Les combats et les victoires ne valent que dans l'instant. Il en résulte l'impression que l'oubli reprend le dessus et se referme doucement sur l'eau qu'elle engloutit. Mais ces instants n'appartiennent pas au temps. Les victoires ne lui sont pas soumises, elles sont définitives et irréversibles. Elles ne nous trahissent jamais. Mais c'est nous qui les perdons de vue : nous ne les éprouvons plus et nous ne savons plus les vivre, c'est-à-dire les quitter pour autre chose. Car tel est le paradoxe : si nous essayons de retenir ce que nous avons compris, nous le perdons, mais si nous acceptons de le perdre, de ne plus y "faire attention", il nous donne à vivre. Oublier est en ce domaine sûrement la meilleure manière de faire mémoire, parce que la chose comprise ne surgit plus que dans l'acte, dans l'intelligibilité propre à l'acte. Il y a en effet une intelligibilité, une intelligence qui ne se trouve que dans l'acte et qui ne peut être transposée dans un autre registre (langagier par exemple) qu'au prix des plus grandes difficultés. Si l'on nomme d'ailleurs philosophie cette transposition, ce travail d'élucidation de ce que les actes savent, alors il devient évident que la philosophie n'est pas nécessaire pour vivre et même bien vivre.
Il n'y a rien d'autre dans la philosophie que la construction d'outils langagiers suffisamment performants pour pouvoir forcer jusqu'à cette profondeur où l'enfance a couru tous les dangers et inauguré toutes les profondeurs. Il n'y a de retour à l'enfance que par la culture la plus vive et la plus sophistiquée. (...)
Il m'aura fallu de très longues années pour m'apercevoir que la philosophie n'était rien d'autre que la conquête de l'enfance par les moyens les plus développés.
Interview de Olivier Postel-Vinay lors du colloque "le système médiatique sert-il le bien commun ?" .Le 25 mai 2013, un colloque a été organisé par le pôle de recherche du Collège des Bernardins sur « le système médiatique actuel sert-il le bien commun ? » et réunissait à la fois des philosophes et des journalistes. Alain Cugno et Gemma Serrano, philosophes ont interviewé les intervenants des deux tables rondes : Jean-Louis Bourlanges, ancien membre du Parlement européen, professeur associé à Sciences Po Paris Michel Crépu, journaliste, directeur de la Revue des Deux Mondes Pierre-Olivier Monteil, philosophe, auteur de l?Abécédaire du bien commun Interviewés par Alain Cugno Olivier Postel-Vinay, journaliste, fondateur et directeur de la revue Books Eric Scherer, journaliste, directeur de la prospective de France Télévisions Vincent Bontems, philosophe, chercheur au Commissariat à l?énergie atomique Interviewés par Gemma Serrano
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