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Critiques de Wajdi Mouawad (492)
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Anima

Noir, tranchant, et froid comme l’obsidienne, brillant comme elle. Tel peut être qualifié ce roman portant ce nom latin qui signifie souffle ou âme, et qui a donné sa racine au mot « animal ». Plonger dans cette histoire, c’est vivre une expérience littéraire profondément singulière, frotter son âme aux noirceurs les plus infâmes de l’humanité, et pourtant y voir une infime lueur qui fait espérer autre chose. Cette lecture ne conviendra pas à tout le monde. Certaines pages versent dans l’horreur absolue, les plus effroyables cruautés humaines. Cependant, la démarche de l’auteur convainc de la nécessité de décrire l’indescriptible, car l’indescriptible est une réalité qui jaillit de la fiction.



Wahhch Debch est un homme anéanti par la douleur depuis qu’il a découvert le cadavre de sa femme assassinée, odieusement mutilée et souillée. Elle portait leur enfant. Mais Wahhch Debch n’éprouve aucun désir de vengeance, seulement l’impérieux besoin de voir le visage de celui qui a pu commettre pareil crime, pour se convaincre que ce visage n’est pas le sien. Il entame alors une périlleuse odyssée entre le Québec et les États-Unis, sur la piste du meurtrier de sa femme, un Indien d’une férocité sans mesure, qui se cache parmi les siens et pourtant ne craint rien ni personne. Cette quête fait resurgir en Wahhch les terribles souvenirs enfouis de sa petite enfance, lui l’enfant enterré vivant, l’enfant adopté, miraculeux survivant du massacre de Sabra et Chatila durant la Guerre du Liban.



L’originalité première de ce roman est qu’il est raconté à la première personne par une multitude de narrateurs, tous des animaux. Chaque chapitre porte le nom latin de l’animal qui assiste à la scène, et l’auteur démontre l’étendue de son habileté narrative en conférant à ces bêtes, insignifiantes, élégantes ou sauvages, des voix singulières au style marqué. Ce récit à la plume remarquable, teinté de spiritualité animiste, est une ode au regard et à l’innocence de ceux qui ne sont pas nous, un réquisitoire contre la terrible violence qui dévore les entrailles et la raison de l’Homme. Une lecture éprouvante qui creuse profondément sa trace.
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Visage retrouvé

Quand je réfléchis aux auteurs contemporains qui me touchent le plus (Wajdi Mouawad et Beata Umubyeyi Mairesse), je remarque un point commun, ils ont tous les deux vécus un des drames de l'Humanité de ce XXème siècle où j'ai grandi, respectivement la guerre au Liban et le génocide rwandais. Si j'essaye de l'analyser, je dirais qu'ayant vécu une enfance privilégiée, protégé de la violence des hommes, j'ai besoin de toucher du doigt les enfances qui y ont été le plus exposé, celles pour qui la confrontation à la violence a été immédiate et brutale.



Ce livre est le premier roman de Mouawad, écrit entre ses pièces Littoral et Incendies, et donc rempli des mêmes thématiques que sa tétralogie du Sang des promesses : rapport au pays d'origine, interrogations sur les liens familiaux, sur la mort et sur ce qu'elle nous oblige à devenir.



La construction est centrée sur l'adolescence du personnage principal, écrite à la troisième personne et encadrée par l'enfance et le jeune adulte, à la première personne. Si on compare avec son second roman Anima écrit 5 ans plus tard, on sent un auteur encore en recherche, qui éprouve le besoin de guider le lecteur (ou de se cadrer lui-même) en énonçant littéralement les guides pour la lecture. Le changement d'angle (première à troisième personne) est ainsi littéralement annoncé dans le texte, comme une invite pour que le lecteur le remarque, si jamais il ne l'avait pas fait. C'est presque maladroit mais touchant. De même, le narrateur fait parfois le bilan de son récit en énonçant une sorte de résumé pour qu'on soit bien sûr de ne pas avoir manqué les étapes importantes. Les ficelles de la narration sont à nu et le marionnettiste ne cherche pas à nous illusionner.



Ce premier roman est aussi beaucoup plus autobiographique que le second... comme beaucoup de premiers romans. Les exils, les événements familiaux que vit le narrateur sont ceux de l'auteur. Malgré ce canevas très personnel, Mouawad parvient comme toujours à nous parler directement et personnellement. Cette métaphore des visages qu'on ne reconnait plus, qui ne l'a pas vécu intimement ne serait-ce que quelques secondes, face à la glace, ce sentiment d'étrangeté de se retrouver devant un inconnu qui est pourtant soi. Mouawad s'en saisit et l'étire pour en faire l'élément très original de sa narration, dont le sens réel ne nous est révélé que dans le dénouement, avec des ficelles pour le coup bien moins évidentes.



Mouawad se met totalement à nu dans ce roman et explore sa folie et ses angoisses. Il nous invite ainsi à venir partager les nôtres, puisque nous sommes frères humains, bien imparfaits mais plus humains encore d'être conscients de cette imperfection. Comme souvent avec les auteurs qui nous touchent vraiment, le voyage n'est pas vraiment tranquille mais nous trouve plus conscients de nous-mêmes une fois arrivé à destination.
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Anima

Au début, j'ai été un peu désarçonné avant de comprendre que les narrateurs successifs étaient des animaux (eh oui, les noms en latin annoncés en titre ne me sont pas familiers ! -voir "pan troglodytes"-) mais le fait que le narrateur boive l'eau des toilettes m'avait cependant un peu interloqué.



Rien n'est facilité dans cette lecture : le latin pour annoncer l'animal dont on suivra le point de vue, la langue anglaise, certes simple -"the shock of the titans"- mais non traduite of course !, les expressions québécoises, mais là nous avions été affranchis par les comiques exportés et la langue arabe, enfin je crois...



Les points de vue animaliers variés hachent quelque peu la progression de l'histoire, le récit est ralenti par les digressions apportées par les animaux qui cassent un rythme qui peine à s'installer. J'ai trouvé le procédé parfois un peu artificiel, à tel point que j'ai failli plusieurs fois lâcher l'affaire.

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Anima

Au Québec, un homme au nom imprononçable veut absolument retrouver le meurtrier de sa femme afin d'évacuer la folie qui le menace. S'ensuit une poursuite violente et implacable dans une réserve indienne sous les yeux imperturbables des animaux témoins de ces événements.

Envoûtant et singulier, voici ce qui caractérise Anima : à partir d'un meurtre abject, Wajdi Mouawad pour évoquer le coté noir des hommes, fait parler les bêtes témoins de leurs actes monstrueux.

Dans une langue magnifique qui dissèque le moindre brin d'herbe ou une fourmi transportant un grain égaré, une langue qui charrie la colère et la violence humaines, l'auteur livre ici un roman très puissant et original, dont s'abstiendront cependant les âmes sensibles... !

Les amis des animaux seront contents de voir leur sagesse reconnue au détriment de la folie des hommes !

Hypnotisant !





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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

Une amie amoureuse de théâtre m’avait dit que c’était la pièce la plus poignante qu’elle ait jamais vue, et ce n’est pas peu dire. J’ai donc voulu la lire, car je connaissais l’auteur Wajdi Mouawad, pour avoir lu « Anima », que je considère comme un chef d’œuvre.



Et à nouveau je dis « chef d’œuvre » !



Le fait qu’il s’agisse d’une pièce de théâtre ne dérange en rien la compréhension de l’ensemble. Le présent et le passé se mélangent, les dialogues des défunts succèdent aux dialogues des vivants, dans une fluidité naturelle et évidente.



Deux jumeaux, Jeanne et Simon sont convoqués chez le notaire au décès de leur mère. A cette occasion, ils apprennent l’existence d’un père qu’ils croyaient décédé, et d’un frère dont ils n’ont jamais entendu parler. Les dernières volontés de la défunte consistent entre autres pour Simon à retrouver leur frère et à lui donner une enveloppe, et pour Jeanne à retrouver leur père et à lui donner une enveloppe. Les jumeaux sont abasourdis, d’autant que leur mère a obstinément gardé le silence ces cinq dernières années. (Car, dira-t-elle plus tard, « il y a des vérités qui ne peuvent être révélées qu’à la condition d’être découvertes »).

Après beaucoup de réticences, les deux jeunes gens s’engageront chacun dans leur quête, qui finalement les amènera au même endroit. Là, tous seront confrontés à leur histoire, et leur sera alors révélée l’atroce vérité.



Cette œuvre dénonce les horreurs de la guerre, et les situations abominables qu’elle peut engendrer, surtout quand il s’agit de guerre civile, et que les pères et les frères en viennent à se battre les uns contre les autres.

Beaucoup d’espoir aussi, à la fin du livre, un espoir de rédemption et de réconciliation, si l’on choisit l’Amour plutôt que la Haine.

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Assoiffés

Murdoch râle, rage, crache dans de longs et beaux monologues son « écoeurite la plus aiguë », sa colère face à la laideur d’un monde McDonalisé, consommatisé, l’absurdité d’une vie où les mêmes choses se répètent sans cesse: attendre le bus, aller en cours, revenir chez soi, « finir la soirée planté devant la télévision à se faire dire par une crisse d’animatrice ce qui est beau et bon d’acheter », dormir, attendre le bus... « Comme si on tournait en rond. » « Comme si on revenait toujours au même carrefour alors qu’on est déjà en retard, qu’on a plus ben ben le temps de niaiser. »

L’intensité de la révolte de Murdoch contamine Boon qui lui aussi devient un assoiffé d’amour, de beauté, de sens, d’infini. Il écrit sur cette laideur envahissante qui vous donne envie de disparaître, sur ses ravages, parle de la beauté un peu comme dans un rêve, et sa création prend vie, fait irruption dans le « réel ».

L’imaginaire et la réalité, la poésie et la critique sociale, se mêlent d’une drôle de façon, troublante, belle.

Une pièce très forte, poétique et remuante, percutante, une écriture profonde ravivant ce qui donne le sentiment d’être vivant et pas une machine.
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Tous des oiseaux

Ils se rencontrent à la bibliothèque d’une université new-yorkaise. Wahida rédige sa thèse sur Hassan Ibn Mohammed Al-Wazzân, Léon l’Africain, réfléchissant sur des questions identitaires. Eitan est du côté de la science, plus précisément de la génétique. Elle est arabe, New-Yorkaise d’origine palestinienne, c’est un juif berlinois, descendant d’un rescapé de la Shoah. Ils s’aiment, ils ont vingt ans, pour eux cela ne pose aucun problème, mais la famille d’Eitan, en particulier son père David qui se sent blessé et trahi, s’oppose à leur relation… Lorsque le jeune homme est blessé dans un attentat terroriste alors qu’il se trouve en Israël avec Wahida pour une raison que ses proches ignorent, un secret va être révélé qui va risquer de faire exploser toute la cellule familiale… Sur fond de conflit israélo-palestinien, la pièce, bien écrite et qui se lit comme un roman, portée par l’histoire de l’oiseau amphibie, traite du déterminisme identitaire et de l’héritage de la haine, et questionne la transmission intergénérationnelle des traumatismes de l’Holocauste. Un grand moment de lecture.
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Le sang des promesses, tome 1 : Littoral

Trois heures du matin, le téléphone sonne, Wilfrid, en pleine activité sexuelle, décroche et apprend la mort de son père.

Il décide d'aller l'enterrer dans son pays natal, mais cette terre est dévastée par la guerre, les morts ont pris toutes les places. Wilfrid erre avec le corps de son père, rencontre d'autres orphelins, et l'errance se fait voyage initiatique vers le littoral - se crée comme une petite communauté, nourrissant le nouveau regard que le jeune homme va porter sur lui-même, sur les autres, sur la vie.



Cette pièce est aussi bien faite pour être lue que vue car l'écriture de Wajdi Mouawad est riche, surprenante, d'une belle force émotionnelle, elle a quelque chose de débridée, mêlant l'humour, le poétique, le mythique à une certaine crudité réaliste parfois. Les frontières entre la vie et la mort, l'imaginaire et le réel s'évanouissent: parfois Wilfrid ne sait plus s'il rêve, s´il est encore vivant; le cadavre du père est plein de vie, tout comme le personnage imaginaire du Chevalier Guiromelan, pauvre rêve incapable de changer le monde, mais préservant notre héros de devenir un être froid et rustre, « un de ceux qui, confortables, sont embusqués en arrière et vivent leur bonheur au dépens du sang des autres ». L'écriture est porteuse de questionnements forts, profonds, sur la vie, la mort, les horreurs de la guerre, le sens, l'importance des rêves, de l'imaginaire, des rencontres....
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Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder..

Dominique Pitoiset, directeur artistique du Théâtre national de Bordeaux, a eu la lumineuse idée d'inciter Wajdi Mouawad à réinventer à sa façon les destins d'Oedipe et de ses ancêtres en s'inspirant des pièces d'Eschyle, Sophocle et Euripide.

De l'errance de Cadmos à la recherche de sa soeur Europe à celle d'Oedipe claudiquant parmi les oiseaux, Wajdi Mouawad retrouve le souffle, la fabuleuse énormité du tragique grec et nous embarque avec une superbe écriture, ample, poétique, forte, dans une avalanche de catastrophes et monstruosités: enlèvement des enfants, guerres sanglantes, Servantes décapitées Enfants écorchés Soldats empalés, pédophilie, inceste, parricide... mais aussi dans la beauté de l'utopie d'une ville aux sept portes « ouvertes chacune vers une des couleurs du ciel », accueillante, tournée vers les mouvements de ce qui est autre et différent; de l'apprentissage des trente lettres de l'alphabet, « Lumière des lumières Chacun saura contempler dans ces formes noires Les vestiges les plus profonds de ses rêves De ses désirs »; de la poésie se dressant à l'horizon de la vie, du tremblement provoqué par l'amour naissant; de l'émerveillement devant les trésors du monde:

« Je t'ai assis sur mes vieux genoux

Pour te montrer le ciel

Ma voix t'a fait aimer les oiseaux

Nous avons contemplé les fleurs ensemble

Nous avons écouté le vent...

Je t'ai montré à aimer chaque chose »

Dans la préface de Le Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face, l'auteur explique :

«l'envie de vivre avec les Grecs était forte. Alors, comme toujours, ces lectures m'ont fait remonter l'histoire et m'ont ramené à cet instant, pour moi, merveilleux et mystérieux entre tous: l'enlèvement d'Europe, à Sidon, en Phénicie, c'est-à-dire au Liban! Sidon où, enfant, j'allais faire des pique-niques avec mes parents avant la destruction, l'exil, la colère et les chagrins. Tout à coup, un lien s'est créé, moins sophistiqué, plus sensuel, plus sanguin. J'ai eu l'impression d'entendre bondir en moi l'envie d'écrire, comme si, tout à coup, une bête furieuse, précise et brûlante était apparue devant moi. »

Et ça fait du bien, un dramaturge contemporain qui n'a pas peur du caractère extrême et incandescent de cet univers, qui a l'air de s'y sentir comme chez lui et qui nous offre ainsi une pièce profonde, ambitieuse, puissante.
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Anima

Montréal - Canada - Debch Wahhch dont la femme a été sauvagement assassinée, part sur les traces de l'assassin, un indien mowawk. Secondé par plusieurs personnages hauts en couleurs, dans une longue traque jonchée de morts violentes, ses recherches le mènent dans une réserve indienne. La violence de cette traque va peu à peu réveiller en lui le souvenir d'une violence subie alors qu'il n'était qu'un enfant et qui va le pousser à rechercher, pour le comprendre, ce passé dont il n'a que peu de souvenirs.



J'ai aimé la première partie du roman, celle consacrée à la recherche et à la traque de l'assassin de sa femme et surtout la forme originale du récit, ce sont les animaux qui témoignent et qui permettent de suivre l'action, un texte fort où la violence est décrite de façon crue et sans fioriture, une des grandes forces de ce roman à mon sens. Deux bémols : les noms des animaux sont en latin : mon attention était plus orientée vers la découverte de l'animal décrit que par le récit de la cavale proprement dit et cette narration devenant systématique perd de son effet sur la longueur.....mais le style de Wajdi Mouawad est percutant, efficace, adapté à chaque animal, adoptant son comportement et sa façon d'observer et de témoigner, une originalité très réussie et une écriture coup de poing que j'ai adorée.

La deuxième partie (la recherche de Wahhch sur son propre passé) est pour moi un autre roman qui ne m'a pas vraiment convaincue; certes la violence du meurtre initial réveille chez le héros les souvenirs douloureux et les violences qu'il a subi dans le passé, en temps de guerre mais j'ai trouvé cette violence peu crédible et gratuite, dans un contexte trop différent du Canada.

Mêler deux quêtes aussi intenses (dans l'urgence et dans la violence) dans le même livre était pour moi, trop exigeant; ces deux aventures, avec comme dénominateur commun la violence, ne fonctionnent pas vraiment mes yeux - beaucoup de violence gratuite, des sentiments très exacerbés qui m'ont fatiguée dans la deuxième partie alors que j'avais adhéré à cette même violence dans la première partie.

Anima me laisse une impression en demi-teinte mais reste une découverte forte d'un écrivain exigeant dont je vais sûrement explorer les écrits.
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Anima

J’ai lu Forêts de cet auteur, une pièce de théâtre insolite. Quand j’ai vu que l’auteur, Wajdi Mouawad avait écrit un roman, j’ai tout de suite eu envie de le lire. Mais je ne m’attendais pas à une telle claque. Je n’avais aucune idée du sujet du livre en le commençant mais j’ai rapidement été prise par la particularité de la narration. Chaque chapitre est racontée par un animal qui raconte le désespoir de Wahhch et sa quête de vérité.

Un roman à tiroirs, des thèmes qui en appellent d’autres et une forme qui surprend. Plus on avance dans l’histoire, plus on prend conscience de la cruauté du meurtrier. Cependant, le mystère persiste… les pages se tournent toutes seules pour comprendre Wahhch, pour savoir qui il est. J’ai été très touchée par l’écriture de Wajdi Mouawad, la première partie m’a bercée par son rythme avec les différentes attitudes du protagoniste, la seconde m’a ensorcelée et la troisième m’a carrément écœurée, bouleversée, comment de telles horreurs peuvent-elles exister ?

J’ai entendu parler de la Guerre au Liban, mais je n’avais jamais vraiment pensé que des hommes pouvaient être terrifiants à ce point. L’auteur est libanais et raconte l’histoire de son pays en se servant de divers éléments : la culture des Indiens Mohawks, les animaux, la nature… Wahhch se rapproche de l’animal, l’animal se rapproche de lui, Mouaawad confronte le monde des hommes et celui des animaux, qui est finalement le plus « animal » ? le plus « humain » ?

Un roman qui ne s’oublie pas.

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Anima

Ça commence avec une scène de meurtre épouvantable comme on peut en trouver dans les romans policiers de Pierre Lemaître ou de Camilla Grebe. Mais on est dans un style un peu plus littéraire pour ne pas dire érudit; une construction même un peu trop sophistiquée à mon goût (je pense à la façon que l’auteur a de nous montrer les scènes du point de vue d’une animal qui change avec les chapitres et dont le nom nous est donné en latin). Bref, je me suis laissé happer par la lecture, propulser dans la suite des événements pour le moins hors de l’ordinaire. Il s’agit d’un roman policier mais le lecteur apprend très vite qui est l’auteur des crimes (oui, il y en a plus qu’un). Et on suit l’enquête du héros au nom imprononçable de Wahhch qui cherche à rencontrer l’assassin alors qu’e ce dernier, bien qu’il soit un dangereux pervers, semble protégé tant par la police que par sa communauté. Cette quête improbable, tant elle semble dangereuse a priori, amène Wahhch de Montréal à la réserve de Kanawake puis à passer les « lignes » pour traverser les États-Unis et finir au Nouveau Mexique. Je me suis sentie, à plusieurs reprises, proche de l’univers de Louise Erdrich; mais notre héros est d’origine libanaise et ce détail a une grande importance: on comprend au cours de son long périple du nord vers le sud que cette quête désespérée de Wahhch pour comprendre le meurtre de sa bien-aimée se double d’une quête de sa propre identité, ce qui amènera un dernier meurtre… C’est impossible à résumer tant il se passe de choses et tant les destins s’entrecroisent. C’est complexe et j’ai eu parfois l’impression que l’auteur voulait traiter trop de choses à la fois, trop de symboles, trop de caractères et de situations extrêmes. Certes l’effet émotionnel est au rendez-vous mais on ne sait finalement plus quel est le thème principal du roman… J’y ai trouvé des passages envoûtants mais je suis restée souvent en retrait, en train d’évaluer si telle situation était vraisemblable ou encore si telle autre était nécessaire au récit. C’est pourquoi il m'en reste une impression d’une œuvre non aboutie qui m’a amenée à ne pas accorder plus de trois étoiles et demie.
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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

De Wajdi Mouawad je garde l'empreinte profonde de la blessure toujours à vif des massacres de Sabra et Chatlia griffée sur la page dans "Anima".

"Incendies" rouvre cette blessure, cette fois sous la forme théâtrale (qui au vu de la bibliographie de l'auteur est son vecteur de prédilection), pour entrainer le lecteur dans une quête d'identité douloureuse, dans les pas de jumeaux auxquels leur mère en mourant confie la mission de retrouver leurs origines : le père pour l'une, le frère pour l'autre, tous deux leur étant à ce jour inconnus. De l'ordre de l'indicible, la découverte qu'ils vont faire va les amener au coeur d'une page d'histoire dans laquelle la leur, intime et terrible, rejoint la grande.

Cette pièce doit être extraordinaire à voir, dans ses jeux d'ombres et de lumière, dans ses contrastes entre drame et rire, dans sa tension dramatique croissante où le climax fait office de catharsis. Sobre et bouleversant.
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Le sang des promesses, tome 4 : Ciels

Je n'aurais pas mis autant de temps que Mouawad a mis à écrire sa tetétralogie le sang des promesses (10 ans) pour le lire. Mais il m'aura fallu tout de même un peu plus de 5 ans et du temps entre la lecture de chaque pièce pour boucler l'aventure.



Le temps n'était pas calculé mais je pense que le rythme s'est logiquement imposé pour des pièces lourdes, remplies d'horreurs mais aussi de significations profondes. Touchant à la famille, la filiation, mais aussi à la guerre et comment elle touche ces mêmes liens familiaux, la tétralogie est bien estampillé Mouawad dans son ton comme dans ses thèmes.

Le dernier "tome" s'ecarte un peu des autres comme le reconnait lui même l'auteur, moins centré sur les gens que sur l'époque avec le terrorisme et la menace à nos vies privées en toile de fond. Il continue bien Forêts qui avait pris un virage vers l'enquête dans le récit personnel. Ici les individualités ne se manifestent qu'enfermées dans le carcan du récit. Meme la folie qui affleure parfois est moins explosive que dans les trois premières pièces. Mouawad instaure un climat malsain où il rend l'enfermement des personnages, à la fois physique dans le bâtiment où on les a cloîtrés que psychologique dans leurs histoires se répétant à l'infini. Le code totalement obscur renforce cette sensation d'oppression et la poésie des mots ne permet pas ici de s'évader, comme une prémonition de la fin forcément tragique. J'ai d'ailleurs trouvé que l'humour était totalement absent ici, il aurait sans doute trop nui à l'ambiance recherchée.



Comme toujours avec Mouawad, on reste tout à la fois en terrain connu et surpris du voyage. Heureusement pour nous ce cycle n'est pas le seul mené par l'auteur (cycle Domestique dont j'ai déjà lu Seul(s) et Soeurs), et il reste encore à lire et j'espère bien aussi pour lui à écrire pour charger notre barque d'émotions.
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Anima

Quel choc ce livre!

A la fin du premier chapitre, on se dit "mais qui raconte l'histoire? C'est étrange..."

Au second chapitre, on comprend qu'elle est racontée par des animaux, chien, mouche, oiseau, chat, araignée, qui regardent notre héros.

On se dit "quelle idée géniale, je n'ai jamais lu un livre comme ça avant. Mais est-ce que ça ne va pas s'user ce principe narratif?"



Alors, non, le principe ne s'use pas.

C'est un livre puissant, risqué, violent et dérangeant.

Jamais rien lu de tel avant, jamais rencontré d'ovni pareil à nouveau depuis.
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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

Enormissime. A l'ouverture du testament de leur mère, les jumeaux, fils et fille, reçoivent une dernière volonté : retrouver leur autre frère, et leur père. Difficile à réaliser lorsque cette mère décédée ne leur a pas adressé la parole depuis des années. C'est parti pour un voyage, retrouver un pays, et le passé fait de fuites, de chants et de violences. Pour sortir de sa misère, des traditions qui enferment les femmes, et de son village, cette mère commencera par apprendre à lire et à écrire. Capacités qui seront causes d'une vie difficile qu'on est invité à découvrir. Cette pièce de théâtre est puissante, très puissante. Un coup de massue inoubliable : il est encore possible d'écrire un mythe, la preuve ! Tout comme une Odyssée, ou un... Oedipe. Et ça commence par le choix du titre, excellent évidemment. La vérité n'est pas toujours bonne à dire, certaines doivent être le fruit d'une découverte coûteuse, comme un trésor. Puis, le silence quand les mots manquent. Le silence.
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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

Quelle pièce de théâtre ! La dramaturgie est telle que nous retenons notre souffle de la première à la dernière scène.

Le notaire Lebel ouvre le testament de Nawal devant Simon et Jeanne ses jumeaux. Ils apprennent qu'ils ont un frère et que leur père n'est pas mort. Ils doivent les retrouver, leur remettre à chacun une lettre pour pouvoir, à leur tour, recevoir la lettre que leur mère leur a laissé.

Heureusement qu'il y a les scènes avec ce notaire un peu décalé pour pouvoir sourire, souffler un peu tant l'atmosphère est pesante et le propos captivant.

Tout cela avec des répliques formidables et avec des scènes, des mouvements, des paroles, des cris que nous vivons à la lecture de cette pièce résolument moderne dans son écriture.

La chute est saisissante.

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Le sang des promesses, tome 2 : Incendies

Tragédie moderne et mythe antique entre le Canada et le Liban : Wajdi Mouawad transpose au 20e siècle et au Proche-Orient (le pays n’est pas précisé) une tragédie presque classique dans une langue poétique qui ne fait qu’accentuer la violence du propos.

A la lecture du testament de leur mère, Jeanne et Simon Marwal se voient confier une lettre chacun, à charge pour eux de la remettre, l’une à leur père dont leur mère leur a toujours dit qu’il était mort pendant la guerre, et l’autre à un frère dont ils n’ont jamais entendu parler.

Malgré leurs doutes et leur ressentiment vis-à-vis de cette mère défaillante à la raison ébranlée, Jeanne d’abord, ébranlée par ces révélations énigmatiques, se lance sur la piste de ce père qu’elle croyait mort, bientôt rejointe dans sa quête par Simon. Plus qu’un passé douloureux, c’est l’horreur de la guerre qu’ils vont découvrir et ses terribles conséquences.

Ma lecture de cette pièce a été fortement influencée par le film tiré de la pièce que j’ai vu l’année dernière : un véritable choc ! Une chose est sûre, ce texte poétique à la construction singulière ne peut que s’éclairer et prendre une force et une réalité charnelle lorsqu’il est dit, au théâtre comme au cinéma… une réalité complètement bouleversante.

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Anima

Wah minou.



(attends je reprends un peu mon souffle bicause j’ai la sensation de m’être pris masse de patates pleine bouille)



Wah minou donc. Tu sais, je lis quand même beaucoup je trouve, et des fois sans savoir pourquoi j’me retrouve dans une gymnastique du quotidien, pas blasé pour autant mais les lectures se suivent, se ressemblent, s’éternisent et puis…



Puis un de ces quatre on t’offre un livre qui te fait de l’œil depuis que t’es devenu libraire et tu te mets à le lire forcément et là…



Purée. On peut pas se remettre d’un texte aussi fort. Non on peut pas hein ? Je suis content de faire ce métier tu sais parce que des romans qui clouent au sol ça existe vraiment mais lui là, Anima…



J’te préviens au cas où t’es cap de le lire un jour, c’est sombre et dur, ce sont des animaux qui racontent la folie qui gangrène un homme dont la femme enceinte a été tuée sauvagement. Tu vas trembler à certains passages c’est sûr et d’autres où tu vas ressentir des émotions ambivalentes. Genre comment magnifier l’indescriptible, mesurer la pertinence de l’instinct animal et la violence des hommes ?



Bref, j’ai sué, j’ai relu - j’ai le sentiment d’avoir vraiment lu et pour moi, Anima rentrera dans le palmarès des romans les plus déroutants qui ont pu croiser mon chemin.
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Anima

Un homme qui a lié son destin à celui des bêtes.

Ses premiers souvenirs remontent au sein de la terre ensanglantée.



Le jour où il découvre le corps sans vie, affreusement meurtri, de sa femme Léonie, Wahhch, éperdu de chagrin, se lance à la recherche du meurtrier. Il veut s'assurer de ne pas être le monstre qui a fait ça, il veut contempler le visage de l'homme, et être sûr qu'il ne verra pas son propre reflet.

Cette quête réveille sa mémoire, par bribes inaudibles et insaisissables. Cette quête du meurtrier le mène plus loin que ce qu'il pensait avoir oublié. Il quitte Montréal, où il vivait, et entame un périple pénible, dangereux, douloureux...



Ce roman est particulier : on voit tout et on comprend tout par les yeux des animaux dont Wahhch croise la route, du chat domestique au loup, en passant par le renard, le serpent, le rat ; de l'animal terrestre à l'être ailé, jusqu'à la créature aquatique.

Seuls les animaux perçoivent Wahhch, son âme, ses couleurs, ses pensées. Wajdi Mouawad dénonce la déshumanisation de certains hommes, leur violence à l'encontre de leurs semblables et des autres êtres vivants.



Comme toujours dans les œuvres de Wajdi Mouawad, on retrouve les thèmes, puissants, de l'enfance brisée par la guerre, du sang versé et de l'exil, la quête de l'identité, et ce sentiment d'exclusion qui fait se sentir coupé du monde dans lequel on veut nous entraver, un monde qui préfère oublier, nier l'existence et la réalité. Elucider le passé enfoui sous les décombres d'un monde, et de corps déchirés.

Et toujours avec une prose sublime, puissante, terrible et violente! Mais toujours si belle...



Passer constamment d'un regard à un autre est agréable, tous ces animaux voient toujours en Wahhch un de leurs semblables, quand les hommes se méfient de lui. Je suis assez séduite par son "totem", ce merveilleux Mason-Dixon Line, car je trouve qu'il se dégage du chien / loup une puissance et une liberté sans limite...



J'ai lu plusieurs autres chefs-d'œuvre de Wajdi Mouawad, et toujours il y a de l'horreur. Mais là, je reconnais que je n'avais jamais rien lu de tel, à plusieurs reprises j'ai refermé le livre pour digérer les mots affreux et les images qui m'envahissaient la tête! Mais à bien y regarder, c'est de là qu'il crée sa poésie : il manie toute cette laideur pour en laisser échapper un hurlement de beauté qui lui est propre. Et c'est toujours beau comme les étoiles...
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