Petite précision cette critique porte sur la nouvelle édition regroupe les deux premiers tomes de L'Empire : La Genèse et Sodome et Gomorrhe,
auxquels s'ajoute le tome 3 inédit : L'Apocalypse.
"Chère lectrice, cher lecteur,
Voici la papauté en... BD... format Bible !
À partir de travaux académiques concluant les vingt années de travail universitaire que j'ai consacrées au catholicisme, au pouvoir et à la religion, ce sont près de 2000 ans d'histoire de l'Église catholique romaine qui sont réunis ici.
Il s'agit de comprendre les tenants et les aboutissants d'une partie souvent ignorée ou méconnue de notre culture, mais aussi des arts, des sciences de l'homme et de la nature ainsi que de la vie politique et internationale, de l'économie, de la vie en société, sans oublier des guerres et de la paix... plus rare il est vrai !
Le dessin de
Pascal Magnat met en forme notre commune humanité, avec ses hauts et ses bas. Cette humaine condition est mise en sens selon une tension fondatrice entre, d'un côté, un message d'amour inconditionnel, don gratuit et pardon de l'ennemi, abandon à l'autre incarné en et par Jésus, l'agapè et, de l'autre, la papauté, institution des institutions présente sur toute la Terre, fille de l'Empire romain, avec à sa tête un homme, vicaire du Christ, adulé autant que décrié, écouté autant que combattu: le pape !"
Voici les présentations faites, une fois cet incipit en forme d'incantation au lecteur, on peut dire que cela commence très fort, l'auteur se représentant tout au long de l'ouvrage pour étayer le propos, ou venir glisser son grain de sel mais comme la fleur de sel c'est juste pour le relever subtilement, je cite :
"Le Jésus que tu connais, lecteur, ressemble souvent à cette image d'Épinal. Il n'existe pas de représentation fidèle de Jésus. Les artistes chrétiens ont représenté Jésus sous l'influence d'un modèle européen
C'est dommage, Jésus était sémite !
De fait, il n'était pas très grand, la peau brûlée par le soleil, les cheveux noirs, bouclés, avec une hygiène de vie de son époque, ce qui signifie une mauvaise dentition"
On entame ces plus de 2000 ans d'histoire et d'histoires avec les ruptures proposées par Jésus, qui seront en rupture avec les grands courants du judaïsme de l'époque et s'en suit une folle épopée au travers des âges
Sont passés en revue et pèle mêle les héritages grec et latin, les persécutions des premiers chrétiens, le schisme des Églises d'Orient et d'Occident, l'arrivée de l'Islam, la conversion de Constantin, les croisades, la réforme Grégorienne, les aspects politiques, les templiers, les réformes de l'Église, les guerres de religion, le pontificat de de
Pie XII, le siècle des Lumières,....
Des personnages viennent appuyer le propos
Saint Augustin,
Thomas d'Aquin, l'abbé Suger, Philippe Neri, certains papes plus réformateurs que d'autres, des papes qui ont fait scandales soit par népotisme ou simonie, les fondateurs des ordres mendiants, les papes en Avignon, etc....
L'art et la connaissance y sont abordés avec la naissance des universités, l'art roman, l'art gothique, l'épisode de Port Royal et du jansénisme....
Bref vous l'aurez compris pour balayer autant de sujets, il y a 2 solutions :
Soit vous plonger dans une histoire de la théologie, une somme qui aura le même but mais qui n'y parviendra pas de la même manière ;
Soit ouvrir ce livre qui résume très bien l'adage attribué à Napoléon : Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours. et c'est une réussite proposée par les Éditions Les Arènes.
Car s'attaquer à la La grande histoire du christianisme n'est pas chose aisée. Aucun autre pouvoir sur la planète n'a traversé plus de vingt siècles !
Alors les dessins de
Pascal Magnat et le texte d'
Olivier Bobineau montrent ce qui relie les premiers apôtres - pour l'essentiel des juifs pratiquants qui vivaient dans les bas-fonds de l'empire romain - au pape François, qui, depuis la cité-état du vatican, règne sur plus de quatre cent mille prêtres, des dizaines de milliers de congrégations et d'associations confessionnelles, d'établissements scolaires ou médicaux et représente plus de 1,2 milliard de catholiques.
Cette longue histoire est un combat entre la mystique et la politique, dieu et le diable, le sexe et l'amour, l'argent et le dénuement, l'intelligence et la manipulation.
d'un côté, on voit régulièrement émerger de grands mouvements spirituels au sein de l'église, au plus près possible de la charité originelle, comme
François d'Assise ou les mouvements caritatifs. de l'autre se déploie le pire de la politique : l'inquisition, les alliances avec des régimes dictatoriaux, la débauche, l'accumulation de fortunes indécentes...
L'humour et l'audace s'affranchissent de tout dogme afin de nous livrer une épopée haute en couleur, qui promet de ravir tout autant le spécialiste que le profane !
Car autant le dire les dessins bouleversent les codes de la bienséance et multiplient les clins d'oeil, parfois coquins, violents sinon anachroniques.
C'est divinement inconoclaste ou diaboliquement iconoclaste ?
Car ce parti pris complète à merveille la lecture de textes extrêmement sérieux, eux, et documentés. Ils facilitent aussi leur compréhension par un éclairage décalé. le trait appuie où ça fait mal, et manie allègrement l'humour grinçant.
C'est divinement instructif ou diaboliquement instructif ?
Car dépeindre cette institution, au fond, très humaine, en tension permanente entre le bien et le mal, entre la paix et la guerre, entre l'amour du prochain et la violence, entre la sainteté et la débauche, pourrait vite devenir ennuyeux et nous en sommes loin, très loin
L'auteur le dit lui-même : « Il s'agit de comprendre les tenants et les aboutissants d'une partie souvent ignorée ou méconnue de notre culture, mais aussi des arts, des sciences de l'homme et de la nature ainsi que de la vie politique et internationale, de l'économie, de la vie en société, sans oublier des guerres et de la paix… plus rare il est vrai ! »
C'est divinement renseigné,
C'est diaboliquement jubilatoire
A moins que ce ne soit l'inverse....