Agathe est une jeune française qui est partie vivre pendant un an à Tokyo. Dotée d'un visa vacances-travail d'un an, elle va se plier plus ou moins (et plutôt moins que plus) aux codes japonais qu'elle va s'attacher à nous raconter.
Loin de se conformer aux nombreux gaijins qui partent vivre au Japon, Agathe vit plutôt en marge du système. Elle vit dans une minuscule pièce de 9 m² et gagne de quoi vivre grâce de petits boulots assez mal rémunérés. Elle donne des cours particuliers de français, participe à des échanges linguistiques dans des cafés pour ceux qui veulent améliorer leur anglais, postule comme figurante dans des publicités ou des soaps caricaturaux. Mais cette vie lui convient, peu désireuse de se conformer aux règles strictes de la bienséance japonaise. Son propre apprentissage du japonais est assez laborieux et semble être un frein à une intégration plus poussée qu'elle ne désire d'ailleurs pas plus que ça, la jeune femme se présentant souvent avec humour comme une asociale.
Présenté sous la forme d'un journal de voyage, le récit se fait assez rythmé de par la succession des chapitres. On découvre le quotidien d'une expatrié et surtout ses rapports aux autres et à une culture en complet décalage avec la sienne. Son point de vue est toujours ironique et l'auteur s'amuse à pointer du doigt les particularités japonaises, vu par les gaijin comme des curiosités folkloriques, mais qui sont ici loin d'émerveiller Agathe. Elle teste les dits incontournables du Japon : les maid cafés, les hôtels capsules, les cyber-cafés ; et visite les quartiers emblématiques comme Ginza, Akihabara, Asakusa, Shinjuku.
On pourrait penser que, en tant que fan du Japon, j'aurais apprécié l'ouvrage. Ce ne fut hélas pas le cas…
Tout d'abord, le journal de voyage n'en est pas vraiment un. Les chapitres se succèdent sans lien et semblent être une succession d'anecdotes amusantes relevant de sa propre expérience personnelle. Quand, à la fin de ma lecture, j'ai voulu en savoir plus sur l'auteur et aller visiter son blog, j'ai eu la surprise de découvrir que tout ce que j'avais lu s'avérait finalement une compilation de ses chroniques japonaises déjà publiées précédemment sur son blog. Bref, ce que vous lirez dans ce livre, vous pouvez le retrouver gratuitement sur son site, les photos en plus…
J'avoue être un peu lassée de ces chroniques de blogueurs de tout poil (culture, humour, BD) qu'on nous refourgue en version papier, comme si cela donnait plus d'importance à leur propos. Ici, le propos n'a justement pas été retravaillé pour le livre et l'impression foutraque du texte s'en ressent. Soit.
Le problème est que je n'ai pas tellement adhéré au propos de l'auteur. Si on s'en amuse au début, le ton devient très vite agaçant. Car Agathe emploie un ton sarcastique qui devient peu à peu déplaisant. Son regard se veut blasé. Elle accuse les travers de la société japonaise, les clichés véhiculés par les gaijins (ce que je ne lui reproche pas, bien au contraire) mais ne semble pas du tout faire la balance avec des aspects positifs. Au final, rien ne semble trouver grâce à ses yeux. On en vient à se demander, à l'image du titre, mais pourquoi le Japon,
pourquoi Tokyo ? Personne ne l'a forcé à partir y vivre et les seules choses positives qu'elle note sont la nourriture et le sentiment de sécurité. Un peu court à mon goût car on ferme le livre en se demandant bien ce qu'elle fait là-bas.
Cela est bien dommage car certaines de ses réflexions sont intéressantes et auraient mérités une plus vaste analyse : la place des femmes, l'infantilisation de la population, la sur-consommation etc… Mais malheureusement, son propos reste toujours en surface et ne s'encombre pas de décryptage plus profond. Son texte reste finalement assez factuel et ne fait que relater une expérience purement personnelle qui, son manque de sociabilisation aidant et une certaine forme de complaisance vis à vis de sa situation de solitaire, peine à s'éloigner du moi de l'auteur, au risque de caricaturer à son tour. Je donnerais juste un exemple : Agathe insiste sur le fait que les japonais ne reçoivent pas les gens, qui plus est les gaijins, chez eux. Avec mes 3 petites semaines au Japon, je peux déjà la contredire. J'ai été invité avec mon compagnon à dîner dans une famille japonaise que je ne connaissais pourtant pas ! Nous ne connaissions pas non plus leur fils, étudiant actuellement en France, mais que nous avons rencontrés pour la première fois quelques jours avant cette invitation. Comme quoi les clichés ont la vie dure et que, même en voulant les détricoter, l'auteur en crée de nouveaux. Peut-être que l'auteur s'enferme sans le vouloir dans un statut stéréotypé inverse ?
Pourquoi Tokyo ? n'est pas tout à fait un mauvais livre mais tout dépend de ce qu'on y attend. Les connaisseurs du Japon n'y apprendront rien, les rêveurs comprendront enfin qu'il ne sert à rien de fantasmer ce pays, les amateurs de récit de voyage seront déçus (pas un mot sur l'aspect touristique du pays, ses paysages, ses bâtiments, etc), seuls les curieux seront certainement très étonnés des coulisses de la culture japonaise. le livre souffre de sa mise en forme qui aurait mérité d'être mieux travaillé pour former un ensemble plus cohérent de celles de « vulgaires » chroniques internet recopiées et il aurait été appréciable que l'auteur approfondisse et nuance ses réflexions trop factuelles à mon goût.
A vous de vous faire votre propre opinion !
Lien :
http://grenieralivres.fr/201..