Je me suis lancée depuis cet été dans la relecture de toutes les pièces de Pierre Corneille, que j’accompagne de lectures sur le théâtre de l’époque, et aussi d’ouvrages qui analysent l’oeuvre de Corneille, pour mieux appréhender les pièces. J’ai aussi ressenti le besoin de me plonger dans une biographie de l’auteur, pour me donner des repères plus précis sur sa vie, pour mieux comprendre son parcours. La seule biographie, tout au moins facilement accessible, est celle d’Alain Niderst. Ouvrage d’un universitaire, spécialiste de la littérature de l’époque, publié chez Fayard, il me semblait que je pourrais y trouver ce que je cherchais.
J’avoue une grande déception à la lecture de ce livre. La partie à proprement parlé biographique, qui était la raison principale de ma lecture, occupe au final une petite proportion de l’ouvrage. La vie de Pierre Corneille demeure relativement mal connue, à part quelques événements, qui sont aussi détaillés dans d’autres ouvrages. Les grosses 400 pages du livre d’Alain Niderst sont donc en grande partie occupées par des analyses des pièces du dramaturges, illustrées par de nombreux extraits.
Et c’est un peu là que le bât blesse. Ces analyses essaient, de manière systématique, d’associer les pièces de Corneille au contexte politique de l’époque, et à expliquer le choix du sujet et le contenu sous-jacent de la pièce, par un « message » lié au contexte. Pourquoi pas, mais le problème, c’est qu’Alain Niderst n’apporte aucun élément tangible pour étayer ses explications. A part rapprocher le contenu de la pièce avec tel ou tel fait historique, et cela de façon souvent assez hasardeuse. Au point où il utilise souvent le conditionnel, ou les expression comme « on peut penser que », « semble-t-il ». Plutôt que de nous présenter des analyses étayées par des faits, l’auteur se livre à de conjectures. Il fait de même pour évoquer la vie de Corneille, il fait des hypothèses sur certains éléments concernant sa vie. Comme ces hypothèses ne m’ont ni convaincues ni passionnées, j’ai tout simplement eu la sensation de perdre mon temps. D’autant que j’ai trouvé l’ensemble bavard, et le style assez lourd.
Sans oublier des jugements de valeur sur les oeuvres, qui paraissent assez subjectifs, sans véritable démonstration. Par exemple, au sujet de Sertorius : "Certes, il y a beaucoup de beaux vers, mais aussi des obscurités et des rudesses". J'attendais quelque chose de plus solidement démontré de la part d’un universitaire.
Je cherche encore une biographie de l’auteur du Cid, qui m’en apprenne plus et qui me fasse mieux toucher du doigt sa vie.
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Corneille n'est pas seulement un observateur, plus ou moins perspicace et amusé - mais plutôt un esprit fasciné par la combinatoire, essayant les unes après les autres les situations les plus singulières et cherchant simplement à observer ce qui peut en éclore. Au fond de son théâtre - du moins de beaucoup de ses pièces - se retrouveraient des structures abstraites, plus prenantes, plus fécondes, que la représentation des moeurs modernes ou les méditations sur le Fable ou l'histoire...Un pur dramaturge, l'auteur d'un Pur Théâtre. Mais il sait que cette abstraction serait insupportable, si elle n'était habillée de détails apparemment "pris sur le vif". C'est à quoi servent les étalages de la galerie du palais, les grands hôtels de briques de la Place Royale. Nous atteignons l'essence de tout art une harmonie, une logique, dissimulée sous des allures impromptues, et d'autant plus fascinante qu'elle se révèle à travers des hasards.
[Hardy cité par A. Niderst]
D'autres aussi que l'on pourrait nommer excrément du barreau, s'imaginent de mauvais avocats pouvoir devenir bons poètes en moins de temps que les champignons ne croissent, et se laissent tellement emporter à la vanité de leur sens et des louanges que leur donne la langue charlatane de quelque écervelé d'histrion, que de là ces misérables corbeaux profanent l'honneur du théâtre de leur vilain croassement et se présument être sans apparence ce qu'ils ne peuvent jamais espérer avec raison, jusqu'à bâtir, s'il était possible, sur les ruines de la bonne renommée de ceux qui ne daigneraient avouer de si mauvais écoliers qu'eux.