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EAN : 9782492270895
344 pages
Elyzad (06/10/2023)
4.4/5   5 notes
Résumé :
Emna, la quarantaine, avocate tunisienne, mariée, est chargée d'une mission visant à évaluer le degré de civisme et d'autonomie des femmes rurales dans un village conservateur de l'île de Djerba.

Emna découvre des femmes menant une vie de peu, obéissant à des hommes dont la violence n'est pas remise en cause. Elle va surtout découvrir en ces femmes des personnalités attachantes, dont les préoccupations la conduisent vers un domaine encore tu : le corp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Solaire, le bréviaire de la parole.
Un manifeste efficace, la littérature qui prend vie.
La Tunisie, sublime et chaleureuse. le privilège d'une lecture qui vaut toutes les heures de plein soleil.
« - Non, je ne crois plus aux révolutions. Mais il suffit parfois d'un changement minuscule pour que les êtres prennent un nouveau départ. »
Féministe, dans une douceur de ton qui laisse la place à la libération des dires.
Le déroulé d'une histoire contemporaine, volontaire, pétrie de solidarité et d'entraide.
Craquante comme du bon pain, douée de saveur spéculative.
Les femmes Djerbiennes sont un cercle d'épiphanie. Elles sont la cartographie d'une île sacrifiée par le machisme. le patriarcat, les soumissions, l'enjeu des traditions et son poids lourd sur les épaules. La profondeur d'un vécu, où elles déambulent, entre les douleurs, la félicité combattante.
La dignité à l'instar d'un antidote. Altières et vaillantes, elles sont la géographie d'un lieu insulaire aux mille anecdotes, aux fresques d'empathie. Elles excellent dans la quête de leurs réalisations intimes. Ce récit est beau car olympien et tendu comme un fil où sèche le linge de ce qui se révèle au grand jour. L'écriture acte la connivence. Azza Filali est tunisienne. Elle sait le langage qui échappe aux mirages dans le désert des consciences. Elle est de mimétisme. La trame éveille les parchemins sinueux, de ces femmes, ployées sous les diktats des hérédités, des coutumes et des usages.
« Pour qu'un mâle soit convaincu, il faut lui fait miroiter un bénéfice pour lui-même. Son épouse peut quitter la maison pour payer une facture, mais pas pour le simple plaisir de marcher. »
Le conservatisme et le choc insidieux des emprises mentales. Ce récit est superbe, sans jugement aucun, entre le documentaire et une fiction quasi journalistique empreinte de sens et de raison. Elles sont ici, le piédestal, fascinantes et prêtent à éclore dans l'éloge des existences.
Emna est le point central de « Malentendues » . Avocate à Tunis, elle se rend dans un petit village de Djerba. Missionnée par l'Union européenne, elle doit rassembler l'épars. Mener une enquête, se rendre compte en vérité, des disparités entre les hommes et les femmes. Collecter les faits, assembler les confidences des « Malentendues », celles qui s'épuisent au travail et dans les antres. Elles qui se taisent, et baissent les yeux, murailles éteintes. L'architecture de cette île, manichéenne, peut être aussi un halo de lumière. Emna va bousculer les codes. Apprivoiser ces femmes et filles, lors de réunions pavloviennes. Elle est d'elles, elle, ailes. Intuitive et douce, elle est aussi en péril, celui de son couple.
« Après cette nuit-là, Emna a repris invitations, sorties et dîners entre amis. À chaque fois, Néjib refusait de l'accompagner. Elle ne protestait pas, il n'exprimait aucune colère. Liés l'un à l'autre par une affection usée et la ronde machinale des jours, ils pratiquaient une paix séparée, réplique fidèle de l'indifférence. »
Son mari est dépressif, hypocondriaque et égocentrique. Mais sur cette île rédemptrice, complice et attentive, elle oeuvre au grand rassemblement d'un exutoire commun. Emna entend, retient et cherche des solutions. le malentendu devient poussière et vent. Elle donne les clefs. Quid de la charge mentale, de l'égalité des sexes, les héritages pour les seuls fils.
« À la nuit des temps. Celle où les générations se succèdent, empruntant les mêmes chemins et répétant les mêmes erreurs. »
Emna est l'évidence. Celle par qui, les réponses sont les faits et gestes à remodeler. Les batailles à l'instar d'un combat à mener pour ses soeurs en humanité. Emna est le double cornélien de ces femmes sublimes de ténacité et de révolte. La ruralité, robes intestines, le labeur comme une larme silencieuse. Elles sont stupéfiantes dans cette délivrance d'une parole.
« Ma petite Emna, je t'aime comme ma fille, mais ton Union européenne et sa bienveillance à la noix me flanquent des aigreurs. Les copines d'ici s'en moquent, toutes empêtrées qu'elles sont dans leur indigence ! »
« Hier j'ai bouclé soixante-huit ans. J'ai passé ma vie à trimer… Aujourd'hui je vire de bord. Fini de travailler comme une brute. Je veux jouir de la lumière du matin, brûler ma peau au soleil de l'été, admirer les crépuscules longs comme une vie entière. Fini de m'échiner toute la sainte journée, en prétextant que je me reposerai tout à l'heure, que je mangerai tout à l'heure, que tout à l'heure je ferai une balade au bord de l'eau. Je ne vis pas : les « Tout à l'heure » le font à ma place ».
« Malentendues » la sonorité et l'ardeur d'un titre signifiant. Emna est aussi en faillite d'une renaissance. Ce livre irradiant et bienfaisant est l'apothéose du liant. « Malentendues », un livre de salut, un hymne à la puissance des alphabets des coeurs, engagé, vivifiant et initiatique. Ici, tremblent les voix qui s'élèvent du sable chaud.
Magistral et lucide, d'une haute contemporanéité. Haut les coeurs !
Publié par les majeures Éditions Elyzad.

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Emna est avocate, habite Tunis, mariée, paraît libre dans sa vie professionnelle ainsi que dans sa vie familiale. Elle est missionnée par l'Europe pour savoir où en sont les libertés féminines sur l'île de Djerba, qui malgré le tourisme, est connue pour son conservatisme. « mission consacrée aux femmes rurales de Tezdaïe. Il s'agit d' évaluer leur degré de civisme, d'autonomie, leurs relations avec leurs conjoints. Mon travail doit préparer la mise en place de centres d'aide à travers tout l'île » (Djerba). Il faut se rappeler qu'il y a soixante ans, Bourguiba a promulgué des lois visant à l'autonomie des femmes.

Première rencontre avec le maire de Tezdaïe qui n'a aucune envie de lui faciliter le travail. Pour lui « Elles semblent plutôt satisfaites de leur sort. Elles sont dynamiques, hyperactives ; en un mot, elle pètent la forme. Si j'abattais le quart des tâches qu'elles s'envoient, je serais mort depuis des lustres ».C'est clair !!

La voici installée, qui va à la rencontre de ces femmes soit-disant satisfaites de leur sort. Houria, la première venue lave et prépare les morts avant leur enterrement et prépare les jeunes filles pour leur mariage ; certaines fois cela peut se confondre « pendant la pose du harkous, j'avais l'impression de tatouer une morte ». Elle ouvre la voie aux autres femmes ; il faut quand même les appâter avec un téléphone portable offert, qui bien sûr sera donné au fils... que feraient-elles d'un téléphone portable, elles qui vivent dans l'indigence, dans l'urgence de nourrir une famille alors que le mari dépense l'argent ! « Ma petite Emna, je t'aime comme ma fille, mais ton Union européenne et sa bienveillance à la noix me flanquent des aigreurs. Les copines d'ici s'en moquent, toutes empêtrées qu'elles sont dans leur indigence ! »

Petit à petit, malgré un « conformisme social, plus lourd qu'une chape de plomb », les liens se nouent entre ces femmes et Emna qui écoute leurs problèmes, tente de les aider. La confiance, durement gagnée, permet la liberté de paroles, les rires, les confessions, parfois étonnantes pour moi, comme sur l sexualité.

Mais, comme souvent, il y a hiatus entre les concepts élaborés loin des réalités et la vie de ces femmes. Emna le perçoit, le reconnaît et sa propre vie semble prendre un peu plus de plomb dans l'aile. Est-elle si différente, elle qui subit un mariage, un mari hypocondriaque qui ne travaille plus, râle s'offusque de son travail, la prend pour son infirmière, mais qui est bien content de profiter de l'argent qu'elle ramène à la maison ? Son métier d'avocat ne rapporte pas beaucoup, sa vie personnelle est mourante… Ce temps passé à Tezdaï lui fait comprendre qu'elle n'est pas si différentes de ces Djerbiennes qui ne savent ni lire ni écrire pour la plupart. Elle est peut-être plus libre parce qu'elle travaille, mais…

Emna voudrait, mais n'ose penser à une autre vie, « Vivre ? On ne m'a sans doute pas fourni le bon mode d'emploi ». La rencontre avec Lofti, un homme charmant, marié à une française, pourrait-il représenter un nouveau départ , oser braver tous les règles qui régissent la vie des tunisiens, et pas qu'eux.?? « il suffit parfois d'un changement minuscule pour que les êtres prennent un nouveau départ. »

Elle fera son rapport, après les deux mois passés à « sensibiliser les femmes à leurs droits civiques, comme disposer d'une carte d'identité, aller voter, ne pas être malmenées par les hommes… »

Emna se met à la hauteur des Djerbiennes, ne brusque pas ces Malentendues qui souffrent tant des malentendus, de leur servitude.

L'écriture tout en douceur, finesse et subtilité avec les angles saillants de la moquerie, de la causticité. le roman s'amplifie au fil des pages et de social va du côté politique.

Un roman que j'ai dégusté.

Les éditions Elyzad m'offrent l'ouverture à une littérature tunisienne et maghrébine tout en intelligence.
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Emna, une femme tunisienne d'aujourd'hui, moderne et indépendante est avocate à Tunis. Elle est mariée à un homme, malade depuis deux ans et qui se referme sur lui même.

Elle est recrutée pour une mission de deux mois à Djerba : le projet financé par l'Union européenne vise à mesurer en zone rurale la situation d'émancipation des femmes.

C'est une plongée dans cet univers rural et féminin que nous propose Azza Filali. Comme Emna, les lecteurs s'attache aux différents portraits dressés peu à peu.

Ce qu'Emna n'a pas mesuré c'est qu'au delà de la condition féminine de la femme en Tunisie, c'est surtout elle même qui va se découvrir.
Une écriture toute en finesse, en subtilités, un récit qui se laisse dévorer, c'est une superbe découverte à travers ce roman.
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Avec une écriture très précieuse, vibrante d'émotions et de douceur, le roman dresse un portrait au vitriol de la condition des femmes au sens large.
Ici, qu'elle soit paysanne ou avocate, le constat est le même, le poids du patriarcat et des conventions est le même.

Véritable éloge de la femme, Malentendues, fait entendre les voix de celles qui osent, celles qui se rebiffent, celles qui luttent mais aussi celles qui écoutent, celles qui partagent et celles qui se taisent.
Il n'y a pas qu'une manière de changer les choses, il y en a tout autant qu'il n'y a de femmes.
Il n'y a pas non plus d'idéal à atteindre, il y a des libertés à se créer.

Un roman fin, subtil et admirablement écrit.

Je regrette juste de ne pas avoir reconnu ma mère, ma grand-mère, ma tante, ma cousine ni aucune des femmes que j'ai pu côtoyer à Djerba dans les portraits qui ont été dressé.
Ni même les traditions ancestrales djerbiennes qui sont aujourd'hui un patrimoine bien loin des superstitions décrites qui semblent d'un autre monde.

Du détail pour un roman qui se veut universel, porte-parole des femmes et de leur courage.

Lien : https://www.instagram.com/Ne..
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Vidéo de Azza Filali
La romancière Azza Filali était l'une des invitées de "Maghreb-Orient Express" ce dimanche 16 novembre 2014. Elle a publié aux éditions Elyzad "Les Intranquilles" dans lequel ses personnages évoluent dans la Tunisie de l'après Ben Ali, une période de turbulences juste avant les premières élections libres. TV5 Monde
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