Emprunté Bibliothèque Buffon (à proximité du Jardin des Plantes--Paris ) - le 5 avril 2022
"Nos Solovki,disait-il,sont un lieu étrange ! C'est la prison la plus étrange du monde !
Nous pensons par exemple que le monde est immense et étonnant, qu'il est plein de mystères et d'enchantement, d'horreur et de charme, mais nous avons quelques raisons de supposer qu'aujourd'hui même, les Solovski sont l'endroit le plus singulier qu'ait connu l'humanité. Rien n'y est compréhensible ! "(p.63)
La découverte fracassante,époustouflante de ces derniers jours en faisant des recherches sur les artistes russes dissidents...et je déniche par le plus grand des hasards cet écrivain contemporain, aussi prolifique , engagé que controversé !!...
J'ai appris grâce à cet auteur l'existence de ce tout premier Goulag soviétique, à 160 km du Pôle Nord...créé quelques années après la Révolution d'Octobre, il a été installé curieusement, et fort symboliquement dans un haut lieu monastique...vers 1920.
Une galerie innombrable de personnages,haute en couleurs,ressemblant à une gigantesque Cour des miracles ...
Dans ce camp rempli de barbarie et de cruautés multiples,des éclairs de lumière et de solidarité...Mélange de toutes les populations, de toutes les classes, de tous les métiers : manuels, intellectuels...
***"Les Solovki étaient un Golgotha,mais sur elles brillait la lumière de l'esprit " ( cf.
Boris Chiriaev)
Dans ce roman-fleuve,
Prilepine est loin de tout manichéisme, montre en permanence la frontière bien fragile entre les victimes et les bourreaux...Entre le Bien et le Mal,l'équilibre reste fort instable !
Dans ce territoire des Solovki (qui est l'équivalent d'une Ville ), un enfer,il y a aussi la camaraderie,l'entraide,l'affection la complicité, les échanges intellectuels....Rien n'est définitivement "noir",même si le plus souvent ,les détenus sont dans une bataille quotidienne de "survie"...L'Arbitraire, omniprésent, entretenant une peur diffuse, constante,parmi tous les prisonniers !!
Il y a tant à dire de cette fresque fort ambitieuse...je souhaiterais insérer une parenthèse très significative de cette oeuvre.En écoutant divers interviews de Zakhar
Prilepine- j'ai retenu cette anecdote racontée par
lui-même ; avant la publication de cet ouvrage,
Prilepine écrit à la fille du directeur du camp des Solovki ( décrit dans le roman, qui a réellement existé) celle-ci vivant aux États-unis. Aucune réponse...
Il poursuit dans son idée première d'achever cette fresque historique par la rencontre de l'auteur avec la fille de l'ancien directeur des Solovki, leurs échanges et ce qu'elle peut expliciter de nouveau sur la personnalité de son père.
Quelque temps,après la publication de son texte,la "fille" se
manifeste auprès de lui...s'étonne grandement et interroge avec insistance l'auteur pour savoir qui l'a aussi bien renseigné sur sa vie,l'agencement de son appartement, de sa bibliothèque, des aspects moins connus du caractère de son père, etc.
Lorsque
Prilepine lui répond et insiste sur le fait que personne ne l'a renseigné, que tout est sorti de son imagination;bien sûr, elle ne le crût pas !!
Anecdote que je tenais à relater,car entre une très impressionnante documentation,et exactitude historique engrangée,
Prilepine a le talent peu commun de fondre,de mettre en symbiose
L Histoire réelle et la fiction !...
Une lecture - coup de poing, littéralement "fracassante", qui ne peut que très durablement rester dans l'esprit du Lecteur.L'auteur est des plus créatifs pour décrire ces Iles Solovki et la pluralité des humanités, du pire au meilleur !!
****Voir aussi ma petite sélection d'ouvrages sur les Iles Solovki
https://www.babelio.com/liste/21146/Les-Solovki-iles-sacrees-iles-martyres