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Critiques de Yannis Ritsos (20)
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Le Mur dans le miroir. Ismène

Le kaléidoscope poétique de Yannis Ritsos



“Ainsi nu, ainsi désarmé au milieu de tant de bruit, il entendit le silence se dresser en lui”



Le poète athénien, fait prisonnier par la Dictature des colonels, nous entraîne, depuis sa détention, de l'autre côté du miroir brisé de ses espoirs de liberté.



“La poésie non plus donc.” C'est dans cet archipel de verre disloqué que la poésie de l'écrivain grec prend toute sa dimension, la douceur et la mélancolie se mêlent à la dureté et l'injustice crasse, les statues sont les témoins interdits du malheur qui frappe les humains dans l'indifférence d'un silence assourdissant.



Ritsos possède l'art de l'association d'images et d'idées. Il vise souvent juste et sait toucher son lecteur par le chemin le plus court, une alchimie des mots proprement bluffante.



“Il ne nous restait plus donc qu'à changer la nuit de sens.”



Ritsos ne fait pas qu'émerveiller son lecteur par la beauté de ses vers, il est encore un conteur d'histoires. Sa poésie semble toujours un moment charnière, un instant pris sur le vif d'une histoire plus longue, qui vient de loin et que l'on devine immédiatement avant et après les quelques lignes diaphanes et marmoréennes, légères et lourdes à la fois. le lecteur savoure ces strophes arachnéennes, au milieu de la page d'une “ténébreuse, indescriptible blancheur.”



“Les nuits sentaient la peau d'orange.”



C'est finalement avec Ismène, long monologue poétique inspiré par la soeur d'Antigone et fille d'Oedipe, que Ritsos assume désormais une narration totale, en prose, et une tension, un souffle en apesanteur au dessus du gouffre aspirant de la solitude mais qui résiste ; une voix unique (reprise pour la radio par Isabelle Adjani).



Qu'en pensez-vous ?
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Le mur dans le miroir et autres poèmes

Quatre poètes grecs modernes découverts en un an, quatre souffles distincts. Finir par lequel ? Lequel me donnerait le coup de grâce intellectuel fulgurant ? Ce fut, c'est Ritsos qui par hasard arriva au bas de ma pile. Et c'est bien ainsi même si Cavafis, Seféris, Elỳtis ont su illuminer mes soirées de lecture.

Yannis Ritzos c'est de l'humain plein les poches, rien d'autre, ni regrets, ni pleurs, ni éloge, ni discours, ni symboles, ni envolée lyrique. Quelques poignées d'humanité, ce qu'il en reste après tout ce que l'homme peut vivre et perdre avec le temps et la déchéance politique ou physique, voilà ses rimes, sa prosodie.

Un ressenti omniprésent, en vers simples, une façon d'habilement peindre le réel de la teinte discrète de son vécu, une capacité de se regarder, de décrire son geste d'écriture sans pourtant exprimer ses émotions, en ne faisant que dessiner ce qui émeut.

Ainsi ce rare symbole dans sa poésie que ces statues qui se promènent un peu partout à la fois échos de l'antiquité et objets de désir, mouvantes mais imperturbables.

L'autre face de son art d'ailleurs consiste à considérer le mythe, l'éternel à l'aune de sa vie et vice et versa. Dans Ismène p.ex., il se réapproprie le mythe d'Antigone dans un présent vécu où l'histoire contemporaine et la biographie du poète sont les remparts modestes d'une prose au verbe fort. La mythologie éclaire l'implacable destin d'une Grèce aux prises avec les démons de la guerre mondiale, la guerre civile, la dictature.

Mais c'est en vivant et décrivant chacun des jours vécus, traversés de sa tendre lucidité que le mythe et l'histoire contemporaine prendront toute leur signification.
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Le mur dans le miroir et autres poèmes

L'INVENTION DU CENTRE de Yannis Ritsos est un poème écrit après QUATRE années de détention et démontre qu'en lui subsiste une lumière intacte et inextinguible.
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Balcon

Né en 1909, figure majeure de la poésie grecque, sans doute le plus engagé politiquement des écrivains de sa génération, Yannis Ritsos connut la guerre, la résistance, la prison, la déportation mais jamais, malgré les épreuves endurées, il ne cessa d'écrire.

En 1947, dans les Lettres françaises, Louis Aragon le décrit comme " l'un des plus grands et des plus singuliers poètes d'aujourd'hui ". Il faut cependant attendre la fin des années 50 pour que l'oeuvre poétique de Ritsos commence à être traduite en France.



Malgré tout ce qu'il a vécu, la poésie de Yannis Ritsos n'est pas réaliste ou engagée au sens étroit du terme. C'est une poésie qui se veut avant tout libre et ouverte, attentive aux évolutions du langage, soucieuse de ne jamais se répéter, de découvrir par l'écriture l'essence des événements vécus ou imaginés. Si elle est parfois dénonciation et revendication, elle est aussi très souvent monologue intérieur, effusion, communion. Sa langue est tantôt sobre, nette, abrupte, tantôt lyrique, enroulée sur elle-même, faisant des mots et des sensations comme des arabesques.



Après Sonate au clair de Lune , le Mur dans le Miroir ou encore le recueil regroupant Chrysothémis, Phèdre, le Sondeur et le Heurtoir, je retrouve avec bonheur une nouvelle traduction* d'un des ouvrages du poète grec : Balcon.

Ces poèmes ont été écrits au jour le jour du 1er au 21 mars 1985 (chacun est daté). Ils ne furent pourtant publiés en Grèce qu'en 2013, bien après la disparition de Ritsos en 1990.



Balcon est une suite de poèmes de forme plutôt courte, qui abordent chacun un thème différent. Tous sont habités par une spontanéité et une simplicité touchantes. Les textes sont comme des tableaux exposés au regard du lecteur. Derrière le motif de la banalité du quotidien, chacun décrit un instant que le poète a choisi comme étant significatif de telle ou telle période de sa vie.



" D'en haut, depuis la montagne,

apparaissent dans plus de clarté

les voix des oiseaux,

les voix des vendangeurs,

les bateaux dans le lointain,

le bras mutilé de la statue,

le marchand de tabac,

et toi, inchangé,

inatteignable, invulnérable,

inaltéré,

tandis que la fumée de ta cigarette

se mêle à la fumée du paquebot

qui te ramène chez toi.



Athènes, 4.III.85 " **





Comme souvent dans la poésie de Yannis Ritsos, tous les textes semblent chargés d'une vie partagée avec ceux qui sont là, amis proches, personnes de rencontre, dont la présence est toujours implicite, jamais marquée. Il en est de même des lieux, de la ville, de la rue, de l'appartement où travaille l'écrivain.

Chaque élément minuscule qu'il choisit d'évoquer, d'élire dans son environnement et son époque sont des « petits riens » dont Ritsos se sert pour nous parler du vaste monde, cette immensité dans laquelle l'homme-poète évolue, interroge et s'interroge.





" Ces galets blancs sur ta table nue

s'illuminent au soleil. Personne ne devine

de quelles profondeurs ils furent repêchés. Personne

ne soupçonne au prix de quelles plongées risquées

tu les as remontés ; au prix de quelles privations

et de quels renoncements tu les arrachas

aux griffes des coraux et des rochers. C'est pour cela

qu'ils rayonnent si blancs dans leur humble fierté

pour recouvrir l'obscurité de leurs origines et pour

ne jamais te dénoncer à l'heure du Jugement Dernier.



Athènes, 21.III.85 "





Écriture sensible, fragile, celle d'une voix qui semble avoir quelque peu perdu de sa ferveur, de ses espoirs mais qui porte encore en elle une beauté étrange et fascinante. Des poèmes qui sont comme un balcon ouvert sur la rumeur du monde et sur le temps qui passe, si loin et si proche.





(*) Traduction du grec par Anne Personnaz

(**) Limpidité – p.39

(***) Les Galets blancs – p.141
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La Sonate au clair de lune : Et autres poèmes..

Yannis Ritsos est une figure emblématique, très populaire de la poésie grecque contemporaine. Né en 1909, il fut un homme et un écrivain très engagé. Ses convictions politiques lui valurent d'être longtemps emprisonné, notamment durant les Dictature des colonels (de 1967 à 1974). Malgré toutes les épreuves traversées, celles de la guerre, de la résistance, de la prison et de la déportation, depuis 1934 (année de publication de ses premiers poèmes), Yannis Ritsos n'a jamais cessé d'écrire.



Oeuvre féconde, L'écriture de Ritsos témoigne de son travail de recherches, de témoignages, de chroniques, de chants, de dialogues qui ont accompagné et cerné de près la vie et l'histoire de la Grèce contemporaine.

La poésie de Yannis Ritsos n'est pourtant ni réaliste ou engagée au sens strict du terme : elle est avant tout libre, ouverte à toute évolution du langage, soucieuse de ne jamais se répéter, de mettre la parole dans la réalité objective des événements vécus ou imaginés. Si elle est parfois accusation et revendication, elle est aussi très souvent monologue intérieur, effusion, communion.



Jusque dans les années 60, le poète grec est peu connu en France, ses recueils sont peu traduits. Sous l'impulsion de Louis Aragon qui fut le premier à le reconnaître comme " l'un des plus grands et des plus singuliers poètes d'aujourd'hui " mais aussi d'éditeurs, de traducteurs,… L'oeuvre poétique de Yannis Ritsos bénéficie aujourd'hui d'une belle et juste reconnaissance.



Écrite en 1956, la Sonate au Clair de Lune est une publication marquante dans l'oeuvre de Yannis Ritsos. Une année plus tard, elle lui valut le 1er Prix national de poésie, une récompense littéraire prestigieuse en Grèce.



Composée comme un très long monologue, ce poème libre s'ouvre sur une soirée printanière. La scène se passe dans une grande chambre d'une vieille maison. Par deux fenêtres, un clair de lune se répand dans toute la pièce. Toute vêtue de noir, une femme âgée s'adresse à un jeune homme :« Laisse-moi venir avec toi...» sont ses premiers mots.



Ce premier vers va revenir comme un leitmotiv, comme une ponctuation dans tout le flux des souvenirs, des impressions nostalgiques de la femme devenue âgée.



" Peu importe que mes cheveux soient blancs,

Ce n'est pas ce qui me peine – Ce qui me peine

C'est que mon coeur ne blanchit pas aussi "



La Sonate au Clair de Lune est un poème intimiste, à l'atmosphère fascinante et belle, une confession sur le temps qui passe et avec lui toute sa part d'événements (l'enfance radieuse, les amours déçus, refusés, les êtres chers disparus, Dieu, la vieillesse,…), de lieux (l'intérieur de la maison familiale, la ville au dehors,…) et d'objets (un vieux fauteuil, une photo,…).

Dans cet émouvant poème, Yannis Ritsos fait parler, se confier son personnage dans une subtile alternance du passé et du présent. La femme s'adresse à ce jeune homme dont on ne saura rien et qui gardera le silence (existe-il réellement) durant tout le long du texte. Ce « Laisse-moi venir avec toi...» qu'elle lui adresse est comme une supplique faite à un avenir jeune et beau, le contrepoint d'une vie qui approche de sa fin.



Le poème est à rapprocher d'un long monologue d'une pièce de théâtre. Il a d'ailleurs souvent été mis en scène. Beauté des mots, nuances des images, Il y a une harmonie touchante dans cette Sonate (ce poème) au Clair de Lune. Une très belle lecture.



" Je vois monter, monter les bulles de ma respiration,

Je tente de me distraire en les regardant.

Et je me demande ce que dirait quelqu'un qui verrait

ces bulles,

Peut-être que quelqu'un se noie, ou qu'un plongeur explore

les abysses ?

Et vraiment, il n'est pas rare que je trouve là, au fond,

là où je me noie,

Des coraux et des perles et des trésors de navires naufragés,

Rencontres imprévisibles d'hier, d'aujourd'hui et du futur,

Presque une confirmation de l'éternité,

Un certain soulagement, un certain sourire d'immortalité,

comme on dit,

Un bonheur, une ivresse, jusqu'à un enthousiasme,

Des coraux, des perles, de saphirs,

Seulement que je n'arrive pas à les donner – non, je les donne ;

Seulement, je ne sais pas s'ils peuvent les prendre – de toute

façon, moi je les donne.

Laisse-moi venir avec toi. "

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Philoctète, Perséphone, Ajax

De cette réécriture du mythe par Yannis Ritsos, on retient d'ordinaire la volonté finale d'engagement, en rapport avec l'histoire de l'auteur rejoignant la grande histoire (le texte est écrit peu d'années avant la dictature des colonels). En effet, il s'agit d'un long monologue de Néoptolème venu à Lemnos demander à Philoctète blessé de lui donner ses armes, sans lesquelles les Achéens ne pourront prendre Troie.

Or il me semble qu'il s'agit également, et peut-être avant tout, d'un long texte poétique, éclairant la question du rapport mystérieux à la vie et à la mort et de la transmission, de la place de chaque génération, d'une lumière somptueuse contrastant avec la nuit, dans une ambiance virile nimbée d'homoérotisme. Par ce traitement réussi, le mythe antique retrouve sa vie et sa valeur, loin d'être édulcoré et moralisé comme cela arrive parfois dans la littérature des contemporains de l'auteur.

Le reste de l'ouvrage paraît d'un intérêt décroissant, Perséphone et Ajax coulant de la même veine que Philoctète.
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Tard, bien tard dans la nuit : Derniers poèmes

C’est avec un immense plaisir que j’ai découvert ce poète grec, en effet, j’étais passée totalement à coté et j’ai vraiment raté quelques choses. Lacune comblée dorénavant et j’ai eu beaucoup de plaisir à lire l’ensemble de ces poèmes. Pendant trois jours, ils m’ont accompagnés lors de mes trajets en bus me permettant de m’isoler et d’être dans une petite bulle loin de la grisaille et de la tristesse ambiante.



J’ai pu profité de cette très belle édition, j’en profite d’ailleurs pour dire que la maison d’édition Le Temps des Cerises soigne vraiment ses parutions et que la qualité qu’elle soit dans son catalogue et dans la qualité des couvertures, du papier (et non je ne suis pas payée pour dire cela), c’est toujours agréable d’avoir un bel objet.



Mais revenons au contenu, des poèmes sur divers sujets que ce soit la nature, les femmes, la mer, l’amitié, la société. Parfois, témoignages de la société dans laquelle il vit, parfois surréalistes , il est bien difficile de le classer dans une case.



C’est la vision de Yannis Ritsos que l’on a à travers ses poèmes, une vision parfois cynique, parfois drôle, désenchantée, emplie d’espoir, c’est tout en contraste et en contradiction .



J’ai aimé entrer dans cet univers et cela m’a replongé dans la poésie, je vais essayer de combler mes lacunes sur les poètes contemporains.



VERDICT



A lire absolument, c’est très apaisant et une autre façon de témoigner de la société grecque. Un beau cadeau aussi à offrir à des lecteurs aimant la poésie car c’est en plus un beau livre en édition bilingue. Ne passez pas à coté.
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Les vieilles femmes et la mer

Des larmes sur le visage des vieilles femmes et aussi dans le cœur du lecteur, la magie grecque qui agit.Très belle musique pour dire ce texte.
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Le Mur dans le miroir. Ismène

Je découvre, encore une fois grâce à un podcast France-Culture, le poète grec Yannis Ritsos.

Entre 1966 et 1971, il donne la parole à Ismène, la sœur d’Antigone, dans un long poème dramatique. C’est ce texte, traduit du grec par Dominique Grandmont, qui a été mis en scène, dans le cadre de l’émission « Avignon fictions », une réalisation d’Alexandre Plank.

Isabelle Adjani prête sa voix à une Ismène, vieillissante, et interprète une sorte de plaidoyer en faveur de l'existence Dans l’œuvre de Yannis Ritsos, Ismène est la dernière survivante d’une famille et d’un monde révolu. Dans le soir qui tombe, elle se met à parler, s’adresse à Antigone, sa sœur défunte, à qui elle reproche sa rigidité, et à un jeune homme, visiteur silencieux et attentif, dans une ultime tentative de se rendre justice à elle-même, d’expliquer pourquoi elle a choisi la vie.



Même morte, Antigone est bien présente dans le discours d’Ismène, qui semble ne se définir qu’en opposant, encore et toujours, leurs personnalités antagonistes. Le jeune visiteur est également fasciné par le souvenir de la défunte.

Dans la tragédie de Sophocle, le personnage d’Ismène tient peu de place ; elle accepte sa condition de femme soumise, résignée d’avance. Elle est la voix de la raison, conciliante, temporisatrice. Si elle se montre solidaire de la faute de sa sœur, c’est à la manière d’une suiveuse.

Yannis Ritsos lui permet de se justifier, de faire valoir ses valeurs personnelles, très féminines, un rien futile, liées aux souvenirs d’enfance et d’adolescence. Du fond de sa solitude, elle espère encore en la vie, éprouve des désirs ; mais y croit-elle vraiment ? A-t-elle simplement besoin de se rassurer ? Est-elle encore vivante ? Comment exister quand on est la sœur d’Antigone ?



Un très beau texte…

Une interprétation magistrale…



https://www.franceculture.fr/emissions/avignon-fictions/ismene-de-yannis-ritsos



https://www.facebook.com/piratedespal/

https://www.instagram.com/la_pirate_des_pal/



#lesglosesdelapiratedespal

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Symphonie du printemps

Le poète grec signe un recueil autobiographique. Il évoque son pays natal, la Grèce, et ses drames familiaux : faillite, décès, maladie, folie...

Dans ses malheurs, l'auteur a rencontré l'Amour qui représente le soleil dans son obscurité. C'est à ce cher Amour qu'il écrit, lui racontant son enfance, ses tragédies et tout son bonheur de l'avoir rencontré, jusqu'à la mort...

Des mots courts, poignants, mélancoliques, tragiques mais teintés d'espoir.

Une superbe symphonie d'un poète engagé et passionné.
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Symphonie du printemps

« Le monde resplendit

Infatigable.

Qu'il soit regardé ».

Ces trois vers sont les derniers du recueil, et ils respirent l'espoir et le goût de la beauté ; j'ai pensé à Dostoïevski : « la beauté sauvera le monde ». Le recueil peut sembler raconter une histoire, avec des éléments biographiques – la préface est d'ailleurs importante et nécessaire pour mieux connaître ce poète grec que je ne connaissais pas. Le début du recueil – ou plutôt, le début de l'histoire puisque le recueil n'est pas purement chronologique, évoque l'hiver, la nuit. Tout est gris, dans une faible lumière de lune ou de brume, et le paysage est glacé, recouvert de givre. Le poète souffre, il est « captif », « derrière les barreaux », prisonnier du poids des malheurs familiaux : pauvreté, folie, maladie, deuil...

Mais après la nuit, vient la lumière, après l'hiver le printemps, la nature chante et s'illumine, grâce à l'Amour. Tout apparaît en harmonie, en symphonie donc : chacun a sa place, chacun sa partition. Le soleil brille, les oiseaux font des vocalises, les barques blanches sont au port, la mer étincelle... Les thématiques ne sont pas très originales, lier la célébration de la Bien-Aimée et celle de la Nature, on pourrait croire à du lyrisme dégoulinant, mièvre. Non, l'écriture est délicate, subtile et légère, car la Bien-Aimée est une figure de lumière qui apaise le poète. Et aussi, voire et surtout, l'acte d'écrire, l'acte même d'être poète, apparaît comme aussi nécessaire à l'arrivée du bonheur que l'Amour. L'amour se renforce par l'écriture, qui, elle aussi, aide à sortir du brouillard de l'hiver : « même mes vers les plus brillants / avaient caché dans leur cœur le vacillement d'un sanglot », puisque l'écriture était empêchée par l'absence de l'Amour.

Ce recueil m'a été conseillé par une amie chère, amoureuse de la Grèce, de sa langue, et de ses paysages. Ma lecture était donc dès le début une recherche de mer et de soleil, de bonheur.
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Symphonie du printemps

Au-delà de la douleur, un hymne magnifique à la vie.





Dans ce long poème publié en 1938, alors que la dictature de Metaxas dévaste son pays, Yannis Ritsos évoque sa jeunesse marquée par de nombreux drames familiaux et ses tourments suite à la tuberculose qui l'a conduit au sanatorium de Sotiria et à la situation politoque de son pays.



Cependant, le recueil est illuminé par la présence d'une femme à laquelle il dit :

« Je ferme les paupières

sous la nuit paisible

et j'entends gazouiller des myriades d'astres

là où tes doigts se sont attardés

sur ma chair. »



Chez Ritsos, souffrances et joies intimes s'ouvrent à l'universel et à 'intemporel ainsi que Bruno Doucey l'exprime dans sa préface, lire « Symphonie du printemps », c'est « Comme si le soleil d'hier s'étirait sans se rompre jusqu'à l'horizon d'aujourd'hui ».



Un chant d'espoir à lire et à dire...



A écouter absolument, la conférence de Bruno Doucey à L’université de Nantes : "Yannis Ritsos, le chant grec face au désastre du monde"...
Lien : http://webtv.univ-nantes.fr/..
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Journal de déportation : 1948-1950

Entrer dans ce journal, c'est entrer dans l'enfer des camps de concentration des prisonniers politiques dans les années qui ont suivis la guerre civile en Grèce. Disséminés dans plusieurs îles dès 1947, ils furent rassemblés ensuite à Makronissos, îlot au large du Cap Sounion.



Yannis Ritsos fut déporté à Limnos en 1948, puis à Makronissos dès 1949. Il y a tenu un journal sous forme de petits poèmes relatant le quotidien, entre présence entêtante des barbelés et consolation d'un clair de lune. Il y a également écrit de longs poèmes : "Le chaudron enfumé", "Les quartiers du monde" et un recueil intitulé "Temps pierreux".



11 mai 1950



Les bâtiments et les pierres après la pluie

ont changé de couleur.

Deux vieillards s'assoient sur un banc. Ils ne parlent pas.

Tant de cris et il reste tant de silence.

Les journaux vieillissent en une heure.



Temps faible-temps fort, faible-fort

monotonie du changement - temps faible;

fort-faible, strophe-antistrophe

ni colère ni tristesse.



Le couvre-feu du soir;

aussi pesant pour celui qui a blessé

que pour celui qui est blessé.



Les hommes s'assoient sur les pierres

ils se coupent les ongles.

Les autres sont morts.

Nous les avons oubliés.



"Ni colère ni tristesse" écrit-il, et pourtant au fil de lecture on sent monter en soi une révolte. Peut-être, sûrement dirai-je, l'écriture lui a permis de tenir. Il griffonnait sur des petits carnets, sur des paquets de cigarettes, il emprisonnait certains de ses poèmes dans des bouteilles et les enterrait. Il n'était pas le seul poête à être déporté.



Un cinéaste suisse, O. Zuchuat, a filmé un documentaire sur l'île de Makronissos et ses 80000 déportés : "Comme les lions de pierre à l'entrée de la nuit". Vous pouvez en voir la bande annonce sur : http://television.telerama.fr/television/festival-visions-du-reel-ce-que-les-pierres-ont-vu-a-makronissos,80617.php



Publié pour la première fois en français, ce "Journal de déportation" a été excellemment traduit par Pascal Neveu, qui collabore régulièrement avec les éditions Ypsilon et a déjà traduits nombre d'autres ouvrages de Ritsos et d'autres poètes grecs déportés à Makronissos. J'ai eu le plaisir de le recevoir l'année dernière en tant qu'hôte et c'est grâce à lui que j'ai découvert cette maison d'édition. Je n'ai pas manqué de lui signaler le monument commémoratif des prisonniers politiques enfermés à Nauplie, à l'emplacement même de l'hôtel de luxe qui surplombe actuellement la vieille ville sur lequel est gravé un des poèmes de Yannis Ritsos.



Si vous voulez en savoir plus sur la déportation à Makronissos, vous pouvez cliquer sur ce lien : http://makronissos.net/makronissos/literature/?lang=fr





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Le chant de ma soeur : Edition bilingue fra..

Souvenirs d'enfance et incantation contre la folie...



Il est difficile d'ajouter des mots à la très belle préface dans laquelle l'éditeur évoque les liens qui unissaient le frère et la soeur depuis l'enfance ainsi que le contexte de l'écriture de ce Chant...

et plus encore d'en ajouter à ceux du poète !



C'est en 1937 que paraît ce long poème élégiaque et incantatoire écrit, en vers libres, pour sa soeur Loula qui a voulu le protéger des traumatismes familiaux ; dans un livre, inédit en français, elle écrit : "Ce n'ai que les nuits où il s'endormait que je quittais la chambre, descendais en cachette et m'en allais dehors sur les rochers. Là, mon coeur, de pierre devant mon petit frère, je lui laissais donner libre cours à son chagrin."



Toute cette souffrance contenue l'a sans doute conduite à la folie et la voilà internée dans l'hôpital psychiatrique où est enfermé son père depuis près de dix ans.



Yannis lui dédie alors, lui adresse plutôt, ce long Chant pour tenter de l'arracher à l'enfer de son corps hurlant et ligoté... Cette incantation eût peut-être raison du malheur puisque quelques mois plus tard, Loula sortira de l'hôpital, guérie.
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Erotika

Superbe recueil de poésie du poète grec Yannis Ritsos.

Traduit du grec par Dominique Grandmont.



Le recueil regroupe trois parties :

Petite suite en rouge majeur

Nudité du corps

Parole de chair



L'auteur m'a complètement transportée dans ses déclarations d'amour.

Il raconte des instantanés de vie, de vie de couple, de manque, d'absence, d'érotisme aussi.

Superbe.
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Tard, bien tard dans la nuit : Derniers poèmes

Il utilise des mots simples, des phrases simples, des images qui viennent piocher dans les détails de la vie, et l'ensemble est d'une beauté et d'une puissance qui descend droit au fond de soi. J'ai beaucoup aimé.
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Dix-huit petites chansons pour la patrie amère

Un chant qui résonne encore aujourd’hui.



Il y a quarante ans, alors qu'il était emprisonné par la junte militaire grecque à Leros -l'île des fous-, Yannis Ritsos fit parvenir clandestinement le texte de ces Dix-huit petites chansons de la patrie amère à Mikis Theodorakis qui lui en avait passé commande depuis son exil de Paris.



A la fois à la fois populaire et lyrique, son écriture engagée s'inscrit dans la tradition et la modernité.



La préface, que signe l’éditeur, propose au lecteur une plongée dans la vie et l’œuvre du poète grec. Elle présente aussi les caractéristiques poétiques de ce recueil : « Yannis Ritsos recourt à ce que l'on nomme la poésie démotique, poésie des chansons populaires » ; « [il] compose ses chansons sous la forme de distiques, recourant spontanément au vers régulier de quinze syllabes, celui que la versification grecque désigne souvent sous le nom de « vers politique ». »





Pour écouter les chansons mises en musique par Mikis Theodorakis sur Deezer...
Lien : http://www.deezer.com/fr/alb..
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Grécité

Un peuple attaqué par ses propres frères, se défendant, armé, fatigué, épuisé mais déterminé. Une fois de plus, la guerre s’invite sur cette terre belliqueuse, sans cesse outragée. La faim, la soif, le manque. On fume de la bouse, on mâche du cuir. Mais on se bat, on défend ses convictions, on proclame la liberté pour tous.



Une paix se dessine. Déjà on craint la prochaine guerre, les prochains affrontements. On pourrait être habitués, mais non.



« Un messager arrive comme chaque matin de la Grande vallée



L’écume du soleil brille sur son visage



Il serre la grécité sous son bras



Comme l’ouvrier, entre ses mains,



Sa casquette dans une église.



L’heure est venue, dit-il. Tenons-nous prêts.



Chaque heure est nôtre désormais ».



Ils sont prêts à se défendre. À lutter jusqu’au dernier. Le sol va s’ensanglanter, s’emplir de cadavres, de charniers. La liberté est à ce prix. Certains errants magnifiques, cherchent le salut, une terre accueillante.



« Grécité » est un célèbre poème du grec Yannis RITSOS (1909-1990). En quelques dizaines de pages, l’auteur crée un climat oppressant, à la fois désenchanté, violent et plein d’espoir. Ce peuple qui souffre, ce sont les grecs. « Grécité » fut écrit entre 1945 et 1947, durant la guerre civile, juste à la sortie de la deuxième guerre mondiale, sans aucun répit. RITSOS sera emprisonné peu après, en 1948. Dans ce poème épique, il défie les monarchistes, ses adversaires et ennemis.



Cette énième réédition (2023) des éditions Fata Morgana est accompagnée d’illustrations, de croquis plus précisément, de Alecos FASSIANOS. La traduction, un petit bijou, est signée Jacques LACARRIÈRE. Ce court texte est d’une grande puissance, d’une force exceptionnelle, il est de ces poésies qui frappent, qui cognent et secouent.



« Qui aurait dit qu’une moitié d’entre eux est sous la terre



Et une autre moitié dans les fers ?



Par tant de feuilles le soleil te dit bonjour



Avec tant de bannières le ciel resplendit



Et voici les uns dans les fers,



Voici les autres dans la terre ».



https://deslivresrances.blogspot.com/
Lien : https://deslivresrances.blog..
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Tard; bien tard dans la nuit

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Balcon

« Balcon », recueil de 1985 du grand poète grec, paraît en français. Entre souvenirs brûlants et grâce de l’instant, on l’y trouve tout entier.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
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Nestor Beautrelet
Nestor Baudrelait
Isidor Beautrelet
Castor Beaureflet

5 questions
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Thème : L'Aiguille creuse de Maurice LeblancCréer un quiz sur cet auteur

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