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Sylvie Schneiter (Traducteur)
EAN : 9782283037515
688 pages
Buchet-Chastel (19/10/2023)
3.81/5   8 notes
Résumé :
Dans une prison indienne qui nous rappelle l'Enfer de Dante, les espoirs, les bassesses, les trahisons et les victoires des détenus prennent vie en un coeur foisonnant.
Tarun Tejpal signe une fresque éblouissante, mêlant épopée indienne traditionnelle et roman contemporain pour explorer la grande question de la justice des hommes.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'Inde est souvent perçue comme le lieu de grands excès et de grandes souffrances, ce n'est pas le Chant des vaincus qui va contredire cette idée. Tejpal a décidé de nous raconter son pays à partir d'une prison, dont le microcosme reproduit la société indienne dans ce qu'elle a de plus dur.

La prison indienne est surement ce qui se rapproche le plus des cercles de l'Enfer, violence, absence d'hygiène, corruption, tout ce que l'on peut imaginer de pire à rendez vous dans ces cachots immondes et surpeuplés.
La prison, métaphore de l'Inde, est le point d'ancrage du roman mais ce sont les vies des prisonniers qui nous intéressent pourquoi sont-ils là, comment vivent-ils l'enfermement ? L'imagination de Tarun Tejpal tourne à plein régime pour nous livrer des biographies toujours tragiques mais avec une vitalité et un humour qui font passer les horreurs d'existences brisées par la société indienne qui est un broyeur sans pitié pour ceux qui ont le malheur de trébucher. Quand la pauvreté vous accable il suffit de peu de chose pour sortir du chemin, un coup de colère, une maladie, une jalousie et la machine infernale se met en route.
Sous la modernité high-tech et les institutions occidentalisées se cachent bien des archaïsmes : mariages arrangés, superstitions en tout genres, haine entre hindous et musulmans, corruption généralisée, violence des rapports sociaux. Dans sa vie d'homme libre chaque prisonnier s'est heurté un jour où l'autre à un de ces écueils et à été envoyé par le fond. Ils se sont tous battus avec leurs armes mais tous ont été vaincus. Innocent ou non n'est pas un critère, quand la machine a besoin d'un coupable il ne faut pas être au mauvais endroit.

Mais même en enfer une société s'organise avec ses hiérarchies, ses lois, ses rites et quelque fois l'humain ressurgit avec des solidarités, des amitiés et des amours. Un équilibre fragile s'instaure dans la prison où chacun se confectionne tant bien que mal un cocon supportable. Quant à la sortie elle est toujours espérée mais l'échéance est inconnue, dans le système judiciaire indien on sait quand on rentre, pas quand on sort. L'institution fonctionne mais selon un rythme inconnu et avec des règles qui ne sont pas dans les livres de droit.

Le chant des vaincus est un grand livre plein de bruit et de fureur qui emporte le lecteur. Pour terribles qu'elles soient les vies des vaincus sont racontées avec une ferveur, un humour et une truculence irrésistible. Comme dans la cuisine indienne le plat est sacrément épicé et emporte la gorge mais il est délicieux. Peut-être bien le livre de l'année pour moi.

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J'ai découvert Tarun Tejpal par son titre Loin de Chandigarh, ma première lecture d'un auteur indien, un premier coup de coeur. J'ai été naturellement attiré par ce titre, qui ne compte pas loin de sept cents pages, paru chez Buchet-Chastel, et qui n'a rien à voir avec le premier titre publié en 2006. Roman, documentaire, on ne sait plus vraiment trop parfois, c'est le roman-fleuve d'une prison parmi d'autres en Inde où sont entassés des prisonniers de tout horizon. Il a fallu sept cents pages parce que l'Inde est un pays babylonien, et qu'à travers ses prisonniers, c'est aussi l'exploration du territoire, de ses us et coutumes, de ses castes, de ses religions, langues, et cultures, un foisonnement incroyable de détails, qui ne cesse seulement parce qu'il a bien fallu conclure ce récit.


L'auteur rentre donc dans une prison de son pays, d'abord pour une vision globale, un établissement qui s'apparente aux neuf cercles de l'enfer de Dante, et même plus, car à un certain endroit, il n'hésite pas à prolonger l'enfer d'une autre strate, la prison dépasse toutes les limites du pensable et de l'imaginable. Les établissements pénitentiaires en France ont depuis franchi les limites de l'insalubrité, j'imaginais que dans un pays où le niveau de vie général de la population est plus pauvre qu'ici, le niveau de dénuement des geôles se place encore à un échelon au-dessus. Tarun Tejpal commence par expliciter le découpage de la prison, qui n'est autre qu'une reproduction fidèle de la répartition de la société indienne, ses castes et ses codes : on y retrouve exactement les mêmes normes sociales à l'intérieur de la geôle. Tout cela n'est pas suffisant pour faire un livre aussi riche et complexe : l'auteur, décrivant les quartiers de la prison, s'emploie également à narrer l'histoire des individus, un certain nombre du moins, enfermés là-bas, les aléas de leur existence qui les ont menés derrière les barreaux.

Cent romans en un seul : le flot d'informations, de vies, de destins qui se croisent et que Tarun Tejpal nous restituent est tout bonnement impressionnant. Rien que le récit de la vie d'un personnage pourrait constituer un roman à lui seul tant les péripéties ponctuent les vies de ces hommes qui ont failli à un moment de leur vie pour se retrouver enfermé. Ou presque. Car à côté de cela, l'auteur en profite pour faire un état, déplorable disons-le, du système judiciaire indien en particulièrement, et de la société indienne en général. Je le disais, c'est toute une galerie composite et colorée de personnages très différents, certains qui ont finis ici bien malgré eux, par des autorités qui davantage besoin de coupables, prêts à consommer, que d'innocents ou de coupables à chercher. le bakchich est monnaie courante pour les plus argentés au mépris de ces hommes qui ne possèdent pas la moitié d'une roupie pour se payer une défense digne de ce nom.

Une société très divisée dans un pays aux étendues qui n'en finissent pas, aux lois aussi mouvantes qu'insaisissables, un ordre très patriarcal ou les femmes n'ont ni voix ni droit, à moins d'appartenir à la classe supérieure, si ce n'est celle de crier lorsqu'elles se font battre, de subir le devoir conjugal après des épousailles à 15 ou 16 ans, où l'éducation leur est inaccessible. Un pays déchiré par ses religions, où les extrémismes ne font qu'envenimer la cohabitation chaotique des différentes communautés. Un récit magistral qui présente une société à part un microcosme, reproduction du pire de la société, sa caricature en négatif, ou chacun occupe un rôle bien précis. Magistral, parce qu'on atteint ici les limites du supportable, on touche celles de l'humanité où les hommes sont parqués dans des cellules insalubres, la lumière, l'odeur et le bruit qui alourdissent encore un peu plus leurs conditions de détention. de façon surprenante, cet endroit, enfer ou purgatoire, pallie les déficiences de la société, au sein de laquelle nombre d'entre eux n'y ont pas su trouver leur place, finissent par trouver leur équilibre dans cette société carcérale, où tout est également codifié à l'instar de l'extérieur trop vaste, intangible, effrayant et dangereux pour eux. Magistral, encore, parce qu'au moment ou l'auteur semble avoir fini de traiter un personnage, il y revient dessus, car son discours semble sans fin, que l'ensemble ressemble à un patchwork géant dont il détisse minutieusement morceau par morceau.

C'est un monde en marge profondément pessimiste, puisque privé d'avenir, et de présent, d'une justice fiable, des exclus de la société, ceux qui ont été vaincus par une existence où pour la plupart, partaient avec peu de chances dès le départ. En alternance, Tarun Tejpal nous conte une histoire d'amour, de la dimension de celle qu'on lit dans Loin de Chandigarh, pas l'une qui se vivra bien, mais une histoire absolutiste, de celle qui pousse aux gestes fous, l'histoire de Sambhav, issu d'une famille de guerriers, et Aranya, issue d'une famille de bergers. On suivra son déroulement en alternance entre deux autres chapitres sur les vaincus de la geôle, comme le fil conducteur à la narration de ces destins incarcérés. Un couple qui symbolise le fort traditionalisme du pays, très ancré dans des usages codifiés, même au sein de ses mêmes communautés.

L'Inde est divisée en deux catégories, les « Bien-Nés » et les « Mal-Nés », selon les propres mots de l'auteur, dont la conception de la Justice, comme tout autre administration, change et s'adapte, et la balle au centre dévolue aux roupies et au statut social qui prévalent en Inde encore plus fortement qu'ailleurs. Les vaincus, ce sont ces prisonniers, mais avant tout les histoires personnelles de tous ces malchanceux, Mal-Nés, ces damnés qui vivront mal, et mourront de la même façon, totalement oubliés, complétement écrasés par les aléas de cette existence mal répartie. Entre chaque bribe d'histoire, l'auteur ne manque pas de faire le constat d'un pays dépassé par ses traditions archaïsantes, et devenues invivables avec le nombre toujours croissant d'habitants.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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Foisonnant c'est le premier terme qui vient à l'esprit quand on évoque ce pavé. Foisonnant de personnages et donc de récits de vie, dans un univers étroit, surpeuplé, sombre. Ce cloaque mélange des tas d'individus coupables ou pas, puisque de justice il n'est pas question ici ; toute la hiérarchie sociale indienne, des pauvres aux riches. C'est une parabole de l'Inde : avec toutes ses différences de langue, de caste, de métier, de religion....
Les récits évoquent donc des vies différentes et permettent un regard sur la société indienne : de voir la violence et la corruption, le désespoir et les traditions, les us et coutumes. Chaque communauté se retrouve ci épinglée mais l'Etat indien aussi avec son mode de fonctionnement, sa corruption. On trouve cependant dans le récit aussi des traces, des moments d'humanité ; l'art, les dons, l'amour. Des personnages sont emblématiques dans ces myriades d'histoires et de personnages. Leurs histoires respectives sont offertes au lecteurs par bribes, au fur et à mesure de l'avancée dans la lecture et dans la découverte de la prison, dans le foisonnement de vie ou de survie dans les étages de la prison.
le lecteur s'y égare et s'y perd souvent -tant de personnages, tant de récits - la lecture nécessite de reprendre son souffle, de respirer l'air pur avant de retomber dans ces méandres infernaux, dans ces sombres destins, dans cette prison et cette société qui écrase l
es hommes, qui les animalise. C'est une lecture longue, dans une langue crue qui offre le portrait d'un monde complexe et une société difficile à saisir. #Lechantdesvaincus #NetGalleyFrance !
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Un sacré chant que ce texte qui nous entraîne dans une prison indienne, avec une multitude de situations, de personnages. Une sorte d'enfer de Dante, avec des personnages hauts en couleurs, d'autres plus discrets. Des histoires individuelles et des histoires collectives dans cette prison. Des situations pleines de bruit et de fureur.
Je me suis un peu perdue avec cette ribambelle de personnages et de situations, mais je vais continuer mes lectures de cet auteur. Il nous parle de la société indienne avec de la violence, de la corruption, du désespoir. Il nous parle d'hommes en prison, vaincus ou du moins qui essaient de s'en sortir, avec les moyens du bord. Peut être un texte trop foisonnant et on a besoin de prendre son souffle face à certaines pages.
Il n'avait aucun moyen de savoir que la littérature n'est pas une arme pour conquérir le monde, c'est surtout une bombe qui fait exposer le moi afin que l'on passe au crible les atomes des fragments pour trouver le sens des origines. p 51
#Lechantdesvaincus #NetGalleyFrance

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j ai beaucoup aimé les 3 précedents romans de Tarun Tejpal et j avais hate de lire celui ci ,sachant en plus qu il a eu pas mal de démélées avec la justice en inde et a fait un petit sejour en prison ;
je dois dire que j ai été plutot déçu et que j ai terminé la deuxieme moitié en l diagonale
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Après vingt-deux heures, ceux-ci restaient allumés ; mais le son diminuait à mesure que les garçons se tournaient vers la drogue, s’endormaient, donnaient des coups de fil, téléchargeaient des films. Le fer recommençait à chanter à cette heure-là, tandis que la frustration, la tristesse, les souvenirs, la nostalgie, l’absence de fenêtre ouvrable rendaient l’un ou l’autre tellement fou qu’il s’en prenait aux barreaux.

Le fer chantait toute la nuit.

Par principe, personne ne se plaignait. Chacun avait le même chant en lui. Chacun savait qu’il n’était qu’à un cheveu de perdre la tête. Seuls les détenus qui avaient réussi à devenir un peu moins humains ne tapaient pas sur les barreaux. Tout comme ceux qui avaient accepté la sauvagerie de la forêt, et l’avaient domestiquée pour survivre.

Ceux qui n’arrivaient pas à changer de peau -habités par des idées de justice, de liberté, d’amour, de famille, de regret et de rédemption – se jetaient contre le fer.

Le cycle frénétique d’arrêt et de reprise du bruit se poursuivit un peu avant de cesser brusquement. Oontth – le grand kaki voûté de service devant la cellule numéro un – jeta un coup d’œil et précisa : c’est le gamin d’Assam. Le juge a encore refusé d’écouter sa demande de libération sous caution. Six mois, neuf dates et pas une seule audience. Aujourd’hui, il a injurié le juge en assamais, menaçant de violer sa mère. Le juge a voulu savoir ce qu’il disait. Son avocat a répondu qu’il criait des prières à Kamakya Devi.
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Le bon mari persévéra : l’Inde est devenue un chaudron bouillant où les peurs sont attisés par des politiciens renommés qui sont soit des conciliateurs soit des oppresseurs. Aucun homme politique ne peut espérer réussir sans être l’un ou l’autre. Il ne s’agit pas de cynisme censé maintenir un équilibre, pour reprendre la formule des journalistes. En fait, c’est de la provocation, une façon de solliciter et de s’approprier la brute dans l’être humain, afin de créer le monstre du pouvoir.

On n’avait qu’à choisir le sabre. Religion, caste, langue ou région. Chacune avait sa cohorte d’ennemis imaginaires.
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Il n'avait aucun moyen de savoir que la littérature n'est pas une arme pour conquérir le monde, c'est surtout une bombe qui fait exposer le moi afin que l'on passe au crible les atomes des fragments pour trouver le sens des origines. p 51
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En raison de la violence inhérente aux castes et aux religions, la civilisation indienne agonise une fois par semaine, voire deux ou trois.
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Vidéo de Tarun J. Tejpal

La vallée des masques - Tarun Tejpal
www.rentree-litteraire.com/auteur/tarjun-tejpal/ « J'ai été, un jour, un homme de convictions, volontaire et déterminé. Les autres venaient me consulter pour retrouver un ancrage solide quand leurs coeurs et leurs âmes vacillaient. Un jour...Aujourd'hui, c'est à l'urgence que je dois faire face. » Au cours d'une longue nuit où il attend ses assassins, d'anciens frères d'armes, un homme raconte son histoire, celle d'une communauté recluse dans une vallée inaccessible de l'Inde, selon les préceptes d'un gourou légendaire, Aum, le pur des purs... Figure majeure de la littérature indienne contemporaine, auteur de Loin de Chandigarh, Prix des libraires 2007, Tarun Tejpal explore la société des hommes dans son « inhumanité » et entraîne le lecteur dans une fable philosophique et politique puissante, qui s'impose d'ores et déjà comme une lecture incontournable. La presse « Un sommet : un grand huis clos paranoïaque, foisonnant, complexe, digressif. » Livres Hebdo « Les livres passent et repassent, mais certains restent... La vallée des masques fait partie de ceux-là. N'ayons pas peur des mots, Tejpal nous livre un grand et magnifique roman. Créateur et façonneur, ses mots font place à un monde qui s'ouvre devant nos yeux ; la littérature prend ici tout son sens. » Page « Une fable universelle sur la pureté dangereuse...Une parabole impitoyable sur l'inhumanité de la société des hommes, et dont la charge politique extrême ne peut laisser indifférent. » L'Express.fr « Une fable ...
+ Lire la suite
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