Lorsque j'ai refermé ce bouquin, je me sentais simplement triste. Ce qui était bizarre puisqu'au fond rien ne m'a surpris lors de cette lecture et que les titres des deux derniers chapitres étaient "Et c'est parti!" et "On y est vraiment arrivé". Ce qui aurait dû plutôt inciter à l'optimisme...
Car en introduction, il y a l'espoir : "La première, évidente, c'est l'utilité et la force du journalisme. À une époque où les médias sont regardés avec une défiance populaire jamais démentie – et on ne va pas dire que ce n'est pas parfois mérité –, le travail de Forbidden Stories vient rappeler les fondements mêmes du métier : aider les gens à comprendre le monde dans lequel ils vivent, mettre des mots sur un réel insaisissable et contenir autant que possible les abus du pouvoir. Ce rôle social du journalisme, sans lequel une démocratie n'est pas une démocratie, est a fortiori décuplé quand autant de reporters de grands médias nationaux et internationaux décident de collaborer pour sortir le même jour, à la même seconde, la même information."
C'est vrai, c'est le rôle que l'on attend du journalisme et on doit féliciter ceux qui s'y adonnent ainsi avec passion, car la recherche de la vérité est une nécessité.
Super, mais si je regarde le "score" de ce très bon livre d'enquête sur babelio : une citation et aujourd'hui une "critique"... Whaou, impressionnant le rôle social du journalisme d'investigation. Peut-être que les peuples préfèrent être abreuvés d'idées toutes faites par les commentateurs de plateaux télés présentés indûment comme journalistes...
Je ne vais pas expliquer ce qu'est le logiciel
Pegasus, considérant que les lecteurs qui parcourent ma modeste contribution le savent et que si ce n'est pas le cas, que ce serait souhaitable qu'ils cherchent un peu à s'en informer, en lisant ce livre par exemple, ou des articles plus courts mais tout aussi édifiants.
Le pire est peut être ce qui est en creux de cette enquête, ce qui ne peut pas être dit.
Si l'on considère que la société Israélienne NSO a eu l'autorisation de commercialiser ce logiciel, connaissant un peu la puissance technologique susceptible d'être déployée par le duo israélo-étasunien, on peut imaginer que nous n'avons plus de vie privée. Dès lors, il ne peut plus y avoir de démocratie. L'idée même disparaît. Il est vrai que le credo de l'un des protagoniste rencontré dans cette enquête énonce "l'argument fatal : « La vie privée est très importante, mais la sécurité nationale l'est bien plus encore. »"
Chacun ayant ses petits secrets inavouables, si un quidam met en péril l'oligarchie qui dispose forcément de ces moyens de surveillance de masse, il y aura un petit rappel à l'ordre sous une forme quelconque...
Les exemples du livres sont presque anecdotiques : la Hongrie de
Victor Orban, l'Azerbaïdjan, le Maroc... Que des pays dont l'implication permet de se dire : Ah les méchantes autocraties... Certes, cela existe mais finalement, on imagine mal que les vraies grandes puissances technologiques laissent faire cela sans elles-mêmes surveiller ceux qui surveillent....
Je me suis même laissé aller à penser que la France devait jouer dans la catégorie surveillant surveillé, comme les trois cités plus haut.
Et même "surveillant ses opposants et surveillée par d'autres surveillés par des surveillants de surplomb" si l'on considère la liste des français d'importance surveillés par des seconds couteaux (le Maroc) ;
Jean-Michel Blanquer,
Sébastien Lecornu,
Arnaud Montebourg ,
Cédric Villani et même la ministre des Armées alors en exercice, Florence Parly, notamment en charge des questions de renseignements militaires et extérieurs du pays…
On comprend que M. Dupond-Moretti, intime du royaume chérifien, ayant été l'avocat personnel de Mohammed VI, ait assez peu réagit à tout cela...
Parce qu'il surveille? qu'il est surveillé et donc incité à ne pas trop la ramener? Parce que des gens encore plus...
Voilà, c'est ça la tristesse dont je parle. Apparemment, la comptine du "je te tiens par la barbichette" est passée dans le domaine du réel.
On me rétorquera que cela a toujours existé. Peut-être mais certainement pas à cette échelle et couplée aux moyens modernes (IA).
Craig Murray, défenseur de
Julian Assange, a été arrêté le 16 octobre à l'aéroport de Glasgow par la police antiterroriste de l'aéroport. l'un des policier lui a dit que "le contenu des appareils saisis est passé au crible électroniquement".
NSO a certes sombré, c'était une vitrine trop visible, mais d'autres existent forcément. Voilà nous avons mis en place les moyens d'une surveillance globale dont les pires dictatures de histoire n'ont jamais osé rêver.
Il reste à attendre leur avènement.