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Critiques de Yasmine Ghata (79)
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Suzanne, professeur de français, demande à ses élèves de choisir un objet fétiche, ancien, un objet qui aurait quelque chose à raconter, une histoire, un lien, un vécu. Pour Arsène, l'objet choisi sera une valise, celle qui lui sauvera sa vie lors de son périple pour fuir le génocide rwandais.



On suit dans ce roman le passé de cet adolescent en proie à la peur, caché en foetus dans sa valise et en parallèle le deuil de Suzanne pour son père décédé lorsqu'elle était petite. On peut reconnaître un parallélisme entre les deux personnages dans leur deuil respectif, l'un pour son pays natal, l'autre pour son père. Avec son lot de souffrances à traîner pour l'un et l'autre.



Je n'ai pas été embarquée davantage par ces deux histoires dont le procédé narratif ne m'a pas entièrement convaincue. J'ai perçu comme un kaléidoscope reflétant une suite d'images sans fin, sans réel cadre spatio-temporel ni cette émotion qui m'aurait permis de faire un arrêt sur l'image. Narration à la deuxième personne de l'indicatif, en italique, entrecoupée sur un présent à l'école sans lien évident ni émotion palpable. Cela reste néanmoins un roman agréable et certainement davantage pour peu qu'on s'immerge dans cette histoire plutôt que de se sentir spectateur étranger comme je l'ai ressenti de mon côté.
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

J'ai lu ce livre en une soirée. Je n'ai pas pu le lâcher. le récit commence sur la préparation d'un atelier d'écriture au sein d'une classe de lycéens. La consigne est simple : chacun des ados participants devra amener pour la prochaine séance, un objet ancien, ancré dans l'histoire familiale et auquel il est attaché…



Une demande simple et pleine de promesse d'écriture, qui va se révéler difficile pour Arsène, jeune orphelin rwandais qui a échappé aux massacres. Il aurait pu laisser tomber la consigne et broder une histoire avec n'importe quel objet sorti d'un placard. Mais non. Arsène apporte au lycée la seule chose matérielle qui le rattache à son pays d'origine, son histoire : une vieille valise en cuir.



« J'ai choisi cette valise car c'est la seule chose qui me reste de ma famille biologique et de mon pays natal, le Rwanda. Elle m'a sauvée la vie. »



Yasmine Ghata nous livre là une histoire poignante, sans user de procédés éculés pour amener l'émotion à tout prix. le récit navigue entre deux histoires parallèles de perte et de souffrance, incomparables : celle de Suzanne, animatrice de l'atelier, qui se remémore sa vie après la disparition de son père…



« Suzanne devint muette ce jour-là, la colère et la frustration étaient trop fortes. Aucun son ne pouvait plus sortir de sa bouche. Les mots étaient une forme de légèreté qu'elle semblait avoir perdue à jamais. »



… et celle d'Arsène dans sa fuite en avant, son errance sans but, gamin affamé et terrorisé devant les cadavres et les massacres, avec en tête une seule obsession, celle de respecter la volonté de sa grand-mère : fuir pour rester en vie !



"Plus rien ne peut te faire peur, toi qui as erré si petit dans ce paysage hostile. Si, une chose te fait peur, te terrorise même, c'est de raconter. Ces événements enfouis dans ta mémoire pourraient ne jamais avoir existé, tu te dis parfois que c'est une légende qui court sur ton enfance."



Ce qui les relie : les mots. Cette fantastique possibilité de se reconstruire par l'écriture...



« Les paroles pour l'un, l'écriture pour l'autre les conduisent à la recherche de soi. »



Doucement, tout doucement. L'un raconte et l'autre prend la plume, suspendue à son histoire maintenue si longtemps enfouie, pour ne pas avoir mal. Pour pouvoir continuer, avancer. Petit à petit, le récit prend forme et la douleur qui n'avait jamais été exprimée, se dissipe peu à peu pour laisser place à une formidable envie de vivre !
Lien : https://page39web.wordpress...
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Dans la valise d'Arséne, il y a toute la tragique histoire de son enfance arrachée au Rwanda, tous les visages de sa famille décimée par la haine et les massacres entre ethnies, mais aussi tout l'amour qui l'a porté jusqu'ici. Grâce à Suzanne, une femme qui elle aussi a besoin de cicatriser un départ trop rapide, Arsène va mettre des mots sur sa fuite, sur ses peurs et sur les protections accordées...

Un très joli roman, fort, attachant et émouvant sur l'exil, sur la perte de repères et la force qu'ont certains êtres face à la barbarie. A des degrés bien différents, les deux personnages de ce roman nous poussent à croire qu'on peut guérir et surmonter la souffrance de la perte... Et que même si les plaies ne se referment pas tout à fait, avancer ne veut pas dire oublier...
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Suzanne anime un atelier d'écriture dans une classe de 3e. Son objectif est de faire découvrir la langue française en parlant d'objet ancien possédé par chacun d'entre nous. Elle propose donc à chacun de ses élèves de revenir la semaine suivante avec un objet ayant une histoire familiale pour eux. Seulement, dans cette classe, Arsène lui n'a pas de bel objet ancien à montrer, il n'a même plus de famille biologique puisque la sienne a été décimée pendant les génocides rwandais. La seule chose qui lui reste de cette époque est une simple valise tout abîmée qui l'a suivi dans sa fuite de son village jusqu'à son arrivée dans sa famille d'adoption française. Aidé de Suzanne, Arsène qui n'avait jamais parlé de tout cela décide de se remémorer ce périple qui est également le moyen pour lui de faire le deuil, de cicatriser les plaies restées vives si longtemps. Étrangement, cet échange avec Arsène est aussi pour Suzanne le moyen de faire enfin le deuil de son père disparu alors qu'elle n'était qu'une enfant.





Un roman court et d'une sensibilité merveilleuse ou s'entrecroise deux histoires, deux êtres blessés à un degré différent par un moment tragique de leur enfance. L'histoire d'Arsène est racontée non pas sur le ton du tragique mais comme une sorte d'histoire où la volonté de vivre de cet enfant de 8 ans est plus forte que toutes les atrocités commises. Le lecteur suit l'épopée de cet enfant qui n'a pour seule amie que cette valise lui servant à la fois de refuge, de parent, de compagnon de voyage. Aucune haine n’apparaît dans le récit de cet enfant face aux exactions ; au contraire, il ne comprend pas cette horreur notamment lorsqu'il rencontre Assia, une petite Hutu qui le cache et le nourrit quelques jours. Ce récit d'Arsène permet également à Suzanne de faire un retour dans ses souvenirs avec la perte de son père, une perte rendue encore plus tragique par l'attitude des adultes à ne pas clairement dire les choses.





Un roman touchant et humaniste permettant de revenir sur l'un des plus grands génocides perpétré à la fin du XXe siècle sans haine, sans rancœur.
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Le calame noir

***



Avant d'évoquer le roman de Yasmine Ghata, je tiens à remercier Babelio et les Éditions Robert Laffont pour leur confiance.



C'est au détour d'une exposition à la Royal Academy de Londres que Suzanne fait la rencontre de Siyah Qalam, peintre du XVème siècle, et de sa fille Aygül. Suzanne sent l'énergie et le souffle de cette jeune femme en admiration devant son père et en quête perpétuel de son amour. Suzanne est alors portée par leur histoire...



De Yasmine Ghata j'avais lu et sincèrement apprécié "J'ai longtemps eu peur de la nuit" écrit en 2016. C'est donc avec enthousiasme que j'ai répondu à la dernière Masse Critique de Babelio, espérant fortement recevoir le dernier livre de l'auteur.



C'est dans un registre totalement différent que je l'ai retrouvé. On est ici dans un conte, une histoire à lire et écouter au coin d'un feu.

On découvre un peintre et sa fille, leur vie dans la dynastie des Moutons Blancs, dans une cour orientale où l'art a sa part de lumière. Siyah Qalam est un homme mystérieux, aux yeux de tous y compris ceux de sa fille. Qu'il soit dans l'atelier de Tabriz ou dans les steppes au milieu des nomades, c'est un homme qui parle peu. Seul son calame noir dit pour lui ce qu'il ressent, ce qu'il voit, ce qu'il aime...



La quête et le deuil du père a également sa place dans cette histoire presque magique. Aygül et Suzanne idéalisent cette figure paternelle inaccessible. Elles l'attendent et recherchent en permanence sa présence. Elles sont incapables de faire le deuil d'une relation qu'elles voudraient fusionnelles et elles se sentent abandonnées. Cette blessure les façonne et les rapproche...



C'est donc avec plaisir que j'ai lu ce roman particulier, comme une petite bulle dans cette rentrée littéraire...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2018..
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Le Testament du prophète

Une célèbre écrivaine revient dans le village de son enfance avec une équipe de télévision chargée d’explorer les lieux qui n’ont cessé de hanter les livres de l’auteure. On apprend très vite que l’enfant du pays est persona non grata dans cette contrée reculée -pour ne pas dire arriérée- où la population semble n’avoir appris à lire que pour se reconnaître dans chacun des livres de l’écrivaine, chaque habitant s’y retrouvant saisi dans sa bêtise crasse et sous son propre nom.

On s’attend donc à ce que le village se venge de l’imprudente avant de comprendre que les villageois sont surtout coupables d’avoir couvert, voire suscité par leur hypocrite bigoterie, un crime d’honneur.

Quelques pages et rebondissements plus tard, la littérature émancipatrice a triomphé de la tradition mortifère. On ne va pas s’en plaindre.

Ce que je préfère dans ce roman qui tient plutôt de la novella, c’est sans doute son titre : le village abrite en son sein le tombeau de Khalil Gibran et sa présence en ce lieu symbolise tout autant la défaite de la littérature qui n’émancipe et ne convainc que les déjà convaincus. Et sa brièveté aussi m’a plu, qui va à l’essentiel en empruntant les codes de la tragédie : unité de lieu, de temps et d’action.

En revanche, je n’ai pas réussi à me défendre de l’idée que cette histoire, je la connaissais déjà par cœur. Le village coupable dont on se venge: La visite de la vieille dame de Durrenmatt. Le crime d’honneur perpétré par le fornicateur lui-même : comment ne pas penser à Mustang? Le retour à la ligne après chaque phrase comme marqueur poétique : Foenkinos. Et la vengeance implacable permise par la littérature ? Ah, mon Dieu, c’est bien simple, j’ai pensé à l’Os de Dionysos de l’inénarrable Laborde… Prof dans une boîte à bac, il avait dit pis que pendre de son employeur dans un roman à clé en pensant que la littérature était un crime parfait… avant de se faire virer avec pertes et fracas.

Bilan: c’est sympa mais vain (Si quelqu’un a compris pourquoi le coupable se sent enfin coupable du seul fait du retour de son accusatrice, qu’il m’explique).

Alors une formulation sibylline en 4° de couverture (« Réalité et fiction se mêlent ») et une dédicace lourde de sens semblent suggérer que Yasmine Ghata a des raisons personnelles de nous raconter cette histoire. C’est possible, je n’en sais rien, mais pour la lectrice que je suis cette hypothèse ne rend pas le livre plus nécessaire.
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Première lecture de Yasmine Ghata et belle impression pour ce roman de la rentrée 2016 paru chez Robert Lafont.

Arsène est un petit garçon d'origine rwandaise qui a vu et vécu ce qu'aucun humain ne devrait voir. Sauvé par une OMG, Arsène est recueillit par un couple à Paris. Face au traumatisme, Arsène raconte son histoire à Suzanne animatrice d'un atelier d'écriture. Les mots et le temps peuvent' ils cicatriser les plaies, atténuer le vide affectif ?

D'une écriture sensible, Yasmine Ghata revient sur l'une des horreurs du vingtième siècle, le génocide rwandais. A travers ce petit garçon et d'une valise, seul objet emporté dans sa fuite, l'auteur décrit l'horreur sous la bienveillance ou le silence occidental. Ce petit bonhomme, on a envie de le prendre dans nos bras pour le protéger de la folie des hommes. Le roman ne sombre jamais dans la sensiblerie mais décrit avec justesse l'envie de vivre d'Arsène, au nom des siens disparus. Un seul bémol, l'histoire de Suzanne paraît bien fade par rapport au drame d'Arsène.

Moi qui vient Nathacha Appanah, je trouve une similitude dans l'écriture.

Un livre sur l'exil, le deuil, la reconstruction (est-elle vraiment possible?), un texte sensible et une jolie plume.

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Le calame noir

Une salle d'exposition à la Royal Academy de Londres, un peintre mystérieux connu sous le nom de “Calame noir”, des dessins étranges qui ouvrent la porte à des mondes magiques, démoniaques et terrifiants, deux âmes qui se connectent à cinq siècles de distance, aimantées par un même vide, une même absence - celle du père -, et la voix impérieuse de la fille du peintre qui s'empare de la narratrice, Suzanne, pour lui dévoiler ce que nul ne connaît : la vie secrète de son père, Muhammad Siyah Qalam - "le calame noir".



Le récit nous emporte à la fin du XVe siècle, parmi les peuples nomades des steppes de l'Asie centrale où la vie du Calame noir, descendant d'une illustre lignée de dessinateurs et de scribes, se déroule au gré des vicissitudes du pouvoir politique et des humeurs des princes. Homme singulier, ascétique et volontiers méditatif, ce peintre au talent décalé, disciple de Mâni, qui porte sur les êtres et le monde un regard profond, mystique et comme habité, est pour tous une énigme. Il l'est tout particulièrement pour sa fille, Aygül, dont l'admiration sans borne qu'elle lui porte se heurte sans cesse à son silence, et qui semble condamnée à rester à la marge de ce père distant, avec en offrande son amour de petite fille, inemployé et inutile.



Le roman nous convie au sein de la tribu nomade récemment sédentarisée des Moutons blancs chez qui l'art, la peinture et la calligraphie occupent une place centrale. Muhammad Siyah Qalam nous entraîne à sa suite au milieu des campements des nomades du désert, peuple simple et rude, autour des feux de camp, à l'écoute du vent des steppes, des battements des tambours, des rituels d'exorcisme et des prières des prêtres ; nous le suivons à la cour des princes, derrière les hauts remparts du royaume fragile de Tabriz divisé par les querelles, menacé par la guerre ; et nous pénétrons pas à pas, guidés par sa fille, dans l'intime de la vie de cet artiste singulier que les jeux du pouvoir porteront aux plus hauts sommets des honneurs et de la gloire avant que la fortune incertaine des armes et de la guerre ne le renvoie au discrédit, à la misère, à la démence et à la mort.



Un roman dépaysant, plein de charme et de mystère, qui au-delà du pittoresque et de l'exotisme raconte chez ces deux femmes mystérieusement connectées l'une à l'autre la blessure inguérissable de l'absence, la douleur, et le deuil - pour elles impossible - du père. Une lecture que j'ai trouvée agréable et plaisante, même si je suis restée un peu en dehors du drame de cette double relation père/fille qui m'a parue un peu simpliste, quelque peu outrée, et ne m'a pas totalement convaincue.

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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Yasmine Ghata, auteur d'origine libanaise écrit dans son cinquième roman une histoire qui nous amène autour du génocide rwandais- comme Gael Faye, dans un roman dont on parle beaucoup ou comme Corneille dans son autobiographie qui vient de sortir-



Et elle le fait à travers les yeux d'un adolscent qui se remémore ses souvenirs enfouis en lui, et ce grâce à Suzanne, une enseignante qui va lui apprendre à coucher ses émotions sur le papier à travers une histoire libératrice.



Suzanne, elle aussi garde de vieux fantômes cachés au fond d'elle, qui ressurgissent d'un coup en enseignant, justement, dans la cité scolaire qu'elle fréquentait dans son enfance. Son père est mort dans un appartement tout près alors qu'elle était toute jeune. Elle n'en a toujours pas fait son deuil. Les deux histoires vont se répondre entre elles.



Un histoire toute en simplicité et en sobriété qui nous plonge dans les traces d'un Rwanda blessé , croisant habilement les fils de récits de deux personnages essentiels et qui met en valeur la nature du déracinement et la capacité de résilience que tout un chacun porte en lui.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Muettes

Encore une curiosité de ma PAL, je serais incapable d'expliquer comment Muettes y a atterri. A défaut d'explications, voyons si je peux trouver quelques satisfactions à le lecture de ce petit livre d'à peine cent pages.



Muettes est l'histoire d'une petite fille de six ans qui vient de perdre son père, et qui nous raconte comment elle et sa mère ont vécu le deuil. Cette petite fille, c'est Yasmine Ghata.

Fille unique de cette union, elle se retrouve seule avec sa mère, poétesse de son état, pour affronter ce drame et vivre avec une absence, un vide permanent, qui sera savamment évité dans leurs échanges. Sa mère, qui perd visiblement pied avec la réalité, se renferme dans l'écriture et l'imaginaire, évitant toute mention du décès de son époux, les contraignant toutes deux à faire leur deuil indépendamment. Et une petite fille de six ans, ça cogite beaucoup.



Un livre poignant, où Ghata parvient à nous mettre rapidement le cafard, mais avec grâce et dans un lyrisme envoûtant. Elle aussi, par défaut, a trouvé refuge dans un coin de sa tête, et elle nous livre à coeur ouvert ses sentiments et ses souvenirs, diablement précis. Elle nous confie également ceux de sa mère, sans fard, éléments primordiaux dans la compréhension de ce deuil étrange et bouleversant.



Muettes n'est pas un livre indispensable, loin de là, mais reste néanmoins une très belle lecture, curieuse et touchante, bien qu'elle laisse le lecteur avec le coeur serré. Déconseillé les soirs de déprime..
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Le calame noir

Un joli roman qui emprunte au conte oriental et tente de tisser un lien entre deux femmes ayant vécu à des époques et en des lieux différents, par l'intermédiaire d'une œuvre d'art. En l’occurrence des dessins, réalisés à la fin du 15ème siècle par l'un des artistes de la cour du sultan d'un empire d'Asie centrale et baptisé "le calame noir", dans lesquels il exprime une belle singularité.

Lorsque Suzanne visite l'exposition à Londres, elle est happée par ces dessins et la voix de la fille du calame noir qui semble lui conter leur histoire. Une histoire qui fait étrangement écho à la sienne.

Pour le lecteur, c'est l'occasion d'un voyage assez envoûtant (même si l'on se perd parfois dans la complexité des tribus, des ethnies et des subtilités politiques de l'époque) à la découverte d'un peuple nomade et de la condition précaire des artistes de l'époque, inféodés et quasiment prisonniers de la volonté du sultan. La relation entre la jeune Aygül et son père, faite d'admiration et de tendresse semble traverser les âges pour atteindre Suzanne et tenter de lui offrir l'apaisement qu'elle recherche.

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La nuit des calligraphes

La nuit des calligraphes raconte l'histoire de Rikkat, une femme calligraphe turque qui a toujours été passionnée par son métier et y a toujours trouvé le réconfort et l’émerveillement que sa vie lui a refusé.



L'histoire avait de quoi être aguichante, mais je n'ai pas aimé le fait que l'histoire de famille prenne si vite le pas sur l'histoire de Rikkat en tant que calligraphe. Certains passages qui décrivent ses moments de travail offrent des réflexions intéressantes sur la transcendance de l'art et la dimension divine qu'a eu l'art de la calligraphie dans le grand empire ottoman. Mais ça reste un peu rapide à mon goût.



Si le fond de l'histoire est bien ottomane, la lourdeur de la narration et la nostalgie à tendance 'larmoyante' qui se trouvent dans ce roman sont très arabes. Rajouté à cela le fait que j'ai eu la sensation de lire un copié-collé condensé de plusieurs autres romans (mieux écrits !) sur le même sujet, mixé avec le catalogue de l'exposition du Louvre sur la collection de calligraphies ottomanes du musée Sakip Sabanci (2000)....



Quand on est passé par la case des écrivains turcs parlant de l'art ottoman et si en plus on a eu la chance de contempler certaines calligraphies d'époque (au palais de Topkapi ou ailleurs) cette lecture apparaît encore plus fade ! ...





Je n'ai donc rien trouvé de bien transcendant dans ces pages. Suivant !

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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Je suis un petit roman. Une poignée d'heures est suffisante pour me découvrir mais je reste de nombreux jours à vous occuper l'esprit.

Je raconte Arsène alors qu'il termine sa scolarité de collégien. Pour qu'il expulse son passé de Rwandais, bien enfoui depuis huit ans, il a suffi d'une intervenante, Suzanne, qui est venue proposer un atelier d'écriture. Suzanne aime faire parler les objets anciens, ces objets témoins de vies de familles et qui traversent parfois plusieurs générations.

Arsène ne possède qu'un seul objet avec lequel il a fui sa famille condamnée, sa maison, son village, son pays.

Il exhume la valise en cuir dissimulée derrière un drap blanc, remisée tout en haut d'un placard. Cette vieille valise, toute défraîchie, fut l'habitacle pour sa survie. Ses doigts crispés sur sa poignée, Arsène s'est cramponné à elle.

En ouvrant la valise, c'est une parcelle du Rwanda et toute la douloureuse histoire d'Arsène qui s'en exhale. C'est la peur, la faim et la soif de ce petit bonhomme de huit ans, ce petit être tutsi qui, sur les recommandations de sa grand-mère, a dû fuir les abominables massacres de son peuple.



Je raconte aussi les souvenirs de Suzanne liés à un appartement quitté depuis trente ans et qui abritait son enfance jusqu'au décès de son père.



Mon écriture posée, délicate, donne, à travers les objets, toute leur lumière aux souvenirs douloureux. Ils sont là, parce qu'ils se sont déroulés, tels quels, suivant les événements qui jalonnent le temps et les pays. Par des passages sensibles, je restitue les habitations brûlées qui ne sont plus qu'habitées par des cadavres. Sur le chemin d'Arsène, seules les bêtes sauvages, les oiseaux et les insectes reflètent encore la vie.

Je vous chuchote aussi toute la délicatesse et la patience des parents adoptifs qui ont recueilli Arsène et l'ont aidé à surmonter son traumatisme.



Je suis ce petit roman, qui vous raconte la fuite vers la vie d'un tout jeune Rwandais, pour que vous sachiez que cet affreux génocide a existé, loin de chez vous, loin des siens et loin de chez lui désormais.

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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Suzanne, une femme écrivain, anime un atelier d'écriture dans un collège pour des 3ème. Elle demande à chaque élève de lui apporter un objet symbolique de sa famille et de son passé. Arsène, originaire du Rwanda, va évoquer sa valise avec laquelle il a fui son pays après le massacre de sa famille d'où il est le seul survivant. L'adolescent va se confier à Suzanne pour écrire ses souvenirs tandis que Suzanne elle, va revoir l'appartement qu'elle a dû quitter enfant avec sa mère, après le décès de son père.



J'ai emprunté ce court roman de 150 pages à la médiathèque de ma commune, attirée par son titre et sa 4ème de couverture. En effet, je trouvais cette histoire originale et cette idée d'atelier d'écriture m'avait séduite.

J'ai tout de suite été surprise par le style de Yasmine Ghata avec la moitié des chapitres du livre écrits à la deuxième personne du singulier et en italique. Si l'idée de prêter la parole à Arsène pour qu'il raconte son histoire justement est bonne, pour ma part j'ai été un peu dérangée par ce procédé stylistique.

J'aurais apprécié aussi que le roman s'attache plus au présent, à la rencontre et au travail entre Suzanne et Arsène plutôt que d'avoir tous ces chapitres sur le passé d'Arsène au Rwanda. Certes, cette partie est intéressante, touchante et bien écrite, avec beaucoup de pudeur, mais j'étais plus attirée par le côté atelier d'écriture que par le conflit meurtrier au Rwanda.

De même, je trouve que la quête de Suzanne quant à ses souvenirs d'enfant dans son ancien appartement un peu en décalage par rapport au reste du roman, même s'il s'agit là aussi de souvenirs.

Ce roman est malgré tout plaisant à lire, rapide et surtout original par le thème abordé.
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Les objets ont une force insoupçonnée en eux. Il suffit de les sortir de leur tiroir ou que nous sachions qu'ils sont là pour qu'une horde de souvenirs nous assaillent : ce sont nos racines qui nous parlent et nous font découvrir ce que nous sommes...

Suzanne anime des ateliers d'écriture à l'école où elle a été elle-même élève. Elle demande à chacun des élèves d'apporter un objet de famille car elle veut que les enfants s'expriment sur leur vie personnelle et sur leur vécu familial.



Ce qu'elle ne sait pas en proposant cet atelier d'expression, c'est qu'elle met dans l'embarras Arsène, un jeune garçon tutsi, originaire du Rwanda qui a été sauvé par une ONG et adopté en France par un couple d'enseignants.

Seul rescapé de son village, il ne possède qu'un seul objet pouvant attester de ses origines, une valise en cuir qui a appartenu à son grand-père et que sa grand-mère lui a mise dans les mains, avant de l'obliger à se sauver...juste avant le massacre des habitants du village.

Sa grand-mère lui a sauvé la vie, la valise aussi. Elle lui a servi d'abri et de lit pendant sa longue fuite.

Alors que l'enfant ne se sent pas d'écrire, Suzanne accepte de l'écouter...

Les mots peuvent -ils aider à exorciser le passé et à cicatriser des plaies ?

L'auteur revient avec une plume légère, mais sensible, sur le génocide rwandais, décidément exploré à cette rentrée littéraire.

Le récit de la fuite d'Arsène est émouvant et le lecteur ressent la force de ce petit garçon, son instinct de survie, son courage aussi et les blessures profondes que lui a infligé la vie.



Le roman alterne le récit de l'errance du petit garçon (à la deuxième personne du singulier) transportant toujours sa valise avec lui, valise qui le sauvera des hommes et de leur cruauté mais aussi des bêtes sauvages, avec le récit de l'enfance de Suzanne qui a, elle aussi, des plaies à panser, même si ses souffrances paraissent dérisoires à côté de celles d'Arsène. Elle a perdu son père alors qu'elle était toute petite et jamais personne ne lui a dit qu'il n'avait pas "disparu" mais qu'il était mort.

Deux visions de la mort différentes mais qui occasionnent toutes deux des traumatismes irréparables...

L'auteur nous livre ici une histoire poignante mais toute en délicatesse.

La façon dont les deux personnages se rapprochent, la patience et la pudeur avec lesquelles Suzanne aide le jeune garçon à se livrer et à parler pour la première fois de ce qu'il a vécu, est tout à fait intéressante.

C'est un roman court et très facile à lire qui pourra être mis dans les mains de lecteurs adolescents dès 14-15 ans. Il n'offre aucune difficulté de lecture et peut être considéré comme une première approche de ce drame contemporain.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Deux histoires s'entrecroisent dans ce court récit :

- celui de Suzanne, qui à 11 ans a perdu son père. Aujourd'hui adulte, elle organise des ateliers d'écriture au sein d'un établissement scolaire et va y rencontrer :

- Arsène, 16 ans désormais et qui à 8 ans fut le seul survivant de son village Tutsi au Rwanda. Il va progressivement raconter son histoire, émouvante, dure.



Par contre, même si perdre son père à 11 ans est difficile, mettre les deux histoires en parallèle me choque : survivre à un génocide n'a rien de comparable. Les parties où Suzanne visite l'appartement de son enfance m'ont parues tellement dérisoires face à l'horreur vécue par Arsène, déséquilibrant de fait le livre.

Une déception donc.

L'histoire d'Arsène méritait mieux.
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Le târ de mon père

Le tar est un luth à long manche d'origine persane que l'on trouve en Iran, dans le Caucase et en Asie Centrale.

Cet instrument se transmet de père à fils aîné qui se charge de continuer la tradition.

Mais à la mort de Barbe Blanche, Hossein le fils aîné de la famille n'arrive pas à faire chanter le tar qui réveille en lui de douloureux souvenirs.

Après avoir brûlé les cordes de l'instrument, il ira avec son frère dans le village voisin qu'il ne connait pas, pour les faire réparer. Il y découvrira le poids du passé.



Très beau conte qui m'a transporté en Orient et fait découvrir cet instrument qui est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco.

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Le calame noir

Je tiens tout d’abord à remercier Masse Critique – Babelio et les Editions Robert Laffont de m’avoir permis de découvrir ce livre. J’ ai apprécié tout particulièrement l’originalité de l’histoire ainsi que la poésie de l écriture.



Dans la tradition orientale, il y a souvent ce que l’on appelle des « contes à tiroirs » : vous écoutez une histoire et à l’intérieur de celle-ci vous en découvrez une autre.



Ce roman est construit de façon similaire : en suivant Suzanne dans sa déambulation à la Royal Academy de Londres, nous découvrons à travers les yeux de sa fille la vie d’un peintre du XVème siècle.



Il s’agit de Siyah Qalam, surnommé » le calame noir ». Issu d’une lignée prestigieuse de scribes, dessinateurs, il fut intégré très jeune au sein de l’Atelier des Miniatures du palais de la ville de Tabriz alors prospère car c’était une étape sur la route de la soie.



Apprécié de son sultan, le calame noir jouissait d’une position un peu particulière : il avait le droit de s’adonner à sa passion : peindre les nomades des steppes. Il était autorisé chaque année à passer plusieurs mois du printemps à l’été dans un camp de nomades.



L’année de ses treize ans, sa fille le supplia de la laisser l’accompagner : » Cette traversée fut un rite de passage entre enfance et adolescence, je laissais mon monde imaginaire et assumais la réalité. La seule présence de mon père suffisait à consolider mon existence. »



C’est pendant cette période que la jeune fille va découvrir la personnalité de son père, bien loin du monde d’hypocrisie et d’intrigues du palais.



» Ici, il n’y a pas grand-chose à voir, ce qui, dit-il, favorise la méditation. Mon père m’explique que le foisonnement n’est pas dans l’excès mais dans la simplicité. Son jardin à lui, c’est cette terre si pauvre. Elle est son lieu d’intimité, d’ascension et d’envol, elle abolit toutes limites, celles du temps et de l’espace. Ici se trouve le centre du monde. »



A leur retour au palais, tout aura changé : le sultan est mort, son fils âgé de 9 ans va lui succéder. Les querelles, les intrigues pour le pouvoir, les meurtres vont se succéder, le chaos va s’installer et le calame noir ne jouira plus ni de respect ni de notoriété.



Sa fille, Aygül, aura bien du mal à survivre à son chagrin après le décès de son père. Ce qui la lie à Suzanne qui, sa vie durant, a souffert d’un cruel manque de repères paternels.



« Seul un père donne une valeur. Toutes ses tentatives sont demeurées infructueuses, tous ses efforts vains : on n’est pas une femme sans la reconnaissance d’un père. Il faut sans cesse réparer les manques, raccommoder cette lourde lacune de la vie. Aimer éperdument donne l’illusion d’une guérison, mais les filles sans père aiment mal car elles aiment trop et imposent parfois à l’être aimé une exigence sans cesse renouvelée d’amour parfait, d’amour idéal, d’amour inconditionnel. »



Les oeuvres de Siyah Qalam ont été sauvées par le sultan ottoman Selim le Terrible qui les a ramenées à Constantinople où elles ont été installées dans le somptueux palais de Topkapi.



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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Une rencontre qui réveille et ravive le souvenir des morts et de l'enfance détruite s'oubliant petit à petit.

L'écriture dans le cadre d'un exercice scolaire fait résonner des reviviscences enfouies ou jusque là indicibles.

Lorsque la mort n'est pas signifiée , comment appréhender le deuil?

Cette rencontre, c'est celle d'Arsène, orphelin rwandais arrivé en France et adopté par une famille bienveillante mais impuissante face au syndrome post-traumatique d'un génocide, et celle de sa professeur ,Suzanne animant un atelier d'écriture et à qui Arsène présente une valise préparé par sa grand-mère avec laquelle il a fuit son village seul.

Cette valise est l'âme de sa famille, comment s'en détacher " quitter c'est accepter d'oublier"?



Où comment la résilience peut passer par l'écrit du récit traumatique.



"Le lendemain, au moment où le soleil était au zénith, ton village ne comptait plus aucun habitant tutsi. pas un seul sauf toi..."



Un roman fort et qui retourne.
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J'ai longtemps eu peur de la nuit

Un magnifique roman qui alterne deux récits. Celui de Suzanne intervenante au collège, elle anime un atelier d'écriture, son objectif faire raconter à travers un objet familier la vie intime des élèves. Arsène, jeune collégien rescapé des massacres des Tutsis fait partie de ce groupe et racontera son passé à travers sa valise.

Un roman poignant sur l'exil mais aussi le déracinement, la perte et la reconstruction d'une vie.
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