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Critiques de Wajdi Mouawad (496)
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Anima

Je suis toujours touchée quand je sens à la lecture d'un roman que l'auteur y a mis toute sa tripe, qu'il a été au bout de sa plume pour dire au mieux tout ce qu'il avait à dire, bref quand se ressentent l'authenticité et la densité de l'intention, quitte à y perdre un peu en unité ou à surinvestir le propos.

C'est un peu l'effet que m'a fait "Anima", dont la bestialité surexposée éclaire l'intensité avec laquelle l'auteur a porté cette histoire en lui, montrant à quel point il lui était important de la dérouler, quitte à multiplier les vecteurs narratifs en partant du polar, en le troublant rapidement d'éclairs animistes, s'orienter vers le thriller pour bifurquer au final sur un drame psychologique trempé dans une douloureuse page d'histoire.

Même si l'effet de répétition finit par être un peu lourd, j'ai adoré les pas de côté apportés par la vision tour à tour du chat, du poisson rouge, de la fourmi, du papillon, du rapace en miroir de la bestialité dénaturée des hommes. La lente renaissance à soi du héros et la profondeur du travail psychanalytique fait sur lui-même, à la faveur d'un événement d'une rare violence, pour se reconnecter à son histoire personnelle, est par ailleurs extrêmement troublante.

Il n'est peut-être pas parfait mais ce roman multiculturel, "multi-espèces" et multigenre a quelque chose de fascinant, il laisse sa trace et touche son lecteur de la manière la plus... animale.

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Anima

En rentrant chez lui, Wahhch découvre sa femme assassinée d’une manière horrible.

Il va sillonner les routes du Canada aux Etats-Unis en passant par des réserves indiennes pour retrouver l’homme capable d’un tel crime, uniquement pour voir son visage.

Quel livre époustouflant

C’est un cheminement d’écriture d’une rare originalité.

L’histoire est racontée par tous les animaux témoins de la progression de Wahhch : chiens, chats, serpent, araignée, mouche, renard……

J’ai été subjuguée par la puissance, la profondeur de cette histoire

Violence et beauté se côtoient.

Animalité et humanité.

Quelle part d’animal dans l’homme ?

Quelle part d’homme dans l’animal ?

C’est un bonheur rare de tomber sur un livre qui impressionne autant.

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Anima

Pour ceux qui ne connaissent pas l'auteur, Wajdii Mouawad est né au Liban et a quitté sa terre natale, suite à la guerre civile pour s'installer, d'abord en France, puis au Canada. Ses oeuvres engagées s'articulent autour de thèmes liés à son histoire personnelle : la guerre, le poids des souvenirs traumatiques, la quête d'identité, le devoir de mémoire.



*

Lorsque Wahhch Debch retrouve le cadavre de sa femme, sauvagement assassinée, le lecteur est loin de se douter qu'« Anima » n'est pas un roman policier, il ne soupçonne pas qu'il a entre ces mains un roman noir, psychologiquement dur, dont les images marquent dès les premières lignes.

« Anima » est un voyage dans la violence, au plus profond de l'âme humaine.



*

Wahhch veut se libérer de la culpabilité de ne pas avoir réussi à protéger sa femme. Il décide de traquer le meurtrier, un homme dont on connaît l'identité très rapidement. Mais cette course-poursuite ira bien au-delà d'une simple traque. Elle le bousculera dans son être, dans ses convictions les plus profondes, et son passé le rattrapera.



*

Ce qui m'a beaucoup plu, outre l'écriture de l'auteur, à la fois poétique et glaciale, c'est l'originalité du procédé narratif. Je l'ai trouvé astucieux, surprenant, totalement innovant. En effet, ce sont les animaux qui racontent l'histoire. Chiens, chats, chevaux, oiseaux, poissons, insectes, serpent, araignée… rapportent ce qu'ils ont vu, entendu, perçu, flairé, senti, ressenti.



Les chapitres courts s'ouvrent sur un nouveau témoin de l'intrigue, un animal qui croise le temps de quelques secondes ou de plus, la route de Wahhch Debch. A chaque animal, un regard différent.



*

Chaque chapitre a pour titre le nom scientifique de l'animal narrateur : des animaux domestiques, felis silvestris catus (le chat), passer domesticus (le moineau) …, mais aussi des animaux sauvages, vulpes vulpes (le renard), strix varia (la chouette), procyon lotor (le raton laveur), ...

Le lecteur devient spectateur à travers le regard que portent les animaux sur nous : le rat et sa peur instinctive de l'homme, le chien et sa fidélité à notre égard, la sensibilité du cheval, l'indépendance du chat, l'appétit vorace de l'araignée qui ne souffre aucune inattention…



*

Certains lecteurs pourraient penser que l'auteur fait preuve d'anthropomorphisme. Je ne l'ai pas ressenti, dans la mesure où les animaux ont une perception différente et des sens plus développés que l'homme : ils sont sensibles aux intonations de voix, aux odeurs, ils perçoivent certaines émotions humaines (la peur, le chagrin, la joie), … Leur instinct leur permet de voir au-delà des apparences.



*

Quoiqu'il en soit, ce procédé aurait pu entraîner une distance entre le lecteur et le personnage principal de cette histoire, nous faire éprouver moins d'empathie pour lui. Mais il n'en est rien. Au contraire. Wahhch Debch n'en apparaît que plus touchant, plus humain, car les animaux perçoivent ses blessures intérieures, son chagrin, et nous les communiquent.



*

« L'homme est un loup pour l'homme à l'état de nature ». Cette phrase m'est apparue comme une évidence à la lecture de ce roman. Quand on fait fi de loi, l'homme est un animal qui peut faire preuve d'indifférence, de monstruosité, de sauvagerie.

Faire des animaux les narrateurs de cette intrigue met les hommes sur le banc des accusés, les mettant face à leur violence, leur haine, faisant resurgir leur part d'animalité. Certains passages sont très durs, les animaux sont aussi spectateurs que victimes de la violence des hommes.

Les chapitres courts s'enchaînent sans temps mort, à un rythme palpitant et nerveux. La fin du roman m'a laissé sans voix. Les dernières pages sont aussi bouleversantes qu'éprouvantes, la beauté du récit se mêlant aux atrocités, l'humanité se fondant dans la bestialité.



*

Wajdi Mouawad propose un roman unique, étonnant, puissant, très bien construit. Si vous recherchez un roman qui n'est pas ordinaire et si vous n'êtes pas trop sensible, je ne peux que vous conseiller « Anima ».

Un chef d'oeuvre ? Je le pense. En tout cas pour moi, c'est un très gros coup de coeur, un roman qui restera gravé dans ma mémoire.

Je remercie infiniment Levant pour sa critique qui m'a donné envie de découvrir ce livre et cet auteur, je ne regrette pas d'avoir suivi son conseil !
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Tous des oiseaux

Plus qu'un coup de cœur, j'ose parler d'un coup de foudre pour cette pièce de théâtre mais aussi pour la rencontre qu'elle me permet avec son auteur. Wadi Mouawad est comédien,metteur en scène,auteur et actuellement directeur du Théâtre de la Colline à Paris. La postface de Sylvain Diaz est très intéressante pour en apprendre davantage sur cet homme et ses oeuvres. Tous les oiseaux est une pièce bouleversante, déchirante qui peut presque se résumer par le questionnement de Wahida "Faut il à ce point s'attacher à nos identités perdues? Qu'est ce qu'une vie entre deux mondes ? Qu'est ce qu'un migrant? Qu'est ce qu'un réfugié ? Qu'est ce qu'un mutant ?". Wahida écrit une thèse sur Wassam, Léon l'Africain " Diplomate marocain du XVI siècle enlevé et offert au Pape Léon X qui le convertit au christianisme." Eitan prépare lui aussi une thèse en génétique. Ils s'aiment passionnément mais contrairement à lui, elle n'est pas juive...Ils partent ensemble en Israël car Eitan veut faire la lumière sur son père et résoudre un secret familial. Wahida sans le savoir part elle aussi à la recherche de qui elle est vraiment. A travers les six personnages principaux ( Wahida,Eitan,ses parents et grands parents) se joue la question fondamentale de l'identité. Chacun a sa zone d'ombre connue ou méconnue qui une fois dévoilée ne pourra qu'ebranler leur construction. A cette quête intime s'ajoute l'Histoire qui elle aussi,interroge l'identité à travers la judéité, le conflit israélo-palestinien, la place du Liban. Plane aussi évidemment la menace terroriste,sa violence son pouvoir séparateur des peuples.

Le texte est splendide et les multiples questions qu'il soulève ne peuvent se traduire par ce simple billet. C'est un texte qui allie un réalisme sans concession et une poésie très humaine, très sensible. Quand je pense que cette pièce s'est jouée dernièrement à Brest et que je l'ai ratée je me maudis!!! A toutes celles et ceux qui comme moi ne sont pas spécialement attirés par la lecture de pièces de théâtre, n'hésitez pas,jetez vous dans cette lecture que vous n'oublierez pas de si tôt !
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Anima

Lorsqu’il découvre le meurtre de sa femme, Wahhch Debch est tétanisé : il doit à tout prix savoir qui a fait ça, et qui donc si ce n’est pas lui ? Éperonné par sa douleur, il se lance dans une irrémissible chasse à l’homme en suivant l’odeur sacrée, millénaire et animale du sang versé.



•’L'auteur fait vivre le monde animal, lui donne la parole, les sentiments… Il parle des réserves amérindiennes, de sa conditions de vie, de ses dangers.



•'Ce livre se démarque de tout ce que j'ai pû lire. Il m'a pris aux tripes. Il bouscule tout, fait mal et pourtant… Il y a la force, la hargne, le courage d'un homme prêt à tout pour retrouver l'assassin de sa femme.



•'Lorsque l'ouvrage fût terminé, je l'ai pris entre les deux mains et l'ai caressé. Pas prête de couper le lien établi avec ce chef-d'œuvre. Oui je suis peut-être un peu dingue mais si vous décidez de le lire à votre tour vous comprendrez.



•’Il me doit de vous informer qu'il y a des passages très durs, il n'est donc pas conseillé de le mettre entre toutes les mains.



•'Pour ma chronique, je me suis retrouvé face à une page blanche. Des images plein la tête qu'il est difficile de retranscrire, ce récit est d'une puissance v prime.



•'L'auteur a mis 10 ans pour sortir cet ouvrage, des recherches profondes pour donner cette pépite.



•'Il y a un passage qui pour moi n'était pas nécessaire, celui d'un viol. La lecture n'aurait pas perdu de son sens sans celui-ci.

Bref vous l'aurez compris c'est un roman qui restera à jamais dans mon cœur de lectrice !

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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

Mouawad, c’est toujours too much. Trop de dialogue (les scènes sont presque toujours réduites à deux personnages), trop de texte (alors qu’il s’agit d’expliquer un silence), trop de ruptures de ton (la lecture pathétique du testament de la mère suivie de la bordée d’injures fleuries du fils), trop de symboles (la pluie diluvienne qui tombe pour clore une pièce intitulée « Incendies »), trop de mystique éducative (la prison devenue une école), trop de références (Tirésias = Chamseddine et je m’en tiendrai là pour ne pas divulgâcher davantage)…

Après, il suffit de se pencher 2 mn sur l’histoire du Liban pour se dire qu’en ce qui concerne l’outrance, ce n’est pas Mouawad qui a commencé.

Et s’il manie à ce point l’excès, peut-être est-ce l’autre nom de la générosité. Candide, généreux, outrancier : il y a du Victor Hugo dans cet homme-là.

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Rêves

Après avoir terminé la tétralogie du Sang des promesses (Littoral, Incendies, Forêts, Ciels) et en attente d'une suite à ce qui est promis d'être un quintette domestique (Seul(s) et Soeurs qui devraient se compléter par Frères, Père et Mère), il me reste à explorer les pièces "solitaires" de Mouawad.



Solitaire est bien le mot ici puisque Mouawad explore avec Rêves les abîmes de la création. Lui qui explique régulièrement dans ses préfaces à quel point ses textes de théâtre sont le plus souvent le fruit du travail avec ses acteurs, qui sont presque ainsi ses co-auteurs, cherche ici à décortiquer l'inspiration et le processus d'écriture d'un roman, en se penchant sur Willem, double de Wajdi, qui s'isole dans une chambre d'hôtel de seconde zone hors saison pour écrire un roman. Comme Mouawad convoque ses acteurs à sa création, Willem ne peut que s'entourer de personnages qui lui servent de miroir pour avancer dans l'écriture.



Pour moi qui ait découvert l'auteur par son roman Anima, publié en 2015, il est intéressant de constater que dans cette pièce de 2002 figure certains éléments rappelant particulièrement la construction du roman. Le travail de Mouawad frôlant très souvent l'autobiographie, on ne peut que se demander quelle chambre d'hôtel a pu accueillir l'auteur dans ses premières recherches autour d'Anima. Il ne s'agit là que d'éléments très partiels mais l'importance donnée aux formes animales dans le roman écrit par Willem ne peut que faire écho à Anima.



Dans sa préface cette fois-ci, Mouawad nous explique comment le texte s'est petit à petit condensé au fil des représentations de la pièce (passant de 2h40 pour la création en 1999 à 1h20 en 2000, réduction de moitié tout de même !) et comment il a aussi fait évoluer la répartition des passages entre les personnages, donnant notamment plus de corps à celui de l'hôtelière. Cela prend place dans la réflexion de l'auteur qui cherche à imaginer comment ses créations peuvent être accueillies et comprises par les "gens qui disent ne rien connaître de tout ça" comme il le dit lui même. C'est parfaitement louable de se poser ce genre de question en tant qu'auteur d'un théâtre contemporain qui a parfois tendance à s'écarter du commun par un élitisme assez hermétique.



Le théâtre de Mouawad sait amener le spectateur à une forme très moderne de théâtre mais en passant toujours par des histoires concrètes, un humour qui permet d'accrocher et amène à des moments beaucoup plus subtils, une approche de la folie intérieure de l'Homme , de la violence subie et de comment elle peut être retranscrite sur scène. Pour avoir vu sur scène Mouawad lui-même interpréter un de ces textes (Seul(s) à Sète, en 2019), ces moments de "folie" sont d'une intensité impressionnante, et il faut débrancher sans doute un peu la raison pour apprécier ces moments dans leur sincérité.
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Anima

Je jette l'éponge. Roman commencé il y a près de trois mois et dans lequel je me suis enlisée jour après jour comme en plein marécage. J'étais pourtant curieuse de découvrir cette oeuvre portée aux nues mais je déclare forfait cent pages avant l'issue.



Toute ma persévérance n'aura finalement pas suffi à me faire apprécier la forme comme le fond. Nonobstant l'originalité de faire passer la narration par le biais d'animaux domestiques ou sauvages (bien qu'à la base j'ai un peu de mal avec l'anthropomorphisme), j'ai détesté - oui le mot est fort mais il est juste - le thème, les personnages, l'atmosphère, le rythme, les dialogues. A bien y réfléchir, la palme revient à ces derniers, pas crédibles à mes yeux ; ils sont pour la plupart truffés de considérations philosophiques déclamatoires voire de citations (regroupées par l'auteur en fin de volume), associées à un langage plus commun, l'ensemble donnant une mixture indigeste puisque personne ne parle avec une telle emphase grandiloquente dans "la vraie vie".



Quant au fond, la quête du meurtrier, elle m'a laissée de marbre, je n'ai ressenti aucune empathie pour le personnage principal malgré les horreurs qui jonchent son parcours. Mon intérêt avait été éveillé par les conditions de vie dans un réserve indienne mais il a vite été étouffé.



Après "Confiteor" de Jaume Cabré, c'est la deuxième fois que j'échoue à lire un roman ayant nécessité dix ans d'écriture. A croire que ces textes trop longtemps marinés et trop remaniés par leurs auteurs ne me conviennent pas ; je me sens engluée par leur écriture qui m’apparaît trop maniérée. J'ai besoin de naturel et d'authenticité en littérature, et d'une spontanéité totalement absente de ce récit verbeux.





Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Le sang des promesses, tome 1 : Littoral

Ayant lu Incendies, qui m'avait laissée sur les fesses, avant Littoral, je dois bien dire que Littoral m'a déçue ; et pourtant, les deux textes possèdent de fortes connexions, au point qu'un cycle de quatre pièces est finalement né, le Sang des promesses. Littoral est le premier de ces textes, écrit en 1997 puis publié en 1999, et revu en 2009 pour une mise en scène de la totalité du cycle. Ce que j'ai lu, c'est le le texte initial.





Wilfried, un jeune homme d'une vingtaine d'années, apprend en pleine nuit que son père, qu'il ne connaît pas, vient d'être retrouvé mort sur un banc. Une fois à la morgue, on lui demande ce qu'il a décidé à propos du corps : doit-on l'incinérer, l'enterrer, l'exposer, etc . ? Complètement dépassé par les événements, il se tourne vers sa famille maternelle, qui l'a élevé (car sa mère est morte à sa naissance), et cela bien qu'il sache parfaitement que ses oncles et tantes ne portaient pas leur beau-frère dans leur coeur. Or l'hostilité est plus grande qu'il ne s'y attendaient et il n'est pas question de trouver une place au père de Wilfried dans le caveau familial. Que faire de ce corps ? C'est en prenant connaissance de l'histoire d'amour entre son père et sa mère (nous reparlerons du procédé dramaturgique qui lui permet d'accéder à cette histoire) qu'il se décide à aller ensevelir le cadavre dans le pays natal de son père – qui est le Liban, mais le pays n'est jamais nommé et tout ce qui le concerne reste très flou, si bien qu'on peut facilement s'imaginer ailleurs. C'est un pays qui a connu la guerre, et dans lequel il n'y a pas plus de place pour le corps du père de Wilfried que dans le caveau familial. Un pays qui ne fait guère de place non plus à la génération de Wilfried. Transportant son cadavre de village en village, son parcours sera parsemé de rencontres, soit temporaires comme avec l'aveugle Ulrich, soit définitives comme avec Simone, Amé, Sabbé, Massi et Joséphine, qui ont le même âge que Wilfried, et qui ont tous à porter une histoire qui concerne leur père, voire leur mère ou leur famille entière, mais surtout cette guerre qui a bouleversé leurs vies. Tous accompagneront Wilfried dans sa quête pour un endroit digne d'une sépulture, et, pour dire les choses clairement, dans son voyage initiatique, qui deviendra aussi le leur.





Comme ça, ça a l'air tout aussi émouvant et prenant qu'Incendies. Ça ne l'a pas été pour moi. C'est que c'est écrit très différemment, mais aussi que si c'est foisonnant d'idées et de thématiques, au point que je trouve ça assez foutraque. Et pour l'essentiel, il faut bien dire que je n'ai pas été convaincue par cette quête d'identité que revendique Mouawad pour son personnage ; ça m'a presque paru artificiel, tout au contraire de la quête des personnages d'Incendies. Et puis j'ai trouvé tout une partie des dialogues inutiles, comme le monologue de la première scène où Wilfried raconte qu'il était en pleine scène de baise, avec plus ou moins de détails à l'appui, quand il a appris la mort de son père. Alors évidemment, ça permet de faire le lien très facilement avec Sophocle et Oedipe, puisque Wilfried dira qu'il a couché avec son père (parce qu'il éjaculait au moment où son père mourait, ouais, bon) et qu'il a tué sa mère, qui est morte en accouchant de lui - on reviendra sur Sophocle. On a aussi droit à toute une dramaturgie qui confine parfois volontairement au grotesque, par exemple avec les tantes de Wilfried qui poussent sans cesse des petits cris, mais surtout avec l'apparition de personnages tout droit sortis de l'imagination de Wilfried, tels le Chevalier Guiromelan ou une équipe de cinéma qui suit Wilfried dans ses pérégrinations, et encore davantage avec le cadavre du père de Wilfried qui se déplace avec lui, parle, pue (la décomposition, forcément!), etc. Cela alternant avec des passages plus oniriques, ce qui est le cas avec l'apparition de la mère de Wilfried, ou bien avec des monologues qui tendent vers le théâtre grec.





Et donc là, vous avez compris à quel point Mouawad est influencé par la tragédie grecque, et surtout par Sophocle, et surtout par Oedipe Roi. Ce dont il ne se cache pas, bien au contraire, puisqu'il dit que son projet, né de discussions avec Isabelle Leblanc, s'est ensuite enrichi de ses lectures d'Oedipe Roi, de Hamlet et de L'Idiot, le point commun étant la relation au père pour les personnages principaux. C'est tout de même essentiellement Sophocle qui transparaît tout au long de la pièce, les personnages de Mouawad endossant les rôles de son illustre prédécesseur. Si Ulrich l'aveugle est évidemment Tirésias, Wilfried est aussi bien Oedipe qu'Antigone, Joséphine est appelée Antigone par Ulrich, Amé est évidement Oedipe, lui aussi, et le père de Wilfried est tour à tour Jocaste, Laïos, Oedipe, le coryphée et beaucoup d'autres, vu qu'il incarnera le père de chacun des jeunes gens.





Ces références à Sophocle ne me gênent pas en elles-mêmes, c'est même le contraire, d'autant qu'on sait que Mouawad est féru de Sophocle – il va d'ailleurs les réutiliser dans Incendies -, mais je ne les trouve pas extrêmement subtiles, peut-être parce que Mouawad a cherché à instaurer le grotesque dont je parlais plus haut dans sa pièce. Ce mélange des genres m'a plutôt semblé pénible en l'occurrence, et passer de la bouffonnerie à des histoires extrêmement sordides sur la guerre (au point que c'est quelquefois difficilement soutenable), du langage réaliste à une espèce de prose poétique, ça n'a pas fonctionné pour moi. Et puis toutes ces thématiques qui s'accumulent, la relation au père, au pays d'origine, la quête d'identité, la quête d'un avenir, la guerre, la question de la mémoire... J'ai trouvé que c'était trop, et finalement pas très approfondi dans chacun des cas.





Du coup, alors que j'avais prévu de lire Littoral avant Incendies, et que je me suis retrouvée à faire l'inverse, c'est finalement pas plus mal. Incendies m'a poussé à lire Littoral, alors que Littoral, si je l'avais lu en premier lieu, m'aurait sûrement freinée et aurait probablement retardé ma lecture d'Incendies.







Challenge Théâtre 2020

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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

J'ai découvert Wajdi Mouawad en lisant son roman Anima, puis en découvrant qu'il était aussi auteur de théâtre, j'ai eu envie de lire Littoral (premier tome de la tétralogie le temps des promesses), puis envie de le voir adapté sur scène (Assoiffés d'abord, puis Littoral, au festival d'Avignon 2017) puis de lire Assoiffés après en avoir vu l'adaptation.



Ce parcours de découverte m'amène tout naturellement à Incendies, le tome 2 du temps des promesses. Comme le dit si bien Mouawad en introduction de la pièce, il ne s'agit pas d'une suite narrative mais d'une reprise de la reflexion autour de la question des origines.

A lire les premières pages pourtant, on sent la filiation narrative avec Littoral. Les débuts se ressemblent comme vus à travers des miroirs déformants, un sentiment de déjà lu qui fait presque peur, peur qu'on soit dans une redite et que le si talentueux Mouawad soit dans une forme de ressassement, ressassement d'une douleur qu'il a lui même vécu dans l'exil.



Et puis l'histoire se déroule et on voit comment il arrive à rendre les choses tout à la fois différentes et semblables. Les circonstances sont presque les mêmes, les protagonistes non. Leurs réactions divergent, la recherche de l'identité passe comme dans Littoral par un retour au pays des origines, par une confrontation à l'autre pour se connaitre mieux soi-même et apprendre qui l'on est réellement.



Ce que l'on y apprend est tragique, lourd, terrible. Lire Mouawad n'est pas un moment de détente et de rire garanti (même si l'humour est malgré tout présent au milieu du désastre). Lire Mouawad c'est se confronter à l'humain dans ce qu'il a de plus noir, et en ressortir malgré tout plus vivant.

C'est être bouleversé dans ses certitudes même quand on croyait avoir tout compris. C'est se retrouver face à l'invraisemblable et se rendre compte qu'il peut tout à fait être le réel. C'est voir une fiction tenter de se rapprocher d'une réalité par le biais de l'inenvisageable.



Bref,c'est une expérience de lecteur (et je l'espère un jour de spectateur... voire d'interprète...) assez indéfinissable que j'ai tenté de vous faire ici partager sans rien dévoiler.
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Anima

Je vais m’appliquer ici à vous donner envie de lire «Anima » de Wajdi Mouawad. Comment trouver les mots pour y parvenir ? Je ne suis pas sûre d’être à la hauteur du challenge… Beaucoup de critiques en ont fait l’éloge : qualifié d’unique dans la rentrée littéraire 2012, puissant, terrifiant, à la limite parfois du soutenable. Tout cela effraie quand même un peu le lecteur…Je viens de le refermer et je suis effectivement sous le choc, mais quel livre !

La quête de Wahhch, le héros (quête du meurtrier de sa femme sauvagement assassinée, quête de son propre passé oublié qui resurgit à la suite du drame) : un road movie à travers l’Amérique jusqu’au dénouement qui nous dévoile les terribles secrets liés à son enfance en nous plongeant dans l’horreur des massacres de Sabra et Chatila.

Un thriller ? Oui, un récit initiatique ? Oui, mythique? Oui, ce qui lui confère une dimension universelle. L’auteur n’épargne pas le lecteur ? Certes et il convient d’attacher sa ceinture avant de s’embarquer avec lui. Mais ici aucune violence gratuite : elle sert à la démonstration de l’inhumanité de l’homme envers l’homme, envers les animaux (ce sont eux qui nous content l’épopée de Wahhch et, par eux, Mouawad témoigne de la violence inhérente à toute vie).

J’ai ouvert le livre, je ne l’ai plus lâché, hormis quelques pauses… pour encaisser : j’ai été prise aux tripes, mais aussi émue par les belles rencontres qui sillonnent le roman et l’écriture de W. Mouawad magnifique, puissante, poétique aussi, fait accepter l’indicible. J’espère avoir convaincu quelques-uns d’entre vous que c’est un livre à ne pas laisser de côté… Sauf état dépressif ! ! !

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Assoiffés

Je fais rarement les choses dans ce sens mais j'ai lu Assoiffés après l'avoir vu à Avignon l'été dernier. Je cherchais au départ à voir Littoral du même auteur que j'avais lu (et que j'ai fini par aller voir la semaine suivante) et je me suis "rabattu" sur cette pièce pour laquelle il restait des places.



Je n'ai pas regretté ce contretemps car j'ai découvert une pièce coup de poing comme le sont la plupart des œuvres de Mouawad. Alors qu'habituellement, on trouve l'influence de son passé au Liban dans ses oeuvres, il n'est ici question que des souffrances de l'adolescence face à la réalité de la vie et à ses laideurs, face aux renoncements que suppose le passage à l'âge adulte. Faits de longs monologues des deux personnages principaux, ce texte sait toucher à l'essentiel de ces questions fondamentales de l'humain puisque nous sommes tous passés par là. Les répétitions incantatoires du personnage de Murdoch m'ont totalement bouleversé lors de la représentation et je n'ai pu essayé de retrouver (imparfaitement) cette émotion qu'en réinterprétant à haute voix certaines répliques.



Je ne saurais jamais comment j'aurais perçu le texte si je l'avais lu avant de le voir et si cette lecture m'aurait d'ailleurs donné envie d'aller à une représentation du texte. C'est en tout cas pour moi une très belle pièce contemporaine, sensible, poétique et surtout juste.
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Anima

un livre fort, violent et dérangeant. raconté par plusieurs animaux, un.par chapitre, ou presque car la narration du chien reste majoritaire, on suit le parcours d un homme dévasté par le meurtre horrible de sa femme et de l enfant qu elle portait, et de la brèche qui s ouvre alors sur son passé. Road movie infernal, recherche effrénée d une identité perdue, entre le Canada, les États-Unis et le Liban, ce livre est un voyage halluciné, Animal (!) parfois cru et très violent, de vengeance, d amour, de guerre, de massacre et de rédemption. malgré qq faiblesses parfois, à mon avis bien sûr, l auteur nous prend aux tripes jusqu au terme de cette quête hors norme. une fois terminé (500 pages en poche) il subsiste un sentiment étrange. Un livre à découvrir, trop sensibles s abstenir.
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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

Incendies est la deuxième pièce d’une tétralogie, Le sang des promesses. Elle est créée en 2003 et paraît la même année. Elle a connu plusieurs autres mises en scènes depuis sa création.



Nous sommes au Canada. Une femme, Nawal Marwan, vient de mourir. Hermile Lebel, le notaire qui a été son ami, lit son testament à ses enfants, Jeanne et Simon, qui sont jumeaux. Au-delà de la transmission de biens, Nawal charge chacun de ses enfants d’une mission : pour Jeanne ce sera remettre une lettre à son père, que tout le monde pensait mort, et pour Simon remettre une lettre à son frère dont il ignorait l’existence. Ce sera l’occasion pour l’un comme pour l’autre, de refaire un voyage dans le pays natal de leur mère, qui sans être nommé, ressemble au Liban, et surtout dans son passé, et donc dans leurs origines, dont ils vont vite comprendre, qu’ils ignoraient la plus grande partie. Il s’agit aussi, au-delà de rentrer dans l’histoire du pays de naissance de leur mère, de rentrer dans le processus de guerre civile, de violence, de haine, de destruction et de chaînes de meurtres.



La pièce est extrêmement complexe, puisque plusieurs époques se télescopent, parfois dans la même scène deux moments de l’histoire sont présents en même temps . Nous suivons Nawal depuis ses 14 ans jusqu’à sa mort. Les personnages sont dessinés, avec chacun sa personnalité, mais beaucoup d’éléments dans leurs vies restent en partie généraux et abstraits, et évoquent la situation historique au-delà de leur cas propre. Le contexte est très complexe, Wajdi Mouawad ne raconte pas à proprement parlé la guerre, les différents camps en présence ne sont pas nommés par exemple, il y a des combattants, des affrontements, mais il ne nous dit pas qui combat qui. Ce qui vise d’une certaine manière à une forme d’universalité. Et qui rend impossible de désigner les bons et les méchants : chacun à son tour est victime et bourreau, dans des enchaînements de violence de vengeances, un engrenage sans fin. Même Abou Tarek, le terrible bourreau, est devenu ce qu’il est par un enchaînement de circonstances, la perte de sa mère, les divers expériences qu’il a vécues, ont provoqué ses comportements inhumains. Il ne peut y avoir de gagnants dans le processus de guerre, tout le monde perd à un moment ou un autre son humanité dans le processus en cours.



C’est une pièce puissante, d’une construction très élaborée, intégrant histoire, mythe, destin de l’humanité, dans un projet ambitieux et tenu de bout en bout. Impressionnant.
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Anima

Essentiellement connu – pour ce que j’en sais, à tout le moins – pour sa pièce Incendies, adaptée au cinéma par Denis Villeneuve, Wadji Mouawad est un auteur à la fois prolixe et hétéroclite touchant à un peu tous les arts quand bien même le théâtre semble être celui qui a le plus ses faveurs.

Avec Anima qui, bien que paru dans une collection blanche est incontestablement un roman noir, Mouawad démontre aussi qu’il est un grand romancier.



À travers le personnage de Wahhch Debch qui découvre en rentrant chez lui sa femme assassinée et sauvagement mutilée, l’auteur se lance dans une passionnante réflexion sur l’identité, la quête des origines et, plus largement, l’humanité.

Confronté à l’immobilisme de la police canadienne dont il apparaît bien vite qu’elle a identifié le coupable du meurtre, un indien Mohawk réfugié dans sa réserve, Debch, animé plus par le désir de voir de ses propres yeux l’assassin de sa femme que par un réel besoin d’assouvir une vengeance, se lance à sa poursuite. Mais, bien vite, cette quête va ouvrir d’autres portes devant l’époux affligé, y compris certaines qui mènent à son enfance au Liban, à Sabra et Chatila en septembre 1982.



Démarrant comme un thriller on ne peut plus banal n’était l’étrange manière dont les faits sont décrits, Anima trouve bien vite sa voix ou plutôt ses voix. Car, en effet, l’on comprend bien vite que les narrateurs sont multiples et qu’il s’agit des animaux qui croisent la route de Wahhch Debch. Ce sont eux qui décrivent ce qui se passe. Et c’est à travers leur regard que Wajdi Mouawad s’interroge sur la frontière entra l’humanité et la bestialité ; une frontière sur laquelle marche un Wahhch Debch qui tend nettement à pencher de plus en plus vers l’animalité. Une animalité qui, d’ailleurs, n’est certainement pas un état moralement pire que la condition d’humain, ainsi que le rappelle ce rat caché derrière un radiateur :



« J’ai émis un couinement à peine audible. Il m’a entendu. Il s’est retourné. Il a d’abord cherché, puis, en se baissant, il m’a aperçu. Il s’est accroupi, il m’a regardé, je l’ai regardé, j’ai couiné, il a tendu sa main en ma direction et a dit Moi aussi ! Moi aussi ! sous terre, sous terre, et seul ! et il a éclaté en sanglots. Bouleversé par son amitié, par sa profonde affection, gratuite et généreuse, je n’ai rien pu lui offrir en retour. Comment être à la hauteur d’un tel don qui me faisait entrevoir ce que le geste de tendre une main vers son semblable a de sublime ? Il s’est relevé et je l’ai vu s’éloigner. Je ne me suis pas attardé. Je me suis faufilé entre le mur et le radiateur. Je me suis immobilisé. J’ai retrouvé mon souffle et mon attention. Les humains ne sont pas tous des pièges, ils ne sont pas tous des poisons, je veux dire par là qu’ils ne sont pas tous des humains, certains n’ont pas été atteints par la gangrène. »



Le piège était pour Wajdi Mouawad de réduire son roman à ce procédé consistant à utiliser le point de vue des animaux. Il l’évite avec finesse, ne tombant jamais dans la caricature ou la facilité et son écriture déclamatoire, voire incantatoire, venue de son art de l’écriture dramatique ajoute à l’attrait de la quête de Wahhch Debch un effet sensiblement hypnotique. Fascinant, le chemin que suit le personnage et qui le mène à découvrir toujours un peu plus l’inhumanité de ses semblables prend encore une autre dimension avec sa rencontre d’un chien comme échappé des Enfers, compagnon de route aussi fidèle qu’effrayant pour ceux qui ont à le croiser ; ce qui donne lieu à des scènes aussi étranges qu’impressionnantes.

Cela donne au final un roman certes exigeant – bien plus en tout cas que l’un de ces thrillers prémâchés qui prennent en otage les tables des libraires – mais aussi terriblement marquant. De ceux que l’on n’abandonne pas après leur lecture et qui vous suivent longtemps.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Anima

Un chef d'oeuvre ! Il y a parfois des mots qui s'imposent tellement ils sont appropriés. Anima fait une entrée fracassante dans la top liste de mes livres préférés.

Tous les éléments que j'aime trouver dans un livre sont présents. Tout d'abord un mode de narration originale. Je ne devoilerai pas ici lequel car c'est une bonne partie de l'intérêt de l'oeuvre. Et le découvrir à la lecture est un pur délice.

Mais ce qui est extraordinaire, c'est qu'une telle originalité ne se fasse pas au détriment de l'histoire mais au contraire la serve. En effet, le risque est de tomber dans l'exercice littéraire et de lasser le lecteur.

Ce n'est pas le cas ici, tout d'abord parce que l'histoire est forte, polymorphe, remplie de mystères et de suspense. Et puis aussi parce que l'auteur sait adapter au bon moment cette narration si particulière, à la fois pour conserver toute l'attention de son lecteur, mais également pour s'adapter au rythme de son récit.

Et quand à tout ce florilège d'atouts, vous ajoutez un style qui sait lui aussi s'adapter, entre phrases d'une force poétique extraordinaire, entouré de passages où la simplicité du propos sert l'action. Quand vous arrivez à distiller l'humour dans une histoire qui fait frissonner d'horreur mais aussi nous mettre face à notre condition d'homme, dans ce qu'elle a de plus détestable comme de plus beau.... Eh bien, vous obtenez un chef d'oeuvre, c'est aussi simple que ça !

Et quand j'apprends que l'auteur est avant tout un homme de théâtre, l'acteur en moi voit s'ouvrir de jolies perspectives...
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Visage retrouvé

Ce premier roman n'est pas officiellement une autobiographie mais le jeune Wahab ressemble bien à son créateur ! Tous deux sont nés au Liban et tous deux ont vécu l'exil pour échapper à la guerre. Tous deux conservent des images traumatiques et tous deux se tournent vers l'art pour y chercher expression et compréhension de leur histoire. J'ai retrouvé les thèmes chers à l'auteur: l'exil,la quête d'identité,la guerre,la violence,les rencontres qui peuvent sauver du néant par un sourire,un regard...S'ajoute peut être plus fortement ici un autre type d'exil,celui du passage de l'enfance à l'âge adulte. La construction de ce roman me fait penser à un tableau de Picasso. Tout paraît incohérent,sans dessus dessous,et pourtant quelle richesse ! Tout y est mais il faut reconstituer le puzzle... J'ai aimé la poésie et l'univers onirique dans lequel Wahab évolue en se débattant avec ses 14 ans qui métamorphosent sa famille. Cet univers devient violent, le vocabulaire brutal et même vulgaire lorsque la colère fait surface avant de pouvoir retrouver le visage de sa mère.

Mon intérêt et même mon attachement pour W.Mouawad se confirme par cette lecture. Son écriture singulière et pleine de nuances,de variations et de subtilité donne naissance à des textes vraiment profonds et captivants.
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Anima

Deuxième œuvre de Wajdi Mouawad que je lis et même coup de cœur! On entre dans ce roman par une scène terrible, celle où Wahhch découvre le corps affreusement mutilé de sa femme. Il est en état de choc, plus que cela, il est comme aspiré dans les abîmes de l'enfer par la plaie béante qui a tué sa femme et l'enfant qu'elle portait.Il faut qu'il retrouve le meurtrier et c'est ce besoin essentiel qui va le tirer de la paralysie mortifère de cette vision . Cela pourrait faire penser simplement à un policier mais ce n'est pas la soif de vengeance qui anime Wahhch , c'est le besoin impérieux de voir le visage du meurtrier pour s'assurer que ce n'est pas lui l'assassin, car c'est une brèche dans sa mémoire qui vient de s'opérer. Dés lors nous sommes embarqués dans un voyage quasi initiatique même s'il s'ancre bien dans le réel et même une réalité des plus violentes. Le voyage est aussi géographique, à travers l'Amérique, ses différences, ses vieux démons, ses paysages mais aussi ses différentes cultures dont l'amérindienne.Thème cher à l'auteur, ce roman interroge la notion d'identité, de l'ombre qui nous suit et qui peut parfois nous tuer. D'étapes en étapes nous accédons aux souvenirs, le voile se lève, les images du passé font lien peu à peu avec ce crime odieux qui inaugure le roman. Il faudra pour cela revivre les guerres,La Guerre, l'histoire de Wahhch (et de l'auteur) rejoint la grande Histoire. Ce roman parle d'humanité, celle qui est mise à mal et nous donne honte d'en faire partie.

Non seulement cette trame est d'une richesse incroyable mais W.Mouawad crée un roman d'une grande originalité par la forme de son récit. Les narrateurs sont des animaux. Le premier, un chien qui assiste à la première scène,prévient le lecteur "j'ai su alors que cet homme avait lié il y a longtemps, et d'une manière par lui seul connue, son destin à celui des bêtes". Ces animaux se succèdent, chien,fourmis, boa, chat ,oiseaux... et c'est à travers leurs regards que nous observons ce qui se passe mais aussi que nous ressentons les émotions de Wahhch avec plus d'acuité que si c'était un homme qui observait car nous avons accès à toutes les perceptions animales: les odeurs qui trahissent la peur, les ondes qui transmettent l'émotion, les "émanations colorées que les corps des vivants produisent lorsqu'ils sont en proie à une violente émotion"...Cette succession s'arrête lorsque Wahhch rencontre Mason-Dixon Line un chien sauvage, son animal totem? C'est lui alors qui va nous accompagner jusqu'au bout du voyage, "au bout de la nuit".

L'auteur emploie plusieurs langues dans son récit, ceci parle certainement de l'auteur lui même, ses origines mais peut-être aussi cela vient-il rappeler l'universalité des émotions, de la souffrance, de nos pluri-identités. Je serais tentée d'en dire beaucoup plus encore sur ce roman par peur de ne pas en transmettre suffisamment la richesse mais c'est pour préserver le bonheur de la découverte des futurs lecteurs que je me censure! Je termine donc seulement par quelques mots sur l'écriture de W.Mouawad qui me touche énormément. Elle peut être lumineuse et nous entraîner dans les ténèbres, elle peut dégager une poésie vibrante comme nous clouer sur place par la violence d'une image, le rythme sait nous faire perdre le souffle ou au contraire nous accorder le temps d'une rencontre émouvante...Merci monsieur Mouawad pour votre générosité d'écriture et de cœur car il n'y a aucun doute sur le fait que votre plume trempe autant dans l'encre que dans votre sang.
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Anima

"Anima" est un roman sombre et surtout violent. On y trouve des corps meurtris, du sang, beaucoup d'agressivité dans les actes. La lecture est un peu douloureuse au début mais très vite, l'histoire happe le lecteur et on ne peut s'empêcher de poursuivre tant l'envie d'en découdre est présente. Attention aux cœurs fragiles, ce livre est terriblement dur et il fait 500 pages.



Montréal, de nos jours.

En rentrant chez lui, Wahhch Debch découvre le corps de sa femme gisant dans une mare de sang au milieu du salon. Elle a été sauvagement assassinée. Le crime est diabolique. L'enfant qu'elle portait n'a pas survécu aux coups des lames. L'enquête de police stagne. Malgré le choc, Wahhch part à la recherche du meurtrier. Sa première piste le conduit à Kahnawake, une réserve indienne au bord du fleuve Saint-Laurent. La police fédérale ne peut y entrer. C'est le début d'une chasse à l'homme. On connaît le nom de l'assassin, un certain Welson Wolf Rooney. Mais, dans la réserve autochtone, on ne voit rien, on entend rien, on ne dénonce personne. Il est impossible d'obtenir des informations. Wahhch ne se démonte pas. Il poursuit son chemin. Sa traque le conduit à traverser une bonne partie de l'Amérique du Nord.



La particularité de ce récit est qu'il est raconté par des animaux. Successivement des oiseaux, des chats, des chiens, un serpent ou encore des rongeurs croisent le chemin de Wahhch et décrivent ce qu'ils voient et entendent. Les bêtes évoquent également leurs ressentis, les odeurs, les pulsions et leurs réactions face aux événements. Le lecteur est également un observateur, on suit le personnage central dans ses actes et ses attitudes, on va de découverte en découverte, on cherche à comprendre.

Le personnage de Wahhch est très intriguant. Il cherche le meurtrier mais pas la vengeance. Il veut voir son visage, comprendre. Qui est-il ? Pourquoi une telle bestialité dans l'assassinat ?

Progressivement, des bribes de souvenirs ressurgissent de son passé dont ceux entourant l'origine obscure de sa famille. Le meurtre a réveillé en lui des images enfouies qu'il cherche à interpréter. Qui est-il vraiment ? D'où vient-il ? Quels étaient ses rapports avec son épouse ? On ne sait rien. Tout est centré sur le meurtre et la traque. Le Québec, l'Illinois, le Montana, le Missouri ou encore le Kansas font partis des états que Wahhch va parcourir dans sa quête de la vérité. On le suit au jour le jour dans tout le pays à travers l'Amérique rurale.

Un roman percutant, qui chamboule, qui reste en tête même après l'avoir refermé tant la haine qui en ressort est féroce.
Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

Une fois n'est pas coutume, j'ai vu le film de Denis Villeneuve extrait de cette pièce (interprétée par ailleurs au théâtre) et qui m'a donné envie de lire la pièce de Wajdi Mouawad.



L'histoire : Jeanne et Simon Marwan sont jumeaux. Ils viennent de perdre leur mère, Nawal. A la lecture du testament, Jeanne reçoit une "lettre au père" et Simon une "lettre au frère". Pour offrir des obsèques décentes à leur mère, chacun devra la remettre à son destinataire. Situation surprenante... Simon refuse instinctivement de se soumettre à cette missison qu'il considère comme l'ultime accès de folie de sa mère. Jeanne, au contraire, espère y trouver la clé aux récents comportements énigmatiques de sa maman et brûle de soulever ce doute qui vient de s'abattre sur eux : les jumeaux croyaient leur père mort et n'ont jamais eu connaissance de l'existence d'un frère.



Jeanne quitte son Québec d'adoption pour pister la véritable histoire de sa mère. Elle se rend au Moyen-Orient dans un pays jamais nommé, marqué par les guerres successives, coupé entre le Nord et le Sud, entre nationalistes et réfugiés...

Dans un mélange d'indignation et d'affection, Jeanne a la force de se lancer dans cette odyssée homérique qui brasse dans un même élan les trajectoires intimes et l'Histoire du Moyen-Orient de ces quarantes dernières années.



Un voyage initiatique qui évoque les questions d'amour maternel, de filiation et d'identité dans un contexte de guerre civile, où la vérité fait jour, peu à peu, jusqu'à la révélation finale.



Une pièce de théâtre, un film, bouleversants.













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