Ce livre des éditions Taschen constitue une très bonne introduction à la vie et l'oeuvre de ce maître du Pop Art. En regard du texte, les reproductions sont de très bonne facture et permettent de mesurer l'ampleur de ce genre nouveau, dérivé à la fois de la bande dessinée et de la publicité. Mais, comme souvent, voir les oeuvres originales permettent encore mieux d'appréhender pleinement l'oeuvre. Je me souviens, à l'occasion de visites dans des musées américains, de peintures occupant des pans de murs entiers. Les visages de jeunes femmes en gros plans faites de points colorés prennent alors toutes leur signification : celle d'une dénonciation de la condition humaine et de la société de consommation dans l'amérique des années 50/60. C'est, il me semble l'enjeu de son oeuvre : l'humain transformé en machine.
Sachant que le Pop Art est né en opposition à l'expressionnisme abstrait de Pollock ou Rothko, finissant par être jugé trop hermétique pour la plupart du public, le mouvement du Pop Art permettait une meilleure compréhension de la société.. D'où leur succès. Andy Wharhol ira encore plus loin avec ses séries.
"Lichtenstein has said that he wanted his images to look as machine-made as possible, but deep in his art he remained a painter. Unlike Andy Wharhol, he almost never took photography as a basis for his work. He prefered to use impersonnal hand-drawn figures".
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L'oeuvre de Litchtenstein-et ceci est également valable pour le pop art américain en général-a souvent été interprété à tort comme étant socio-critique. Il est vrai cependant que les artistes pop appréciaient les choses laides ou de mauvais goût justement parce qu'elles faisaient partie du bien public démocratique. Litchtenstein: "Comment peut on aimer l'exploitation ? Comment peut on aimer la mécanisation totale du travail ? Comment peut on aimer le mauvais art ? Je peux seulement répondre que j'accepte ces choses parce qu'elles sont bel et bien au monde ". Litchtenstein n'a pas la prétention de rendre un jugement moral sur le monde par le biais de son art, même si il possédait son propre avis. Il en vint à la conclusion que la haute culture ne possédait aucun monopole sur la qualité artistique et il relanca la question de savoir ce qui,en fait,devait être considéré comme de l'art.
Plus encore que les contours noirs des personnages et le choix limité des couleurs industrielles, la trame pointillée semblait déplacée dans un tableau. De façon isolée, quelques éléments de bande dessinées étaient bien apparus depuis longtemps dans des œuvres des Beaux-Arts, mais toujours au plus dans le cadre d'un collage. ou bien en tant que motif de peinture. Lichtenstein alla en revanche, jusqu'à évoquer des procédés techniques d'imprimerie par les points de trame et ainsi se réclamer explicitement du modèle imprimé. Les critiques et artistes commerciaux qui lui reprochaient de ne pas assez prendre de distance par rapport à la source de ses tableaux ne voyaient manifestement pas que non seulement le contenu de la représentation mais aussi l'élément de style étaient importants.
"Tableau mural avec coup de brosse bleu" est certes un travail monumental effectué sur commande publique mais Lichtenstein nourrit indubitablement des doutes quand à l'immortalité de l'art. Une gigantesque cascade bleu-en fait un coup de brosse à la Lichtenstein mais sans sa texture- se déverse d'un coin du tableau comme si elle voulait encore accentuer l'effet d'effacement. Cette attitude est extrêmement révélatrice. Grace au "Tableau Mural" Lichtenstein avait la possibilité d'atteindre quotidiennement des centaines de citoyens New Yorkais ,toutefois, il a renoncé à leur apprendre quoi que ce fût. Au lieu de cela,il leur a offert un panorama hédoniste de l'insignifiance terrestre.
Certes, le miroir bleu présente un autre niveau de signification,il montre notamment comment un thème sérieux de l'art-la toile monochrome en tant que forme de l'abstraction-sent le sol se dérober sous ses pieds et doit être remis sous ses pieds et doit être ainsi remis en question. Lorsque le suprématiste Malevitsch peignit son Carré Noir sur Fond Blanc en 1913,son intention était de créer une peinture pure,libérée de tout objet pictural reconnaissable. D'une certaine manière, Lichtenstein fait exactement la même chose, mais c'est justement par leur absence que les objets et les personnages manquants se font d'autant plus remarquer.
Au cours d'une interview accordée à Gene Swenson en 1963, Lichtenstein critiqua l'attitude de l'art par rapport à lui même : "je trouve que depuis Cézanne,l'art est devenu extrêmement romantique et irréaliste, il ne se nourrit plus que de lui même, est utopique. Il a de moins en moins de rapport avec le monde ,pratique le nombrilisme,le neo zen et autres. Ce n'est pas une critique mais plutôt une constatation lucide. Dehors, il y a le monde,il existe. Le pop art se tourne vers le monde extérieur, d'une certaine manière, il accepte son environnement qui n'est ni bon ni mauvais mais différent- Une autre attitude spirituelle."