Le livre de
Florence Hartmann est indispensable pour comprendre ce qu'on entend régulièrement dans les médias.
Pourquoi Bradley Manning, Edward Snowden ou
Irène Frachon ont-ils jugé bon de révéler sur la place publique des scandales qui grâce ou à cause d'eux ont marqué les esprits ?
‘'Grâce'' ou ‘'à cause'', Héros ou traitre ?
Ces personnes sont ce qu'on appelle des ‘'lanceurs d'alertes''. Cette notion fait débat, et la perception n'est pas la même des deux côtés de l'Atlantique.
Les soixante premières pages de ce livre présentent une mise en place de cette notion, des différentes versions du whistleblower, la perception de cette notion par la société.
Florence Hartmann présente aussi différents cas dont certains très récents, toujours d'actualité. On comprend alors que des gouvernements et des institutions sont prêts à toutes les manipulations pour mener la politique de leur choix, espionner le monde entier ou réduire les libertés individuelles au-delà de toute nécessité. Et malgré les lois protégeant les lanceurs d'alerte, les révélations ne se font pas sans mal. L'exemple du soldat Manning illustre bien ce cas.
Je vais maintenant expliquer ce que j'ai compris de cette notion délicate. Si vous voulez le découvrir par vous-même dans le livre, ne lisez pas la suite de cette chronique.
Aux Etats-Unis, ce concept est plus ancien qu'en Europe et ne choque pas la population. L'un des initiateurs malgré lui est
Daniel Ellsberg. Octogénaire toujours actif aujourd'hui contre les injustices, il révèle en 1971 dans les ‘'Papiers du Pentagone'' que les différentes institutions de Truman à Johnson « ont menti à la fois à l'opinion américaine et au Congrès au sujet du déroulement de la guerre » au Viet-Nam. (p 73).
Des lois protègent ces ‘'témoins, dans leur activité professionnelle, d'actes illicites ou dangereux pour autrui'' (p 30). Mais désobéir aux ordres et aux lois est une prise de conscience qui peut être douloureuse et avoir des conséquences graves pour soi. Pression des institutions, des organismes concernés, emprisonnement, risque de mort…Tout le monde n'en a pas le courage, mais du moment que le sort de l'humanité est en jeu (révélation sur le nucléaire en Israël), certains n'hésitent pas à se sacrifier et à passer dix-huit ans en prison.
En France, ce concept a beaucoup de mal à s'installer. Des partis politiques aujourd'hui encore considèrent cet acte comme de la trahison ou de la délation, et le législatif a bien du mal à prendre des mesures de protection pour les lanceurs d'alerte.
Irène Frachon, qui dénonce le scandale du Mediator, permet une prise de conscience par l'opinion publique et la presse de l'utilité de ces individus qui n'hésitent pas à mettre leur carrière en jeu.
Ainsi, ce qui compte, ce n'est pas tant la différence entre les points de vue américain et européen au sujet des lanceurs d'alerte, mais la compréhension du fonctionnement de cette procédure. Dans un premier temps, la divulgation des faits illicites et dangereux, puis, le devenir de cette alerte, relayée par les professionnels de l'alerte que sont les ONG, les journalistes, les associations. Il faut bien prendre conscience que généralement l'alerte de l'opinion publique via les médias ne se fait que parce que l'alerte en interne n'a pas pu aboutir. Quand l'institution est corrompue ou verrouillée, il faut alors passer outre la hiérarchie.
Les lanceurs d'alertes font ainsi partie intégrante de la démocratie. Ce quatrième pouvoir est bien celui du peuple qui surveille les pouvoirs pour éviter les abus. Il est l'auxiliaire de la justice exerçant n contre-pouvoir indispensable.