Orpailleur n'est pas empailleur
À Armand Dupuy
Il reste au fond des mots
un peu de silence
comme le suc du levain
dans le quignon de pain
que la langue mouille et mouille
sans fin
– pour qu'il en reste un peu le goût.
Parce qu'en dépit de tout,
même l'or du silence
ne peut suffire à nos coeurs ;
quand taire est notre soif –
quand dire est notre faim.
La parole s'élève de nos reins
comme des épis de blés
dans la rare lumière du matin.
« L'or a pris du plomb dans l'aile ! »
aurait pu dire un vieil alchimiste.
De tout ce qui germe en nous,
cogne dans notre âme incertaine
un peu de terre, un peu de l'herbe
quand elle est une eau verte
– quel athanor fusionnera tout cela ?
Nous voudrions laisser le dernier mot au silence
– lui "qui nous garde", dit
Bernanos –,
et puis aller nu par les sentiers clairs
que n'obscurcissent plus tous ces parlers ancestraux
– même si la voix, c'est un peu l'ombre de la chair.
Le langage éclaire tout autant qu'il assombrit.
Alors « taisons mieux » pour ne pas nous taire
– définitivement.
La parole, on la traîne derrière soi
comme le boulet du condamné ;
– lait caillé, il importe de la rendre fluide,
de re-susciter son souffle premier ;
Parce qu'on ne peut pas tout dire ;
juste offrir l'eau d'une bouche,
d'une bouche d'où le lait sale et pur
– c'est tout un, c'est tout le faible homme –,
veut jaillir comme un feu, un feu de foin.
Et c'est assez que d'avoir trouvé.
Quoi donc ?
Sa vieille vie.
Son rien.
©
Thibault Marconnet
Le 17 avril 2013