L'écriture de
Lydie Dattas est prodigieuse, irréelle... Elle nous révèle une prose poétique au-delà de l'entendement. La beauté de ses récits sur la peinture de
Pierre Soulages le maître du noir est éblouissante, j'ai été ébloui, comme vous le serez probablement...! C'est en tous cas tout le bien que je vous souhaite.
LES GUERRIERS SCARIFIÉS foudroient les visiteurs de leurs yeux anthracite. Fixés entre ciel et terre comme des suaires pétrifiés, ils ont la carrure des prophètes. À présent que s'efface la faune émotive du livre, ces religieux du noir dressent contre le néant un mur de mélanite qu'une brume archaïque encense. Rangés dans un ordre royal, leurs bataillons muets sont le dernier rempart du Verbe. Au premier pas vers eux la Blonde bondit de leurs rangs : leurs noirs cambrés mouillés de lumière électrique projettent leurs particules, tranchant le nerf optique du regardeur. Dès que la Voie lactée du sang illumine son cerveau, un bourdonnement crânien l'avertit qu'il approche de la ligne à haute tension de l'Esprit. Barrant la route aux doctes, le magnétique outrenoir ouvre ses ailes quadrangulaires. Aussi savant soit-il le visiteur n'arrachera pas leur masque à ces oxymores picturaux. Ces météorites qui s'entre-jettent leurs reflets ne trahiront pas leur mystère. Leur voltage hérissé de jaune trace une frontière absolue : impossible d'aller plus loin sans être piétiné par ces cavaliers de l'Apocalypse.