Pour qui s'intéresse à l'écriture de l'histoire au XXe siècle voici un livre fondamental. Il n'a pas la fraîcheur de l'école des Annales, mais cette pierre angulaire de l'école méthodique reste un livre brillant qui fixe les bases de l'approche historiographique.
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Nous nous proposons ici d’examiner les conditions et les procédés, et
d’indiquer le caractère et les limites de la connaissance en histoire. Comment arrive-t-on à savoir, du passé, ce qu’il est possible et ce qu’il importe d’en savoir ? Qu’est -ce qu’un document ? (...) Nous n’avons pas voulu enrichir d’un numéro la littérature si abondante de
ce que l’on appelle ordinairement la « Philosophie de l’histoire ». Des
penseurs, qui, pour la plupart, ne sont pas historiens de profession, ont fait de l’histoire le su jet de leurs méditations ; ils en ont cherché les « similitudes » et les « lois » ; quelques-uns ont cru découvrir « les lois qui ont présidé au développement de l’humanité », et « constituer » ainsi « l’histoire en science positive » 2. Ces vastes constructions abstraites inspirent, non seulement au public, mais à des esprits d’élite, une méfiance a priori, qui est invincible...
En réalité, l’histoire est sans doute la discipline où il est le plus nécessaire que les travailleurs aient une conscience claire de la méthode dont ils se servent. La raison, c’est qu’en histoire les procédé s de travail instinctifs ne sont pas, nous ne saurions trop le répéter, des procédés rationnels ; il faut donc une préparation pour résister au premier mouvement. En outre, les procédés rationnels pour atteindre la connaissance historique diffèrent si fortement des procédés de toutes les autres sciences, qu’il est nécessaire d’en apercevoir les caractères exceptionnels pour se défendre de la tentation d’appliquer à l’histoire les méthodes des sciences déjà constituées. On s’explique ainsi que les mathématiciens et les chimistes puissent se passer, plus aisément que les historiens, d’ » introduction » à leurs études.