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EAN : 978B01CV0C0Y0
(11/03/2016)
4.5/5   28 notes
Résumé :
Extrait de la préface :

On ne sort pas indemne de la lecture de ce roman. L'auteur nous malmène, balance des coups bien assénés qui font mouche, nous blessent, nous retournent. Comme ses héros, on en prend plein la tête. Mais l'humour, plutôt noir que rose, s'étend au fil des pages, comme un baume sur les gnons. Parallèlement, Frédéric pose un regard empathique sur ses personnages, sans pour autant les absoudre. Dans ce roman, point de manichéisme. >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Dommage ! Voici le mot premier qui me caresse âprement l'esprit après fermeture de ce bouquin d'un rustre croquignolet, étincelant, ostentatoire. Je dis dommage ! Dommage qu'on se retrouve prisonniers d'une époque drôlement saugrenue, pris dans cet océan trouble de l'univers éditoriale où les orques ne font qu'une becquée des nourrains occupés à essayer de se faire une place au soleil. Dommage qu'il faille littéralement bringuebaler les neurones des néo-consommateurs, qu'il faille glapir à s'en péter les tympans, à s'en rompre les cordes vocales, à s'en arracher les roupettes pour leur rappeler que la téloche n'est pas gage de qualité, qu'ils pourraient batifoler avec l'art, le vrai, le grand, loin des têtes de gondoles. Dommage que le lectorat actuel – et à venir, par ricochet – se retrouve formaté à une littérature de moins en moins artistique, plus abondante que qualitative. Dommage. Autant l'idée de lire pour se détendre, « sans prise de tête », comme on sait si bien le dire, ne fait l'ombre d'aucune chicane dans ma caboche, autant il me paraît impossible de zapper le fait que la littérature, dans son essence même, définit une production à laquelle on reconnait une « valeur esthétique ». Ce léger détail représente, d'ailleurs, la raison pour laquelle la liste des corvées de la mémère du coin de la rue ne saurait être qualifiée « d'oeuvre littéraire » dans cette galaxie, du moins pas dans cette dimension du continuum espace/temps. Dommage qu'on s'en rapproche dangereusement.

Au delà de ces inquiétudes fondées, de cette crainte de voir disparaître à jamais l'art littéraire dans toute sa diversité, dans toute sa splendeur, jaillit deux trois fois un espoir, une lueur scintillante, une piqûre de rappel. Elle ne vient guère souvent du côté où on s'y attend : le long d'un fil d'argent, au coeur d'une Émulsion, au plus profond de l'âme qui crie sa peine avec grogne et ténacité… le tout dans un dépotoir laissé-pour-compte.

Le livre dont je vous parle aujourd'hui fait partie de ceux-là. Il est beau, fort, élégant (non, il ne parle pas de moi) et bien plus. Pour vous dire, je l'ai lu deux fois, ce bouquin… de suite, s'il vous plaît. La dernière fois que je me suis accordé pareil usufruit, je me tapais un quadruplé. « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust et « Au bonheur des dames » d'Émile Zola. Deux lectures enchaînées d'affilée deux fois chacune. 7 ans plus tard, je récidive pour les mêmes foutues raisons : un breuvage mirobolant, des mots cueillis avec soin, dégueulés avec hargne, puis tripatouillés dans un désordre artistique tels les coups de pinceaux abstraits d'un peintre pour une toile luisante, richement colorée, diffuseuse d'un folklore d'émotions toutes plus contradictoires les unes que les autres. Vous ressentirez de la peine pour Thomas Mâchefer que vous rencontrerez dans la rue ; de la compassion pour Screech, son compagnon de fortune ; de la haine envers Farouk Hassan, le paparazzo « immoral » ; du désir pour Mélody, la garce aux yeux plus gros que le postérieure ; du *je ne sais quoi* pour Belle-de-Loin, oh que oui, même pour elle, vous ressentirez un truc, non identifié encore, mais un truc quand même ; du plaisir, un plaisir coupable que vous ne saurez réprimer, à admirer – non sans délectation – toute cette souffrance dépeinte avec autant d'aplomb et d'éloquence ; de la rage pure et dure face aux doctrines délétères auxquelles se soumettent la société, mais aussi une rage de vivre, celle des personnages, celle enfouie en chacun de nous.

Pour les forcenés qui ressentent le besoin de cataloguer tout ce qui leur tombe sous la main, abondonnez ce coup-ci. Il s'agit d'un roman. Point. L'univers que l'on y côtoie fait office de calque, un reflet de notre époque sans les filtres. Rien que la société, dans son plus simple élément. Avec authenticité comme mot d'ordre, ce livre vous immergera dans les abysses de votre âme, concassera vos multiples barrières érigées à coups de matraquages publicitaires, de dogmes et de croyances plus hermétiques que le vagin de la plus effarouchée des vierges ; puis vous entendrez ce cri, cet appel furieux à l'humanité, pile au moment où poindra le gis de l'espoir, la perspective selon laquelle tout n'est pas perdu. Les personnages souffrent d'une pertinence et d'un réalisme à vous friser la quéquette. Ils représentent votre frère un poil fêlé sur les bords, votre soeur intégriste, la voisine sexy qui ne jure que par la bite de haute voltige, le SDF qui squatte le bas de votre piaule, que vous voyez mais ne regardez jamais. Ils sont vous, votre quotidien.

Je pourrais user de v'la les adjectifs pour qualifier cette plume. Brute, tout de suite, intense tout le temps, percutante car ce môsieur fait du cerveau de son lecteur un punching-ball qu'il entend défoncer avec la rage d'un Mohammed Ali qui n'aurait pas trompé sa nouille dans de la bonne soupe depuis au moins 69 mois. Mais putain d'sa mère ce que c'est jouissif ! Je soupçonne ce bougre d'avoir subi une partouze orchestrée par Balzac, Flaubert, Zola et Tarantino pour avoir hérité de la minutie du premier, de la sonorité du second, du naturalisme extrême du troisième, de l'esthétique scénique du dernier et du génie combiné des quatre. Mon âme charitable ne peut qu'avoir une pensée bienveillante envers sa modeste personne quand j'imagine l'état de son orifice, au pauv' mec. le genre de connard qui te fait croire qu'il possède les clés du savoir et de l'univers tellement il maîtrise les bribes de sujets qu'il aborde ; un alchimiste du langage, le môsieur, et pour reprendre ses mots, un de ces empaffés qui vous jettent leur vocabulaire à la figure, et se rengorgent de votre perplexité. Jouissif, vous dis-je.

Je pourrais jaser des heures, on pourrait confabuler encore plus longtemps, mais je préfère vous laisser plonger dans ce bouquin digne des plus grands. Rarement un titre n'a été aussi évocateur, rarement une couverture aussi représentative, rarement le terme « prendre aux tripes » n'a eu autant de sens. C'est pourtant ce qui vous arrivera. Vous y entrerez tout beau tout nigaud et en ressortirez aussi ébranlé que le cul d'une chagasse après une mauvaise passe.
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Une plongée dans la misère humaine : morale, sociale, culturelle et les différentes façons de tirer son épingle du jeu pour vivre avec ou s'en sortir.
C'est une plongée qui pue autant que des pieds malades et sales malgré le parfum haut de gamme qui essaie d'en masquer l'odeur parfois. Pas la peine d'aller bien loin pour commencer : il suffit d'allumer la télévision ou de sortir dans la rue…

J'ai aimé les personnages tous travaillés, décrits sans fioriture, à la serpe. Ils ont des gueules et des psychologies torturées, l'esprit « simple », les corps malmenés et les vies scabreuses de ceux qu'on appelle les petites gens. Je n'ai pas vu les caricatures que l'on retrouve d'un roman à l'autre, d'un auteur à l'autre, les mêmes personnages stéréotypés qui « matchent » dans l'imagination du lecteur. Ici, à part une bimbo, déjà caricature dans la réalité, je n'ai pas retrouvé ces figures toutes faites.
Par contre, j'ai retrouvé ce que me procurais la lecture des Rougon-Macquart version moderne et l'humour en plus, des vies dures et marquées. J'ai cru sur le 1er tiers du roman à un misérabilisme permanent après leur description en victimes mais l'évolution de l'histoire et le personnage d'Hassana rééquilibre les choses. le roman déborde de vies, viles ou viciées à la limite du dégoût pour finir par déborder de vie.


Mine de rien, comme ça, Frédéric met en exergue nos petits travers et nos gros défauts. A travers, par exemple, une petite galerie de portraits truculents et représentatifs de ce que nous sommes sur les réseaux sociaux, tout le monde en prend pour son grade. Il en profite pour égratigner un petit peu la société bien-pensante, la société de consommation, les cols blancs et au passage le secteur littéraire. Malgré cela, je trouve beaucoup de tendresse, de sensibilité et d'empathie dans l'écriture de Frédéric. Tout le long, je suis tenue par le verbe, par la gouaille de FS, par son sens de la formule. Il manie très bien les différents langages : le familier, l'argot, le littéraire, le journaliste et un langage de son cru fait de mots inusités, rares, désuets voire reconstruits, enfin un vrai travail d'écrivain en voie de disparition. Les mots, les formules traduisent l'attachement de Frédéric Soulier au détail, à trouver le mot juste adapté à chaque situation, à chaque personnage.
Je sors de la lecture avec l'odeur de la crasse encore dans le nez, le cynisme d'Hassana encore dans l'oreille, les frusques et la touche de Belle-de-loin encore imprimée sur la rétine. Les phrases assassines à l'humour noir, le sarcasme, l'ironie qui sont un peu la touche de cet auteur, m'ont souvent fait sourire, comme ses associations d'idées, ses analogies, ses jeux de mots, ses petits noms qui agissent comme des formules magiques sur mon attention. On sent le travail, la recherche, le souci de perfection et celui de toucher, d'émouvoir ou de provoquer le lecteur, de l'amener à gamberger aussi.

La culture générale importante, les références culturelles populaires ou plus pointues (pubs, presse people, légendes urbaines, cinéma, littérature, actualités, Histoire, politiques) servent de substrat à l'histoire et sont omniprésentes dans le roman. Elles forcent encore la réflexion, l'émotion, le souvenir ou la réaction. Il n'y a pas de temps mort, pas de bla-bla inutile, pas de remplissage de pages. Tout est important et sert l'histoire.
Tout va crescendo : ce qui me paraissait dans le 1er tiers du roman qu'une fenêtre ouverte sur la rue, se moquant du citoyen moyen ne percevant le reste du monde qu'à travers ces autres fenêtres que sont la télévision et internet, a par la suite pris de l'ampleur, évoluant de façon plus complexe. Eléments satellites parfois surprenants ou fantaisistes, cruels mais toujours intéressants.

Enfin, j'étais curieuse de connaître la signification de ce très beau titre « le cri sauvage de l'âme ». Je l'ai. Je ne suis pas déçue et je vous invite sincèrement à découvrir cette histoire originale.
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Voilà un roman atypique qui sort de la zone de confort du roman noir ou du drame, tout en étant très intéressant et instructif, puisque l'auteur nous livre sans filtre la vie de tous les jours de certaines personnes, et avec un plume incisive. Écrit avec le langage de la rue, plusieurs thèmes sont abordés en dehors de l'histoire elle-même.
« Ouais, ce monde que vous ne faites jamais qu'effleurer, où les uns essaient de manger et les autres de ne plus manger, où il faut bouffer ou être bouffé. Macrocosme boursouflé de consumérisme frénétique, vomissant métaux lourds, papier glacé et sacs plastiques, un torrent d'ordures qui finissait au bout du compte dans le ventre des poissons et des oiseaux, et dont le poison remontait très justement jusqu'à l'animal placé au sommet de la chaîne alimentaire : l'Homme. Ce putain de monde de plus en plus petit, asphyxié par ses propres déjections, de plus en plus sale et malade, aveugle à force de s'observer le nombril, la tête dans le trou du cul. »
On décolle de notre siège avec Thomas Mâchefer, mis à la porte de chez sa mère et son beau-père à ses 18 ans. La vie, c'est dans la rue qu'il va la découvrir au travers de ces rencontres. Screech, SDF, qui va le prendre sous son aile et avec qui il va se lier d'amitié.
« Heureusement, l'espérance de vie d'un SDF n'était que de 43 ans en moyenne. C'était vachement bien fait, quand même, la façon dont la population s'autorégulait... »
Belle-de-loin, péripatéticienne renommée et enjouée. Farouk Hassana, paparazzi, va lui venir à la rencontre de Thomas et petit à petit, en "travaillant" pour lui ils vont apprendre à se connaître non sans quelques complications. Ensuite arrive Mélody, petite starlette qui espère trouver sa place, malgré et grâce aux ignominies médiatisées sur elle. Moultes péripéties vont leur arriver et l'auteur n'est pas avare de détails ni de dérapages incontrôlés en partant sur des sujets divers pour chacun.
« Des soignants aux gestes infiniment précautionneux, incisaient, nettoyaient, excisaient les chairs nécrosées, pansaient. Des humains qui réparaient les saloperies d'autres humains....J'étais alors pris d'une bouffée d'amour – oui, d'amour ! – pour ces séraphins tout de blanc vêtus qui chaque jour, chaque heure, chaque minute, sauvaient la peau, littéralement, de mon ami."
De situations cocasses aux moments les plus dramatiques c'est quand même avec le sourire que j'ai apprécié cette lecture.
« On me sonne toutes les cloches de Notre Dame, là-dedans. Mazette, je ne serais pas aussi assommé si j'avais dégusté un airbag ! »
Je n'avais, pour l'instant, lu que des nouvelles de cet auteur, bien m'en a pris d'acquérir ce roman, d'autres récits m'attendent dans ma liseuse, à suivre.
Pour lecteurs avertis.
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Mon avis :
Voilà un auteur comme je les aime. Un auteur qui n'a pas peur de mettre les mains dans le cambouis de l'existence, d'appeler un matou un chat (ou le contraire, si son personnage parle comme ça) et de tourner son projecteur vers les coins les plus sombres de la société.
Le cri sauvage de l'âme (on découvre la raison de ce titre dans les dernières pages) est un pamphlet à la gueule d'une société trop policée, trop lisse en apparence, où l'image, dans toutes les acceptations du terme, occulte la réalité des êtres et modifie notre approche du monde, de la vie même. Dans ce brûlot iconoclaste, les héros sont tout, sauf des gens « bien comme il faut ». Ça râle, ça grogne, ça tempête, même, mais ça rêve aussi… Et à quoi rêvent ceux que la vie a broyés, ceux qui vivent à la marge, qu'on ne regarde pas, ou alors avec pitié, ou dédain ? À chacun son rêve, bien sûr, mais on désire toujours ce que l'on n'a pas… La richesse, la notoriété, ou plus simplement la reconnaissance.
J'ai beaucoup aimé ce livre de Frédéric Soulier, mais je reste dubitatif sur un point : le narrateur est un jeune SDF qui emploie un langage de la rue. On comprend que même s'il a eu une enfance difficile, ce qui l'a détourné des études, il est intelligent. Cependant, le récit écrit dans une langue assez crue est émaillé de termes plutôt érudits, voire inusités, qui, pour moi, sonnent bizarrement dans l'ensemble. Qui plus est, Thomas, celui qui nous raconte son histoire, se permet même une remarque assez acerbe à ce propos :
« J'étais tombé sur un lettré ! Un de ces empaffés qui vous jettent leur vocabulaire à la figure, et se rengorgent de votre perplexité. Un de ces érudits qui connaissent tout bien leur grammaire, qui ont fait de la bonne utilisation de la langue française un apostolat et prennent un air navré quand vous faites un solécisme. Sûrement qu'au plus fort de l'orgasme il râlait à l'imparfait du subjonctif et qu'il ne commettait aucun impair de langage lorsqu'il lâchait la purée dans madame ! »
Alors oui, j'aime les auteurs qui ont un vocabulaire riche, mais là, je me suis plus d'une fois posé la question : est-ce toujours utilisé à bon escient ?
Il n'en reste pas moins que j'ai vraiment adoré ce roman et que je vous en conseille la lecture sans d'autres restrictions.
Lien : http://poljackleblog.blogspo..
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Magistral !

Pfiou. Qu'est-ce que ça fait du bien d'se dire qu'il y a encore quelques vrais écrivains dans le paysage littéraire français. Et croyez-moi m'sieurs dames, ce lascar-là, faut pas l'lâcher. le Frédéric Soulier, c'est quand même ot' chose que tous ces “best sellers” que les gros éditeurs nous ordonnent presque de nous enfiler, et que leurs auteurs animent toujours de la même recette, des mêmes schémas éculés néanmoins efficaces, tapant dans l'coeur de la ménagère à grand renfort de mièvrerie ou de gore outrancier.

Non, avec lui, c'est chaque fois différent, on r'découvre sa plume et son style avec toujours le même plaisir, même qu'il arrive à nous surprendre le bougre ! Comment ? Par la vérité qui transpire de ses bouquins, pardi. Ça suinte de partout, c'est dégueulasse. Les émotions et le côté noir (“humain”, nous dira l'auteur) que tant d'autres rechignent à approcher où sont simplement incapables de retranscrire. Ouais, la vérité ! C'est c'que j'retiendrai d'cette lecture. Elle te pénètre et t'concerne à un point que tu n't'attendais pas, à un degré tel qu'elle te cueille ton p'tit coeur qu'tu croyais blindé. Tu t'surprends à l'sentir battre sous ta carcasse de lecteur qu'a tout vu, qu'a tout lu, à en perdre tes moyens, jusqu'au moment où tu t'aperçois qu'tu t'mets à écrire comme lui, enfin… comme certains d'ses personnages causent. C'est tout simplement magique.

Je ne demanderai pas le créateur en épousailles, ne vous inquiétez pas, pas plus que j'ai de parts dans son entreprise d'édition, mais lorsqu'on débusque un talent pareil, contribuer à le révéler au grand jour devient presque un devoir. Ce n'est pas la première oeuvre de Frédéric Soulier que je lis (et certainement pas la dernière), mais là, il nous embarque avec brio dans une dimension humaine que nous sommes alternativement tentés de savourer, puis de dégueuler.

L'Humanité, dans ce qu'elle a de plus sombre, triste et farouche, décrite avec une vérité (j'l'ai d'jà dit) poignante. À quoi tient cette vérité ? Hé bien, c'est là que ça se corse. La recette de l'auteur tient presque de l'alchimie. Il nous bombarde d'émotions diverses, de portraits pas très flatteurs, de drames, d'anecdotes désopilantes, de satires en tout genre, mais aussi (et heureusement), de petites piques émouvantes (si si) qui, dans tout cet amalgame de noirceur, irradient tel le phénix, étincellent à t'en éblouir les mirettes. Peut-être qu'il n'en a pas après tout, de recette, et qu'il étale généreusement ses tripes sur le clavier, comme un premier jet spontané, dicté par le coeur et traduit par un esprit acerbe et mélancolique.

Toujours est-il qu'il a cette manière bien à lui d'ancrer son récit dans une réalité, faisant référence à des lieux, des événements, des célébrités, des médias ou des guerres avérées, ainsi qu'à des attitudes grotesques, mais tellement actuelles.

Et ses tournures, quelle classe ! Non, pardon, je retire, la classe de l'auteur n'est certainement pas ce que vous retiendrez de ce livre ; on l'a assez critiqué sur sa véhémence et sa grossièreté pour que j'évite de le laver de l'image d'ours mal léché dont il semble s'accommoder. Pour moi, Frédéric Soulier est un artiste, point. Un équilibriste. Il jongle avec les registres, le vocabulaire et les images comme s'il avait réuni dans sa foutue caboche toutes les époques littéraires et les styles associés. Il réconcilie les expressions modernes, fleuries, et, il ne s'en cache pas, plus que familières, avec l'élégance et la distinction des auteurs classiques. Je crois que c'est ça sa marque de fabrique, ouais. Il écrit le langage parlé avec force réalisme, mais nourrit ses lignes d'un vocabulaire varié, parfois soutenu, ainsi que d'un je ne sais quoi de poétique (indescriptible le truc, je sèche)

Le style est une chose. Je ne vais pas m'éterniser sur ce point, l'auteur en a.

Le contenu en est une autre. Et là, comment dire ? Quel que soit le sujet qu'il choisit de traiter, Frédéric Soulier le fait jusqu'au bout. Loin d'enfoncer des portes ouvertes, il préfère les remettre debout pour les ouvrir à sa manière, sous un autre angle, invitant le lecteur à adopter un regard neuf sur certaines histoires. Bon, les connards resteront des connards, idem pour les écervelés, mais reste qu'il est bon de rappeler certaines vérités : l'Homme est un animal. Merci m'sieur Soulier.

Et si vous n'avez pas particulièrement envie de maugréer sur les vicissitudes de l'âme humaine, ne vous en faites pas, il s'agit là d'une vraie histoire, avec une belle introduction, des rencontres, des gentils et des méchants (bien vilains), des rebondissements, la p'tite dose d'amour qui va bien (une fois n'est pas coutume avec cet auteur, croyez-moi !), un peu d'action, jusqu'à cette fin qui vous tire aisément la p'tite larme.

Ouais, chapeau l'artiste ! Il y a mis du coeur, à vous marteler le vôtre. Merci.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
C'était trop. Moi j'étais dur au mal. Un foutu pitbull de cinquante kilos tout mouillé...J'en avais eu mon lot de torgnoles, au propre comme au figuré ! La vie m'avait tellement plié dans tous les sens, elle m'avait tellement battu entre le fer et l'enclume que j'étais comme de l acier de Damas, incassable. Vous auriez pu m'agonir de calomnies, me tanner le cuir à coup de batte, me jeter dans une fosse à merde, m'effeuiller les ongles, me souhaiter les pires déconvenues, me voler mes cinq cent euros, que vous m'auriez pas tiré une seule larme de mon corps. Je m'étais fabriqué des callosités autour du cœur.
Mais que quelqu'un eut envers moi une délicate attention, une parole aimable, un acte de générosité désintéressé, et mes digues s'effondraient, j'étais retourné chamboulé de la cave au grenier.
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On resta éberlués nous deux devant sa production... Un OMNI, un Objet Merdeux Non Identifié ! Il avait dû se déchirer le périnée pour déféquer un étron pareil. On avait pratiqué des épisiotomies pour moins que ça ! Même Depardieu devait pas en pondre d'aussi grassouillets ! Et d'un brillant satiné, comme passé à l'encaustique, et puis moulé en une seule pièce ! À inscrire dans les annales de science naturelle ! "Faut croire que l'indien, ça m'profite... Quelqu'un qui chie un truc comme ça en s'levant, y peut pô passer une mauvaise journée, dit Screech, que la gueule de bois rendait philosophe.
— Mais c'est pas possible ! que je m'éberluai, t'as presque rien bouffé hier soir !
— P't-être bien, mec, mais j'avais la tuyauterie bouchée depuis une semaine, ça m'a tout décoincé !"
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Screech et sa sœur étaient les dépositaires d'une longue lignée de xénophobes. Chez les Girard, on détestait et rendait responsables de toutes les faillites de la nation : les Arabes, les Juifs, les romanichels et les nègres, de génération en génération. En compraison de sa soeur, Screech était plutôt modéré... Il était raciste, certes, mon pote, mais sans méchanceté, sans convictions avérées, de manière atavique : c'était cette médiocrité ordinaire, cette méfiance de l'inconnu héritée du Paléolithique et qui frappe toujours la plupart des humains, qui sommeille en chacun de nous et que l'on tait par souci du politiquement correct.
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Je mesurai alors l'écart qui existait entre ceux qui n'avaient rien et qui manquaient de tout, et ceux qui possédaient trop. C'était d'un triste, si on y réfléchissait deux secondes... Une partie du monde mourait de cholestérol et de diabète, de maladies cardio-vasculaires, tandis que l'autre crevait la bouche ouverte d'inanition, du choléra et du sida. Les uns empoisonnés par Coca-Cola et Mac Donald's, les autres par de l'eau croupie. Mais les pauvres faisaient des sujets de reportages aussi bons que les riches. Il n'y avait qu'à voir le magazine Sept à Huit, sur TF1, qui alternait l'indécent et l'outrageux.
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C'est pas dans la nature humaine, de mendier (...) Il faut savoir ranger son ego bien au fond de sa poche et mettre son mouchoir par-dessus. Ça demande une certaine forme de courage, d'abnégation (...), d'abandon de sa dignité, de demander à un inconnu un service qu'on sait qu'il ne nous rendra probablement pas. C'est se mettre en position de faiblesse. D'ailleurs, le gueux expérimenté sait qu'il est préférable de mendier assis, rabaissé au ras du béton et des crottes de chien, pour que les privilégiés le contemplent de haut et que le fric coule dans sa main tendue ou sa sébile, comme par gravité.
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