Les grandes forêts, l'ambiance, le climat angoissant, peuvent rappeler l'univers du maitre du genre :
Stephen King. L'histoire est maitrisée, efficace et se lit d'un souffle. Dès les premières lignes, le lecteur a peur pour
Emma. Je me suis très vite demandé qui était cette narratrice qui nous tenait en haleine, et, il me faut le reconnaitre, j'ai entrevu le dénouement (fort bien amené d'ailleurs) dès la moitié de l'oeuvre (une certaine déformation professionnelle sans doute).
Le style descriptif est riche et agréable à lire. Mature et travaillé il est en plein accord avec le récit. Cependant, il reste peut-être à l'auteure qu'elle trouve son truc à elle dans sa manière de raconter et d'écrire, truc qui deviendrait « sa marque de fabrique » en d'autres termes, son style bien à elle.
On ressent chez Sylvia ce désir de bousculer certaines règles du genre. Et elle y parvient lorsqu'elle s‘y autorise. Elle doit, à mon sens, assumer cette envie « chamboulatoire » en se permettant d'explorer tous les recoins de son inspiration. Dans un récit d'ambiance, le lecteur doit pouvoir par la magie des mots, renifler les odeurs, percevoir les bruits, ressentir les images, bref : entrer dans les différents décors. Pour y parvenir, et L'auteur sait le faire, il convient de quitter la narration classique, l'auteur n'est plus écrivain, il devient conteur.
Sylvia sait nous faire aimer son personnage, voilà pourquoi le lecteur, en fin de récit, est en crise de manque. Un peu comme après un rencart que l'on regrette d'avoir trop rapidement expédié. Il voudrait en savoir plus sur
Emma, partager un peu de son intimité, savoir qui elle est, connaitre son parcours, ses angoisses, ses rapports avec les autres. Bref avoir le temps d'en être totalement épris. Bien sûr, une nouvelle ne laisse que peu de place à cette avalanche de détails … Qu'importe ! Avec cette nouvelle,
Sylvia Kunst nous a concocté la version courte d'un excellent roman d'angoisse. Tout dans cette oeuvre peut être développé. En résumé Sylvia est une auteure talentueuse, à découvrir et à suivre. Il convient aussi de l'encourager à explorer plus en détail les méandres de son imaginaire…
Emma est une nouvelle que je recommande, car, si ce n'est ses qualités littéraires indéniables, l'on en sort avec cette réflexion que tout auteur aimerait entendre : Déjà fini ?