Cet album offre un regard original sur une période de la vie et de l'oeuvre d'
Henri Cartier-Bresson aussi appelé HCB ou "Bébé Cadum" en raison de son visage poupin aux yeux bleus. Rien de réjouissant, cependant, dans les événements évoqués, puisque le livre se concentre sur le travail photographique de HCB autour de la deuxième guerre mondiale. « Les Anglais l'ont surnommée la fausse guerre. Les Allemands la guerre assise. Et les Français ont adopté l'expression de
Roland Dorgelès... la drôle de guerre. Mais moi qui l'ai réellement vécue, qui ai crapahuté tant et plus... Je n'y ai rien trouvé d'amusant. »
La première partie reconstitue en BD les principaux souvenirs du
photographe durant cette période : après le Front populaire, des voyages en Afrique et aux Amériques, la guerre d'Espagne... il couvre le début de la seconde mondiale dans le service de photographie des armées avant d'être fait prisonnier et envoyé dans un Stalag en Allemagne.
Sa captivité apparaît comme une épreuve marquante, fondatrice ; il ne réussit à s'échapper qu'à sa troisième tentative, en 1943. Il rejoint alors la résistance (comme l'illustre sa carte du FFI en quatrième de couverture) et réalise un reportage sur les artistes engagés de l'époque, puis il suit le recul progressif de l'armée allemande, ponctué d'actes d'extrême cruauté, comme le massacre d'Oradour-sur-Glane en Haute-Vienne. Enfin, il filme et photographie la libération des camps en Allemagne, et le mélange de soulagement et de vengeance qui s'ensuit, tel ce fameux cliché en couverture, à Dessau, où une femme s'en prend violemment à une autre.
En 90 pages, les dessins en noir et blanc de
Sylvain Savoia savent capter cette atmosphère et rendre en quelques traits les photographies les plus célèbres d'
Henri Cartier-Bresson. le scénario imaginé par
Jean-David Morvan et
Séverine Tréfouël fait aussi la part belle aux amitiés d'HCB, avec par exemple
Robert Capa, et rend hommage au courage des hommes et des femmes épris de liberté.
La cinquantaine de pages suivantes reproduit des clichés célèbres de l'artiste accompagnés d'un essai de l'Allemand Thomas Tode qui complète la biographie de Cartier-Bresson durant cette période. On y trouve des détails pointus sur sa filmographie et l'analyse de son art photographique, notamment le fait de privilégier l'instant et de s'en tenir au cadrage original.
Le titre du livre "Allemagne 1945" est donc réducteur par rapport à son contenu, car il couvre bien plus qu'une année du travail de HCB pendant la guerre. J'aurais cependant aimé en savoir plus sur ses origines, son enfance et le reste de sa vie... ce qui aurait pu faire l'objet d'une chronologie ou de notes biographiques en fin d'ouvrage.
Merci à Babelio et aux éditions Dupuis pour cet étonnant voyage à la découverte d'un immense artiste.