Citations de Éric Plamondon (379)
L’autobus approche du pont Van Horne, qui relie la province de Québec à celle du Nouveau-Brunswick au-dessus de ce qui n’est déjà plus la rivière Ristigouche, mais pas encore la baie des Chaleurs. Ce pont marque une frontière à l’intérieur d’un même pays, davantage juridique que géographique. Le transport scolaire vient chercher les enfants de la réserve indienne le matin pour les amener à l’école anglaise et les reconduit chez eux en fin d’après-midi. Il y a le Québec et le reste du Canada, la réserve et le reste du monde. Dix générations plus tôt, ils s’étaient installés ici, à la fin des terres, Gespeg. Ce sont les Mi’gmaq. Les premiers Français les appelaient les Souriquois. Puis on a écrit leur nom de différentes manières : Miquemaques, Mi’kmaqs, Micmacs.
Avec sa calvitie, il ne peut plus se passer la main dans les cheveux depuis longtemps, alors il exhibe sa science.
Dans le feu de l'action, la raison s'éteint.
Il lui aura fallu trois vies pour comprendre que la réussite est une fiction. Il lui aura fallu trois destins pour apprendre que réussir sa vie n’est qu’une question d’histoire, n’est qu’une question de réussir à raconter une bonne histoire. Il lui aura fallu trois vies pour apprendre à raconter la sienne. […] Il lui a fallu trois vies pour comprendre que le bonheur n’est qu’une fiction, que pour être heureux il faut inventer sa vie, et que la seule façon de l’inventer, c’est de la raconter. C’est ce que Rivages a compris grâce à Weissmuller, à Brautigan et à Jobs. (p. 233)
Brautigan ne se suicide pas parce que ses romans marchent mois bien, il se suicide parce que ses contemporains ont trahi leurs idéaux. Ils se sont rangés et ont laissé tomber la liberté pour la sécurité. Les hippies ont troqué les chemises à fleurs pour des vestons-cravates. Ou bien ils se sont mis aux médecines douces, aux cristaux, au yoga. Pour faire court, on va dire que Brautigan se suicide parce que Ronald Regan a été élu président des États-Unis.
Les feuilles sont rouges dans les arbres. Les feuilles sont jaunes et orange. Les feuilles tombent.
A quarante ans, Gabriel Rivages constate qu'il a raté sa vie. Après les femmes, les drogues, les voyages, les livres, les emplois divers et les enfants, il sent toujours en lui ce grand vide. Il y met tout ce qui lui tombe sous la main.
La nuit des Longs Couteaux aurait lieu quatre mois plus tard, le 4 Novembre, neuf provinces du Canada et le gouvernement fédéral de Trudeau ayant décidé du rapatriement de la Constitution sans l’accord du Québec. Cette entente, qui allait renouveler la Constitution canadienne en 1982, fut un coup dur porté aux nationalistes québécois mais, en revanche, une victoire pour les autochtones, qui se voyaient reconnaître leurs droits ancestraux et leur statut de peuples distincts.
Comme le dirait plus tard Lucien Lessard, le ministre responsable de la guerre du saumon et des raids à Restigouche : « Pour être un peuple, il faut avoir sa langue, sa culture et sa terre… »
Leclerc réalise que la culture de la terre a été la première violence imposée aux Mi'gmaq et aux autres tribus par les nouveaux arrivants. Le premier des chocs, et le plus brutal, a été celui de la sédentarisation forcée. En important ici l'idée d'agriculture à grande échelle, sa culture de la culture, l'Européen mettait en péril le mode de vie de ceux qui vivaient ici depuis des millénaires sans jamais avoir pensé à accumuler, sinon un peu de poisson et de viande séchés pour les pires jours de l'hiver.
A grands coups de bâton le matin, de douches froides le soir et de viols la nuit, les institutions vont faire rentrer l'idée de civilisation dans la tête des sauvages.
Taqawan, celui qui pour la première fois revient de la mer pour remonter la chute.
On les a surnommés comme ça, des hommes et des femmes sauvages. Il faut se méfier des mots. Ils commencent parfois par désigner et finissent par définir. p. 38
Il faut se méfier des mots: ils commencent parfois par désigner et finissent par définir. Celui qu'on traite de bâtard toute sa vie ne voit pas le monde du même œil que celui qui a connu son père. Quel monde pour un peuple qu'on traite de sauvages durant quatre siècles ?
Mais la génétique nous dit aussi que le genre humain ne forme qu'un seul peuple, même s'il y a des évidences plus flagrantes que d'autres. Nous sommes un grand mélange d'acide désoxyribonucléique, où seules les proportions fluctuent. Il ne faut jamais perdre de vue qu'à un pour cent près, nous sommes tous des chimpanzés.
Il faut se méfier des mots. Ils commencent parfois par désigner et finissent par définir. […] Quel monde pour un peuple qu’on traite de sauvages durant quatre siècles ?
Quand les chiens sont lâchés, quand on donne le feu vert à des sbires armés en leur expliquant qu'ils ont tous les droits face à des individus désobéissants, condamnables, délinquants, quand on fait entrer ces idées dans la tête de quelqu'un, on doit toujours s'attendre au pire. L'humanité se retire peu à peu. Dans le feu de l'action, la raison s'éteint. Il faut savoir répondre aux ordres sans penser.
p. 15
Pour être un peuple, il faut connaître les mêmes histoires, en faire partie.
Toujours entre deux , oui c’est ça , c’est exactement la place que j’occupe depuis toujours : deux pères , deux pays , deux passés mais un seul avenir incertain.
À partir de 1870, pour remercier ces vaillants guerriers, on leur enlève leurs enfants pour les emprisonner dans des pensionnats. À grands coups de bâton le matin, de douches froides le soir et de viols la nuit, les institutions vont faire rentrer l’idée de civilisation dans la tête des sauvages.
Depuis des millénaires, la sagesse de l’évidence suffit à ce peuple : si on pêche trop de poissons cette année, il y en aura moins l’année prochaine. Si on pêche trop de poissons pendant des années, un jour il n’y en aura plus.