tantôt un malheur de la jeunesse d'oublier vite. Je me levai hargneuse avec ce dimanche infini devant moi. Le temps était grincheux. Tout trahissait tout.
Ma chère enfant vous ne réussirez pas si vous encombrez les autres avec vos tristesses. On ne vous le pardonnerait pas. Un peu de gaieté!
"Tu ne voudrais pas te marier avec lui?" insistait ma mère. Je riais, je lui prenais ses paquets. Je lui répondais: "Je ne me marierai pas! Je serai libraire!"