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EAN : 9782918034018
L. Viallet (01/09/2010)
3.3/5   15 notes
Résumé :
Ce récit d’une déchéance, condensé en dix jours, décrit, sans apologie ni sentimentalisme, le trajet existentiel d’un personnage le temps d’une sorte d’odyssée sexuelle.
Johnny Rio, ex-prostitué, rentre à Los Angeles après trois années d’absence et d’abstinence. Les souvenirs d’une vie passée dans les mêmes lieux (cinéma, plage, parcs) sont prétextes à faire de nouvelles rencontres homosexuelles, comme si s’était substituée à l’argent la compulsion de séducti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Ce court roman de 1968 (on a attendu 2010 pour la traduction française) présente d'abord une grande qualité : le récit est à la troisième personne, mené par un narrateur extérieur et objectif qui analyse les actions et les pensées du héros. Nous voilà loin de ces misérables autofictions et bavardages contemporains à la première personne, où le "je" envahissant empêche toute réflexion et annule toute lucidité. Ce choix grammatical, d'ailleurs, se justifie amplement par le fait que le héros, Johnny (ou John) Rio, souffre d'une forme de folie qui rendrait impossible ou invraisemblable un récit à la première personne. Ancien prostitué retiré mais toujours jeune et beau, le héros revient à Los Angeles pour dix jours et tente de séduire le plus d'hommes possible, le plus rapidement possible, dans un grand parc, Griffith Park, lieu de drague homosexuelle de la ville. Ses pratiques, cliniquement décrites, finalement peu obscènes tant elles sont rituelles et symboliques, se limitent à des contacts minimaux et furtifs, puisque la sexualité du héros est étroitement cadenassée par son extrême narcissisme et par des préjugés ethniques tenaces. Il est l'homme, les autres doivent se soumettre symboliquement à lui, et en fin de compte, il n'a pas tellement besoin de contacts physiques : être désiré, admiré, convoité, lui suffit amplement. C'est sans fin, ce qui permet d'expliquer le titre, puisque Johnny Rio tient le compte de ses conquêtes et décide de tout arrêter à trente personnes, en dix jours. On apprend que trente, en jargon journalistique, veut dire "la fin". Il fait de cette comptabilité l'enjeu de son combat contre Griffith Park, le lieu de drague qu'il personnifie comme son ennemi. Johnny Rio se donne pour but de conquérir la maîtrise de soi, de ses pulsions, de rester maître de sa propre vie, d'en finir avec le désir homosexuel qu'il a besoin de provoquer chez les autres sans jamais le laisser l'envahir. Qui l'emportera, du jeune homme ou du grand parc ?

On sort de la lecture de ce roman, consacré à un cas psychiatrique d'obsession et de folie narcissique, à la fois édifié et accablé par le tableau d'une certaine homosexualité qu'il dépeint, dans une certaine Californie de la fin des années 60, avant l'épidémie de sida et le retour de la morale. Il existe un grand contraste avec les écrits de Renaud Camus, rédigés peu après et dans les mêmes lieux ("Tricks") : ce ne sont ni les mêmes pratiques, ni la même mentalité étroite et obsessionnelle, ni le même désespoir, le projet de Renaud Camus étant bien plus apologétique que les oeuvres de John Rechy. Camus en particulier peint une génération sexuellement libérée et pratiquant une forme d'amour et de sensualité réciproques. La réciprocité est au contraire la bête noire et l'angoisse ultime du héros torturé, prisonnier de lui-même et de sa peur, de John Rechy.
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De prime abord, c'est l'histoire d'un homme et de ses aventures homosexuelles.
Puis ça devient l'histoire de l'homosexualité dans l'Amérique des années 60, juste avant la libération sexuelle. Ces relations sont encore cachées, encore clandestines, encore honteuses. La ville a pris le partie de les interdire, faisant circuler des policiers sous couverture dans les parcs ou les cinémas où les hommes se rencontrent. Plus radicalement encore, en trouvant des solutions d'urbanisme pour éradiquer ces lieux de rendez-vous.
Puis cela devient le récit d'une course contre le temps qui passe, une course évidemment perdue d'avance. Certains clins d'oeil et indices prêtent à sourire : Johnny Rio se contemple régulièrement dans un miroir, à la recherche d'un changement – même infime – dans le reflet qui lui fait face. Un Dorian Gray californien. Croisant régulièrement la route d'un étrange Benjamin Button, un homme au volant d'une voiture de sport rouge qui semble rajeunir à chaque passage.

Et au-delà de tout cela, une poésie sublime, sous la plume d'un véritable écrivain. Numbers commence par une explosion de couleurs : les lumières sont jaune, arc-en-ciel, le sud est violet bleu doré. Puis les ruelles sont grises, et le Nuage qui recouvre LA semble ternir l'ensemble. Et enfin, les lieux de rencontre sont dans l'obscurité, les balcons sombres des salles de cinéma, les cavernes des parcs autrefois luxuriants, les coins de nuit noire pour des ébats rapides sans jouissance.

John Rechy est un écrivain majeur aux États-Unis, père et point de départ d'une littérature homosexuelle connue et reconnue de l'autre côté de l'Atlantique. En France, Gallimard avait eu l'audace de publier dans les années 60 Cité de la nuit, son premier roman, autobiographique, sur les déambulations d'un prostitué homosexuel entre New York et la Nouvelle Orléans. Malheureusement, ce livre est aujourd'hui introuvable et il n'existait plus le moindre roman de Rechy traduit en français.

Nous devons la résurrection de la voix de John Rechy aux éditions Laurence Viallet, elles-mêmes en voie de résurrection. C'est heureux car nous avons plus que jamais besoin du reflet éblouissant de la poésie en couleurs et des contre-allées aventureuses. (du blog un dernier livre avant la fin du monde)
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Numbers raconte la déchéance de Jonnhy Rio, ex-prostitué, sur deux semaines qui rentre à L.A. et va multiplier les expériences sexuelles homosexuelles.

Un livre qui m'est tombée des mains et que j'ai lu en diagonale. Je ne suis jamais entrée dans l'histoire. L'extrait de la quatrième de couverture est trompeur car on ne s'attend pas à une telle histoire. Une déception.
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Un ancien gigolo revient à Los Angeles après trois ans d'absence. La ville a changé, les lieux où il faisait son tapin ont disparu "débarrasser la plage des indésirables".
Un document sur l'homosexualité dans les années 60 où l'homosexualité était dans la clandestinité : des ombres dans les cinémas, des rondes dans les parcs. Un roman cru où la sexualité suinte les pages.
Mais c'est également un roman poétique sur un homme obsédé par son apparence, cherchant à être désiré au point de calculer ses conquêtes d'où le titre "Numbers", lutte contre le temps et la mort.
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Après avoir passé des années dans son Midwest natal, Johnny Rio est de retour à Los Angeles. Aucun de ses anciens amants n'a oublié cet ancien prostitué, disparu du jour au lendemain, et dont la beauté virile reste pour beaucoup inoubliable. Mais si Johnny est à nouveau en ville pour une dizaine de jours, ce n'est pas pour renouer avec ses vieilles connaissances mais pour parcourir sans fin les lieux de drague en plein air et y accumuler les conquêtes. Poussé par un narcissisme dévorant, obnubilé par son apparence et celle des hommes avec qui il couche, Johnny Rio est un personnage instable, au bord de l'effondrement. Comparable à d'autres grands anti-héros torturés de la littérature américaine, du Démon d'Hubert Selby Jr aux yuppies égocentriques de Bret Easton Ellis, Johnny Rio laisse dans son sillage un parfum de soufre et une inquiétude sourde, tant la pulsion érotique semble se confondre dans Numbers avec un désir d'auto-destruction. Plongée passionnante dans les codes de la sociabilité gay clandestine des années 1960, ce roman de John Rechy récemment traduit par Norbert Naigeon reste, plus de cinquante ans après sa publication originale, un texte pionnier d'une audace électrisante, à redécouvrir urgemment.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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critiques presse (1)
LeMonde
03 décembre 2018
L’écriture de Rechy oscille, comme son personnage, entre exactitude clinique et lyrisme, entraînant son lecteur dans « l’atmosphère érotique envahissante de la Californie du Sud ». Son héros ne cesse d’y croiser des présages macabres, nuées de corbeaux dans le désert, et, en guise de Cassandre, une prophétesse noire aux cheveux blancs installée au coin d’une rue.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La Négresse au visage ridé comme une pomme est à nouveau postée au coin de la 7e Rue et de Broadway. « On est tous condamnés », dit-elle, sa voix laisse pourtant paraître encore moins d’émotion que la veille : « on sera tous morts demain » – bien que l’on soit déjà le lendemain de la veille, et qu’elle soit encore là.
« On est tous condamnés. » Johnny Rio répète les paroles, imitant sa manière de les prononcer. Bientôt, elles deviendront une espèce de refrain entêtant gravé dans son esprit.
Puisque la décision a été prise sans qu’il ne le décide (son esprit s’est tu de lui-même, son corps s’est mis en branle), Johnny tentera plus tard de se raccrocher à ses « raisons » lorsqu’il entreprendra de découvrir – dans un examen rétrospectif des événements de cette soirée – ce qui, en fin de compte, l’a provoquée avec une telle violence.
Tina et son enfant triste, si triste. La colère. Oui. Et Tom aussi – les ruines du passé. Et quelqu’un d’autre. Qui ? Danny. Oui. Danny, dans une certaine mesure ! Et la sensation de deuil éprouvée sur la plage autrefois familière, désormais peuplée de fantômes. Et la Négresse proclamant – non, annonçant – le jugement dernier… pour demain. Si proche.
Oui, tout ça.
Pourtant, c’était après son arrivée à Los Angeles – et c’est pourquoi Johnny tentera de fouiller un passé plus lointain encore. Remontera jusqu’aux moments où il a quitté Phoenix, peut-être – lorsqu’il a contemplé ce rituel morbide ; les oiseaux fantomatiques sur la route qui semblaient se ruer pour accueillir le destin en ce matin ténébreux ; les bestioles sur le pare-brise, leurs « numéros » tirés les uns après les autres… si vite. Mais il était déjà en chemin pour ici. Alors : il essaiera de remonter plus loin encore. Jusqu’à Laredo. À un miroir… On est tous condamnés.
(Si proche !)
Mais Johnny ne comprend toujours pas.
La seule chose qu’il sache, c’est qu’il marche comme un somnambule depuis qu’il est parti de la plage.
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Il a quitté Phoenix au matin à l’aube naissante, lorsque le monde est mauve ; et il a aperçu, sur l’autoroute, des nuées d’oiseaux fantomatiques attroupés sur la chaussée, à la recherche de Dieu sait quoi – sûrement pas de nourriture, pas sur cette autoroute déserte, si proche de la ville endormie.
Pensant qu’ils allaient prendre leur envol, il n’a pas réduit sa vitesse ; mais alors même que la voiture fonçait dangereusement vers eux, ils sont restés là, comme mystérieusement impliqués dans quelque suicide rituel – jusqu’à ce que Johnny Rio, qui aurait ruminé tristement s’il avait tué la moindre bestiole (il préfèrerait encore mordre le bas-côté), écrase la pédale de frein et actionne son klaxon – le son se déployant longuement, creux, solitaire, jusque dans les cavernes du matin silencieux.
Alors seulement, les étranges oiseaux se sont dispersés – mais très, très lentement, à contrecœur ; ils se sont envolés – glissant ainsi que des bouts de papier noir soudain abandonnés par un vent extatique ; glissant, mais assez bas, juste au-dessus du capot de la voiture ; comme en proie à une transe profonde.
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Johnny imagine le triangle sous les zébrures. Ses poils pubiens seraient-ils blonds ? – c’est ce que semble indiquer l’imperceptible duvet ; cela dit le soleil peut aussi bien l’avoir fait blanchir. Il imagine sa fente, à peine effleurée par les poils blonds et fins.
Il se figure sa propre toison pubienne, sombre, entremêlée au duvet blond de la fille.
Mais Johnny n’est pas un chasseur ; il a pour habitude d’être chassé – ce qui s’applique aussi aux femmes (et participe, une fois encore, de sa « féminité »). Il sait user de ses sourires, de tout son charme, pour séduire – et ne s’en prive pas ; la proposition doit cependant toujours être faite par autrui. Il est impossible, tout à fait impossible qu’il laisse à quelqu’un – homme ou femme – le plaisir de savoir qu’il le/la désire suffisamment pour se lancer à sa conquête.
Aussi se rallonge-t-il sur la chaise longue, il ferme les yeux, et il attend – il espère – qu’elle fasse le premier pas.
Dès lors, la question pourrait se poser : Johnny Rio se considère-t-il comme hétérosexuel ? Il y répondrait de la manière suivante, comme s’il présentait les choses devant un jury afin que celui-ci en tire ses propres conclusions : premièrement, je n’ai jamais désiré aucun homme, la seule chose qui m’excite, ce sont les actes d’un homme, pas sa personne ; deuxièmement, il n’y a jamais eu de réciprocité sexuelle entre un homme et moi – pas plus que je n’ai laissé un homme me toucher autrement qu’avec la bouche – et les mains bien sûr ; et troisièmement, je l’ai fait pour l’argent… Johnny lui-même s’accordera à dire que cela participe du Mythe de la Rue (surtout celui du tapin masculin) : un mythe étrange selon lequel un homme peut coucher avec des hommes, encore et encore – surtout pour se faire de l’argent – et avoir autant de partenaires qu’il le désire – tout en restant « normal » (c’est-à-dire, hétérosexuel) tant qu’il n’est pas question de réciprocité sexuelle. Que tout cela soit vrai ou non – la lucidité n’étant pas l’une des qualités premières de Johnny, celui-ci se félicite de ne pas écorner le Mythe.
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L'homme est peut-être cinglé, mais il l'intrigue. Johnny est même très touché par les accents profondément désespérés qu'il prend.
- Mais pourquoi pas ? se défend le type avec passion. Pourquoi est-il impossible que l'amour se trouve... immobile... à l'affût... dans le noir ? Pourquoi est-il impossible que l'amour se cache dans les ténèbres ?
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Écartant ces pensées de son esprit, il surprend son image dans le Miroir. Il a aperçu un autre visage. Pas le visage déformé qui lui a adressé une grimace si hideuse, trois ans auparavant. Ni le visage fin et sensuel de l'ange noir. Un autre : un visage qu'il n'a jamais vu.
Un visage marqué par un chagrin immense, tourmenté.
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