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EAN : 9782072837388
592 pages
Gallimard (28/02/2019)
3.6/5   5 notes
Résumé :
"Plus tard je devais penser à l’Amérique comme à une immense Cité de la Nuit étalant sa kermesse criarde de Times Square à Hollywood Boulevard – appel de juke-boxes, gémissements du rock-n-roll : l’Amérique nocturne dont les villes noires se fondent dans la forme inévitablede la solitude. Souvenir de Pershing Square et de ses palmiers apathiques. Central Park et ses ombres frénétiques. Cinémas auxheures moroses du matin. Rues éventrées de Chicago…" Premier roman de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
"Cité de la nuit" de John Rechy peut se lire comme un roman à forte dimension autobiographique. Il raconte à la première personne le "voyage" du narrateur jeune à travers les cités américaines, vues par leur face nocturne, à savoir la vie souterraine des homosexuels dans les années 60. Cette société clandestine se divise en catégories séparées par d'étanches barrières : prostitués, clients, travestis et autres affirment, par un code strict, leur appartenance au sous-groupe qui leur donne leur identité. S'il y a bien du libertinage, il n'y a aucune liberté. Ce jeu de masques sociaux trouve son apothéose à la fin du livre, pendant le grand Carnaval de la Nouvelle-Orléans. C'est dire que dans cet univers, personne "n'est soi-même", tout le monde joue un rôle que le narrateur autobiographe s'emploie à décrire et à décrypter dans le récit. Lui-même joue le rôle du prostitué, qui appartient volontairement à ce monde, tout en prétendant y voyager en touriste, comme s'il n'était pas réellement concerné par ce qui s'y passe.

L'ouvrage se répartit en deux sortes de chapitres : ceux que l'auteur intitule "cité de la nuit", choses vues et scènes de groupe de la vie quotidienne à New-York, Chicago, Los Angeles, San Francisco ou la Nouvelle-Orléans. D'autres chapitres s'intercalent, portant le nom du personnage qui y est plus particulièrement décrit : Mr King, Le Professeur, Chuck, Skipper, etc ... Ces personnages semblent jouer une comédie plus élaborée, et font de leur vie entière une espèce de roman mythologique, ou mythomaniaque. Une chose en tous cas les réunit tous, narrateur compris : l'absolue solitude, le total manque d'amour de vies passées à proclamer, à jouer, à mimer le contraire. Quand le narrateur s'approche de la pénible vérité, que certains dans le livre lui révèlent (Dave, Pete, Jeremy) il s'enfuit pour préserver la pureté de sa solitude narcissique, de sa détresse.

C'est un donc un roman frappant par la lucidité de ses analyses et auto-analyses. On y voit une galerie de personnages flamboyants, excentriques, drôles ou non, malades de solitude et terrifiés à l'idée d'aimer et d'être aimés. En compensation, une ambiance de fête perpétuelle, de libertinage apparent, laisse voir à quel point l'adjectif "gay" ou gai, a été donné par antiphrase... le style rappelle parfois, quand John Rechy le polit et le travaille, composant soigneusement ses pages, les moments les plus fatigants des romans de W.S. Burroughs (mais sans la Science-fiction et le cut-up). D'autre part, l'auteur n'a pas peur des pires clichés de langage, de style et de pensée, à certains moments. C'est donc un livre "à tunnels", à très bons et à très mauvais endroits, inférieur dans sa facture et son esthétique à Numbers, écrit quatre ans plus tard, en 1967.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Ce serait plutôt, poursuivit-il lentement, qu'ils sont résignés à se contenter d'étreintes furtives. Non point sans doute qu'ils ne souhaitent autre chose ; peut-être ont-ils simplement renoncé à trouver quelque chose au-delà du plaisir, et ils ont peur de demander, "Puis-je vous revoir ?" Ils préfèrent chercher ailleurs que de risquer s'entendre répondre "Non" - réponse peut-être tout aussi effrayée que leur propre question. Aussi ils se résignent aux contacts sans lendemain. Désormais ils cherchent ceux qui "s'en fichent" ... Et les mobiles de ceux de votre camp sont tout aussi mystérieux que ceux des types qui vous paient ... comme moi, ajouta-t-il, et il poursuivit : Dans quelle mesure, pour vous, ne s'agit-il pas de faire partie de ce monde séduisant et révolté sans vous engager pour de bon ? - afin de pouvoir dire (et je parle de "vous" en général - en fait je parle d'un tas de gens) - afin de pouvoir dire, "je fais ça seulement pour l'argent que ça représente" ; ou : "Au lit moi je ne donne rien ; ma virilité est toujours intacte - et entre-temps je peux m'offrit autant d'hommes qu'il m'en - ... /faut..." ?
p. 531
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Sur la table, dans le box où nous sommes installés depuis l'arrivée de Skipper - moi et le gros d'un côté, Skipper et le petit maigre de l'autre - sont posées les boîtes de bière vides, des verres vides ; le cendrier déborde de mégots pareils à des cadavres d'insectes. Le mélange de bière et d'alcool que j'ai bu a opéré son habituelle magie en moi : je me sens ivre et lucide : Le monde me semble maintenant comprimé dans cet endroit précis, comme si d'un tableau géant on avait tout caché sauf un petit carré - et le carré découvert est maintenant sous le microscope, retenu pour une observation minutieuse. Et comme d'habitude quand je suis dans cet état, je me sens prisonnier, fasciné par la scène.. Les vagues silhouettes enfumées au-delà du box se sont encore reculées dans l'obscurité ambrée du bar.
p. 252
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Dans l'appartement, Dave dit à brûle-pourpoint :
"Vraiment c'est formidable d'être avec toi !" Il me mit tendrement la main sur l'épaule, la laissant reposer là - c'était la première fois qu'il avait un geste aussi intime depuis cette première nuit.
Un long moment je restai immobile, sentant sa main se faire de plus en plus lourde... Je me dégageai vivement.
Les mots me jaillirent des lèvres : "C'est possible - mais c'est fini !"
Malgré la stupéfaction que je lus sur son visage, malgré mon désir de m'arrêter, malgré la compassion, la tendresse, les affinités que j'éprouvais pour ce jeune type - malgré tout cela, je savais que, pour moi comme pour lui, il me fallait continuer ; que même si, intérieurement, mes propres paroles me faisaient mal, à grands coups je devais détruire cette amitié. "Ce que je veux dire - eh bien - c'est que je suis resté trop longtemps avec toi - c'est tout."
(...)
"Désolé, Dave", dis-je à la porte, l'ouvrant maintenant, pour mettre un point final à la Fuite, pour m'arracher /moi à lui/. "Désolé, répétai-je, mais tout ça, ça n'existe pas."
p. 338
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J'avais un besoin dévorant de me sentir désiré - mais quand quelqu'un essayait de devenir trop intime - quelqu'un rencontré au cours de cette excursion quotidienne aux balcons des cinémas, dans les bars, le parc - immédiatement je m'en éloignais. Durant tous ces mois je vis rarement la même personne plus de quelques fois.
Périodiquement, au contact des autres prostitués qui hantaient les mêmes lieux, je me sentais écrasé par un sentiment d'étrange culpabilité, convaincu que j'étais de ne pas être prisonnier de ce monde-là, comme j'étais certain que les autres l'étaient. Pourtant il y avait aussi des moments où j'avais l'impression d'en faire malgré moi d'autant plus partie que je l'avais recherché. C'était un dilemme si étrangement troublant - si difficile à comprendre - que j'essayais de ne pas y penser - peut-être parce que, dès cette époque, j'avais l'intuition que la réponse à cette énigme impliquerait quelque chose de trop cruel à affronter.
p. 268
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Il y avait maintenant plusieurs semaines que j'étais dans cette ville mi-île mi-cité et j'avais déjà eu deux emplois, pas pour longtemps : chaque fois je m'étais dit que le moment était venu de renoncer à Times Square. Mais il m'attirait, comme une maîtresse possessive - ou une drogue puissante : FASCINATION ! J'abandonnais mon travail ... Et je retournais, ébloui, à cette rue.
p. 62
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