Je suis sonnée, groggy mais pas abasourdie: je savais que la dernière nouvelle de Fred Soulier,
Galeries me bousculerait.
Pire ( ou mieux ) que cela, j'ai une boule dans la gorge et une autre me plombe l'estomac.
Oui, je sais, c'est une fiction, oui, je sais, je suis une éponge, mais les confidences de ce petit vieux sont si palpables, ses confessions si douloureuses, sans épanchements exacerbés, que le poids de sa conscience m'a pesée comme une chape de plomb. Il a partagé sa geôle, mais il en a pris pour perpette, le bougre.
Le récit vous happe dès les premières lignes, c'est ce qu'il faut dans une nouvelle de moins de 20000 mots. Sur le ton de la confidence, un petit vieux témoigne dans une lettre posthume à l'attention de ses enfants, d'un drame vécu 70 ans auparavant, alors qu'il était jeune sous-marinier dans la Kriegsmarine.
La tension est de suite prégnante, le stress anxiogène mais je devine déjà une fin tragique.
Encore une fois dans les nouvelles de Fred Soulier, le lieu, une bête humaine abyssale, sert de décor, de toile de fond, pour décrire l'ambiguïté, la complexité de l'âme des hommes au travers 48 soldats détenus à plus de 200 mètres de profondeur.
Asservissement, libre-arbitre, culpabilité, rédemption, autant de sujets qui vont bousculer votre conscience.
Les hommes trouvent toujours une échappatoire pour justifier leur crime...
Je finirai par sa plume qui m'a semblé encore plus effarante ( pas dans le sens de qui provoque de la stupeur, hein, mais qui atteint un degré extrême ). le sens du rythme, les métaphores, souvent amenées par des expressions ou mots inusités, sont de véritables torpilles dans le récit, les fulgurances atteignent systématiquement leur cible. On ressent aussi tout le boulot de recherche qu'il y a eu en amont. Un vrai vaisseau de guerre ce Soulier, il est bon, punaise ! Quel esthétisme !
Si je dois chipoter, juste quelques répétions qui auraient pu être évitées en début de récit, ainsi que "quelques métaphores parfois redondantes, en tout cas, c'est ce qui m'a semblé, peut-être parce que j'ai lu le texte d'une seule traite.