Ce livre avait été commandé au grand africaniste
Jean Copans à l'occasion de la commémoration des indépendances. Or, « qui dit commémorations dit mythologisation idéalisée de ces indépendances » (p. 7). Loin de restreindre son propos aux seules indépendances – dont finalement il ne parle quasiment pas –
Jean Copans a entendu dresser un panorama ambitieux des mythologies qui circulent sur l'Afrique, en portant un intérêt marqué, en grand sociologue de l'africanisme qu'il est, aux producteurs de ces mythologies.
Nombreuses et contradictoires, elles peuvent se classer en deux catégories. D'un côté l'image poussée au noir de l'afro-pessimisme lesté de mythologies mortifères : les guerres tribales, les famines, les pandémies, la pauvreté, l'analphabétisme … de l'autre le mythe plus positif de l'afro-optimisme décliné sous les modes complémentaires de la sortie du sous-développement et/ou
De La Renaissance africaine.
Cette typologie est l'occasion de développements incisifs sur les « idées reçues » qui ponctuent tout discours globalisateur sur l'Afrique.
Jean Copans commence logiquement par le mythe européen d'un continent sans histoire … auquel répondra le mythe africano-centré d'une autochtonie « kémite » héroïque. Il évoque ensuite, trop brièvement, plusieurs sujets majeurs : l'ethnicisation du politique, l'importation de l'Etat, la vulgate développementaliste, le syncrétisme des croyances religieuses … Il consacre un développement très stimulant sur le mythe de l'émergence capitaliste, montrant que l'absence d'accumulation capitaliste n'empêche pas l'initiative privée de se déployer sous d'autres formes.
Dans un post-scriptum curieusement annexé au texte,
Jean Copans s'intéresse à des mythologies moins strictement politiques. Il montre quelle image déformée l'art renvoie de l'Afrique : un art africain, obnubilé par les arts premiers, qui a du mal à s'affranchir de ses origines, un art sur l'Afrique qui la réduit à une arrière-scène exotique et inquiétante (c'est le cas du cinéma américain depuis Tarzan jusqu'à Blood Diamond en passant par African Queen ou Out of Africa). Il évoque également le mythe de l'Afrique « terre d'aventures » ou celui d'un nouvel « Eldorado sportif ».
Au terme de ce tour d'horizon un peu désordonné se dégage de l'Afrique une image kaléidoscopique – l'auteur évoque « une espèce de punching-ball métaphysique, refabriquée constamment à la mesure de nos besoins et de nos fantasmes » (p. 112). L'Afrique, « malade de ses mythologies », doit s'en débarrasser ou, à tout le moins se forger ses propres mythologies avant d'aller en chercher en Occident.