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EAN : 9782742796205
186 pages
Actes Sud (01/10/2011)
3.41/5   80 notes
Résumé :
Onze nouvelles qui passent sans crier gare du comique au tragique où Zakhar Prilepine , à sa façon - brutale et somptueuse - , parle des femmes , des 'potes' , de l'amour , de l'amitié , de la trahison , de la guerre , de comment on devient un homme , de la campagne russe qui se meurt ....

Les héros de ces histoires de voitures déglinguées , de chien qu'on s'apprête à manger bravement , de filles délurées , de patrouilles en Tchétchénie , de chaussur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
3,41

sur 80 notes
Zakhar Prilepine est homme politique et écrivain engagé, il a fait la guerre de Tchétchénie et il est anti-pouvoir. Par ailleurs, « L'archipel des Solovski » est roman magistral dans lequel il raconte la genèse des goulags sur ces îles de la mer Blanche.
Ici il nous livre onze nouvelles qui nous plongent au coeur de la « Terre Russe ». Fait original, dans ces nouvelles nous suivons le même personnage Gilka à différentes étapes de sa vie.
le titre nous interroge et nous embarque à la fois, nous apprenons qu'un peu de vodka chaude vont détendre des chaussures trop étroites, recette de grand-mère nous dit Gilka.
Dès les premières lignes nous cotoyons un monde sous l'emprise de la vodka et de la brutalité, mais aussi plein de tendresse !
Ainsi Gilka s'interroge : « Je ne me souviens plus pour les autres, mais moi, j'étais tombé durement dans cet état rare et étonnant, lorsque chaque nouveau verre vous dégrise, et que l'on boit alors sans s'arrêter, attendant, goguenard, d'être enfin abattu par l'ivresse comme un bout de bois ».

Un peu plus loin dans « un héros de rock'n'roll » ma préférée, avec cette écriture tout en finesse, poésie et tendresse, il nous parle de souvenirs :
« C'était un été de grande ivresse.
Ma vie est ainsi faite : il y avait eu, une fois, tout un été de voyages ; et puis l'année d'avant, un été de la musique. Je me souviens avec tendresse de l'été de la passion ; il y en a d'autre que je n'oublie pas : celui de la séparation et de la conscience. Ils se distinguent facilement les uns des autres… il suffit de se rappeler leur saveur dominante et la mélodie principale que l'on fredonnait…
Il y a aussi l'automne, et l'hiver, et le printemps.
Il y a eu l'hiver des morts. Et l'hiver de la paresse et du vide…
Il y eut l'automne de l'étude, l'automne de l'effervescence, l'automne de la déception. »

Zakhar Prilépine nous assène quelques phrases percutantes comme dans « Un village mortifère » « Mais tu sais bien, Valiok, le crime soude plus que la religion » et dans « Viande de chien » c'est la misère et la pauvreté qui se déploient…

Beaucoup de thèmes sont abordés amour, amitié, mort, regrets et fuite du temps, pourtant ces nouvelles on une note de bonne humeur et d'humour ! Zakhar Prilépine a une plume sensible, c'est un humaniste, certes toutes ces pages baignent dans la vodka mais elles sont pleines de tendresse et de générosité. C'est un véritable plaisir de plonger dans cette ébriété :
« Tandis que moi, c'est avec des yeux noyés dans l'ivresse que j'aimais le monde Nous rentrions chez nous, nos fronts effleurant parfois les vitres immanquablement sales, au printemps, des navettes périphériques, nous regardions nos reflets dans les vastes espaces russes. Personne n'était triste, au contraire. Chacun souriait à ses propres pensée : l'un à la tendresse qu'il avait trouvée, au goût et au parfum généreux ; l'autre à la sensation de la dernière neige de l'année, tiède contre sa tempe ; et le troisième, on ne sait pas à quoi. »
Comment ne pas aimer !

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Des saisons qui défilent comme des pages qui se tournent. Avec douceur. Il y a des bouteilles qui se vident au grès du vent des quatre saisons. Avec nostalgie. La vodka à flot pour entretenir de petites nouvelles sur les bords de la Volga. Et je crois, confidence pour confidence, que j'aime la vodka comme je suis amoureux de Olga.

Entre deux prodigieuses cuites, saine habitude sous le grand froid, je t'imagine ma Cindirella, un shot de vodka, glisser ma langue entre tes deux cuisses, découvrant ta fine toison, jolie brebis au pubis parfumé à la senteur des steppes sibériennes. Je veux bien finir au goulag, si je garde en moi ce goût du plaisir ultime et comme une vodka glacée qui coule au fond de ma gorge, me réchauffe le coeur, je sens encore la chaleur s'écouler dans le délit pénétré. Sans chapka. Mais la vodka ne fait pas oublier, ces étés douloureux ou chaleureux, ces automnes pleins d'avenir et d'abandon, le silence volubile d'une vodka.

Préambule. Avec un roman russe, je prends mes précautions : je prévois toujours une bouteille de vodka au congélo. Les mots sont les maux de ce pays. Il y est souvent, toujours, éternellement question de vodka, et de femmes aux prénoms en a. Une pointe de mélancolie, douceur amère d'un grand pays... le chagrin d'un été, puis ses espérances qui amènent des rêves de bonheur, avant de sombrer de nouveau dans le spleen des steppes solitaires.

En plus de découvrir un pays, de la Sibérie à la Tchétchénie, en compagnie de jeunes filles peu farouches, de jeunes gars passionnés par les filles et la vodka, j'apprends à vivre en ce milieu « hostile », l'auteur me prodiguant quelques bons conseils du genre que faire lorsque tes chaussures neuves sont trop étroites. Et puis je croise aussi le bison de Sibérie... Ah bon ? Non, là je crois que j'ai eu une hallucination, vodka frelatée probablement, ou delirium tremens givré, ou grosse femme pas épilée. Non, je croise surtout des histoires d'amour et d'amitié, de guerre et de campagne, de putes et de rock'n'roll d'antan. Bref, un cocktail Molotov pas explosif mais plutôt détonant entre mes mains. La littérature russe, j'aime l'aborder sous tous ses genres, mais ce n'est qu'une excuse, un plat prétexte pour sortir du congélo ma bouteille de vodka…

Merci, encore.
Lien : https://memoiresdebison.blog..
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Dans «Limonov », son dernier ouvrage, Emmanuel Carrère mentionne avec considération Zakhar Prilepine, ce jeune auteur en vogue de 36 ans dont les oeuvres rencontrent un grand succès auprès des citoyens russes des classes « inférieures ». Il est vrai que cet écrivain, adhérent au parti National Bolchevik (le parti fondé par Limonov) et militant anti-Poutine convaincu, a fait croître son oeuvre dans le limon fertile de la Russie profonde, celle des campagnes boueuses, des villages à peine mentionnés sur les cartes, celle de la ruralité et de la pauvreté, celle de l'ennui, du désenchantement et de l'alcoolisme, enfin celle qui conserve dans ses chairs les plaies récentes des guerres en Tchétchénie dans lesquelles l'auteur a été personnellement engagé.

Après « Péchés » pour lequel il a reçu la plus haute distinction littéraire russe, le prix Supernatsbest 2011, après « San'kia » chronique douce amère des années Poutine, Zakhar Prilepine continue son exploration des confins de la Russie, mettant à jour la misère physique et morale et le désoeuvrement dans lesquels une grande partie du pays, oublié par ses dirigeants, semble bien prêt de s'enliser.
A l'heure où l'on ne nous parle que d'oligarques et de nouveaux riches, de jeunes loups aux dents longues couverts d'or et de filles, d'une Moscou dorée où caviar et argent coulent à flot, il est intéressant de découvrir, à travers les nouvelles plumes de l'Est, que la réalité est tout autre et que si une infime partie de la population a su profiter d'une démocratie fondée essentiellement sur un libéralisme de marché effréné, la majeure partie du pays, provinciale et rurale, vit dans la précarité et n'est pas loin de déplorer l'époque stalinienne.
Un envers du décor que Zakhar Prilepine dénonce dans les onze nouvelles qui composent « Des chaussures pleines de vodka chaude », nous montrant ainsi un pays en jachère, abandonné à son triste sort et en proie à une totale vacuité existentielle.

Mais si ces nouvelles font état d'une réalité morne et d'un avenir bouché s'annonçant bien morose particulièrement pour la jeunesse de ce pays, le ton employé par Prilepine, à la fois viril et tendre, n'est jamais vindicatif, dramatique ou excessivement fataliste. Au contraire, il y a dans ses textes une énergie, une fraîcheur, un sentiment de camaraderie et de solidarité qui se dégagent de tout accablement pour s'inscrire dans une lecture aux intonations sincères, justes et touchantes.
Au travers de nouvelles comme « Gilka », « Récit de garçons », « Viande de chien », etc.…Prilepine aborde des sujets très contemporains avec finalement, une écriture de facture plutôt classique, dépourvue de vulgarité mais non dénuée d'un humour bon-enfant ainsi que d'une poésie douce et mélancolique que viennent auréoler d'originales et jolies métaphores.

Amitiés viriles, fraternité, femmes, guerre, jeunesse, alcool…le jeune auteur russe, avec une compréhension fine des mentalités et une affection mâle un peu bourrue, peint un tableau de la Russie contemporaine où les ors et les dorures du Kremlin font place à des voitures cabossées, à des jeunes gars qui veulent épater des filles, à des chemins boueux menant à des villages désormais désertiques…Tout cela généreusement arrosé de vodka dans un pays où les mots « tu veux boire ?» comptent « parmi les plus importants qui définissent les destins de la civilisation russe »…
Car dans cette Russie que l'on sent désolée et lasse, la vodka, c'est bien la seule chose qui ne fait jamais défaut !
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Tu t'installes sur un tabouret bancal et tu poses tes coudes sur la table graisseuse au fond de la cuisine. C'est étroit. La fenêtre entrouverte change la fumée des cigarettes pour un courant d'air glacial qui caresse ta nuque. Zakhar se tient face à toi. Il a disposé sur la table des tranches de pain noir, des malossols de la charcuterie. Il saisit la bouteille de vodka et remplit ton verre à moutarde à ras bord. Aucun bruit dans le salon, les femmes ont dû se coucher. Les premières gorgées te brûlent la trachée. Les suivantes ouvrent ton esprit. Te voilà débordant d'empathie et de sympathie pour ton ami, que dis-je, ton frère. Il plisse les yeux et commence une histoire de sa voix grave. le rythme est lent, peu importe, vous avez toute la nuit et trois ou quatre bouteilles sous la main. Il te parle de son enfance à la campagne, Eden perdu. Vous riez au souvenir des virées alcooliques avec son frère dans les bleds désolés de la Mère Patrie. Et les plans foireux de Roubtchik, tu t'en rappelles, toujours obsédé par les femmes, le bougre. Et ce groupe de rock russe qui a soulevé son cœur d'adolescent. Et puis viennent les confidences plus graves, la guerre en Tchétchénie, au-delà des forfanteries, avec son lot de héros et de racailles ordinaires. La politique prend le pas sur la nostalgie. Cette société qu'il exècre, qu'il veut renverser par une révolution brutale, mais qui vient un matin en uniforme, casser la porte de son appartement pour lui coller un bon coup de pied au cul. Et puis il te parle de ses enfants, il les adore, de sa femme, il l'aime. Enfin, il la déteste souvent pour mieux l'aimer ensuite.

Vous l'aurez compris, ces onze récits, cocasses ou graves m'ont parlés. J'ai eu le sentiment qu'ils étaient « authentiques », sans filtre, chauds d'une fraternité précieuse. Un coup de coeur.
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J'ai dévoré ce recueil excellent. Quel nouvelliste ! Il y a du Tchekhov chez Prilepine : il est toujours à hauteur d'homme, toujours en empathie avec ses personnages, ses bousillés, ses paumés, ses déglingués. Aucune naïveté, aucune complaisance, là-dedans. Il décrit la bêtise et la violence des soldats, telles qu'elles sont, sans fioriture et sans complaisance mais sans condescendance et sans cynisme non plus. On dirait du Babel. j'aime le regard viril et sentimental qu'il porte sur son frère et ses potes bien allumés, sa femme et sa fille. J'aime la description truculente et nostalgique de l'enfance perdue, dans son bled rural et oublié. le voisin un peu chelou qui drague la petite soeur, les mecs qui cherchent la baston au bal. Les grandes réunions de famille autour de la Babouchka qui croque dans la fraîche pastèque sans se soucier des guêpes qui se sont posées dessus. Les femmes sont plutôt en arrière plan mais elles sont solides. Il en faut de la solidité pour supporter tous ses buveurs de vodka et de bière ! Qu'est-ce que ça picole !
Au fait si vous voulez avoir une explication sur le titre, ne comptez pas sur moi mais lisez ce recueil formidable !
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Dans les rues, les jeunes femmes russes, sensibles à l'appel du printemps, portaient déjà des jupes et des chaussures fines. Les hanches ardentes des plus belles semblaient équipées d'un élégant balancier. Si son mouvement n'avait aucune précision ni fiabilité, en revanche, il offrait toujours de l'espoir.
Je suivis l'un d'entre eux, logé dans une jupe marron en stretch et je compris que ce balancier ne m'intéressait pas et que les espérances promises n'avaient pour moi aucune importance.
C'est bien de rester sans espoir, lorsque le cœur vide n'est rempli que d'un léger courant d'air. Quand on prend conscience que tous les êtres qui vous ont tenu par la main ne vous retiendront plus, et que vos poignets glissent de leurs paumes.
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La sortie de l'ivresse est un miracle que l'on peut reproduire sans cesse et qui n'en finit pas de nous étonner ; les sensations ne s'émoussent pas. Ce doit être comparable - en aviation - à la sortie d'un piqué. Le grondement dans la tête enfle, la terre plate se rapproche de plus en plus, on est pris de vertige et soudain, ce sont des saccades, les yeux se ferment en une seconde, la tête se renverse en arrière, la gorge se remplit de salive, et c'est à présent le ciel devant soi, les espaces, le bleu.
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Je réfléchis une seconde et décidai en mon for intérieur qu'elles ne nous conviendraient pas.
"Adieu, brebis à fine toison", pensai-je avec tendresse, et, après avoir légèrement klaxonné, la voiture s'éloigna de ces deux filles visiblement chagrinées.
Je n'aime pas organiser d'orgies chez moi. On peut boire autant qu'on veut, même en compagnie de gens grossiers et graveleux. Mais si, sous mon toit, des personnes que je ne connais pas - qui peuvent être très bien par ailleurs - s'accouplent dans tous les coins, cela blesse profondément mon sens esthétique.
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A une fille, je l'ai déjà dit, on pardonne tout.

Ma fille vient et dit qu'elle est fatiguée, et elle se couche, bercée et chérie dans son sommeil qu'on ne peut se résoudre à interrompre, sauf peut-être par l'admiration.(...)

Ma fille a le droit de ne pas obéir, de ne pas savoir faire, de ne pas répondre, de ne pas vouloir, de changer d'avis, de ne pas rester jusqu'au bout, de ne pas arriver pour le début.

Et il y a encore quarante mille "ne pas". Je froncerai les sourcils, bien sûr, mais en mon for intérieur, j'éprouverai une jubilation si intense que le froncement de mes sourcils glissera brusquement au coin de mes lèvres qui se relèveront de bonheur et de ravissement.
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A midi moins trois, frais, les yeux clairs, j'entrais au café, je me commandais un verre de vodka et un demi-litre de bière blonde.
Je m'asseyais toujours sur un haut tabouret, face au barman ; c'est mieux si le barman est une femme, mais un homme, ça va encore. Il ne faut pas boire en face d'un mur aveugle, et dans le silence en plus : c'est une règle, et même deux, auxquelles il ne faut jamais déroger.
(mais on peut boire de la vodka avec de la bière, il n'y a rien de mal à cela.)
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Vidéo de Zakhar Prilepine
Salon du Livre 2018 à Paris Zakhar Prilepine présente Ceux du Donbass.
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