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Critiques de Zakhar Prilepine (77)
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Le péché

Eclats de mémoire

Ce "roman en nouvelles" (2007) est composé de fragments de la vie de Zakhar, double de l'auteur. Chaque nouvelle tord les tripes et noue le coeur. Zakhar est un romantique. Tourmenté, orgueilleux, révolté, passionné depuis l'enfance. Il aime la castagne et les jolies filles, il a surtout ce besoin irrépressible de se frotter à la mort pour se sentir vivre ; sinon, comme les autres, il noie son ennui dans la vodka. Mais il n'est pas égoïste ni cynique pour un kopeck. Il donne la parole aux laissés-pour-compte de la Russie des années 2000; Il nous fait entendre la voix virile des videurs de boîte de nuit, des fossoyeurs, des manutentionnaires à la petite semaine, des gros bras sans perspective d'avenir, des oubliés de l'ultra libéralisme post-soviétique. Son regard est tendre, souvent plein de dérision mais l'injustice et la bêtise le mettent en rage et il est alors brutal.

Je remercie grandement Bookycooky pour m'avoir fait découvrir cet auteur.
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Des chaussures pleines de vodka chaude

J'ai découvert cet auteur grâce à Emmanuel Carrère qui parle de lui dans son dernier roman ' Limonov ' et m'a donné envie de le découvrir .

Zakhar Prilepine est né en 1972 , en 1996 et 1999 il a combattu en Tchétchénie , il a connu la fin ( regrettée par beaucoup ) du communisme , l'éclatement de la Russie .

Il nous livre ici un tableau tendre et poignant de la Russie actuelle , celle des campagnes où règne la pauvreté , l'ignorance ,les superstitions d'un autre âge , comme dans la nouvelle où deux frères vont rendre visite à un ami qui a fait de la prison , qui habite dans un coin perdu quasi inaccessible , ils se perdent et sont accueillis par un couple de paysans âgés , je ne vais pas tout raconter pour que d'autres personnes aient envie de lire ce lire .

Zakhar Prilépine décrit un monde abandonné de tous , sans repères , qui n'a plus de sens depuis la chute du communisme mais malgré tout , il garde l'espoir par amour pour son pays , l'espoir pour la jeunesse .

Un beau témoignage de l'âme russe , excessive et sublime .

Je vous le conseille .

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Certains n'iront pas en enfer

On entre dans le récit de Zakhar Prilepine comme par hasard : on pousse une porte, on tombe sur une conversation déjà commencée. Les amis en pleine causerie ne se donneront pas la peine d'informer le nouveau venu des sujets qu'ils abordent. Donc, il faut une certaine vertu d'adaptation : un peu désorienté pendant les quarante premières pages, on s'habitue peu à peu à ce nouveau monde, à ce style parlé, voire débraillé, à cet insouci apparent des formes et des explications, à ces digressions sans chapitres et à ces intermittences de la mémoire. Peu à peu, on y voit de plus en plus clair, on s'attache, on fait connaissance, et on arrive à regret à la fin du livre. Il n'y a plus qu'à le recommencer depuis le début, pour apprécier les premières pages que l'on n'avait pas comprises.





Les événements ont lieu à l'été 2018 dans la République insurrectionnelle du Donbass. Pour apprécier ce livre, il faut se résigner à ne rien comprendre à l'histoire géopolitique de ces états frontaliers de l'ancienne URSS, en guerre avec les nouvelles "nations" qui tentent de les annexer (ici l'Ukraine), soutenus vaguement, avec maintes trahisons, par les Russes et "l'Empereur", celui dont le nom ne doit pas être prononcé. L'Occidental soigneusement désinformé doit oublier ce qu'on lui a tant répété : oublier que l'Ukraine officielle, terrain de jeu des tripotages financiers de Biden père et fils, de Merkel et de l'Union Européenne, c'est le camp des Gentils, et ceux qui la combattent sont des Méchants. Prilepine, de son côté, ne se propose pas de nous faire un cours de morale inverse et engagée.





Donc, si, le temps de la lecture, on suspend son jugement moral, selon le conseil de Milan Kundera, si l'on fait son deuil des grandes abstractions molles, on est prêt à apprécier ce livre dans toute sa beauté paradoxale. Un narrateur omniprésent parlera de ses relations avec un personnage qui donne toute sa cohérence au texte, écrit en son honneur : Alexandre Vladimirovitch Zakhartchenko (alias Batia, "papa", ou le Chef), président de la république autonome du Donbass, assassiné le 31 août 2018 par les Gentils. Notre narrateur, surnommé Zakhar (on notera la proximité des noms), raconte le dernier été de cet homme dont il fut proche. Ce livre est donc une preuve d'amitié, un hommage et une sorte de tombeau littéraire.





Mais dans ce "tombeau", on rit beaucoup, l'alcool coule à flots (ici, vivre, c'est boire, et n'avoir pas soif n'est pas bon signe), on se bat sur le front d'une guerre de positions contre les Ukrainiens officiels. On nous promène dans une belle galerie de portraits héroïques. attendris, amicaux, amusés, de guerriers venus des quatre coins de l'ancien empire, et il nous est donné de vivre avec eux le temps de cet été-là. Encore une fois, une certaine adaptation du lecteur est nécessaire : évidemment la guerre, c'est Mal (sauf bien sûr en cas de "juste cause" etc ...) Ici, la guerre est un sport dangereux, mortellement sérieux et intensément amusant, comme les guerres impériales stendhaliennes dans "Les Géorgiques" ou "La Chartreuse de Parme". Elle révèle des figures humaines uniques, pittoresques, truculentes. Par son sens du détail, la clarté de ses évocations, Prilepine écrit comme peint Brueghel. Vraiment, "Certains n'iront pas en enfer" enfonce le pesant Malraux de "L'Espoir" ou de "La Condition Humaine", empêtré dans sa gravité progressiste.





Comment comprendre le titre ? Les personnages, devant la réprobation du monde des Gentils, savent bien qu'ils sont pécheurs, que l'enfer les attend, au point qu'ils ne se donnent même plus la peine de se justifier. Ils ignorent le sport américain protestant du "virtue-labelling" (ou "virtue-signalling"). Zakhartchenko le premier, ils comptent tous sur Prilepine, auteur connu, fêté, ami de figures culturelles occidentales, voyageant à Genève, à Moscou, en Serbie, pour qu'il intercède en leur faveur auprès des divinités, l'Empereur moscovite, les médias vendus, voire les troupes dont Prilepine est très proche. C'est ici un des aspects les plus originaux du livre : le rôle de l'écrivain réellement engagé dans le combat (pas comme Malraux ou Sartre), face à l'action, l'histoire, l'opinion. Il intercède, il représente comme un ambassadeur, enfin il note ses souvenirs et les faits pour en écrire l'histoire. Il est le seul à pouvoir aller d'un monde à l'autre, alors que ses amis sont confinés dans leur petite république encerclée du Donbass. La clarté exige qu'on use de ces mots abstraits, mais rien n'est plus étranger à Prilepine que la théorie.





Ce livre est extrêmement rafraîchissant. Il transporte dans un univers littéraire et mental étranger au ressentiment occidental des donneurs de leçons. Pas de grands Messages humanistes et poignants des groupes d'(op)pression, des minorités haineuses. On y rencontre, sans prêche, des êtres humains uniques, presque tous sous pseudonymes : l'Empire du Bien a ses tribunaux pour vaincus, comme on sait en Serbie. On croise même certaines célébrités, Emir Kusturica, Edouard Limonov, ou Monica Bellucci et une belle vie aventureuse. Plus d'une fois, "Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson revient à la mémoire, mais ce "Tombeau" est bien plus gai. Merci à Masse Critique et aux éditions des Syrtes pour ce beau livre.









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Des chaussures pleines de vodka chaude

De nouvelles qui vous font palper la réalité de la vie précaire de la jeunesse russe du bout des doigts, à l'heure de Poutine, la vie semble stagnée, coincée dans on ne sait quoi, mais pour vivre il faut boxer la situation, un peu plus de vodka chaude dans les chaussures...
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Des chaussures pleines de vodka chaude

Un joli recueil de nouvelles, drôles, sensibles, tragicomiques, à hauteur d'hommes (surtout). Des jeunes gens, souvent à la dérive, qui montent des plans foireux, souvent pour satisfaire des désirs qui le sont tout autant.

Il leur arrive bien sûr quelques belles aventures rocambolesques. Le cadre? La Russie d'aujourd'hui. Il est donc permis au lecteur de percevoir un peu quelques réalités contemporaines, même si la littérature russe ne manque pas d'histoires de ce genre.

Bref, une découverte tout à fait recommandable.

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Des chaussures pleines de vodka chaude

Prilepine va être mandaté par le dictateur pour écrire la bio "made in Kremlin" de l' opposant mort hier, Navalny.

C'est une Fake (pour le moment !!) mais ce lèche bottes poutinesque est une insulte faite aux libertés fondamentales.

Il va être extrêmement difficile de séparer l' homme de son œuvre.

On ne peut cautionner les laquais du dictateur quels qu'ils soient. Ils portent une responsabilité dans le grand organigramme totalitaire Russe actuel.



Chacun, tout petit, invisible, avide de liberté, peut refuser ce système à son petit niveau.

Je ne lirai pas de Prilepine, je n achèterai pas un de ses livres.

Je sais, ça ne va pas loin (!), ce n est pas non plus très contraignant, mais c est un (des petits) moyen (s)de saluer bien bas le courage la détermination et la volonté de Navalny, mort dans le froid dans un goulag où l on tanne les peaux d animaux pour les locaux et où les petites mains de Poutine se livrent à leurs plaisirs de détraqués cyniques.

Des " Navalny", ils en existent bcp dans le monde. Ils continuent à se battre contre l oppression et le diktat imposés par des nostalgiques stalinien ou des fanatiques religieux ou des populistes milliardaires ou....

Il est capital de les protéger et de faire parler d eux.

Je crois qu ils sacrifient leur vie pour une cause juste,

celle d être libre sans que ce soit un fait du hasard du lieu de naissance.



Je tenais à laisser une trace de ce vendredi noir.



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Officiers et poètes russes

Le travail d'historien de l'art qu'a entrepris l'écrivain Zakhar Prilepine est colossal. Il a enquêté sur les biographies des grands poètes russes nés au 18 e siècle émergeant dans le 19e et a constaté qu'ils se connaissaient plus ou moins, qu'ils se sont illustrés dans les guerres et toujours prêts à se battre, qu'ils parlaient le français, culture attachée à l'élite russe. le monde était petit, dit-il.



J'ai posté ici sur Kotlsov et Garchine en constatant que leur vie autant que leur oeuvre poétique fut un roman. Je méconnaissais alors le livre de Prilepine, il fait le même constat. En dépoussiérant ce passé culturel russe fort méconnu à part Pouchkine évidemment, méconnu aujourd'hui autant en Russie qu'en France, il est évident que Zakhar Pipreline se retrouve dans ces héros du passé, y voit une filiation littéraire avec laquelle il entend renouer lui qui est sur tous les fronts de guerre. Son autre pari était de montrer qu'il ne se passe pas grand chose dans la biographie des hommes d' aujourd'hui à comparer à celle qui est l'objet du livre : Ils avaient tous un destin hors du commun, à peu près inconnu du grand public.



Ce livre édité aux Syrtes en 2019, est traduit par Peuch. Plutôt bien traduit ce livre, à part qu'il est allégé de quelques biographies de poètes d'un moindre intérêt !



Je crains qu'après ce livre on dise moins que la littérature russe a commencé à l'âge d'or avec Pouchkine, Gogol, Joukovski, Lermontov .. qui a lui-même généré les Tourgueniev, Dostoïevski et Tolstoï .. Il est temps grâce à Zakhar Prilepine de remettre un peu les pendules à l'heure !..
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Des chaussures pleines de vodka chaude

Que reste-il sur papier actesudé d'un ensemble de désillusions ? Un brin de nostalgie enchantée quand elles sont couvertes de neige et s'éloignent dans le passé ; la douloureuse sensation de manger du macadam post-soviétique quand elles coulent sans regrets, emportées par un torrent de vodka (chaude).



Comme première approche de l'oeuvre - si réputée - de Zakhar Prilepine, il y a forcément mieux que cet amas de nouvelles ronflantes, désabusées (y compris dans le style pataud, parfois ringard) et roublardes. Elles commencent souvent par intriguer, hurlent dans le néant, s'égosillent sans génie et retombent comme des feux d'artifice sur un champ de foire ; les plus ternes perles étant les dernières, dédiées à la famille, ridiculement mielleuses et ponctuées de phrases à l'emporte-écrivain, du style : "Le poisson vit les yeux ouverts, dort les yeux ouverts ; seule la femme ferme les yeux" (chef d'oeuvre).



Trop politisé sans l'assumer, l'auteur veut peindre les bas-fonds mais le fait sans poésie. Ainsi, ces chaussures pleines de vodka sont souvent aussi fades qu'un reportage usé sur la Russie, dite "de Poutine". Si nos contemporains slaves n'ont que ça à dire de leur beau pays, rendez-nous les opprimés pétersbourgeois de l'Ancien Régime, ils s'en sortaient mieux.
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Des chaussures pleines de vodka chaude

Recueil de nouvelles, Des chaussures pleines de vodka chaude, nous entraîne dans le quotidien de jeunes trentenaires – Gilka, Valiok, Roubtchik – de la Russie contemporaine.

On est loin dans ce recueil de l'image romantique de la Russie, et de Moscou en particulier (visitée en 2010), peuplée de vestiges du passé, avec ses cathédrales orthodoxes aux coupoles dorées, son café Pouchkine, le musée du Kremlin et le théâtre du Bolchoï...



A l’heure poutinienne rompue au capitalisme débridé, le narrateur brosse un portrait lucide d’une jeunesse sans avenir qui cherche un sens à sa vie. Ainsi, Sakhar Prilepine saisit l’air du temps pour évoquer la guerre, le système politique, les filles, l’argent, la trahison, l’amitié et l’avenir, … le tout, toujours accompagné, comme il se doit en Russie, d’une « petite eau ».



Cette lecture n’a pas été sans m’évoquer le film « Elena » d’Andreï Zviaguintsev (2011) qui proposait au spectateur une lecture des deux mondes bien formalisés : celui d’un retraité nanti, baignant dans l’univers luxueux d’un appartement moderne du centre de Moscou, et celui de Sergueï qui, sans emploi, n’offre rien d’autre à sa famille qu’une banlieue déshéritée et pocharde. Deux milieux qui, selon Andreï Zviaguintsev, sont devenus aujourd’hui complètement hermétiques.



Malgré son intérêt, ce livre n’a pas réussi à obtenir ma complète adhésion. La raison ? Peut-être le manque de parti pris de l’auteur…



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Le péché

Un livre, constitué de onze nouvelles.

Inégales, tant en nombre de pages, qu'en intensité, qu'en intérêt, voire en qualité d'écriture, mais le tout est interdépendant.

Il me semble que le fil directeur ou le point commun entre toutes ces nouvelles, petites histoires, comme des chapitres, qui s'enchainent les uns aux autres, il me semble que le fil rouge c'est l'auteur lui-même, Zakhar, et cela non seulement parce que très souvent le héros, le narrateur se prénomme Zakhar, mais aussi, car ayant lu, un peu des notices biographiques sur l'écrivain, des articles sur le personnage, et ayant aussi lu quelques oeuvres du créateur, je m'autorise à penser que la plupart de ces nouvelles sont largement autobiographiques.

La lecture, heureusement ce sont des nouvelles, est tensiogène. de la violence, de la cruauté, de la morbidité, auxquelles succéderont de la douceur, de la tendresse, une naïveté enfantine et de l'amour de l'autre.

Cette violence, cette dureté, autant dans le fond que dans la forme (et là, le style est sérieux, acéré, bétonné), m'ont fait lâcher le livre des mains, et ce à plusieurs reprises. Parfois, j'ai accéléré la lecture pour connaître le fin du fin. Parfois j'ai accéléré la lecture pour me débarrasser de cette histoire trop glauque, trop morbide, trop écoeurante, car Prilépine a peu de tabou.

Parfois, aussi, j'ai relu et relu des pages doucement poétiques, tendrement violentes, mais si humainement réalistes.

Lire Prilépine c'est accepter le dérangement, c'est accepter l'horreur de l'être humain. Pas une horreur exceptionnelle. Non. Prilépine en fait un quotidien. Il rend humaine l'horreur qui existe dans chaque être. Il l'a rend acceptable et en même temps haïssable. Parfois ça fait du bien, mais parfois, le livre me tombe des mains et je pense "ce n'est pas possible".

Les descriptions qu'il fait de ses personnages sont absolument délicieuses ou terriblement abominables. Par moment, on peut se dire c'est la cour des miracles. Non, c'est la Russie de Prilépine. Celle d'aujourd'hui. Après avoir lu L'Archipel des Solovki, la première oeuvre magistrale de Zakhar, je me suis régalée avec Des chaussures pleines de vodka chaude,, puis Pathologies m'a ébranlée, dérangée déjà.

Déjà, la violence, le cynisme, la dureté, l'abomination de ce que peut être ou devenir un être humain, mais une plume acerbe, sans concession, détestable parfois, tendre quelquefois, une plume qui interroge.





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L'archipel des Solovki

L'Archipel des Solovki



Long roman de 850 pages -c'est quasiment un pavé dans la tradition des illustres écrivains du 19e siècle - publié en Russie en 2014, en France chez Actes sud fin 2017. Etant pour le coup historique puisque l'action se situe dans les années 1920, l'auteur russe de 45 ans a donc mené un vrai travail d'historien, s'est rendu sur place pour enquêter, se documenter. Certains observateurs lui trouvent des accents de Dostoïevski, de Soljenitsyne, ce qui n'est pas pour surprendre puisque l'auteur fait souvent référence au goulag de l'auteur de la Journée d'Ivan Dénissovitch ; Tolstoï aussi en ce sens que l'auteur s'empare d'un thème fort, magistral et développe des considérations à la fois métaphysiques et romantiques autour de ça , mais pas dans le style en tout cas plus près de la dérision de Dostoïevski, les métaphores assez vertes, parfois un peu grasses, effectivement ne sont pas du Tolstoï qui n'en usait pas.



Cet écrivain est un homme courageux qui n'hésite pas à se confronter aux dures réalités de la vie de son pays, dans ses aspects belliqueux même, pour se faire son sentiment lui-même et en forger une vérité. Il est l'auteur contemporain le plus lu en Russie et a reçu de nombreux prix littéraires pour son oeuvre, en particulier le prix Bolchaïa Kniga en 2014.



le fameux monastère Solovetski dont la forteresse est avancée sur la mer Blanche(*), fondé en 1429, passa sous la tutelle de Ivan III en 1479. Il fut fermé par les bolcheviks après la révolution et devint le premier camp de déportation sous Lénine, puis sous Staline passa à un régime plus sévère pour devenir un véritable goulag



Aujourd'hui le site a retrouvé ses couleurs d'antan, une cinquantaine de moines y vivent : virés tous ces bâtiments expérimentaux staliniens à broyer de l'humain et désaffectés tous ces cachots minables et obscènes.



Je reviens juste un instant sur l'idée ipso facto de lui trouver une ressemblance avec ses illustres aînés, eh ben il faut qu'il soit lui-même avant de leur ressembler. Il ne faut surtout pas commencer par là, c'est le meilleur moyen de provoquer une déception chez les lecteurs. Des Tolstoï, il y en a un tous les 3 siècles ..et encore je suis parcimonieux !





Je veux rester sur une note optimiste après tant de souffrances abominables, sordides commises par des idéologues infâmes, minorités actives qui cachent toujours en leur sein un dictateur qui sommeille et qui attend son heure, qui ont manipulé les masses en leur faisant miroiter la lune. Dans le dernier monastère orthodoxe que j'ai visité, j'ai acheté aux moines des pirojkis. Chaque monastère à ses recettes comme ça, Ceux-là étaient rustiques: chou pomme de terre, ça ne caresse pas que le palais, ça réchauffe aussi les coeurs.



(*) La mer Blanche se situe au nord de Saint-Pétersbourg et en dessous de Mourmansk

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L'archipel des Solovki

J’ai lu ce livre après avoir dévoré Le météorologue d’Olivier Rollin dont j’ai pensé le plus grand bien.

Le roman de Prilépine s’inscrit dans un autre registre, mais propose un tableau plus complet de ce monde du goulag. Il se situe dans la longue tradition bien russe des ouvrages ayant pour décor le monde des bagnards ; à commencer bien sûr par le célébrissime « Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski »

Comme le résume Vassili Petrovitch, l’un des personnages du livre « Nos Solovski sont un lieu étrange ! c’est la prison la plus étrange du monde ! Plus que cela. Rien n’y est compréhensible ! Savez-vous, Artiom [le héros du roman], qu’en hiver, sur l’aire d’abattage des arbres, on a laissé un jour pour non-exécution de la tâche, trente personnes dans la forêt – et qu’ils sont tous morts de froid. Que trois petits vagabonds qui avaient tué et mangé une mouette de ces lieux ont été, au vu et au sus d’Eïkmanis [le chef du camp], livrés aux moustiques après avoir été attachés tout nus aux arbres ? Bien sûr on a détaché ces enfants, ils ont survécu, mais il leur est resté toute la vie des taches noires dues aux piqûres.Oh, le chef de notre camp aime beaucoup la flore et la faune. Savez-vous qu’on a installé ici une station biologique qui étudie les fonds de la mer Blanche ? Qu’il y a ici une station météorologique ? » et plus loin : «.. dans l’ancien hôtel Petrograd, vivent au rez-de-chaussée des moines des Solovski qui font partie des travailleurs libres, et au premier étage, des tchékistes ! Et ils sont amis ! » Et un autre détenu complète le tableau en disant : « Ne trouvez-vous pas amusant qu’au pays du bolchevisme triomphant, dans le premier camp de concentration organisé par l’Etat, ce soient les principaux ennemis des communistes – les officiers blancs – qui occupent la moitié des fonctions administratives. »

Mieux qu’Olivier Rollin, Prilépine met en relief les paradoxes de ce lieu d’horreurs où la vie pourtant se déroule dans une normalité qui défie sa monstruosité.

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Certains n'iront pas en enfer

La guerre en Ukraine aura fait les gros titres de nos journaux télévisés pendant quelque temps avant d'être chassée par une autre actualité.



Zakhar Prilepine ne s'est pas contenté de suivre les infos à la télévision, non. Il s'est engagé au sein des forces séparatistes.



Avec des insurgés rêvant d'arracher un morceau de souveraineté des terres ukrainiennes. Pourquoi et comment ? Influence russe pour certains, j'avoue ne pas être plus au fait que cela.



Et peu importe au final. Car l'auteur nous raconte sa guerre, son rôle de commandant au plus près de Zakhartchenko, chef de la proclamée République populaire de Donetsk.



Autant annoncer la couleur tout de suite, Prilepine est un homme clivant dont je ne partage pas les points de vues. Cela est dit. Pourtant, ce récit d'autofiction n'a pas lâché mes mains.



On retrouve un style et une gouaille inimitable (et une certaine propension à un ego développé). L'on suit cette armée en se demandant quel est le budget mensuel des combattants pour la vodka/cognac/autres alcools forts.



Mais pendant ces 300 pages, j'étais avec eux, au sein d'un groupe soudé, à la camaraderie rugueuse, avec un auteur qui ne s'encombre pas des convenances, qui se dévoile et dévoile les autres. Parce que oui, dans ce livre, on croise aussi Emir Kusturica, Ed Limonov ou encore Monica Belluci.



On évoque même dans ce récit, un certain empereur russe. Zakhar Prilepine ne le portant clairement pas dans son cœur.



Pour un récit se déroulant en zone de guerre, les combats ne sont pas au centre du récit. Ce sont plutôt les relations humaines qui en constituent l'épicentre.



C'est drôle, exaspérant, éreintant et vivant. Voilà une lecture qui ne peut laisser indifférent et avec laquelle je me suis régalée. J'ai donc hâte de découvrir plein d'autres titres de Zakhar Prilepine.
Lien : https://allylit.wordpress.co..
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San'kia

Quand on voit l'usage que l'on fait de toi, tu pourrais arrêter un peu, et tu n'as pas honte de t'en prendre aux vieux, on pourrait t'accuser de jeunisme .. C'est un peu long gai ton affaire, ça commence surtout à bien faire !



Quoiqu'il en soit Etonnants Voyageurs de Saint Malo, trentième édition été 2020 aura avorté dans l'oeuf à cause de la Covid. Elle avait pourtant réservé à Zakhar Prilepine une place due à son rang, la nouvelle coqueluche de l'est, né à Riazan à 200 kms au sud-est de Moscou. Elle aurait fait un tabac. Alors on se contente de papiers tirés d'avance sur le site .



J'ai l'impression que tout le monde se l'arrache ce Prilepine, tout l'échiquier politique je veux dire. En tout cas il aura été l'arlésienne de Saint-Malo en cette édition de l'été dernier.



J'en veux pour preuve ce commentaire d'un critique russe pour tenter d'expliquer le succès fulgurant de ce nouvel écrivain : il plaît à tous, aux uns, pour son réalisme ; aux autres pour un antilibéralisme militant. Aux radicaux de gauche, pour son héros révolté, qui hait la société de consommation avec sa liberté d'entreprendre et son délitement social. Aux adversaires libéraux de toutes les révolutions parce que ce héros-là est condamné et que les gamins enragés qui cassent les vitrines et brûlent les voitures ne pourront jamais accomplir aucune révolution.



Demain s'il y a une nébuleuse sur le personnage assez inclassable et paradoxal, toute la bien pensance occidentale qui s'en fait les choux gras le fuira comme les rats fuient le navire.



San'kia : un mot.

Après une manif qui a mal-tourné, San'kia se réfugie chez son grand-père. A propos de cette campagne russe qui se meurt que l'auteur connaît, il écrit : "flottant comme un glaçon crevassé et sale dans une mare". Le regard du poète qu'il est fait mouche.

Le style est "sensible et percutant" ..
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Pathologies

Publié en français aux Editions des Syrtes en 2007, Pathologies est le premier roman de Zakhar Prilepine, il va tout de suite être apprécié par la critique. C'est plutôt bon signe pour cet auteur ambitieux, et un excellent passeport pour mener à bien son art, la littérature. Il fut pleinement engagé dans la guerre de Tchétchénie de 1996 à 1999. C'est l'objet de son livre. A son retour, il sera journaliste dans une revue people, qui lui permettra surtout d'écrire son livre qui paraîtra en 2005 ..En France il a un soutien de poids en la personne de Anne Coldefy-Faucard qui l'a d'ailleurs traduit. un sérieux appui pour sa promotion en France. Elle déclare de lui qu'il a beaucoup de talent et qu'il ne se commet pas dans ses livres à du pro-Poutine ou de l'anti-Poutine, l'artiste taille sa route en toute indépendance.. Dans la jeune littérature russe, après 1991, il y a eu le désir de tendre résolument vers l'occident. On ne peut pas qualifier cette tentative d'échec, mais ce fut très malheureux et ça menait à une impasse culturelle. On note avec Zakhar Prilepine en tête aujourd'hui un retour à l'authenticité russe, à la culture slave, un intérêt pour la passé pour mieux (pré)visionner l'avenir comme dit Coldefy-Faucard.
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Des chaussures pleines de vodka chaude

Magnifique recueil de nouvelles!Bien écrit,bien traduit,plein d'humour!La quatrième de couverture dit:"Il y a un ton "Prilepine",à coup sûr celui d'un GRAND ÉCRIVAIN,oui à coup sûr!
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Des chaussures pleines de vodka chaude

C’est au travers d’une lecture que Zahar Prilepin m’est apparu. Personnage annexe du « Limonov » d’Emmanuel Carrère, la description faite de lui m’a donné envie de faire connaissance avec une forme de littérature russe que je ne connaissais pas. Au travers de « des chaussures pleines de vodka chaudes » il nous livre non des nouvelles, mais des instantanés de vie, des éclats de la société russe contemporaine ou se mélange pèle mêle la pauvreté, l’alcool, les filles, la guerre, pour finir en une dérive absolue, une perte totale de contrôle sur son existence. Un livre à cent mille lieux de la jetset russe.
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Des chaussures pleines de vodka chaude

A la lecture de ce superbe recueil de nouvelles, on se dit qu'il n'y a plus beaucoup d'espoirs dans la Russie d'aujourd'hui, en dehors de la vodka et de l'eau-de-vie frelatée. Plus d'ambitions, plus d'initiatives, hormis celle de séduire les filles d'à côté. Le peuple est amorphe, écrasé, endormi. Triste constat au travers d'une écriture sublime, colorée, vive et incisive.
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Certains n'iront pas en enfer

Zakhar Prilepine, c'est une plume. C'est aussi un homme armé. L'auteur qui avait déjà fait son paquetage pour la Tchétchénie est parti également pour le Donbass et l'armée séparatiste. Dans "Certains n'iront pas en enfer", il raconte son expérience de manière détachée et décomplexée. L'auteur y montre aussi toute sa connaissance de l'histoire et de la langue (d'ailleurs, bravo au traducteur, Jean-Christophe Peuch, pour le travail en note).

J'aurais lu ce livre à sa sortie, je serais restée sur une idée un peu folle d'une guerre menée par des paumés, vaguement financée par Moscou et pleine d'une absurdité qui plait tant dans la littérature russe. Lire ce titre en 2022, par contre, m'a mise en colère. L'actualité ukrainienne qui déferle aujourd'hui dans nos jt était prévisible. La graine de la violence et de l'invasion était bel et bien plantée dans les deux provinces séparatistes.
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Pathologies

CHRONIQUE PRILEPINE PATHOLOGIES

Un récit davantage qu’un roman, tant on sent et on sait le vécu et la part d’autobiographie.

Sur la guerre entre les Russes et les Tchétchènes, le conflit entre la Russie et l’Ossétie du sud, une lutte entre un Orient slave et un Orient musulman, entre un pouvoir autocratique certes et un régime islamiste radical.

Car il faut dire les choses et Zakhar les nomme, de son point de vue, de Russe, de non croyant, d’écrivain qui doit témoigner.

Prilépine est un écrivain qui, si j’ai compris, se sent devoir témoigner, et surtout nous rapporter à nous extrême-occidentaux que la Russie n’est pas celle que nos imaginaires, notre histoire, nos dogmatismes ont forgée.

Par conséquent, il fait œuvre de témoignage avant tout et comme pas mal de ses « amis » ou « congénères » ou « compatriotes » ou… Et il me semble que nous récepteurs nous devons absolument les non seulement entendre, pour le moins, mais surtout les écouter.

La première œuvre de Prilépine que j’ai découvert était l’archipel des Solovki.

Je ne savais pas et je ne sais toujours pas si c’est la première, la deuxième , ou autre, pour ma part, en tant que lectrice, je m’en fiche. Il est sûr que Zakhar veut reconstruire quelque chose qui a été détruit dans l’histoire, la sienne, et que pour l’instant il parle de destruction, de mort, de massacre, de sacrifices.

Pathologies est justement le sujet de ces maladies russes. Faire la guerre. On ne sait pas pour quoi (l’espace est volontaire, il ne s’agit pas de la cause mais du but). Mais on la fait. Sans sens. Un bout de territoire ? non sûrement pas. Une ressource (eau, pétrole, uranium ou plus), non plus. Alors ? aucune réponse. C’est comme la jalousie qui s’empare soudain du héros (protagoniste plutôt). Il devient jaloux de sa douce Dacha. Pourquoi ? Il est jaloux des amants passés. Passés. Comme la Russie ? Qui ne supporterait pas l’indépendance des anciens satellites de l’ex-URSS ?

La guerre. Prilépine ne fait aucun cadeau. Toutes les pires images d’une guerre fin XXème siècle sont décrites, dans toutes leurs dimensions, leurs couleurs, leurs odeurs, leurs mouvements. Parfois, la bouillie peut paraître intolérable. Mais. Qu’est-ce qui n’est pas supportable ? Le récit ? La réalité qui a fait qu’il y avait plus tard ce récit ?

Certes, la fin m’a paru un peu hollywoodienne, pour un Prilépine qui nous exhorte à abandonner le visionnage des films américains et de préférer la lecture (là-dessus je suis d’accord avec lui), mais la fin de son livre est construit comme les pires films américains sur la guerre du Vietnam.

Alors, soit c’était involontaire, alors, bon, je passe, après tout, nul n’est parfait,

Soit c’était volontaire, mais un petit élément signalant l’ironie aurait été le bienvenu.

Conclusion, le style du livre est alerte, phrases courtes, précises, pas de chichis. Des horreurs, des atrocités, mais c’est la guerre, les bisounours, les feel good, c’est pas la vie, ouh ouh on se réveille, le monde est fait d’horreurs, de crimes abominables et pourtant, les hommes si faibles soient-ils sont capables de gestes fraternels. Il me semble que c’est le message que Prilépine a tenté d’inscrire dans cette œuvre.

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